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Avant de lire les notes que je fais sur les films que je vois et les bd que je lis, sachez que dans mes commentaires il m'arrive parfois de dévoiler les histoires et les intrigues. Ceci dit pour les comics, je n'en parle que quelques mois après leur publication, ce qui laisse le temps de les lire avant de lire mes chroniques.
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10 juillet 2020 5 10 /07 /juillet /2020 15:33

Bienvenue dans la Fosse.

 

La Fosse ? c’est une prison verticale, accueillant deux prisonniers par niveau qui partagent une même cellule. Au centre des cellules, un large espace vide qui permet la descente (et la remontée à grande vitesse !) d’une plateforme sur laquelle chaque jour est entreposée la nourriture qui passe ainsi d’étage en étage, du haut vers le bas. La règle est simple : quand la plateforme s’arrête à votre étage, pour un temps très limité, vous pouvez manger ce que bon vous semble, mais vous ne pouvez rien garder avec vous pour le manger plus tard, la sanction est immédiate et mortelle le cas échéant. Puis la plateforme continue sa descente et c’est au tour des prisonniers de l’étage inférieur de se nourrir. Chaque mois, les duos de prisonniers (qui peuvent être mixtes, il n’y a pas de distinction hommes / femmes dans la Fosse) sont aléatoirement déplacés à un nouvel étage. S’il s’agit d’un étage supérieur tant mieux, on a accès à plus de nourriture. Si on descend dans les étages inférieurs (et ils sont plus nombreux que vous le pensez), on devra se contenter de ce que ceux qui sont mieux lotis auront bien voulu laisser. S’ils laissent quelque chose…

 

Au début du film, on suit Goreng (Iván Massagué) qui se réveille pour son premier jour dans la prison, dans une cellule qu’il partage avec Trimagasi (Zorion Eguileor), qui est là depuis un moment et n’en a plus que pour quelques mois avant de terminer de purger sa peine. C’est lui qui va sommairement l’informer des règles du lieu, mais c’est avec le temps que Goreng va comprendre tout ce que cela implique humainement…

Goreng n'a pas encore compris qu'il ne faut pas perdre de temps quand la plateforme est à leur étage...

The Platform est un film espagnol de 2019 qui a fait forte impression dans les festivals par lesquels il est passé, en particulier au Festival de Toronto. Et pour cause : il allie une idée de départ fort simple, un décor et des moyens minimalistes, et une symbolique qui invite à réfléchir non seulement sur la nature humaine mais également sur l’organisation hiérarchique de nos sociétés civilisées. Au visionnage, le film mis en scène par Galder Gatzelu-Urrutia (un parfait inconnu pour moi) m’a fait évidemment beaucoup penser au fabuleux Cube de Vincenzo Natali (qui est sorti en salles en 1999 !! Ça ne me rajeunit pas…) pour son côté « un maximum d’effet avec un minimum de moyens » qu’on retrouve dans les décors et le concept de base. Comme son aîné canadien, le film espagnol qui semble faire de son décor la star de l’histoire, met en réalité en avant ses protagonistes, leurs réactions, leurs peurs, leur réflexion, leurs limites. C’est surtout et avant tout (selon moi) un film sur l’humain, sur sa nature profonde, et sur sa tendance naturelle à l’égoïsme alors même que l’altruisme serait la solution la mieux adaptée à la survie de tous.

En reprendre ou en laisser pour les suivants ?

Car il apparaît assez rapidement que si pour Goreng la solution pour survivre à cet enfer est de se rationner et de faire en sorte que tout le monde, même ceux situés aux plus bas des étages, aient un minimum de nourriture, pour la grande majorité des autres détenus la solution est toute autre : manger autant que possible quand ils en ont l’occasion, en prévision de temps à venir plus durs, ou pour compenser les manques qu’ils ont subis auparavant. Sans se soucier le moins du monde de ceux qui passeront après eux. Or, la solution de l’altruisme nécessiterait pour réussir, que chacun suive la même logique et s’impose les mêmes règles…

En ce sens, The Platform dépasse largement le cadre du petit film à sensation, la série B à connotation fantastique ou le prototype de film d’horreur atypique (pour ses quelques passages un peu gores, bien que selon moi ils ne soient pas du tout l’aspect principal du film, The Platform est catégorisé comme film d’horreur et de science-fiction). On peut vraiment regarder The Platform comme un constat assez terrifiant sur la nature humaine, mais aussi comme une saine et implacable critique, j’irais même jusqu’à dire une satire de la société moderne organisée en classes telle qu’on la connaît. Le film pose la question de façon assez brutale dans sa façon de la mettre en images : comment peut-on vivre en communauté tout en étant profondément individualistes ? Comment faire en sorte que chacun accepte des sacrifices personnels pour le bien de tous ? Et dès lors que se passe-t-il quand certains ne jouent pas le jeu ? Peut-on obliger autrui à être altruiste ? Jusqu’où est-on prêt à aller dans ses actes et contre sa morale pour survivre ?

Dans une prison, est-il bien raisonnable de vouloir aider les autres ?

The Platform pose toutes ces questions, et apporte un certain nombre de pistes pour y répondre, mais se garde bien d’être trop définitif dans son propos. C’est du reste aussi ce qui fait sa force : à vous de vous positionner, à vous de faire évoluer votre réflexion sur un cas non pas théorique (car en théorie tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil n’est-ce pas ?) mais très pratique et terre-à-terre. Pour cela, le film a un impact très puissant sur le spectateur, et je doute qu’il en laisse beaucoup indifférents.

Trimagasi ne se pose aucune question, sa priorité c'est sa survie !

Malgré la qualité générale du film et l’effet choc qu’il provoque au premier visionnage, j’ai toutefois deux ou trois bémols à apporter. Rien de bien méchant, mais des choses qui m’ont fait tiquer.

 

D’abord d’un point de vue purement fonctionnel, si visuellement l’effet est réussi, j’ai été gêné par le fait que la plateforme s’abaisse et se lève sans le moindre mécanisme physique. Il n’y a pas d’axe, pas de support, pas de câbles, rien. Juste cette énorme plateforme (qui a l’air d’être en pierre ou en béton peut-être) rectangulaire d’une belle épaisseur qui se déplace comme un monte-charge en sustentation dans l’air. Par quelle magie se meut-elle on ne saura pas, ça ajoute à la touche « fantastique » du film, mais je n’ai pas pu m’empêcher de le noter. Ensuite il y a quelque chose qui m’a manqué, c’est le sens de cette prison. Vraiment, le pourquoi reste une énigme, et le film ne dévoile rien là-dessus. Ni même sur les raisons de la présence de Goreng, tout juste apprend-on qu’il a été volontaire pour son séjour dans la Fosse, en échange de certains « certificats » pas plus explicités que ça. Un moyen de s’élever socialement ? Pour son codétenu au moins les choses sont claires, il est là pour meurtre… Au cours du film un autre personnage apparaît, Imoguiri (Antonia San Juan), elle aussi volontaire pour intégrer la structure pénitentiaire, sans qu’on comprenne non plus ses motivations profondes. Dommage. Enfin, la partie qui concerne une autre détenue, Miharu (Alexandra Masangkay) à la recherche de son fils m’a paru vraiment confuse, nébuleuse. On ne sait pas quoi en croire ni quoi en penser, et on n’a pas vraiment le fin mot de l’histoire à la fin du film.

À la surface, une équipe de cuisiniers s'affaire à remplir la plateforme de victuailles...

Une fin d’ailleurs ouverte, à la conclusion très symbolique, presque onirique, mais qui risque de ne pas plaire à celles et ceux qui aiment que tout soit expliqué clairement. Une fin qu’on peut là encore rapprocher d’une certaine manière de celle du film Cube, dont je parlais plus tôt comme d’une référence forte du film. Une fin en forme de points de suspension…

 

Mais si j’ai mentionné ces quelques bémols je ne voudrais surtout pas que vous ne reteniez que cela du film. Au contraire, ils sont secondaires par rapport à la puissance évocatrice de ce long métrage. Depuis son concept d’une simplicité aussi nue que barrée, jusqu’à sa mise en image à l’ambiance très travaillée, en passant par l’interprétation tout en implication des différents comédiens (dont les visages m’étaient quasiment inconnus, ce qui est un avantage pour ce genre de petits films qui propose une immersion totale dans son univers : on ne peut pas se raccrocher en tant que spectateur à un comédien connu, on est dès lors complètement sans a priori sur les personnages qu’on découvre), tout dans ce long métrage est fait pour captiver l’attention du spectateur, pour le faire réagir et réfléchir.

Quand on a la chance d'être à un des étages supérieurs, on n'a que l'embarras du choix...

Ça faisait longtemps que je n’avais pas été aussi surpris positivement par un film sorti de nulle part, et l’une de ses qualités est à mon avis qu’il donne l’envie d’en reparler par la suite, de partager ses sentiments à son égard, de la façon dont on l’a reçu en tant que spectateur. Et ça, à mon sens, c’est la marque d’un film réussi. Je vous conseille donc sans retenue, de descendre dans la Fosse. Enfin… si vous l’osez !

L'affiche du film

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18 juin 2020 4 18 /06 /juin /2020 06:11

Aujourd'hui j'ai envie de vous parler d'un album coup de cœur, un album de bande dessinée qui est consacré à un acteur de légende, à l'un des plus charismatiques comédiens du cinéma français de tous les temps : Lino Ventura. Amusant d'ailleurs de noter qu'il était de nationalité italienne. Le destin avait certainement décidé dès sa naissance que c'est en France qu'il connaîtrait ses plus grands succès et bâtirait l'essentiel de sa carrière, puisque c'est un 14 juillet qu'il est né, en 1919, à Parme.

 

Je conçois que les jeunes générations n'ont pas beaucoup de souvenirs de cet acteur pourtant incontournable (il est mort en 1987), et je constate par la même occasion qu'il devient chaque jour plus évident que je me fais vieux. Car Lino Ventura, pour moi, c'est tout sauf un inconnu, et il fait partie de mon héritage culturel, du paysage cinématographique de mon enfance. À mes yeux il a toujours eu une image multiple. Celle d'un colosse d'abord, de par sa carrure et son physique de déménageur. Mais aussi celle de l'incarnation de la classe et de la dignité absolues, du type en costard toujours impeccablement mis, toujours impeccablement rasé et coiffé, un type aussi intimidant que réservé. Un type à la posture incroyablement droite, presque toujours une cigarette à la main, à la parole rare, sobre et toujours juste. Un homme, un vrai, à l'ancienne.

Une page qui dit tout, selon moi, sur l'homme Lino Ventura...

Eh bien c'est très exactement comme cela que je l'ai retrouvé dans cette BD qui réussit à le faire revivre d'une façon tellement précise, tellement juste, qu'on a presque l'impression de le voir bouger et parler en vrai. Cet exploit, car c'en est un de premier ordre, c'est le résultat de la convergence d'un scénario aux petits oignons de la part d'Arnaud Le Gouëfflec et du trait épatant de précision et de simplicité de Stéphane Oiry, qui a su capter et retranscrire des positions, des attitudes et des regards criants de vérité en autant d'instantanés iconiques de la légende Lino. Pour décrire ce moment de lecture qu'est Lino Ventura et l’œil de verre c'est bien simple : autant dans les mots que par l'image, tout ce qui fait l'essence même de Lino Ventura était là, devant mes yeux, sur papier.

Pas facile de résumer Lino...

Le prétexte de l'album est basique : Merlin, un journaliste aussi gauche que perspicace procède à l'interview (fictive) de l'acteur vieillissant et retrace avec lui aussi bien sa carrière que des éléments de sa vie personnelle. Ce qui n'est pas chose aisée tant Lino n'est pas du genre à s'épancher sur sa vie privée ou ses sentiments. C'est un taiseux doublé d'un modeste, et rien ne lui convient mieux comme qualités que la discrétion et l'humilité. Pour en faire un portrait fidèle, il faut lui arracher des confidences et accepter ses silences comme autant d'informations à part entière et qui dessinent en creux le bonhomme. C'est ainsi qu'il parle très peu de son enfance, de son père, de la guerre, de ses enfants, des femmes. Mais ce qu'il en dit, comme ce qu'il n'en dit pas, prend d'autant plus de force, d'importance, de sens.

Avant de briller sur l'écran, Lino Ventura a brillé sur les rings !

J'ai découvert ainsi toute une série d'anecdotes (il était le premier choix, avant Gérard Depardieu, pour incarner Campana en duo avec Pierre Richard dans La Chèvre, rôle qu'il refusa), j'ai mieux compris son rapport au cinéma et sa manière d'envisager un rôle et de gérer sa carrière (à l'ancienne là encore : il n'avait pas d'agent et faisait ses choix en libre conscience selon des critères très précis), j'ai appris toute une série de détails sur l'homme au-delà du comédien. L'évocation de sa carrière de lutteur puis de catcheur professionnel avant de devenir acteur m'a rappelé mes grands-parents qui me racontaient leur plaisir d'avoir pu voir des matchs de catch de Lino Ventura à Mulhouse ! Si j'avais une DeLorean à portée de main je n'hésiterais pas une seconde pour les y accompagner, ça devait être génial...

 

Bref, j'ai passé vraiment un moment de lecture passionnant avec cet album de BD qui m'aura remémoré et appris tant de choses sur une figure incontournable du cinéma. Évidemment ça m'a aussi furieusement donné envie de revoir certains de ses films...

Je ne peux donc, vous l'aurez compris, que vous conseiller la lecture de cette excellente BD !!

Lino Ventura et l'oeil de verre, d'Arnaud Le Gouëfflec et Stéphane Oiry

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11 juin 2020 4 11 /06 /juin /2020 14:37

Premier long métrage réalisé par Franchin Don, Vous êtes jeunes vous êtes beaux ne passe pas inaperçu, ni sur sa forme ni sur son fond. Adapté du court roman de Tarik Noui, le film propose un regard inédit sur les seniors, cru et sans concession, plutôt sombre et assez désespéré.

 

Le personnage principal, Lucius Marnant (Gérard Darmon) a 73 ans, il vit seul et très modestement, tout en restant un homme droit et digne. On imagine assez bien le poids de son histoire personnelle qui pèse sur ses épaules, sans que son passé soit abordé on le sent lourd. Lucius est un homme solitaire, un taiseux, un introverti. D’aucuns diraient peut-être un résigné qui se sent arriver au bout du chemin. La seule personne dont il se sent proche est Mona (Josiane Balasko), une femme avec laquelle il aime à partager les bons moments mais surtout pas la triste monotonie du quotidien. Il rencontre un jour Lahire (Vincent Winterhalter) qui lui propose de participer à des combats clandestins, des « combats de vieux » en échange d’argent. Lucius se sait malade et condamné à moyenne échéance, il accepte donc l’offre dans l’idée de s’assurer les moyens de finir ses jours sans problème d’argent.

Lucius rencontre Lahire, son existence est sur le point de basculer...

