C’est en février 2004 qu’apparaissent les Ultimate Fantastic Four. Scénaristiquement c’est bien fichu, avec juste ce qu’il faut de nouveautés pour entretenir l’originalité tout en ménageant quelques clins d’œil référentiels pour ceux qui connaissent les origines datant de 1962 par Stan Lee et Jack Kirby. Graphiquement, le plus vieux des frères Kubert assure un travail très correct et sait insuffler le punch qu’il faut au moment où il le faut.
Depuis 2000, Marvel a lancé avec succès son univers Ultimate, et voilà donc le tour des 4 Fantastiques d’y avoir leur série.
L’univers Ultimate, ce n’est ni plus ni moins qu’une relecture des personnages cultes de Marvel, mais après transposition de leurs origines de nos jours. Les Fantastic Four classiques ont débuté leur carrière en 1962, ils ont donc 40 années d’aventures derrière eux, et presque déjà tout vécu : ils ont combattu les plus grandes menaces de l’univers, ont disparu plusieurs fois, sont morts, sont revenus à la vie, ont sauvé des dizaines de fois le monde voire la réalité toute entière, ont visité le passé, l’avenir et les dimensions parallèles, … tout cela et bien plus encore.
Les personnages ont évolué, grandi en même temps que leurs lecteurs, et commencent à avoir un lourd passé derrière eux. Parfois si volumineux qu’il dissuade les lecteurs novices de se plonger dans leurs aventures, tant le poids de ce qui s’est passé en 40 ans peut impressionner.
Car chez Marvel on cultive les concepts de « continuité » et « d’univers partagé ». C’est-à-dire que tous les héros vivent dans le même monde, ce qui permet des rencontres et autres crossovers gigantesques (comme si par exemple en franco-belge Tintin, Astérix et Gaston Lagaffe se rencontraient le temps d’une aventure), et ce qui implique aussi que ce qui se passe dans une série peut potentiellement avoir des répercussions sur toutes les autres. Cela veut dire également que ce qui arrive à un personnage peut avoir des conséquences sur sa « vie » plusieurs dizaines d’épisodes plus tard, la fameuse continuité implique que toute histoire d’un personnage est considérée, dès lors qu’elle est éditée, comme faisant officiellement partie intégrante de son passé, et il peut y être fait référence n’importe quand à l’avenir.
C’est une caractéristique de Marvel depuis 1962 (DC , l’autre géant de l’édition de comics, s’y est mis aussi, mais a été pendant très longtemps beaucoup moins strict sur ce point, ce qui a eu pour effet de voir cohabiter des versions très différentes d’un même personnage au gré des envies des auteurs), qui a indiscutablement joué en sa faveur en accentuant le réalisme de cet univers de papier, et l’authenticité de ses héros.
Mais il y a un double-revers à la médaille : d’une part la cohérence globale de l’univers Marvel est d’autant plus difficile à préserver du fait qu’il ne cesse de s’étendre, du fait du nombre d’artistes amenés à travailler dessus, et du fait de l’accumulation des contraintes des épisodes passés qui entravent la créativité des auteurs du moment. D’autre part, et c’est encore plus problématique, cela finit par poser de grosses difficultés au niveau du lectorat. Difficile en effet de débarquer après 40 ans et se sentir à l’aise sur une série sans rien n’en avoir jamais lu auparavant … d’où la raréfaction des nouveaux lecteurs.
C’est donc dans un désir de simplification et pour attirer de nouveaux lecteurs, que Marvel a lancé sa ligne éditoriale Ultimate. L’univers classique continue sur sa voie, et on crée à côté, d’une manière totalement indépendante, un duplicata des personnages, vierges de toutes aventures, comme s’ils venaient d’être créés en 2000 plutôt qu’en 1962. Les auteurs ont le double-avantage de travailler sur des icônes déjà connues et reconnues du public comme Spider-Man ou les X-Men par exemple, mais sans avoir la moindre contrainte scénaristique liée au passé à respecter. Il s’agit en fait d’une version moderne, rajeunie et adaptée aux goûts du jour de héros vieux de 40 années pour la plupart.
C’est ainsi que dans le premier story-arc en 6 épisodes de UFF, The Fantastic, Brian Michael Bendis et Mark Millar au scénario, associés à l’excellent Adam Kubert aux crayons, nous content les nouvelles origines des 4 Fantastiques. On note d’ailleurs au passage des différences notables entre la version ultimate et la version classique. Par exemple l’âge des protagonistes, plus jeunes dans la nouvelle version. L’origine des pouvoirs aussi change. Ce n’est plus lors d’un voyage en fusée qu’ils se feront bombarder de rayons cosmiques, c’est au cours d’une expérience de téléportation au travers une dimension parallèle nommée N-Zone (l’équivalent de la Zone Négative dans l’univers classique) que les corps de Red Richards, Sue (Jane en VF) et Johnny Storm, Ben Grimm et Victor Van Damme (eh oui, Fatalis voit ses origines liées au groupe de départ, et a troqué son nom de Von Doom contre celui d’un fameux belge aware !!) acquièrent de fabuleux pouvoirs. On assiste ensuite à la découverte de leurs nouveaux pouvoirs par les auto-proclamés Fantastiques, alors qu’ils sont confrontés à leur premier ennemi : l’Homme-Taupe, revisité lui aussi. Quant à Fatalis, il disparaît dans l’expérience de téléportation et reste introuvable.
Bref, là où je n’attendais pas grand-chose, voire même là où je craignais la grosse déception, cette « re-création » des Fantastiques m’a plutôt agréablement surpris, et je reste très satisfait de ma lecture. Si vous voulez vous mettre aux Fantastiques, Ultimate FF est idéal, et pour ceux qui connaissent déjà les habitants du Baxter Building, jetez-y un œil par curiosité, vous ne devriez pas le regretter.
Bonne lecture à tous.
(En VO il s'agit des épisodes UFF#1-6, qu'on trouve en VF dans le bimestriel UFF#1-3)