Ce qui frappe en premier lieu dans ce film, c’est le ton général, extrêmement sombre, froid, presque clinique. Il n’y a pas de tape-à-l’oeil, pas de chichi, pas de fioriture. Les choses sont montrées crûment, les perspectives des personnages ne sont guère reluisantes, et la violence de leur environnement est dépeinte frontalement. Pas tant visuellement que moralement d’ailleurs. J’ai été étonné par exemple que le film ne se concentre pas du tout sur les scènes de combats entre vieillards, ce qui pourtant aurait pu donner lieu à des scènes inédites et promptes à éveiller la curiosité malsaine, pour ne pas dire une part de voyeurisme chez le spectateur. C’était l’occasion de choquer et de marquer visuellement. Pourtant Franchin Don a pris le parti de s’éviter cette obscénité en traitant ces scènes-là d’une manière humble et sobre, il n’en fait pas du tout le centre de son récit ni des passages de bastons sanglantes. On n’est pas dans Fight Club, on ne regarde pas un Rocky. Pourtant les combats conservent leur force narrative et visuelle, pas tant dans leur déroulement, leur chorégraphies martiales ou de quelconques prouesses physiques, mais plutôt dans ce qu’ils dégagent symboliquement. Par cette arène improvisée au sous-sol d’une boîte de nuit, par cette proximité avec un public de jeunes gens venus s’amuser à voir des vieux se battre, mais surtout par les corps vieillissants soumis à l’œil de la caméra et du spectateur. Ces corps fatigués, décrépits, aux muscles fondus, aux peaux distendues, soulignés par les monologues assassins du monsieur loyal qui introduit chaque combat (Denis Lavant). Le choc, l’image marquante, elle est là, bien plus que dans un uppercut esthétisé ou dans une prise d’art martial au ralenti. Cette image de la vieillesse donnée en spectacle pour ce qu’elle est, la perte progressive de tout ce que ces hommes ont été et qu’ils ne sont plus : jeunes, beaux, virils, forts. Leur reste la dignité et le courage comme derniers vestiges de leur passé révolu, et c’est ce qu’ils mettent en jeu lors de ces combats clandestins. C’est ce dont les vautours voyeurs veulent se délecter et ce pour quoi ils acclament ces gladiateurs hors d’âge.

Jeune et beau ? Plutôt digne et courageux.

J’ai été impressionné par la façon dont ces combattants, et à travers eux leurs interprètes, donnent à voir sans fard leurs corps soumis aux affres du temps. Qu’il s’agisse de Lucius, d’Aldo (Patrick Bouchitey) ou de chaque combattant qu’on aperçoit dans le film, il y a un courage énorme dans le simple fait de se présenter ainsi au regard impitoyable des autres, sans même parler de celui qu’il leur faut pour se soumettre aux risques accrus par leur âge et leur condition physique. J’ai particulièrement apprécié que le réalisateur n’en fasse pas des images racoleuses et multiplie ce faisant leur impact symbolique autant que visuel.

Aldo a décidé de ne pas vieillir !

D’ailleurs sur le plan de l’image, on sent une véritable maîtrise du metteur en scène, de la photographie à la lumière, du cadrage à la gestion des couleurs et des tons des décors, des mouvements des caméras au montage, tout est mis en œuvre pour obtenir des images puissantes et qui parlent d’elles-mêmes. Pour Franchin Don chaque image a du sens, et cela se ressent viscéralement. Ne serait-ce que par les fréquents regards-caméra que lance Gérard Darmon tout au long du film, procédé qui pourrait s’avérer lourd ou trop répétitif dans un autre contexte, mais qui trouve ici une vraie légitimité et participe au message véhiculé par le film.

Un Monsieur Loyal des plus glaçants...

Alors certes, qu’il s’agisse du propos du film ou de la vision de la vieillesse qu’il livre, on pourrait lui reprocher un pessimisme exacerbé, une noirceur, une tristesse, un désespoir omniprésents. Oui c’est vrai, Vous êtes jeunes vous êtes beaux n’est pas le candidat idéal pour vous remonter le moral si vous cherchez de quoi vous changer les idées. Sans même parler du cynisme de ces combats entre vieux érigés en spectacle pour jeunes et riches dépravés, il y a aussi ces passages tournés en Ehpad, qui montrent le quotidien de nos anciens sous un jour triste et morne, quand l’esprit suit lentement le chemin de décrépitude souvent déjà bien entamé par le corps… Cela donne un impact indéniable au film car cela nous met en face de l’image qu’on a des vieux, mais au-delà même le film agit comme un miroir dans lequel on ne peut s’empêcher de nous projeter nous-mêmes à leur âge.

Mona et Lucius se soutiennent l'un l'autre.

On ne peut que constater que les hommes et les femmes, passé un certain âge, deviennent une entité étrangère à la société, quasi-interchangeables, anonymisés, déshumanisés. Le sentiment principal qui ressort de Vous êtes jeunes vous êtes beaux, c’est la sensation de solitude très forte qui entoure les vieux. Mais aussi en contrepoint de cela, la flamme, l’envie qui subsiste en eux, leur besoin de s’affirmer comme quelqu’un d’encore vivant. Ou plus exactement de « pas encore mort ». C’est très frappant et tout particulièrement représenté par le personnage d’Aldo, interprété par un Patrick Bouchitey qui ne s’interdit rien, sauf d’avoir l’âge de ses artères. Mais si Bouchitey fait son show et surprend dans un rôle où on ne l’attendait pas, c’est clairement Gérard Darmon qui attire tous les regards sur lui. Il bouffe littéralement l’écran par sa simple présence, par son simple silence. Josiane Balasko n’est pas en reste non plus, et montre un jeu subtil, loin des extravagances qu’on a pu lui connaître. Darmon et elle forment un couple touchant, bien qu’imparfait. Il n’y a aucun doute là-dessus : si le réalisateur démontre sa maîtrise tout le long du métrage, l’ensemble du casting fait preuve d’un talent indiscutable. Tout le monde est à sa place, rien ne paraît dissonant, et cette apparente normalité tranche tellement avec l’incongruité de la situation de ces combats impensables, que l’effet sur le spectateur s’en trouve décuplé.

Aldo fait le show !

Alors non Vous êtes jeunes vous êtes beaux n’est pas un film facile, ni à regarder ni à aimer, mais c’est un film fascinant aussi bien pour ce qu’il dégage que pour ce à quoi il nous invite à réfléchir. Quand on se rappelle que c’est là un premier film, on a tendance à être très optimiste quant à la suite de la carrière de son réalisateur.

L'affiche du film

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29 février 2020 6 29 /02 /février /2020 08:16

Il y a les films qui misent tout sur l’action, d’autres sur l’ambiance, d’autres encore sur de belles histoires et les émotions qu’elles procurent. Et puis il y a les films qui mettent d’abord en avant leurs personnages. Lucky est de ceux-là. Lucky c’est Harry Dean Stanton. L’acteur américain a une filmographie longue comme le bras, ayant commencé à tourner dans les années 1950. Et s’il cumule de très nombreux seconds rôles, il peut se targuer d’avoir tourné pour les meilleurs réalisateurs. Jugez plutôt : Sam Peckinpah, John Milius, Francis Ford Coppola, Ridley Scott, John Huston, John Carpenter, Robert Altman, Bertrand Tavernier, Martin Scorsese, David Lynch, Frank Darabont… excusez du peu ! C’est Wim Wenders qui lui apporte son heure de gloire quand il lui confie en 1984 le rôle principal de son film Paris, Texas, Palme d’or au Festival de Cannes.

Un café, des mots croisés, l'esprit vif : Lucky.

Largement inspiré d’éléments biographiques de la vie de Harry Dean Stanton, ainsi que de sa personnalité, le film nous propose de suivre le quotidien immuable de Lucky, un vieil homme de 90 ans, qui vit seul dans une bicoque isolée, dans une petite ville perdue au milieu d’un désert indéterminé, quelque part au fin fond des States. Chaque matin au réveil c’est un verre de lait, la toilette et des mouvements de gymnastique avant de partir à pied prendre son café au diner où il a ses habitudes. C’est là qu’il fait ses mots croisés tout en jouant le faux misanthrope. Puis vient l’heure de passer à l’épicerie se ravitailler en cigarettes et en lait, et échanger au passage quelques mots en espagnol avec l’épicière. Le soir, après les jeux télévisés façon Questions pour un champion, il rejoint les habitués du bar local pour y siroter son Bloody Mary en compagnie d’Howard (David Lynch), son ami. Chaque jour suit cette trame, réglé comme une horloge.

Lucky et Howard : où est passé Président Roosevelt ?

Alors quand Président Roosevelt, la tortue terrestre* d’Howard se fait la malle, laissant son propriétaire inconsolable, cela suffit à créer l’événement dans l’existence figée de Lucky. Ah, il y a aussi ce matin où pris d’un malaise, Lucky s’effondre dans sa cuisine… Le temps passe et le corps vieillit, mais l’esprit de Lucky reste vif. Clair. Il n’est pas du genre à apprécier les discussions oiseuses autour des banalités sur le temps qu’il fait, mais préfère philosopher sur le sens de la vie, ou se remémorer de vieux souvenirs marquants, qui de sa jeunesse dans le Kentucky, qui de son engagement dans la Marine pendant la seconde guerre mondiale dans le Pacifique, à chercher des réponses au grand vide qu’il suspecte après la mort.

Lucky a peur de la mort...

Lucky n’est pas religieux, il ne croit pas en l’âme. L’heure de tirer sa révérence approche et il le sait, mais Lucky n’en a pas fini avec la vie ! Et du haut de ses 90 ans passés, alors que son médecin lui affirme qu’il a une santé de fer et hors norme pour une personne de son âge, Lucky ne peut s’empêcher d’avoir peur. Peur de cesser d’exister. Quand on le questionne sur le comportement à avoir devant une existence qui n’a ni sens ni but, sa réponse est cependant évidente et lumineuse : « You smile »...

« You smile »

Dernier film de Harry Dean Stanton (le film est sorti en mars 2017, l’acteur est décédé en septembre 2017), le premier long métrage de John Carroll Lynch (aucun rapport avec David) devient de fait un film-testament. Un film hommage également, puisqu’à travers son personnage, il est entièrement centré sur son interprète. Ayant toujours apporté une touche de réalisme puissant de par son jeu dans tous les films auxquels il aura participé, l’effet est encore décuplé dans Lucky où l’on ne fait plus vraiment la différence entre le héros et le comédien.

Lucky est Harry et Harry est Lucky.

Lucky et sa routine du matin

D’ailleurs ce surnom de Lucky, c’est celui qu’on lui avait donné pendant la guerre de 39-45, parce que son poste de cuistot dans la Navy lui permettait de rester en partie à l’abri des combats. C’est une anecdote qu’il insère dans le film, lors d’une discussion entre vétérans, avec Fred (Tom Skerritt). C’est ainsi l’occasion de voir réunis à l’écran près de 40 ans plus tard, deux des acteurs d’Alien, le huitième passager** de Ridley Scott.

Lucky / Harry et Fred / Tom Skerritt, entre vétérans (de la guerre et du Nostromo)

Lucky fait également preuve de son goût pour la musique en chantant avec un groupe de mariachis, et en jouant quelques notes en solitaire avec son harmonica. Référence au passé de musicien country de Harry (il a joué avec Bob Dylan, Art Garfunkel ou Kris Kristofferson). Et cette phrase lancée par Lucky comme une private joke chaque matin au patron du diner, « You are nothing », était une phrase que Harry affectionnait tout particulièrement.

Oui, Harry est Lucky, et Lucky est Harry. Définitivement.

Lucky / Harry et les mariachis, entre musiciens.

Le film prend donc ainsi l’aspect d’un adieu poignant au comédien. Car s’il ne se passe pas grand-chose dans ce film, on y parle pourtant de l’essentiel. De la vie. Du sens de l’existence. Des souvenirs et de l’oubli. Tout comme son interprète, Lucky fait preuve d’une touchante et sincère humanité. Tout comme son personnage, Harry fait montre d’une force et d’une sérénité limpides malgré la peur de la mort. Il n’y a rien de palpitant dans ce film, si ce n’est le cœur vaillant et les yeux brillants d’Harry Dean Stanton. Et il n’en faut pas plus pour faire de Lucky une belle expérience de cinéma.

* J’ai appris grâce à ce film la distinction faite en anglais entre « turtle » qui désigne les tortues marines et « tortoise » qui désigne les tortues terrestres !!

 

** À propos de clin d’œil au film Alien, c’est Harry Dean Stanton qu’on voit en gardien éberlué dans Avengers, qui voit un Hulk tomber du ciel et s’écraser sur son entrepôt avant de demander à Mark Ruffalo « Are you an Alien ?»

L'affiche du film

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16 janvier 2020 4 16 /01 /janvier /2020 07:54

 

La période se prête à l’exercice, aussi vais-je me lancer dans un modeste bilan de l’année 2019 passée. L’occasion de faire un petit point sur ce qui mérite d’être retenu selon moi.

 

Je vais faire ça par domaine, histoire de ne pas partir dans tous les sens n’importe comment. En revanche j’ai dû me contraindre à ne garder que 5 sélections par thème, sinon je partais une fois de plus pour des articles à rallonge dont j’ai le secret et qui m’assureraient de décourager même mes plus opiniâtres lecteurs avant la fin. Déjà comme ça, ça va être long… Parce que mine de rien, pour les séries ou les albums musicaux, me limiter à seulement 5 items a été une véritable gageure, et ne s’est pas fait sans douleur. Il a fallu que je taille dans le vif, et que j’élimine des œuvres ou des artistes pourtant essentiels à mes yeux…

 

Bon allez, commençons doucement par les films que j’ai pu voir en 2019. Je dis « commencer doucement » car cette année je suis très peu allé au cinéma (par rapport à mes habitudes passées) et que finalement je n’ai pas vu tant de choses à ce point indispensables que cela. Donc la sélection a été moins compliquée à faire…

Movies

Tout d’abord l’un des films les plus intrigants et inattendus qui avaient été annoncés pour 2019 : Le Joker. Intrigant parce qu’a priori déconnecté du reste de l’univers cinématographique du DCverse, inattendu parce que mettant dans le rôle titre un acteur-phénomène : Joaquin Phoenix. Le résultat est bluffant, scotchant, ébouriffant.

Joker, le couronnement du roi Arthur !

Ensuite l’autre film, peut-être le plus attendu de tous par moi cette année, Avengers : Endgame qui apporte une conclusion à l’ensemble des films Marvel depuis le premier opus d’Iron Man et qui forment une continuité et un univers partagé comme jamais cela n’avait existé sur grand écran auparavant. Un film qui m’a dérouté au premier abord, que j’ai trouvé plein de bonnes idées comme de défauts, mais qui gagne en qualité à mes yeux à chaque fois que je le revois (et avec la passion de mes gamins pour les super-héros, je le revois régulièrement !!).

Vengeurs, rassemblement !

À propos de super-héros, le film que j’ai le plus apprécié cette année (je ne considère pas Joker comme un film de super-héros, je le précise) c’est le film d’animation Spider-Man : New Generation. En partie inspiré du story-arc « Spiderverse » des comics récents du tisseur, ce dessin-animé a tout pour lui : scénario malin, humour qui fait mouche, originalité, rythme parfait, bande son moderne et parfaitement adaptée… Bref, un animé qui a une vraie identité propre et qui sort très largement du lot.

Weeeeesh les gars...

D’ailleurs en parlant de dessin-animé à forte personnalité, l’autre gros morceau de l’année c’est Toy Story 4 : un must absolu pour les amateurs de films d’animations qui peuvent plaire autant aux petits qu’aux grands enfants (qu’on reste tous un peu dans l’âme, n’est-ce pas ?). C’est d’une classe folle, d’une intelligence et d’un recul sur soi rares, c’est drôle et triste à la fois, c’est beau, c’est la maîtrise à l’état pur.

Un dernier tour de piste pour Woody et ses amis ?

Et puis je n’ai pas pu bouder mon plaisir de voir la fin de la trilogie entamée en 2000 par M. Night Shyamalan avec Incassable : Glass qui vient clore son histoire de super-héros du monde réel, après que Split soit venu avec brio remettre une pièce dans la machine du réalisateur en 2016. Loin d’être un film parfait, Shyamalan parvient toutefois à en faire quelque chose d’abouti, de boucler la boucle sans se foirer dans la dernière ligne droite. Il n’a plus le feu sacré qu’il a eu dans Incassable, mais ça reste très largement au-dessus du tout-venant hollywoodien actuel.

David Dunn, Elijah Price et Kevin Crumb, ou quand les super-pouvoirs définissent leur propriétaire...

Lectures

Et sans transition aucune, après le cinéma je vous propose de parler un peu littérature. Cette année j’ai épinglé une vingtaine de bouquins à mon tableau, ce qui est un chiffre un peu en-deçà de ma moyenne habituelle. Pour une raison principale : il y a eu quelques « poids lourds » dans le tas ! Et pas des moindres, d’ailleurs commençons par l’un d’entre eux…

Le « Gros morceau » de l’année : Jérusalem d’Alan Moore est un pavé qui demande à la fois de la persévérance mais aussi de l’investissement de la part du lecteur. Pas ce que j’appellerais une lecture facile. En revanche, il s’agit bel et bien d’une lecture passionnante ! Impossible de faire un résumé ici, qui plus est en un simple petit paragraphe, tant l’œuvre est monumentale, tentaculaire et labyrinthique. Dans ce roman de 1280 pages, Alan Moore fait de sa ville natale, Northampton, le personnage principal d’une fresque impressionnante qui nous entraînera de l’an 810 jusqu’à la fin des temps, en aller-retours incessants entre passé, présent et futur… Chaque chapitre est une pièce d’un gigantesque puzzle que compose lentement et sous nos yeux le fabuleux raconteur d’histoires qu’est Moore. Voyage immobile, ce livre-somme est une expérience unique de lecture. Vous passerez par tous les genres, tous les temps, toutes les émotions. Alan Moore n’est pas facile à suivre dans ses délires, et il n’est pas du style à vous faciliter la tâche outre-mesure : lire du Alan Moore ça se mérite, mais quand on s’accroche et qu’on relève le défi, quelle récompense, quelle volupté, quel plaisir !!

J’y consacrerai un article plus détaillé et aussi complet que possible (et croyez-moi il y en a à dire sur ce bouquin!!), mais il n’est pas prévu pour tout de suite...

Alan Moore, l'auteur de Jérusalem

Chez Pierre Raufast aussi on va se retrouver en face d’une histoire où les destins s’entremêlent et où chaque détail compte, bien que l’écrivain joue de manière bien plus ramassée et brève avec ses personnages, très loin de l’œuvre protéiforme de Moore. Dans La Baleine Thébaïde, on retrouve avec plaisir l’univers de Pierre Raufast qui s’amuse lui aussi à créer une œuvre dans laquelle tous ses romans sont interconnectés sans que la lecture des précédents ne soit indispensable à la bonne compréhension de chaque nouveau livre, la superposition des titres amenant cependant une dimension de plaisir supplémentaire au lecteur qui se rend régulièrement compte des clins d’œil de l’auteur dont sont truffés, quasi subliminalement, ses romans. Blindé d’humour, mais aussi de sensibilité, Raufast sait mélanger pour le plus grand plaisir du lecteur comédie et gravité, sciences et fantaisie, le tout à travers une imagination débordante de créativité. Difficile de résumer le roman sans entrer dans les détails, sachez qu’il y sera entre autres question de la tristement solitaire baleine 52 (faites une recherche sur le net à son sujet : cette énigmatique baleine a bel et bien existé) autour de laquelle l’auteur va broder une intrigue aux multiples implications qui mènera le lecteur à travers le monde entier…

L’article où j’y reviens plus en détails est d’ores-et-déjà bouclé, en revanche il risque de vous falloir attendre un poil avant sa publication (tant d’autres livres à chroniquer auparavant…).

Pierre Raufast, l'auteur de La Baleine Thébaïde

Si Pierre Raufast nous fait voir du pays, Olivier Bonnard quant à lui nous propose de voyager dans le temps avec son roman Collector. Il y est question de collectionneurs de jouets à la recherche du Graal, une série de jouets légendaires, trois robots des années 1980, qui, lorsqu’on les assemble, auraient le curieux pouvoir de vous faire voyager dans le temps… C’est l’occasion de se replonger en même temps que le héros du roman dans le monde des dessins animés et jouets de notre enfance, de raviver des souvenirs qu’on a tous plus ou moins enfouis en nous, le temps d’une séquence nostalgie qui forcément nous parle d’autant mieux qu’on est de la génération de ceux qui sont nés dans les années 1970 et ont grandi avec la télévision allumée en permanence sur les émissions jeunesse animées par Dorothée, les aventures de Capitaine Flam ou d’Ulysse 31… Autant dire que moi je me suis retrouvé dans absolument tout ce que racontait Olivier Bonnard au cours de son roman !!! C’est un retour en enfance mais avec l’esprit d’un adulte qui a sanctuarisé ces années comme étant peut-être les plus belles car les plus insouciantes de sa vie. Insouciantes vraiment ? Pas si sûr que ça… À lire pour tous les nostalgiques de l’enfance et du temps heureux mais passé…

Bien entendu j’en ferai un article plus complet dans quelque temps (mois ? années ? allez savoir !).

Olivier Bonnard, l'auteur de Collector

Un retour dans les années 1980, en 1987 plus exactement, c’est également ce que propose Jason Rekulak dans son roman La Forteresse Impossible. Le jeune Billy vit dans une petite ville paumée du New Jersey, et avec ses potes il a deux passions : les jeux vidéos sur ordinateurs ou dans les salles d’arcades, et ce continent jusqu’ici inconnu pour eux : le corps des filles… C’est pourquoi une nouvelle va faire l’effet d’une bombe pour eux : Vanna White, l’animatrice ultra sexy de La Roue de la Fortune vient de poser nue pour le magazine Playboy. C’est dès lors une évidence pour eux : il leur faut se procurer un exemplaire du magazine pour adultes ! Plus facile à dire qu’à faire en ce temps où internet n’existe pas encore et où dans l’Amérique puritaine de Reagan, vendre un ouvrage érotique à des gamins est totalement inconcevable. Qu’à cela ne tienne, les compères ont un plan… Ici encore, la carte est à la nostalgie pour tous ceux qui, comme moi, ont vécu cette période au même âge que les héros de l’histoire. C’est à la fois référencé (on y parle beaucoup de jeux vidéos et de codes informatiques balbutiants, et je me revoyais sur mon Amstrad CPC 6128 en lisant l’histoire de Billy), drôle, tendre, rythmé, et on ne peut que se sentir en empathie avec le héros un brin poissard et incompris (comme tous les adolescents n’est-ce pas?).

J’en reparlerai plus en détail dans ce blog, pour ceux qui sauront être trèèèèès patients...

Jason Rekulak, l'auteur La Forteresse Impossible

Les balbutiements de l’informatique accessible à tous, je les ai vécus étant gamin, les miens quant à eux vivent baignés dans un univers digital et numérique envahissant, depuis leur naissance. C’est ce dont nous parle le scientifique Michel Desmurget dans son livre choc, La Fabrique du Crétin Digital, qui dénonce tous les méfaits des écrans sur nos têtes blondes, ici et maintenant. Et le moins qu’on puisse dire c’est que pour le coup, ça ne prête pas du tout à rire. C’est même plutôt affligeant, voire dramatique dès lors qu’on se plonge dans la liste quasi infinie des influences négatives des dérives du tout numérique sur la santé de nos enfants. Plus qu’un constat très inquiétant, études ultra documentées à l’appui, ce livre est un cri d’alerte à tous les parents et à tous les dirigeants qui sont censés faire au mieux pour les nouvelles et futures générations. Une lecture qui bouscule, qui déprime mais qui s’avère indispensable si on a un tant soit peu le sens des responsabilités et qu’on refuse de faire de nos enfants des crétins digitaux, au sens strict du terme. Un bouquin qui met des mots clairs et précis sur les craintes que ces dérives m’ont toujours instinctivement inspirées, les légitimant complètement au passage. À lire pour soi et pour nos enfants, avant de pouvoir faire valoir notre droit à choisir de céder ou non à la modernisation via le « tout écran » à marche forcée. Juste pour ne plus pouvoir dire « on ne savait pas ».

J’en ai parlé ici il y a peu de temps.

Michel Desmurget, l'auteur de La Fabrique du Crétin Digital

Voilà ma sélection de l’année pour ce qui est du grand écran et de la littérature, la suite au prochain épisode… Et si vous avez des conseils ou coups de cœur à partager, n’hésitez pas à m’en parler en commentaire !

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5 décembre 2019 4 05 /12 /décembre /2019 08:35

Jeudi 28 octobre, est sorti dans une poignée de salles de cinéma à travers la France, un film à séance unique : Western Stars de Bruce Springsteen et Thom Zimny 1.

 

Comme tout un aréopage de fans du working class hero, j’étais évidemment au rendez-vous, puisque ô miracle, le Kinépolis de Mulhouse avait programmé le film.

 

Western Stars est le pendant cinématographique du 19ème album (du même nom) du Boss, sorti en juin 2019. C’est aussi aux yeux de Springsteen la dernière partie de la trilogie autobiographique du chanteur, composée de ses mémoires parues en 2016 (Born to Run, dont je parlerai ici un jour promis, puisque je l’ai lu et déjà chroniqué pour une future publication sur le blog…) et de son show intimiste à Broadway où il était seul sur scène. Pour les fans on peut également considérer le film comme un agréable palliatif à l’absence de tournée suite à l’album Western Stars 2.

De la guitare, des violons, une grange.

Car Western Stars c’est avant tout un concert filmé, durant lequel le Boss chante l’intégralité de l’album éponyme, en respectant l’ordre exact des chansons telles qu’elles s’enchaînent sur le disque. Mais c’est plus qu’un concert filmé, c’est aussi une forme de documentaire sur le chanteur, sur les pensées profondes qui le hantent depuis toujours et de plus en plus avec l’âge. Au cours du film, chaque chanson est introduite par de petites scènes iconiques, où le chanteur apparaît et s’interroge en voix off sur le conflit existentiel qui l’a de tout temps animé : le conflit entre liberté individuelle et vie en communauté auprès de ceux qu’il aime. Il a à ce sujet plusieurs réflexions qui peuvent paraître peut-être un peu sombres, voire cryptiques pour qui n’a pas lu son autobiographie dans laquelle il développe beaucoup plus ses pensées et les conclusions qu’il a tirées de sa maintenant longue expérience. « Il est facile de se perdre. Ou de ne jamais se trouver. Je sais bien écrire sur le fait d’être perdu. » lance-t-il entre deux morceaux, au volant de son vieux quatre-quatre en plein milieu du désert californien. « Plus vous vieillissez, plus les bagages du passé s’alourdissent », c’est une idée qui est déjà très présente dans son livre et qu’il répète aussi au cours du film.

Se retourner sur son passé mais aller de l'avant...

La partie musicale, qui est aussi en durée la plus longue du film, est filmée dans un endroit assez incroyable : une vieille et immense grange, plus que centenaire, sur la propriété du chanteur. Elle donne un cachet d’authenticité à la musique qui mêle à la perfection le groupe restreint de musiciens habituels autour du Boss, la trentaine de musiciens d’un orchestre symphonique qui l’accompagne et le style de pure Americana qui compose les morceaux de l’album Western Stars. C’est ainsi que devant un public d’amis et d’invités, le chanteur du New Jersey égrène les treize chansons de l’album avant de terminer sur la plus classique Rhinestone Cowboy composée par Larry Weiss et popularisée par Glen Campbell dans les années 1970. L’endroit magnifie les chansons qui s’inscrivent entre la folk contemporaine et le classique instantané…

La musique au centre de tout.

L’effet de proximité et d’intimité est encore accru, lorsque se mêlent au documentaire et à la musique quelques images d’archives privées de Bruce enfant, de sa famille, de son voyage de noces, de sa vie de couple avec Patti Scialfa, son épouse depuis près de trente ans. Elle est d’ailleurs là, à ses côtés durant tout le concert, chantant tantôt avec les chœurs, tantôt en duo avec Springsteen. L’alchimie entre les deux est palpable, dans les mots comme dans les regards.

Patti et Bruce, duo à la ville et sur scène...

La partie documentaire faite de courts métrages où l’on voit errer dans un paysage de Far West le leader du E Street Band, est quant à elle vraiment paradoxale. Springsteen y apparaît comme à la fois le cliché absolu de l’Amérique rêvée comme dans les films, et pourtant il a l’air d’être totalement au naturel, noyé dans un paysage désertique de sable et de cactus, au volant d’un vieux pick-up, avec en fond des chevaux sauvages au galop et des plans qui pourraient être tout droit sortis de vieux classiques américains. Avec sa gueule de pistolero échappé d’un film de John Ford, mixe de la mâchoire d’un Clint Eastwood et de la voix d’italien éraillée d’un Marlon Brando dans le Parrain, le Boss apparaît en vieux jean usé, chapeau de cowboy vissé sur la tête. On est en plein Western, John Wayne pourrait débouler et commander un whisky au bar que ça continuerait à paraître normal à tout le monde. Charles Bronson pourrait jouer de l’harmonica en arrière plan que ça paraîtrait évident. On est pendant tout le film dans une ambiance de rêve, d’absolu américain, on nage en plein cliché et parfois on déborde en plein kitsch, et pourtant : rien n’est choquant, tout passe, on se prend juste la force des images en pleine poire et on n’a rien à redire.

Un cheval, des étendues infinies : un symbole de la liberté pour le Boss.

Si tout paraît comme dans un conte moderne à l’écran, c’est je crois tout simplement parce que Springsteen lui-même est à présent devenu un mythe américain. Il est donc normal de le trouver dans un tel décor de carte postale. À 70 ans passés, dont près de 50 ans à faire de sa musique une des voix officielle de l’Amérique, il est une légende. Et une légende ça n’est pas cliché, il n’y a que ceux qui tentent de l’imiter qui le sont.

I'm a poor lonesome cowboy...

Et c’est donc ainsi que Bruce Springsteen peut tout faire, tout dire, tout chanter dans ce film. Tout roule. Tout passe. Tout fonctionne. On lui pardonne tout. Que n’importe quel zozo vienne me prêcher la bonne parole du Seigneur que je m’en irais au plus vite en courant, mais que le Boss ponctue son discours d’un « God bless you all » que je ne dirais rien d’autre que « Amen ». Parce que c’est le Boss et qu’il ne pense pas à mal, il a le droit.

1 Thom Zimny a déjà signé un certain nombre de clips de Springsteen, ainsi que son spectacle autobiographique à Broadway en 2018.

2 Springsteen a confié être dans une période de créativité très fertile, il est déjà en plein travail d’enregistrement sur le prochain album qu’il sortira en compagnie du E Street Band, son groupe mythique, et qui cette fois-ci sera suivi d’une nouvelle tournée.

L'affiche du film

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24 octobre 2019 4 24 /10 /octobre /2019 13:20

Film inattendu, film ovni, film hybride, Joker est difficile à définir avec exactitude, mais une chose est certaine : il ne fait pas partie de ceux qu’on classe parmi les œuvres qui laissent indifférent.

 

J’ai d’ailleurs assez de mal à synthétiser et ordonner mes pensées à son sujet. Pas évident dans ces conditions d’en parler ici de manière claire et un minimum organisée, mais bon, je vais essayer quand même.

 

À mes yeux donc, Joker fait partie des inclassables, qui appartiennent à un genre mais pas que. C’est pas clair ce que je dis hein ? C’est bien ce que je disais…

Qui sait ce qu'il se passe dans l'esprit de cet homme ?

Partons du synopsis « google » du film, que je vous recopie ici :

 

Dans les années 1980, à Gotham City, Arthur Fleck, un comédien de stand-up raté est agressé alors qu'il erre dans les rues de la ville déguisé en clown. Méprisé de tous et bafoué, il bascule peu à peu dans la folie pour devenir le Joker, un dangereux tueur psychotique.

 

Personnellement je trouve ce synopsis nul, car plutôt déconnecté de ce qu’est le film en réalité.

Pour commencer je me suis permis de corriger un tantinet, puisque pour google « Arthur [...] ère dans les rues... », no comment.

Ensuite dans le contenu : Arthur Fleck n’est pas un comédien de stand-up raté, mais rêve de faire du stand-up sans jamais encore avoir eu le courage de s’essayer à l’exercice. Il est agressé dans la rue, mais pas alors qu’il y errait (èrait ?!?) déguisé en clown, il fait de la retape sur le trottoir devant un magasin pour inciter les gens à y entrer, et il est engagé pour le faire déguisé en clown. C’est à cette occasion qu’il se fait agresser. Quant au « il bascule peu à peu dans la folie » alors là je crois que vous n’aurez pas besoin de plus de 5 minutes du film pour vous rendre compte qu’il ne bascule dans rien du tout mais qu’il est bel et bien cintré dès le départ, et bien copieusement. Tout au plus au cours du film décide-t-il de se rebiffer face à tout ce qu’il subit encore et encore, l’arrêt de sa médication le poussant progressivement à ne plus se laisser faire.

Arthur, en bon fils, s'occupe de sa maman

Alors je vous propose donc un résumé à ma sauce, histoire de palier aux manquements de google.

 

Le quotidien d’Arthur Fleck (Joaquin Phoenix), âme solitaire au sein de la mégalopole de Gotham City, est bien morne. Vivant dans un petit appartement sordide qu’il partage avec sa mère (Frances Conroy) dépendante de ses soins, il est lui-même suivi par les services sociaux de la ville qui lui assurent un minimum de soins psychiatriques. Pour survivre il travaille en tant que clown dans une boîte de services qui l’envoie au gré des commandes tantôt dans un magasin, tantôt en hôpital pour enfants. Arthur a un rêve, celui de devenir comédien de stand-up, faire de la scène, devenir un comique reconnu à l’image d’une de ses idoles, l’animateur de show télévisé Murray Franklin (Robert De Niro). Mais ça c’est dans sa tête car dans la vie de tous les jours Arthur est moqué, conspué, méprisé, rabaissé, ou dans le meilleur des cas ignoré par son entourage. Parce qu’Arthur est ostensiblement… différent, c’est le moins qu’on puisse dire. Foncièrement gentil et luttant jour après jour pour faire bonne figure en toute circonstance, la réalité est pourtant cruelle : il est rejeté par à peu près tout le monde. Il est qui plus est affublé d’un toc incontrôlable, dès lors qu’il est soumis à de trop fortes émotions il est pris d’un fou-rire de dément qui nourrit incompréhension, peur et parfois haine de la part de ses interlocuteurs…

Quand un fou-rire le prend...

Voilà donc le point de départ du film.

J’aime autant vous prévenir de suite : Joker a beau être classé comme « film de super-héros » parce que son personnage principal est l’ennemi juré de Batman dans les comics made in DC, il ne partage presque rien de commun avec cette caste de films dont la forme canonique a été quasi-imposée par Marvel Studio depuis ces 10 dernières années. Le rapport aux super-héros restera, tout du long du métrage, ténu. D’abord comprenez bien que vous n’en verrez pas l’ombre d’un. Batman n’existe pas encore dans cette Gotham des années 1980, et pour cause : Bruce Wayne est encore un enfant. On croisera bien le petit Bruce (Dante Pereira-Olson) à travers deux scènes mais là n’est pas l’important, c’est même je pense plus par souci de livrer le service minimum aux fans, car avec ou sans lui le film fonctionne parfaitement.

Il est temps d'apprendre au jeune Bruce à rire...

Le Wayne qui a un peu plus d’importance dans cette histoire c’est Thomas Wayne (Brett Cullen), le père du futur Dark Knight. Et c’est peu de dire qu’il ne tient pas vraiment le beau rôle dans l’histoire. Politicien à l’ancienne, incarnation de la méritocratie et du libéralisme galopant, adepte de la philosophie du « aide-toi toi-même et le ciel t’aidera » et du « quand on veut on peut », devises toujours plus faciles à promouvoir quand on dort dans des draps de soie que sur un morceau de carton dans la rue, Thomas Wayne n’est pas foncièrement un homme mauvais, mais sa personnalité un brin hautaine et d’une assurance aveugle en ses principes cristallise la lutte entre l’élite et la plèbe, les riches et les pauvres, les nantis et les exploités. De là à dire que le film fait dans la satyre politique et dénonce des problèmes qui bousculent régulièrement nos sociétés occidentales modernes il n’y a qu’un pas, et selon vos propres opinions et tendances politiques vous pourrez certainement y reconnaître des allusions à l’un ou l’autre hommes politiques actuels.

Quand Thomas Wayne, un homme puissant qui veut se faire élire maire, passe à la télé...

C’est donc à très peu de choses que se réduit « l’enduit » super-héroïque du film de Todd Philips : le nom de la ville et de deux des principaux protagonistes. Exit les super-pouvoirs, exit les costumes moule-burnes et cape au vent, même l’accoutrement si spécifique du personnage du Joker est ramené à sa source et perd ainsi sa vocation de « costume de super-vilain », ici Arthur Fleck n’est rien d’autre qu’un clown, un clown triste, qui rit quand en réalité il voudrait pleurer. Même cette caractéristique-là est remise en question : le fameux rire sardonique du Joker n’a rien de malveillant à la base, c’est bien au contraire sa malédiction, l’expression de ses maux les plus profonds, contre laquelle lui-même ne peut rien, dont il est lui-même la première victime. Todd Philips pousse encore plus loin : même son surnom de Joker il ne l’a pas vraiment choisi. Il s’en affuble comme un pied de nez à l’humiliation permanente dont il fait l’objet.

Toujours faire bonne figure...

À mes yeux il est donc clair que Joker n’est pas, et n’a certainement même jamais cherché à être dans l’esprit de son scénariste et réalisateur Todd Philips, un film super-héroïque.

On ne nous y parle pas de super-humains, mais bel et bien d’humains. Profondément humains, dans tout ce que cela peut comporter de triste, sordide ou désespérant. Le portrait de nos sociétés est de ce point de vue plutôt gratiné mais pas trop, malheureusement, éloigné de la réalité. Le rejet de l’autre, en particulier de tout ce qui sort de la norme, de tout ce qui ne nous ressemble pas, de tout ce qu’on ne comprend pas (et qui nous fait donc peur), de tout ce qu’on considère comme faible ou bizarre, mais aussi la solitude profonde qu’implique parfois le « chacun pour soi » et tout ce que peuvent engendrer les règles de fonctionnement de notre civilisation (dont le vernis craquelle de plus en plus et peine souvent à maquiller ce qui la régit en partie, à savoir la sempiternelle loi du plus fort), le film Joker fait plus que dénoncer tout cela : il le montre. De façon crue. Parfois insoutenable. Et fait réfléchir. Se questionner.

Confronté à la réalité du monde, le clown est triste...

D’ailleurs en prenant la peine de nous faire nous poser des questions, le film s’est vu paradoxalement accusé des maux qu’il tente de dénoncer. Alors que lorsqu’on s’y attarde un peu, il semble évident que Joker critique la société et le système actuel qui n’a pour conséquences que d’exacerber la violence et les confrontations sociales, le film a par certains été soupçonné d’être une forme de plaidoyer pour la violence. D’inciter, pire : de justifier la violence, la révolution sociale et l’anarchie. Comme lorsqu’une œuvre qui veut dénoncer le racisme montre des racistes et se fait traiter en retour de raciste elle-même. C’est du reste assez déprimant et tristement révélateur de l’état actuel de notre société et du niveau intellectuel général. Ne pas être capable d’un minimum de recul et de relativisation face à un film, pour en tirer le message pourtant pas si compliqué à comprendre, ça en dit long sur le manque de maturité et le niveau de connerie ambiante.

Que le film ne soit pas pour tout public il me semble qu’il s’agit d’une évidence que de le dire. Mais l’accuser de tous les maux qu’il tente pourtant finement de dénoncer, c’est vraiment n’y rien comprendre à rien.

Murray Franklin, source d'admiration ... et d'humiliation pour Arthur

Plutôt que d’accuser le film de promouvoir la violence des rues et de la justifier, ne pourrait-on pas aller un chouïa plus loin dans le propos ? Moi j’ai trouvé que le film pose plus qu’un constat, il pose des questions. Questions pas faciles et auxquelles il revient à chacun de chercher à répondre. Sur le fonctionnement de nos sociétés, sur la place de chacun. Mais aussi sur les notions, peut-être à un niveau un poil plus philosophique (en espérant n’avoir pas prononcé un gros mot en disant cela), de bien et de mal. De folie et de normalité. D’universalité et d'individualité.

Et à un degré encore supérieur, comme à chaque fois qu’une œuvre pose des questions et quel que soit le sujet qui fâche abordé, peut-être que ce film peut contribuer à se rendre compte d’une évidence qui ne l’est pourtant pas aux yeux de tous : que pour discuter, argumenter et débattre d’un sujet, encore faudrait-il commencer par essayer de le cerner et de le comprendre. N’est-ce pas là le but de toute question : comprendre ? Il semble pourtant que cette notion échappe à un certain nombre de gens…

Bientôt Arthur va déployer ses ailes et prendre son envol...

Alors comme souvent je suis parti en totale digression sur le fond, et j’en ai finalement assez peu dit sur le film en lui-même.

Sachez que ce n’est pas un film facile à regarder. Parce qu’il montre des choses pas forcément faciles à accepter, parce qu’on les sait, qu’on les ressent très vraies.

Difficile par exemple de vous dire que j’ai aimé ce film comme je pourrais le dire d’une comédie amusante ou d’un divertissement réussi. Je suis sûr de le revoir un jour, mais ce serait mentir que de dire que je n’ai qu’une envie c’est de le revoir ! Peut-être parce qu’il est assez puissant pour bien vous rester en mémoire dès la première vision, peut-être aussi parce que ce film ne joue pas sur une notion basique qu’on cherche souvent à ressentir en tant que spectateur : le plaisir. Non, ce film ne donne pas du plaisir au spectateur. Il lui donne à réfléchir, il lui donne peut-être un peu le blues, peut-être même des frissons à y repenser. Mais pas du plaisir, ce qui finit d’ailleurs de le sortir définitivement, si quelqu’un avait encore des doutes à ce sujet, de la catégorie des « films de super-héros » comme je le disais plus haut.

Entre fou-rire compulsif et sourire forcé, Arthur peine à cacher sa tristesse

Et j’ai envie de dire exactement la même chose de la prestation de Joaquin Phoenix, absolument impérial en Arthur Fleck / Joker. Il impressionne, il estomaque, il échappe à toutes les comparaisons possibles (alors que pour ce rôle c’était le plus gros enjeu à mon avis, se sortir des précédentes interprétations du personnage qui avaient tant marqué les spectateurs en leur temps : la très colorée et roublarde version « historique » du génial Jack Nicholson, la noirceur et le nihilisme qui suintait de la version « grunge » de Heath Ledger, et dans une bien moindre mesure la folie exubérante et bien trop démonstrative de la version « tatouée » de Jared Leto, pour ne citer que les trois principales de ces 30 dernières années). Le Joker de Joaquin Phoenix ne ressemble à rien de ce qu’on a déjà pu voir, et pourtant s’impose avec une autorité hallucinante comme une version à la fois aboutie, définitive, parfaitement cohérente et indiscutable du personnage. Joaquin Phoenix a tout bonnement recréé le personnage, ni plus ni moins, ce qui en soi est déjà une véritable prouesse. Il se l’est totalement approprié, il est le Joker, à part entière. On entend souvent ce genre de commentaire quand un artiste tente de reprendre un rôle mythique, ou une chanson déjà très connue. Et bien souvent on l’utilise à tort, on exagère largement. Joaquin Phoenix lui, l’a juste fait. Et il l’a tellement bien faite, cette appropriation, qu’il n’y a strictement rien à redire.

Et si finalement le bonheur était possible pour Arthur ?

Là où il a fait très fort, c’est qu’on ne voit à aucun moment Joaquin Phoenix à l’écran, mais bel et bien Arthur Fleck. On y croit à 200 %. Il ne surjoue pas une seconde, alors que ce piège était ouvert et béant pour le comédien, de tomber dans le « too much » avec un tel personnage, si extrême, si spécial, tellement hors-norme. Joaquin Phoenix est d’une justesse impressionnante du début à la fin, même dans les scènes les plus casse-gueule telles que les moments où Arthur est pris de son fou-rire irrépressible, quand il se lance dans le stand-up, les séquences où il se maquille face à son miroir, ou encore celle où il a un rendez-vous amoureux. À chaque fois il est parfaitement dans le rôle, convaincant, habité, et nous emporte avec lui. La performance de l’acteur est juste phénoménale.

Un Joker inédit mais évident

Le comédien a déjà une filmographie longue comme le bras, et a su se forger une carrière à base de films hétéroclites de tous genres. Et franchement, on voit que le garçon sait mener sa barque, parce que dans le lot je n’y vois aucun navet ou film honteux. Si j’étais joueur, je crois que je mettrais bien une petite pièce sur l’Oscar du meilleur rôle pour son Arthur Fleck cette année…

Arthur Fleck, un type qui ressemble vaguement à Joaquin Phoenix...

En conclusion, malgré tout le bien que je pense de Joker j’hésite à le conseiller à tout va et sans distinction, car je sens que ce film ne plaira pas à tout le monde. En revanche ce que je peux vous conseiller, c’est de ne pas y aller avec trop d’idées préconçues si jamais vous décidiez de le voir. N’attendez rien de précis. Et à coup sûr, malgré tout, vous vous ferez surprendre par ce que vous verrez. Là-dessus aussi je mets une petite pièce...

L'affiche du film

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26 septembre 2019 4 26 /09 /septembre /2019 07:30

Probable réminiscence de mon adolescence bercée par Martin Riggs et Max Rockatansky, un de mes acteurs cultes est et reste Mel Gibson. Malgré les polémiques, malgré sa période de mise sur la touche par le microcosme hollywoodien, malgré son blacklistage qui aura duré peu ou prou une dizaine d’années, Mad Mel demeure pour moi une des figures emblématiques du cinéma que j’ai aimé jeune, qui a forgé mes goûts et figé mon système de références bien à moi. D’ailleurs ce n’est pas uniquement l’acteur qui m’a marqué, mais également le réalisateur qui, quoi qu’on pense de lui, sait livrer des films d’une puissance et d’une efficacité qui se posent là. À mes yeux, un film comme Apocalypto par exemple, est devenu une référence instantanée, un classique moderne, un statut que très peu de films récents sont capables de revendiquer et de tenir.

Héros à l'ancienne et gloire passée...

Longtemps boycotté1 en tant que comédien pour avoir tenu des propos polémiques et défrayé la chronique par sa vie personnelle quelque peu agitée, Mel Gibson revient lentement sur les écrans, sans pour autant être redevenu la star qu’il fut à sa grande époque. On ne monte plus de gros budgets sur son seul nom, la licence Mad Max survit à présent sans lui, même L’Arme Fatale a connu une seconde vie2 sans lui. Plus discret, se voulant moins clivant, le bonhomme renoue doucement avec son métier, monte tant bien que mal des films ambitieux en tant que réalisateur (le dernier en date, Tu ne tueras point l’a même réconcilié avec la critique), et montre sa trogne dans quelques films choisis, ici et là.

Le poids des années qui pèse...

Car une chose n’a pas changé : ce n’est peut-être plus son regard bleu acier mais souvent une barbe grisonnante et envahissante qu’on voit en premier quand il apparaît à l’écran, mais il n’a rien perdu de son magnétisme animal et de son charisme naturel. La vieillesse et la fatigue qu’on peut lire sur son visage ne font finalement qu’accentuer l’intensité de ce qu’il dégage.

Alors pour moi, quand un nouveau film avec Mel Gibson sort, ça tient toujours un petit peu de l’événement. Même si je suis l’un des derniers à qui ça fait cet effet. M’en fous. J’essaie d’aller le voir au cinéma quand même. Du moins s’il est programmé sur grand écran de par chez moi. C’est donc avec une pointe de déception que j’ai appris que Traîné sur le bitume n’aurait pas les honneurs d’une sortie en salle dans l’hexagone, mais passerait par la case DTV3.

Entre vieux de la vieille pas de cadeaux, ou quand Don envoie Mel sur la touche...

Pourtant le casting a méchamment de la gueule ! Jugez plutôt : outre Mel Gibson on retrouve à ses côtés Vince Vaughn, Michael Jai White, Don Johnson, Udo Kier, Laurie Holden4, Jennifer Carpenter… on a vu pire ! Et puis le film est signé S. Craig Zahler dont le nom ne vous dira peut-être rien, mais dont le premier film, Bone Tomahawk avait bien fait parler de lui et ramassé quelques distinctions ici et là (dont le Grand Prix de Gérardmer 2016, pour ceux à qui ça cause). Pas un manchot derrière la caméra donc.

 

Peu importe, de toute manière l’affaire était entendue pour moi : au cinéma ou en vidéo, je ne pouvais pas passer à côté de ce film-là.

Attention au casting de seconds couteaux qui claque : Michael Jai White vous salue bien !

Je vous dresse rapidement le décor : Deux flics un peu borderline mais pas ripoux sont suspendus par leur hiérarchie après avoir été filmés lors de l’une de leurs arrestations. Le temps que les médias se calment et passent à autre chose. Écœuré par ce manque de soutien, Brett Ridgeman (Mel Gibson) décide de mettre à profit sa suspension pour gagner l’argent dont lui et sa famille ont tant besoin. Rencardé sur un gros coup qui doit se faire prochainement, il va jouer le tout pour le tout et entreprend de braquer des braqueurs. Voler des voleurs, ça n’est pas vraiment du vol il paraît… en tout cas sa morale s’en accommode volontiers. Son coéquipier Anthony Lurasetti (Vince Vaughn) tout d’abord peu enthousiaste à cette idée, décide de tout de même lui prêter main forte. Les deux hommes sont déterminés. Le hic, c’est qu’en face, les criminels eux aussi sont déterminés...

Les méchants n'ont pas prévu de se laisser faire !

Alors j’avoue que durant au moins la première heure du film, j’étais dubitatif. Il y avait du talent à l’écran, pas de problème là-dessus, mais côté mise en scène et scénario, je n’étais pas convaincu. Je trouvais ça trop lent, trop explicatif et pas assez dynamique. J’en étais presque à me demander si la bonne réputation qui précédait le film n’était pas exagérée. Plus les minutes s’écoulaient, plus je craignais fortement une amère déception à l’arrivée…

Pour sa famille, Brett sait ce qu'il lui reste à faire...

Homme de peu de foi que j’ai été. À croire que j’ai été gangrené moi aussi par la mode, par la norme actuelle du cinéma qui veut qu’un film doit avoir impérativement un rythme tendu et saccadé pour plaire, encore plus s’il se range dans la catégorie film de genre. Pourtant je le sais que c’est rien que des conneries tout ça, j’en ai si souvent des démonstrations limpides (allez ne cherchons pas bien loin dans mes dernières chroniques : Once upon a time in… Hollywood ou Hostiles devraient suffire à étayer mes propos). Le doute donc avait commencé à s’installer en moi avant que je ne comprenne, avant que S. Craig Zahler, en réalisateur vicelard et pleinement maître de son sujet, me file un gros coup d’adrénaline alors que je ne m’y attendais pas. Ce que j’avais pris pour un manque de rythme au départ était en fait tout autre chose, de tout à fait voulu et mesuré par le cinéaste. C’était une savante mise en place des enjeux et des personnages. C’était une mise en route volontairement lente avant les coups de buttoir qu’il s’est pris un malin plaisir à nous envoyer comme ça, par saccades, sans prévenir et surtout sans nous ménager le moins du monde. Sans ménager les personnages de son film non plus d’ailleurs.

Brett et Anthony, deux flics à l'ancienne, en décalage permanent avec le monde actuel

Car une fois qu’on a bien pris le temps d’apprendre à connaître chaque personnage, sa vie passée et présente, ses motivations, alors le vrai jeu commence. Un jeu de massacre, où tout peut arriver à tout le monde, y compris … ah bah non, ça serait ballot que j’en dise plus là-dessus. Tout ce que je peux dire c’est qu’à deux ou trois reprises j’étais sur le cul face à ce que je voyais à l’écran. Et quand est arrivée la fin du film (qui dure 2h39, moins le générique ça fait quand même environ 2h30 de métrage mine de rien) je me suis retrouvé tout con, essayant de comprendre ce que je venais de voir, tentant de rapprocher ce film de quelque chose d’approchant que j’aurais pu déjà voir, en vain. On peut dire que ce film m’a déboussolé, ça ne sera pas exagéré.

Déterminé et armé : pas sûr que ça suffise...

Tout d’abord long voire lent, Traîné sur le bitume prend son temps, impose son rythme au spectateur. Mais ne vous y fiez pas, c’est pour mieux vous choper par les baloches. Car quand le film bascule, il devient totalement inattendu, sans pitié, amoral, cruel même à l’endroit de certains personnages. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que de ce point de vue, ce film sort des sentiers battus et trace son propre chemin en suivant un itinéraire tout sauf conventionnel.

 

Et en fin de compte, après avoir craint de finir déçu, j’ai été surpris comme peu souvent j’ai pu l’être ces derniers temps par un film. Évidemment, vous me connaissez un peu maintenant : je ne peux que le conseiller (avec les précautions d’usage : ça ne va pas plaire à tout le monde et accrochez-vous sur la première moitié, et sur la seconde moitié aussi mais pour de toutes autres raisons).

 

1 à quelques rares exceptions près comme Le complexe du castor par exemple

2 ce qui à mes yeux est une trahison doublée d’une ineptie sans nom…

3 Direct To Video

4 franchement méconnaissable dans le film, ce n’est qu’en voyant son nom au générique de fin que je me suis rendu compte que c’était en effet bien elle !

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12 septembre 2019 4 12 /09 /septembre /2019 14:41

Je ne suis pas un fan inconditionnel de Quentin Tarantino, mais c’est un réalisateur que j’apprécie, et que je classe très largement au-dessus de la moyenne. Je n’ai pas vu tous ses films au cinéma, certains comme Boulevard de la Mort ou Inglourious Basterds m’ont paru légers voire anecdotiques, d’autres comme Kill Bill, Jackie Brown et bien évidemment Pulp Fiction m’apparaissent comme des références ultimes dans leur genre.

 

Alors quand a été annoncé Once upon a time in… Hollywood, c’est d’un œil intéressé mais sans aucune impatience que je me suis penché dessus. Le thème en lui-même, tel qu’il était décrit avant sa sortie, ne m’emballait pas du tout. Ce que j’en avais retenu, c’est que Tarantino voulait retracer les événements qui avaient conduit à l’assassinat de Sharon Tate en 1969, et qu’il voulait se faire un petit kiff de reconstitution de l’aube des années 1970. Rien d’autre. Aussi quand le film a commencé à faire le buzz, je me suis dit qu’il devait y avoir quelque chose d’autre, de plus, qui lui donnait cette aura particulière, qui déchaînait les passions.

La belle Sharon Tate, astre autour duquel va tourner cette drôle d'histoire...

J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’un quelconque rapprochement entre l’affaire Sharon Tate et l’affaire Polanski qui devait faire les gorges chaudes de ces fichus réseaux sociaux. Mettez le nom de Roman Polanski sur un site n’importe où sur la toile, osez parler d’un de ses films sans même émettre le moindre commentaire sur la personnalité du réalisateur, et vous verrez la shitstorm qui va s’abattre sur vous comme la vérole sur le bas clergé espagnol. Et puis sont arrivées les accusations de racisme et de misogynie (à propos de Quentin Tarantino, really?) qui ont fini de me donner l’envie de me faire ma propre idée.

 

J’ai eu, je le précise, la chance de voir le film sans m’être fait spoiler la fin avant. C’est je crois très important, et même crucial pour pouvoir se faire un avis le plus libre possible. Si on ôte au film le pouvoir de vous surprendre, on lui confisque d’entrée une de ses meilleures armes.

Quentin raciste et misogyne ?

Car ce que je retiens avant tout de ce film, avant même son casting cinq étoiles et ses scènes déjà cultes, c’est la surprise que j’ai ressentie à sa première vision. À plusieurs niveaux. D’abord parce que tout le long de Once upon a time in… Hollywood, je me demandais où Tarantino voulait en venir. Si je ne m’étais pas fait spoiler le film, j’avais cependant lu deux-trois petites choses à son sujet, et l’une d’entre elles avait retenu mon attention : j’avais lu quelque part que c’était son film qui avait le plus de parenté avec Jackie Brown. Alors qu’en fait, en dehors de la scène du début à l’aéroport, moi je n’ai pas trop vu le rapport avec Jackie Brown. Dans ce dernier, bien qu’il s’agisse d’un film choral ou plusieurs arcs narratifs se croisent, il y a bel et bien une intrigue posée dès le départ, avec un développement (à la Tarantino certes, mais tout de même) et une conclusion qui vient mener à terme les différentes lignes narratives du film. Dans Once upon a time..., il n’en est rien ! Les personnages vaquent à leurs existences, parfois on a même des petits flashbacks qui nous éclairent sur leur présent, mais ce qui se passe à l’écran ne suit pas une quelconque suite logique, dramaturgique ou de causalité. Ce sont des successions de scénettes, sans forcément grand rapport entre elles, si ce n’est les personnages eux-mêmes.

Cliff et Rick en mode beaux gosses

Il y a deux axes principaux, l’un qui suit la vie pleine de couleurs, de gaieté et d’insouciance de Sharon Tate (Margot Robbie, solaire), l’autre qui nous trimballe dans l’existence de Rick Dalton (Leonardo Di Caprio, absolument fabuleux), star en passe de devenir un has-been avant l’heure et de Cliff Booth (Brad Pitt, la coolitude ultime faite homme), sa doublure-cascade attitrée, qui lui fait d’ailleurs plus office de nounou qu’autre chose. Et en dehors du fait que ces personnages soient voisins de villas, on ne comprend pas du tout le rapport entre eux, ni ce que viennent foutre ce comédien en sursis et ce cascadeur blacklisté dans l’affaire Sharon Tate. Première surprise donc du film : son contenu, loin de ce que je pensais voir en me fiant uniquement au résumé du film.

Y a pas plus cool que Cliff !

Seconde surprise : c’est long, on n’arrive pas à trouver le fil rouge d’une quelconque intrigue sous-jacente, et pourtant on ne s’ennuie pas une seconde ! Alors sur ce point je vais faire une petite digression, parce qu’ici je fais ce que je veux déjà, et puis parce qu’on m’a chauffé les oreilles à ce sujet et que parfois j’en ai marre d’entendre des inepties énoncées avec autorité par des gens dont la culture cinématographique culmine avec Bridget Jones et La Reine des Neiges. On m’a donc soutenu texto que Once upon a time... c’est « long et chiant pour un film d’action ». Je dis halte-là ! Caution : Bullshit Zone ! Les films de Tarantino ne sont pas, n’ont jamais été, et à moins qu’il n’en décide autrement à l’avenir, ne seront jamais des films d’action !! Tarantino est un amoureux des films de genre, auxquels il rend d’ailleurs régulièrement hommage, un amoureux des films de guerre, de western, de blaxploitation, des films de sabre, des films de gangsters, d’arts martiaux, ça oui, mille fois oui. Et il ne rechigne pas à coller dans ses films quelques scènes bien enlevées qui ne feraient pas tâche dans des films dits d’action, ça aussi, mille fois oui. Mais il ne fait pas de film d’action !!! Aller voir un Tarantino pour voir un film d’action, c’est juste se fourrer le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate, comme dirait le Capitaine Haddock.

On ne dit pas n'importe quoi sur Tarantino devant le capitaine !

Car Tarantino, plus encore qu’un amoureux des films de genre, est je crois avant tout un amoureux de ses acteurs et actrices, pour lesquels il cherche toujours des challenges à relever, des situations impossibles à jouer, des dialogues jamais entendus nulle part et complètement décalés à déclamer et à rendre crédibles. Tarantino ce qui le fait bander c’est de faire parler pendant des plombes des tueurs à gage du Royal Cheese1, de faire débattre entre eux des mafieux au sujet d’une chanson de Madonna, de faire déblatérer un riche esclavagiste à propos de la morphologie de la boîte crânienne des noirs, de mettre un speech sur Superman dans la bouche d’un maître du Kung-Fu. Il aime le décalage, il aime surprendre. Il aime le jeu d’acteur, il aime quand ça cause à n’en plus finir, il aime aborder les sujets les plus anecdotiques avec le plus grand sérieux, il aime quand la science s’étale pour énoncer le futile.

C’est ça le cinéma de Tarantino bordel ! On aime ou on n’aime pas, on a même parfaitement le droit de détester. Mais on n’a pas le droit de dire que le cinéma de Tarantino c’est du cinéma d’action, pour ensuite le débiner comme de la merde. Dans ces cas on dit juste « je ne crois pas avoir tout compris et j’ai trouvé ça long et ennuyeux à mourir ». Mais on ne vient pas justifier son mauvais goût par des arguments qui ne prouvent rien d’autre que sa propre inculture cinématographique. Merde.

 

Désolé je m’emporte. J’arrête là ma digression et je reviens à ce que j’étais en train de vous dire à propos des surprises que recèle Once upon a time… avant d’être ainsi interrompu par moi-même.

Bruce aussi ça le gonfle !

Je disais donc que c’est long mais que ce n’est pas grave puisqu’on ne s’ennuie pour autant pas une seconde. Et ça c’est en grande partie grâce à un ingrédient essentiel qui assure à ce film une telle qualité : le talent de ses comédiens.

Pour les trois rôles principaux que sont Sharon Tate, Rick Dalton et Cliff Booth, chacun dans des styles très différents, on a droit à un véritable étalage de talent pur de la part de leurs interprètes. Margot Robbie joue l’insouciance avec un charme qui n’appartient qu’à elle, Brad Pitt est l’incarnation même de la virilité dans son expression la plus cool, mais c’est surtout Leonardo Di Caprio qui prouve, une fois de plus, l’étendue de son talent d’acteur. Ce type sait tout faire, tout jouer. Et le moins qu’on puisse dire c’est que Tarantino lui en fait voir de toutes les couleurs, et que parmi tous ses collègues c’est de loin celui qui a eu le plus de taff si on le mesure au nombre de situations et de sentiments différents qu’il a eu à exprimer dans ce film. Et pourtant aux yeux du spectateur ce n’est pas du tout son personnage qui est le plus naturellement enclin à éveiller la sympathie, à ce niveau le personnage du cascadeur qui apprend l’humilité à Bruce Lee2 l’emporte haut la main. Mais Di Caprio force l’admiration, c’est indéniable. Déjà sa performance à contre-emploi dans Django Unchained m’avait impressionné, mais dans Once upon a time… il est juste impérial. Il y a vraiment tout dans son jeu. C’est simple : même quand il lui faut jouer la démesure, il reste toujours absolument juste. Je crois que Tarantino l’a compris d’ailleurs, et qu’il se sert de lui comme jamais il ne s’est servi d’aucun autre acteur, tentant de le pousser dans des retranchements que Di Caprio ne rechigne jamais à dépasser.

Leo, no limit.

Quand je vois ce que Tarantino lui fait faire en tant qu’acteur, je ne suis pas loin de penser que parmi la brochette de comédiens qui se bousculent toujours au portillon dès qu’il s’agit de tourner avec lui, Di Caprio est son préféré, et de loin. J’ai toujours cru que c’est Samuel Lee Jackson qui avait ce privilège. Dans ses chouchous il y a eu la divine Uma Thurman évidemment. L’inénarrable Harvey Keitel, le charismatique Michael Madsen bien sûr ont des places de choix dans le Tarantinoverse. Plus nostalgiquement l’ex-égérie black des années 1970 Pam Grier. Plus récemment le génial Christoph Waltz et le temps d’une inoubliable résurrection artistique John Travolta. Mais je suis prêt à parier que celui qui fait le plus bander Quentin, c’est Di Caprio.

 

Tout ça pour dire, une des grosses claques qu’on se prend en pleine tronche avec ce film, c’est la performance de Leonardo Di Caprio. Indiscutablement.

Best of the Best !

Et puis j’en viens à la dernière surprise, de taille celle-ci, qui vient conclure le film et lui donner tout son sens, expliquer sa lenteur comme son apparent manque de liant. Sa fin. Quand arrive la conclusion du film, la fin inéluctable, la scène tant attendue et jouée d’avance dont tout le monde connaît l’issue tragique, à ce moment précis tout dérape et on comprend, incrédule, l’idée qui était derrière la tête de ce fichu Tarantino pendant tout le film, on comprend pourquoi on trouvait le film bizarre et insaisissable, pourquoi on ne voyait pas où il voulait exactement en venir, où était la cohérence du truc. La fin explique tout. Qu’on s’est fait balader. Et personnellement, j’ai trouvé ça génial comme idée.

Sharon Tate en 1969, un présent et un avenir lumineux...

Alors Once upon a time in… Hollywood n’est peut-être pas le meilleur film de l’année, ni le meilleur film de Quentin Tarantino à mon humble avis, mais c’est un putain de chouette film. Il m’a amusé, interloqué, surpris, fait marrer, bluffé, mis la banane. Mieux : il m’a donné envie de revoir ses films précédents. Mieux encore : il m’a filé la nostalgie de la période qu’il décrit et donné envie de revoir des vieux films de l’époque des années 1970, des Clint Eastwood, des Charles Bronson, des Steve McQueen. Il a éveillé en moi des vieux souvenirs de gamin, quand je regardais à la télé Josh Randall arrêter les méchants avec son fusil à crosse et canon sciés dans Au nom de la loi3.

Josh Randall : « Au nom de la loi, je vous arrête ! »

On peut aimer ou détester Quentin Tarantino, c’est un fait. On peut lui reprocher un tas de choses (la lenteur de certains de ses films, ses personnages trop bavards entre autres, une tendance à flirter parfois de trop près avec la vulgarité), on peut ne pas aimer ses tics visuels et ses obsessions (quelqu’un a parlé de pieds nus de gonzesses ici ?), on peut être gêné aux entournures par son ton parfois provocant et son plaisir pervers à aller sciemment là où ça gratte bien fort, mais on ne peut pas ôter à Tarantino qu’il est un réalisateur hors-norme, un sale gosse du cinéma qui fait exactement ce qui lui chante et tant qu’à faire ce qui va emmerder le plus grand nombre de bien-pensants possible. C’est en tout cas très exactement pour cela que moi, je l’aime son cinéma.

L'affiche du film

1 ou du Quarter Pounder with Cheese si vous préférez !

2 scène ô combien délirante, provocatrice, drôle et jouissive !

3 je n’ai pas cherché à en savoir plus sur les intentions et les références de Tarantino, mais pour moi la série fictionnelle dans laquelle joue Rick Dalton au début du film était à l’évidence un hommage direct à Au nom de la loi.

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6 juin 2019 4 06 /06 /juin /2019 07:08

Qu’est-ce que je l’attendais ce film-ci ! Forcément après la dose d’émotions fortes ressenties lors de Avengers : Infinity War, cette suite directe et conclusive portait sur ses épaules beaucoup d’attentes, de gros enjeux en termes de résolutions d’intrigues en cours et surtout bien des fantasmes et conjectures de toutes sortes…

Plus l’attente est grande...

 

Ça fait beaucoup pour un seul film, fut-ce un film de trois heures. En gros il lui fallait gérer l’après « snap »1, mettre en scène une somme considérable de personnages, tenir le statut de fin de cycle des 22 films qui l’ont précédé ces 11 dernières années, et si possible ouvrir des pistes sur l’avenir encore bien nébuleux du Marvel Cinematic Universe (Marvel a pour l’instant été très évasif sur la teneur de sa Phase IV qui devrait démarrer officiellement après Spider-Man : Far From Home).

D'un simple claquement de doigts...

Je pense que c’était trop pour un seul film. Pour moi, c’est avant tout la déception qui aura prédominé comme sentiment lors de ma sortie de séance (au premier visionnage, le jugement a été beaucoup moins sévère au second). Non pas que le film soit mauvais ou qu’il ait démérité dans la plupart de ses objectifs, car mine de rien, il répond à chacune des choses qu’on attendait de lui et que j’ai énoncées plus haut. Sauf que … il aura eu tant de cases à cocher, de rôles à remplir, d’enjeux à combler, qu’il en aura oublié de soigner l’essentiel : avoir son identité propre, son essence, son âme. Et puis, je crois que ce qui lui a fait le plus de mal, c’est justement de passer après Infinity War qui aura décidément mis la barre très haut en termes de spectacles et d’émotions. Malheureusement à mes yeux, Avengers : Endgame ne tient pas la comparaison avec Infinity War, et c’est parce que c’est cela que j’ai retenu en premier lieu du film, que j’ai été aussi déçu au premier visionnage par Endgame.

 

Je vais essayer d’expliquer tout cela un peu plus en détail. Mais pour ce faire, impossible de ne pas dévoiler le contenu du film et la résolution des intrigues. Donc forcément pour tous ceux qui ne l’auraient pas encore vu et qui voudraient le voir en en sachant le moins possible à l’avance, j’aime autant vous prévenir que ça va spoiler sévère et qu’il vaudrait donc mieux vous abstenir de lire ce qui suit.

Je vous aurai prévenus...

Accusé de déception

 

Bon, faut bien commencer par quelque chose, alors autant tailler dans le vif dès le départ : le plus gros problème du film c’est son rythme. Ça manque clairement d’action, et le peu qui subsiste n’est pas assez spectaculaire. Entendons-nous bien : je fais inévitablement un constat par comparaison avec Infinity War, qui lui regorgeait de scènes fortes, d’actions mémorables, de confrontations dantesques, tout ce dont Endgame manque cruellement, si ce n’est sur la fin. Il n’y a pas de scène d’anthologie comme dans le précédent (la première attaque de Black Dwarf et Ebony Maw, la bataille sur Titan, l’invasion du Wakanda), ici les enjeux semblent survolés : tout paraît simple et trop facilement à la portée des héros. J’en veux pour preuve la manière dont Thor règle son compte à Thanos dans les toutes premières minutes du film. D’office, chute du taux d’adrénaline, perte de repères clairs, enjeux retombés au niveau zéro. Du coup, alors qu’Infinity War ne laissait pas une seconde de répit au spectateur, Endgame s’étale gentiment et on sent bien les trois heures du film passer. On ne s’ennuie pas franchement, mais il n'y a plus ce sentiment d'urgence et d'inéluctabilité qui portait de bout en bout le film précédent.

 

Passons aux personnages, et aux différents arcs narratifs qui leur sont rattachés. Endgame signe là un étonnant paradoxe : c’est le film Marvel dans lequel on aura vu le plus de super-héros différents (plus que dans Infinity War même) alors que l’histoire se resserre drastiquement autour d’une poignée d’entre eux seulement, les six Avengers d’origine et accessoirement Nebula (qui pourtant est loin d’être potentiellement la plus intéressante et pour preuve : on se fiche bien de ce qui va lui arriver par la suite). Autrement dit tous les autres ne servent à rien. Littéralement. Ils font de la figuration. De la figuration de luxe, certes, mais de la figuration quand même. Pour certains c’est même plus proche du caméo façon Stan Lee2, c’est dire le peu de temps qu’ils ont à l’écran. Au hasard : Drax, Okoye, Shuri, M’Baku, Groot, Mantis, les Généraux de Thanos, Docteur Strange : ça se compte en secondes. D’ailleurs au générique de fin j’ai vu le nom de Marisa Tomei, alias la tante May de Spider-Man : je ne me souvenais pas l’avoir même entraperçue dans le film (au second visionnage je l’ai repérée un quart de seconde lors du long travelling à l’enterrement). Et même durant la grande bataille finale : quelqu’un se souvient de ce que faisait Hulk par hasard ? Il n’est pourtant pas du genre super-discret d’habitude.

Tiens Marisa, par où t'es entrée on t'a pas vue sortir ?

Gâchis Parmentier au menu

 

Plus grave : le cas Captain Marvel. Souvenez-vous de la scène post-générique de Infinity War : on nous teasait son arrivée comme si elle allait sauver l’univers et régler tous les problèmes. Dans le film éponyme sorti un mois avant Endgame, on nous la présentait grosso-modo comme le personnage le plus puissant du MCU. La bande-annonce d’Endgame laissait présager qu’elle allait s’intégrer au groupe et devenir le nouveau personnage phare des Avengers. Résultat : on la voit au début du film, puis elle annonce qu’elle a d’autres chats à fouetter dans l’univers, et puis un petit retour rapide à la fin, histoire de nous montrer sa nouvelle coupe de cheveux et accessoirement d’avoir quelques effets spéciaux pyrotechniques sympas, de se prendre un coup de boule de Thanos et de valdinguer après deux-trois bourre-pifs à base de pierres de l’infini. Merci d’être passée, Carol. Perso, j’appelle ça du gâchis.

J'peux pas rester j'ai rendez-vous chez Jean-Louis David

Enfin, qu’on gâche un personnage potentiellement intéressant comme Captain Marvel, passe encore, mais qu’on gâche un personnage déjà bien introduit et si bien mis en valeur dans Infinity War, là c’est une des pires erreurs du film. Bien entendu je veux parler de Thanos. D’abord il se prend la pâtée sans même lever le petit doigt en guise de résistance au début du film. Puis au cours de la seconde moitié du film, il est réintroduit dans l’histoire par le truchement du voyage dans le temps. Les héros trouvent le moyen de retourner dans le passé, non pas pour le modifier (ça d’ailleurs c’est très malin, l’idée qu’on ne peut pas modifier le passé mais seulement créer des univers alternatifs en tentant de le faire, j’y reviendrai) mais pour y chercher de quoi changer le futur. Ils tombent malheureusement sur le Thanos du passé (celui qui n’a pas encore trouvé les pierres mais qui commence à les chercher activement), qui lui, malin comme un singe, trouve le moyen de les suivre dans leur présent (ou son futur si vous préférez). La pirouette scénaristique est plutôt bien trouvée, et j’ai apprécié cette manière de le réinjecter dans l’histoire. Sauf que le Thanos de Endgame n’a plus grand-chose à voir avec celui de Infinity War. Il est monolithique, caricatural. C’est le méchant mégalo de base, on ne retrouve plus le côté torturé, le personnage en plein dilemme moral contraint de faire le mal pour le bien (supposé) de l’univers, toute la richesse et la profondeur du personnage sont oubliées au passage, il n’a plus que le statut de « boss de fin ». Thanos, la plus belle réussite d’Infinity War, devient ainsi la plus grosse erreur narrative de Endgame.

Thanos, mais qu'ont-ils fait de toi ?...

Surprise, surprise...

 

D’autres personnages s’en sortent à peine mieux, et font les frais de cette suite qui tente visiblement de se démarquer du film qui l’a précédé et ce faisant, valide tous les mauvais choix possibles et imaginables. Certes on est surpris, certes on rit aussi un peu de ces surprises, mais en définitive on finit par rire jaune.

C’est le cas de deux des Avengers majeurs et centraux de cette histoire : Hulk et Thor. Parlons de Hulk d’abord. Son traitement dans Endgame est ce qu’on nomme habituellement une « fausse bonne idée ». Ce mélange de physique de Hulk, d’intelligence de Banner et de personnalité rigolote et à la cool : ça surprend, on ne s’y attend pas du tout, et passées 5 minutes ça n’a plus le moindre intérêt. Le personnage est si profondément modifié qu’il en perd toute sa saveur. Un Hulk sans sa sauvagerie ne sert plus à grand-chose à l’écran. Alors qu’on ne voit quasiment que lui lors de la bataille finale du premier Avengers, ici il passe inaperçu. La scène où il retourne dans le passé, au moment de l’attaque de New-York justement est tristement et pathétiquement symbolique : il essaie de s’énerver et de hurler, et fait peine à voir…

Quant à Thor, c’est encore différent. Dans Thor : Ragnarok, le personnage avait déjà pris un virage assez net et assumé vers la comédie. Mais on restait dans le registre de l’humour sans tomber, bien qu’en équilibre sur un fil, dans le ridicule. Dans Endgame, on pousse le curseur encore un cran plus loin, mais c’est à mon humble avis un cran de trop. Là encore, j’avoue avoir été surpris en découvrant ce qu’était devenu le Dieu du Tonnerre, un ivrogne pleurnichard, bedonnant et en pleine régression mentale, j’avoue même que de voir le contre-pied pris ainsi m’a fait rire. Ah voir ce gros bide, limite ça aurait pu être moi à l’écran ! Sauf que, sur la longueur ça devient très vite lourdingue, et du coup le personnage de Thor y sombre bel et bien. Dans le ridicule. L’écueil évité de justesse dans Ragnarok, est pris de front dans Endgame.

- Dis il aurait pas forci un peu Thor ? - M'en parle pas, même Stéph se maintient mieux !

Des cheveux en quatre

 

Au chapitre des ratages, facilités, incohérences et problèmes, je me permets d’ajouter encore quelques petits points qui m’auront fait sourciller.

D’abord le rat. Parce qu’il faut bien se rendre compte que sans ce rongeur indélicat et touche à tout, point de retour de Ant-Man dans le présent (5 ans après le snap donc), et du coup point de piste quantique, pas de Tony Stark qui résout l’équation en deux temps trois mouvements (littéralement), et donc pas de film. Je trouve juste, que le rat comme explication au retour de ce cher Scott Lang, c’est carrément léger. Dommage.

Ensuite je me suis posé la question du « et ensuite ? » au retour de tous nos héros disparus à la fin d’Infinity War. En particulier en ce qui concerne Spider-Man, dont le second film solo est annoncé pour le mois de juin au cinéma. D’après la bande annonce de Spider-Man : Far From Home, le gentil Peter Parker part en sortie de classe avec ses copains en Europe et va être confronté à divers méchants aux pouvoirs élémentaux3. On le voit d’ailleurs à la fin de Endgame retourner au lycée et retrouver son ami Ganke. Sauf que 5 années ont passé depuis sa disparition. Et il retrouve quand même ses amis du lycée. Or, Tony Stark avait insisté pour que rien des 5 années écoulées ne soit supprimé par le snap inversé (et pour cause : devenu papa entre temps, il se voyait mal effacer sa petite Morgane du paysage). Donc : les amis de Peter n’ont pas pris 5 ans eux ? Bon, nul doute que j’aurai la réponse très bientôt en allant voir le nouvel opus arachnéen.

Celui sans qui rien n'aurait pu arriver !

Autre raison de chipoter à côté de laquelle je ne peux décemment pas passer : le coup de fil de madame Barton à son Oeil-de-Faucon de mari sitôt le snap d’inversion effectué. Je ne sais pas quel abonnement téléphonique elle avait, mais 5 ans plus tard il est toujours valable. Excellent choix d’opérateur visiblement. J’accepte qu’un Hulk puisse soulever 10 tonnes d’un seul petit doigt, mais pour la téléphonie mobile faut rester crédible, merde.

Ok, j’avoue que la précédente remarque tient plus du détail qu’autre chose, mais quid de celle-ci : le plan des Avengers restants était de récupérer les pierres de l’infini dans le passé, les rapporter dans le présent, ramener tous ceux qui ont trépassé en snappant à l’envers, et ensuite très important pour ne pas créer des mondes alternatifs déviants : rapporter les pierres à l’époque où elles ont été empruntées. Mission que Captain America s’empresse de mener à bien après la bataille finale. Mais ça fonctionne comment pour la pierre de l’âme exactement ? On est d’accord que pour l’obtenir il faut se présenter devant Crâne Rouge et offrir une âme contre la pierre. Mais pour la rendre ? Captain s’est radiné sur la planète Vormir et a négocié avec son ancien ennemi nazi une reprise sur la base contractuelle des sept jours de délai légal de rétractation ?

Non monsieur, ni repris ni échangé désolé...

Et puis pour finir j’ai gardé le plus consistant de mes bémols pour manque de cohérence, à savoir la fin réservée à Captain America. Qui part jeune et en bonne santé rendre toutes les pierres à leurs époques respectives, et réapparaît en vieil homme qui a l’âge qu’il devrait s’il n’avait jamais traversé les décennies en mode hibernatus. Certes, c’est très beau comme final, ça fait un bel épilogue pour le personnage de Steve Rogers, mais ça fiche en l’air tout ce qu’on a pris la peine de nous expliquer sur les voyages dans le temps (non sans se foutre explicitement de la gueule de Retour vers le Futur au passage) tout au cours du film. On peut retourner dans le passé mais on ne peut pas le changer en créant un paradoxe temporel. Si on change le passé, on ne fait que créer un monde parallèle et alternatif au sien, mais la continuité temporelle du monde d’où l’on vient n’en est pas modifiée. Moi perso je trouve ça très sympa comme idée, c’est plutôt malin comme façon d’éviter les paradoxes temporels qui foutent par terre toute la logique de l’histoire et donnent mal à la tête à trop essayer de les rationaliser. Et tout le film fonctionne sur ce principe du voyage dans le temps non paradoxal. Sauf cette fin. Et ça, conceptuellement c’est quand même bien dommage, parce que par la même occasion, c’est toute la cohérence du film qui est mise à mal. Peut-être que cette faille dans la logique nous sera expliquée plus tard par le truchement de je ne sais quelle pirouette scénaristique, n’empêche, en l’état ça fait tâche.

Mais !!

 

Vous devez vous dire « attends garçon, t’avais dit que le film n’est pas mauvais et n’a pas démérité sur ses objectifs principaux, mais au final tu le charges à mort !? ». C’est parce que ça n’est que la première partie de mon avis. Je vais donc passer au positif à présent. C’est mieux de garder le meilleur pour la fin non ?

 

Alors voici les raisons pour lesquelles Avengers : Endgame reste un bon film, qui mérite à ce titre d’être vu, malgré la liste de choses à redire que je viens de détailler.

Rassurez-vous les gars, j'ai des trucs positifs à dire aussi sur votre film.

Clap de fin

 

En premier lieu, parce qu’il s’agit d’une vraie conclusion. « Enfin ! » pourraient être tentés de dire certains. Depuis son début avec le premier Iron Man, chaque film du MCU appelle à une suite, et c’est même devenu une des marques de fabrique du MCU, chose soulignée si besoin par les scènes post-génériques. Pour Endgame, inutile de perdre 10 minutes à voir défiler une interminable suite de noms au générique de fin : il n’y a plus rien après. Façon de marquer ce film comme une vraie conclusion à tout ce qu’on a pu voir jusqu’ici. Alors si vous faites partie de ceux qui ont vu les films du MCU dans l’ordre, et qui ont apprécié le fil rouge qui les relie tous entre eux, il est évidemment impensable de ne pas en voir la fin. Certes pas définitive, chez Marvel le mot Fin n’a pas la même définition que dans le Larousse. Mais quand même, il faut laisser à Endgame cette qualité : le film offre une vraie conclusion à toutes les intrigues lancées jusqu’à présent en 11 années de MCU. Ça n’est quand même pas rien ! On a vu ensemble que sur certains points il y aurait à redire, mais tout de même chaque arc narratif se referme en même temps que Endgame. Si le MCU en restait là, si on ne devait plus voir aucun des personnages dans de nouveaux films, on n’en serait pas pour autant frustrés sur le plan de la narration. Gros enjeu, et gros point fort de cet Endgame donc.

En voilà au moins un qui y met du cœur à l'ouvrage !

La chasse aux oeufs

 

Comme souvent dans les films du MCU, on retrouve quelques petites séquences sous forme de clins d’œil aux fans de comics, évidemment Endgame n’y échappe pas. Ces passages passent d’ailleurs souvent inaperçus aux yeux des profanes, la référence aux comics pouvant facilement échapper à qui n’est pas un lecteur assidu des productions Marvel. Certes c’est de l’ordre du détail sur la totalité d’un film, n’empêche que je dois avouer y être assez sensible. À chaque fois que j’en repère une de ses scènes clins d’œil, surtout si c’est en rapport avec un bon souvenir de lecture, mon petit cœur de fan est flatté et caressé dans le sens du poil. Bref ça marche sur moi quoi. Souvent ce sont des petites choses pas bien importantes.

 

Il y a par exemple la scène qui regroupe l’ensemble des héroïnes du MCU et qui fait directement référence à une mini-série très récente (A-Force, parue en 2015 au cours du maxi-crossover Secret Wars), mais j’y reviens plus en détail en fin d’article.

Quand Scott Lang est éjecté du monde subatomique grâce au rat, il se retrouve dans un box de stockage enregistré sous le code « Lang 616 ». Le 616 fait référence à la Terre-616 qui est le nom de la réalité dans laquelle se situent la plupart des événements de l’univers Marvel. Ce 616 est lui-même un clin d’œil et correspond à la date 61-6 (juin 1961), date de parution du premier épisode des Fantastic Four, qui marque le lancement de l’univers super-héroïque Marvel moderne dans les kiosques.

Lors du caméo de Stan Lee il y a un gros plan sur la plaque d’immatriculation de la voiture qu’il conduit à toutes trombes, on peut y lire « Nuff Said » qui est une des phrases fétiches avec laquelle Stan Lee aimait conclure ses textes d’intro ou ses éditos.

Lors du passage de Tony et Steve dans les années 1970, ce dernier récupère des tubes à essais remplis de particules Pym dans le laboratoire de Hank Pym (Michael Douglas rajeuni avec une coupe de cheveux absolument fabuleuse !!). On aperçoit dans le labo de Pym le casque « historique » du costume d’Ant-Man, avec les antennes et la mentonnière. Toujours en 1970, quand Tony fait ses adieux à son père, c’est en présence de Jarvis. Jarvis est le nom de l’IA de Tony Stark dans les films, mais dans les comics il s’agit surtout du nom du majordome des Stark (un équivalent du Alfred Pennyworth de Batman).

J’y reviens plus en détails plus bas, mais la scène où Sam Wilson « hérite » du bouclier étoilé de la main de Captain America fait directement référence à la récente série Sam Wilson : Captain America.

Si on m'avait dit qu'un jour...

Quand Steve Rogers se retrouve dans l’ascenseur avec les agents du SHIELD (des agents infiltrés d’Hydra en fait), il glisse en toute discrétion un « Hail Hydra » à l’un d’entre eux en signe de reconnaissance. Cette image fait référence à une fameuse case de la série Steve Rogers : Captain America qui a fait polémique à sa parution où l’on voit le Captain dire ces mots. C’est le coup d’envoi d’une saga plutôt réussie d’ailleurs, du nom de Secret Empire.

Au début du film on apprend que Clint Barton a perdu sa femme et ses enfants lors du snap de Thanos. Cinq ans plus tard on le retrouve en justicier-tueur dans un costume qui n’a plus rien à voir avec celui de Hawkeye. Il s’agit de celui de Ronin, identité qu’il a prise dans les comics après la saga Civil War (celle des comics, pas du film).

Jim Starlin, le papa de Thanos !

Dans la première partie du film, on voit Steve Rogers participer à une thérapie de groupe. Le personnage qui raconte son rendez-vous galant avec un autre homme est l’un des co-réalisateurs du film, Joe Russo qui s’offre ainsi un caméo. Mais il y a un autre caméo plus discret dans cette séquence : un homme chauve avec un bouc assiste aussi à la réunion. Il s’agit ni plus ni moins de Jim Starlin ! Jim Starlin est le créateur de Thanos et des pierres de l’infini (mais aussi de Drax et Gamora entre autres).

Autre moment fort du film : lors de la bataille finale Captain America soulève et utilise Mjolnir, le marteau de Thor, que seuls ceux qui en sont dignes peuvent soulever. Cette scène démontre le cœur pur et le sens de l’honneur sans faille du Captain, mais est également une image forte qu’on a déjà pu voir à plusieurs reprises dans les comics. L’une des plus récentes date de la saga Fear Itself, parue en 2011.

... ouhouh ce serait le bonheu-heur... (sur un air connu)

Enfin et pour finir, quand tous les Avengers apparaissent sur le champ de bataille pour l’affrontement final avec l’armée de Thanos, Captain America prononce enfin la phrase symbolique qui apparaît dans quasiment tous les épisodes papier des Avengers, le fameux « Avengers Rassemblement » (« Avengers Assemble » en VO). Et ça, bien que quiconque n’est pas fan de comics puisse trouver cela ridicule, je dois bien avouer que cette petite phrase m’a procuré des frissons en l’entendant...

Et tes larmes n’y pourront rien changer4

 

Ensuite, il y a l’inévitable force mélodramatique du film. Mélo parce que Endgame est l’occasion de se replonger dans une immense rétrospective de ce qui a été fait jusque-là, et de revoir ce qu’on a déjà vu mais d’un œil nouveau. C’est, je pense, vraiment ce qu’ont voulu faire les frères Russo avec les différents voyages dans le temps qui renvoient chaque Avenger survivant dans le passé du MCU. Il s’agit d’une ficelle scénaristique d’une part, mais aussi et surtout du moyen de faire d’une pierre deux coups en unissant l’enjeu de ces scènes pour le développement du film en cours à la nostalgie inévitable qu’elles engendrent. En se remémorant ces scènes, on y gagne en émotion. L’idéal aurait été que l’aspect « action pure » soit autant impactée que le côté « émotion et nostalgie », ce qui n’est pas le cas, mais on ne peut décemment pas nier que ces flashbacks ont de l’importance et provoquent une résonance chez le spectateur qui a vu les films précédents.

 

Le « dramatique » de l’adjectif mélodramatique que j’employais plus haut, je le destine tout particulièrement à la destinée de trois (mais surtout un) des Avengers principaux. La Veuve Noire tient enfin dans ce film un rôle majeur en ce sens que sans elle la pierre de l’âme n’aurait pas pu être récupérée. Son sacrifice a donc une valeur primordiale pour la suite de l’histoire. Elle meurt pour que les autres revivent. D’ailleurs cela donne lieu à un combat entre la Veuve et Oeil-de-Faucon, chacun refusant que l’autre se sacrifie à sa place. Que Natasha l’emporte sur Clint est une forme de reconnaissance de sa valeur (je rappelle qu’elle fait partie des seuls personnages qui n’a aucun pouvoir ou capacité particulière, si ce n’est celle d’entrer avantageusement dans des futals en cuir taille XS). Pourtant à bien y réfléchir peut-être que l’aspect dramatique aurait été plus élevé si cela avait été Barton qui se sacrifie, dans le sens où il se serait donné la mort sciemment pour que toute sa famille disparue revienne à la vie. Mais c’est Natasha qui remporte leur duel, elle qui n’a pas d’attaches. On s’en aperçoit d’ailleurs bien par la suite, sa mort, émouvante sur le coup, est vite reléguée en arrière plan. Barton en souffre mais le retour de sa famille adoucit son deuil, seul finalement Banner la pleurera vraiment.

Bon là ça devient sérieux : Shifumi ?

Autre élément dramatique du film : Steve Rogers, dont l’épilogue de l’histoire titille la corde sensible du spectateur. Rappelons-nous son premier film solo, celui qui narre ses origines. Le bonhomme sort victorieux de ses combats mais a tout de même tout perdu au passage : congelé pendant des décennies, la femme qu’il aime et qui lui avait promis une danse à son retour est vieille et sur le point de mourir quand Rogers se réveille de nos jours frais comme un gardon. On peut difficilement faire plus dramatique. Eh bien les frères Russo dans Endgame, offrent cette fameuse danse au Captain en lui permettant de revenir dans le passé, et de reprendre là où il en était resté avant de disparaître dans les glaces arctiques. C’est beau, c’est romantique, et on ne peut pas dire que ça n’est pas mérité par l’homme à la bannière étoilée. En revanche ça démolit tout ce qu’on nous a expliqué durant le reste du film, la façon dont fonctionnent les voyages dans le temps dans le MCU. Dommage. Mais on va dire que la conclusion est suffisamment émouvante pour que ce soit cette sensation qui l’emporte sur le reste. Dans le contexte du film et du MCU cette fin manque de cohérence, mais pour le personnage du Captain elle est belle.

Captain America saura-t-il retrouver son chemin dans les labyrinthes du temps ?

I am Iron Man

 

Dernier et, je crois que tout le monde s’accordera à le dire, principal élément dramatique de cet Endgame : la destinée de Tony Stark. Celui par qui tout a commencé avec le premier film Iron Man en 2008, est non seulement celui qui trouve la solution du voyage temporel par l’intermédiaire du monde quantique, mais est aussi celui qui résout tout le pataquès au final. Et de quelle manière ! Il va réussir l’impensable : s’emparer du gant de l’infini et procéder au snap qui va régler définitivement son compte à Thanos, le tout non sans balancer la phrase symbolique qu’il prononce à la fin du premier Iron Man, « Je suis Iron Man ». Encore une belle façon de conclure en rappelant le commencement, souligner l’esprit ironique de Stark et son côté bravache, frimeur, mais ultra-fortiche quand même. De ce point de vue le MCU a d’ailleurs réussi avec Tony Stark ce qu’il n’a pas encore pu réitérer avec d’autres : rendre le personnage de cinéma plus intéressant et plus attachant que celui des comics. Tony Stark n’est pas seulement le maître à penser des Avengers, il est l’âme même du tout le MCU, son emblème le plus représentatif. Le voir se sacrifier ainsi revêt une force d’autant plus grande que finalement ils ne sont pas si nombreux les héros qui auront fini cette histoire les pieds devant. Et il n’y a pas photo là-dessus, entre celui de la Veuve Noire et celui d’Iron Man, c’est le sacrifice de ce dernier qu’on retiendra avant tout. Comme pour marquer que cette fois le héros ne se relèvera plus comme il a si bien su le faire au cours de tous les films précédents, le volubile Tony meurt dans les bras de Pepper sans dire un mot. Lui le bavard impénitent, lui qui n’a pas son pareil pour tourner à la légère n’importe quelle situation, même la plus désespérée, il finit par faire silence et meurt dignement (Marion Cotillard, prends-en de la graine). L’émotion qui se dégage lors de son échange de regards avec Pepper est si intense que les mots auraient été superflus. On y lit à la fois l’incrédulité d’un Tony qui s’est toujours sorti de tout auparavant, ses regrets mêlés d’une demande muette de pardon destinée à celle qu’il abandonne en mourant, et également l’inéluctabilité de son sort comme s’il avait toujours su que cela se terminerait ainsi. Et on entraperçoit l’espace de cet instant fatidique toute la profondeur d’âme du personnage. Impossible je crois de faire une fin plus symbolique, un dénouement tragique plus réussi, c’est le sans-faute parfait.

I am Iron Man !

D’ailleurs durant tout le film c’est évidemment Tony qui est le personnage le mieux servi par les scénaristes, et tout son cheminement dans Endgame semble a posteriori mener vers cette fin héroïque parfaite. Outre son côté génie-sans-forcer qui lui colle si bien à la peau, et son humour poil-à-gratter qui souligne sans cesse son insoumission en flirtant parfois avec l’arrogance, dans ce film Tony Stark nous aura surtout démontré sa sensibilité et ses sentiments profondément enfouis sous sa personnalité exubérante. Il y a sa relation de père avec sa fille Morgane, sa relation quasi-paternelle avec Peter Parker qu’il avait pris sous son aile, mais aussi sa relation avec son propre père, Howard Stark, qu’il rencontre lors de son retour dans les années 1970. On sent que dans ces scènes se jouent beaucoup de choses pour Tony émotionnellement, il paraît même sincèrement ébranlé, ce qui ne lui arrive pourtant pas si souvent. Sous un léger vernis d’humour il y a là toute une sensibilité qui ne veut pas dire son nom. C’est avec une certaine finesse que cet aspect du personnage est traité, et cela fait du bien de voir que Tony n’est pas qu’un bout-en-train nihiliste au QI sur-développé. Dans ce film, Stark boucle la boucle, comme s’il arrivait enfin au bout de son cheminement, celui qui fait de lui un homme complet, pas « seulement » un super-héros. Que son existence s’arrête là est à la fois triste car il s’est enfin trouvé, et en même temps beau, pour exactement la même raison.

Tony Stark meurt. Mais Tony Stark a sauvé le monde. Il perd la vie, mais il est le grand gagnant de cette histoire. Son aura a encore augmenté au sein du MCU. En fait, le diptyque Avengers : Infinity War et Avengers : Endgame est une immense ode à Tony Stark. Et nous, on l’aime définitivement plus que trois fois mille.

Je ne sais même pas compter jusque là...

Une fin douce-amère

 

Voilà pourquoi, selon moi, cet Endgame est à la fois réussi et raté à la fois. Raté par la comparaison avec Infinity War et par le déséquilibre qu’il y a entre ces deux films qui forment un tout un peu bancal. Réussi par sa gestion des héros principaux et des issues aux storylines développées pour certaines depuis le tout début du MCU. Les frères Russo avaient balancé tout ce qu’ils avaient de spectaculaire dans le premier film, ils ont tenté le coup de bluff en axant le second film sur l’émotionnel avant tout. Le choix était audacieux, il n’a pas été gagnant sur tous les plans, mais il a le mérite d’être clair.

 

Ma critique d’ Avengers : Endgame s’arrête là. Mais j’ai envie d’essayer de me projeter un peu dans l’avenir du MCU. Je sais, ça en rajoute une couche à un article déjà beaucoup trop long, mais au point où j’en suis, je me dis qu’on n’est plus à ça près, j’ai certainement déjà perdu la plupart de mes lecteurs depuis longtemps.

Ah sans ce fichu rat...

En soi, Endgame est une fin. Fin de cycle pour toute une série d’intrigues en cours, fin de cycle pour la grande menace Thanos qui aura été la trame de fond des trois premières phases du MCU avant d’exploser dans les deux derniers Avengers. Fin de cycle pour un certain nombre de personnages emblématiques, comme on l’a vu plus haut. Mais pas la fin du MCU bien évidemment.

La phase IV qui s’annonce reste nébuleuse pour l’instant, et à l’heure actuelle peu de choses sont certaines, mais nulle doute que les annonces vont se faire après le prochain Spider-Man, peut-être lors de la Comic-Con de cet été.

C’est quand qu’on va où ?5

 

On est à peu près sûr de ne pas se tromper en misant sur des suites telles que Black Panther 2, Captain Marvel 2 et Docteur Strange 2. Parce que les premiers opus ont été des succès au box office (surtout Black Panther) d’une part, et qu’on sent bien la volonté de booster ces personnages et d’en faire les nouvelles locomotives du MCU (et des Avengers ?). Je verrais bien un personnage comme Namor introduit dans le prochain Black Panther, certains indices le laissent penser, et le récent succès du Aquaman de la concurrence DC/Warner devrait servir d’émulation à Marvel/Disney. Il arrivera peut-être un peu plus tard que les autres, mais Les Gardiens de la Galaxie 3 semble enfin quant à lui sur de bons rails. Si l’on en croit la fin de Endgame, il se pourrait bien que Thor soit raccroché à cette franchise, le rapprochement de style depuis Thor : Ragnarok allait déjà en ce sens. Ça laissera du coup un peu de temps au dieu nordique pour s’inscrire chez Comme j’aime et à la salle de gym histoire de revenir en pleine forme à l’écran. Le film consacré à la Veuve Noire est quant à lui également en bonne voie de se faire prochainement. La logique voudrait qu’il s’agisse d’un film qui se passe dans le passé, peut-être même avant le premier Avengers si on part sur une origin-story. Des rumeurs persistantes évoquent un film consacré aux Eternals (un lien scénaristique pourrait se faire avec le pan cosmique du MCU, avec les Krees et Captain Marvel notamment), et un autre au héros asiatique Shang-Chi (dans une logique de ciblage du public, après les afro-américains visés par Black Panther et les femmes par Captain Marvel, le public asiatique -la Chine est un énorme marché qui s’ouvre au cinéma ne l’oublions pas- pourrait donc être la prochaine étape pour le MCU).

Namor the Submariner, bientôt sur vos écrans ?

Quid des « héros historiques » ? Pour ce qui concerne Hulk c’est très difficile à dire. La direction donnée au personnage dans Endgame ne permet pas de deviner grand-chose. Tel quel, il semble plutôt dans une impasse narrative, son avenir relèvera donc de la surprise ! Pour ce qui est de Captain America, le passage de témoin a été officialisé dans Endgame. C’est à présent Sam Wilson qui portera le bouclier. Ce qui d’ailleurs est conforme à ce qui a pu se passer il y a quelque temps déjà dans les comics. À ceci près que dans les comics le titre de Captain America est d’abord revenu aux mains du Soldat de l’Hiver un temps avant d’arriver dans celles du Faucon. Je pense que l’idée de sauter la passage de Bucky dans le rôle du Captain n’est pas une mauvaise idée. Bucky Barnes a quand même été un tueur à gage pendant des décennies pour l’URSS, ça la foutrait un peu mal de le voir se balader avec la bannière étoilée sur le dos. Faire de Captain America un afro-américain a déjà fait l’objet d’un long arc narratif dans les comics, et c’était plutôt intéressant car cela traitait frontalement du racisme, des relations inter-communautaires et même ouvertement de politique. Franchement, je vois mal Disney se lancer dans ce genre de problématiques et de sujets de fond dans leurs films grand public. Peut-être cela sera-t-il abordé par l’intermédiaire de la série qui est annoncée et centrée sur le duo Faucon / Soldat de l’Hiver justement. Ça reste à voir, mais je doute qu’on aille très loin dans cette direction, Marvel au cinéma c’est Disney avant tout, le MCU sortira moins des clous et semble plus frileux que la version comics.

Donald T. says : not my Captain America !

Quant à Iron Man, le mystère demeure pour l’instant. Tony semble définitivement sur la touche, ce qui doit arranger Disney : l’acteur Robert Downey Jr commençait à prendre de l’âge et coûtait qui plus est une blinde en salaire. Pour autant je ne parierai pas sur son éviction totale. Je le verrais bien intervenir à l’avenir mais sous une autre forme : celle d’une Intelligence Artificielle. Comme ça a pu être le cas déjà dans les comics. Ça aurait plusieurs avantages : il n’est plus Iron Man, donc plus de problème lié à l’âge du comédien ni à son physique. Il n’aurait plus le premier rôle, donc serait un poids de moins du point de vue salarial. Mais il serait tout de même présent (comme dans Spider-Man : Homecoming par exemple) et apporterait ainsi son charisme et à l’occasion lâcherait quelques blagounettes comme lui seul sait le faire (et Marvel au ciné tient beaucoup à ce ton léger injecté dans ses films). Ça serait tout bénéf et permettrait de gérer habilement la transmission du rôle d’Iron Man à un autre personnage (Pepper ? Peu probable. Shuri ? Envisageable. Morgane ? Ça impliquerait un saut narratif dans le temps. Rhodes ? On déplacerait le problème de l’âge sur un autre comédien. Harley Keener, le gamin de Iron Man 3 qui aurait grandi ? Sa présence aux obsèques de Tony n’est certainement pas un hasard…). D’ailleurs si on part sur une série de héros plus jeunes qui reprendraient le flambeau de leurs aînés, il y a également dans les cartons Cassie Lang, la fille de Ant-Man (qui dans les comics devient Stature et qui aime bien jouer les géantes grâce aux particules Pym), et Lila Barton, la fille de Clint qui a l’air de bien se débrouiller à l’arc elle aussi (elle n’existe pas dans les comics, cependant Barton fut remplacé un temps par une jeune femme qui reprend le pseudo d’Oeil-de-Faucon).

Tony Stark de retour sous forme d'IA ?

Mais ce qui va arriver selon moi à moyenne échéance, c’est l’intégration dans le MCU des licences récupérées depuis le rachat de la Fox par Disney. À savoir les Fantastic Four et les X-Men. Et selon moi, la meilleure astuce scénaristique pour y arriver sera de faire appel aux dimensions parallèles déjà évoquées dans Endgame. Difficile d’intégrer des personnages aussi puissants que ceux de l’univers des X-Men dans le MCU sans créer un énorme problème de cohérence : on en a jamais entendu parler avant ? Où étaient-ils lors de l’invasion des Chitauris ? Pourquoi le SHIELD ne les a jamais mentionnés ? Pourquoi les Avengers n’ont-ils jamais cherché à neutraliser le terroriste Magnéto ? Etc… Alors que s’ils viennent d’une Terre parallèle, tout ça passe crème. Et en plus Disney peut se permettre de rebooter les personnages à sa guise, ce qu’il ne se privera certainement pas de faire au passage. Pour les 4 Fantastiques, ce sera encore plus simple, leur univers cinématographique a été moins développé que celui des X-Men et a surtout eu moins de succès, la pilule passera d’autant mieux auprès des spectateurs. Surtout si le MCU propose enfin une version correcte et satisfaisante de ces personnages sur grand écran. Ils ont réussi leur pari avec une énième version de Spider-Man, les 4 Fantastiques devraient poser moins de problèmes. Reste l’inconnue Deadpool qui est déjà tellement à part comme ça, qu’il est difficile de savoir ce que Disney va en faire. En l’état il n’est pas hyper-compatible avec l’esprit MCU, mais l’assagir serait l’affadir, et perdre ce qui a fait son succès au cinéma. Personnellement je ne crois pas à son intégration dans le MCU.

Les filles, si on lançait un #BalancetonThanos ?

Allez, dernière hypothèse : quid du groupe Avengers à l’avenir ? Si un nouveau film de la franchise devait être annoncé, le groupe serait forcément largement remanié et très différent du précédent. Avec peut-être enfin une Captain Marvel vraiment intégrée, ça serait bien. Mais justement, lors de la bataille finale de Endgame, on a eu une scène qui faisait référence à un comics récent, la mini-série A-Force. On y voyait regroupées autour de Captain Marvel toutes les super-héroïnes dans le même plan séquence. Clin d’œil aux fans de comics ou vraie piste pour l’avenir ? Un groupe d’Avengers entièrement féminin serait-il possible ? Plausible ? Pourquoi pas, mais j’en doute un peu. Que la présence féminine dans les rangs super-héroïques soit accentuée, oui, très certainement, qu’on se passe de la présence de personnages comme Black Panther ou le Docteur Strange, je n’y crois pas. Ça n’a rien d’idéologique, c’est purement financier comme raisonnement : + de héros à succès = + d’entrées d’argent. C’est aussi simple que ça selon moi.

Voilà, c’est fini6

 

Enfin cet article touche à sa fin. Je dis ça pour moi, qui commence à fatiguer un peu à écrire. Et je dis ça pour vous, lecteurs, qui devez en avoir plus que ras-la-bol de mes élucubrations sur les super-héros sur grand écran. Je ne sais pas si quelqu’un est arrivé à tout lire jusqu’ici. Moi-même j’ai dû m’y reprendre à plusieurs fois. Je sais que des articles de ce type sont plus contre-productifs qu’autre chose ; j’ai beau saucissonner mon texte en le caviardant de photos, quand c’est trop long c’est trop long...

1 ben quoi, le claquement de doigt de Thanos, m’enfin !!

2 un très court mais très chouette caméo de Stan The Man Lee d’ailleurs !

3 élémentaux dans le sens : qui agissent sur les éléments naturels tels que l’eau ou le feu par exemple. Un élémental, des élémentaux :-)

4 Serge ? Mais que viens-tu faire là ?

5 oui, Renaud vient se taper l’incruste dans un article sur le MCU

6 et Jean-Louis Aubert aussi dites donc !!

L'affiche du film.

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