Attention gros coup de cœur de l’année !!
J’ai découvert ce film par hasard, uniquement attiré par le fait qu’un film belge puisse se nommer Hasta la Vista. Cherchez pas, il y a des associations qui me parlent, ça n’a rien de cartésien, c’est mon côté bizarre. Je ne l’ai malheureusement pas vu en salle mais découvert parmi les sorties dvd que je consultais voici quelques semaines. J’ai tenté le coup pour voir, intrigué mais sans en savoir plus. J’y suis allé quasiment à l’aveugle, sans faire de recherche au préalable sur le film, sans rien lire à son sujet avant, et bon sang qu’est-ce que j’ai bien fait. Je me suis pris une bonne claque avec ce film. Je ne m’attendais à rien de particulier et du coup l’effet qu’il a eu sur moi en a été comme décuplé. En un mot comme en cent, je l’ai trouvé extraordinaire. Du genre à entrer directement dans mon top ten de tous les temps. Je ne peux évidemment pas m’empêcher d’en parler ici.
Comme son titre ne l’indique pas, Hasta la Vista est donc un film belge, réalisé par Geoffrey Enthoven. C’est l’histoire de trois jeunes belges, et plus précisément trois jeunes flamands. Ils ont une vingtaine d’années et partagent quelques points communs. Ils sont tous les trois amateurs de grands vins et de jolies filles. Mais s’ils dégustent régulièrement du bon vin au sein de leur club d’oenologie, ils sont en revanche encore vierges de toute relation avec le beau sexe. Car un autre de leurs points communs réside dans le fait qu’ils sont entièrement dépendants de leurs proches. Oui, j’oubliais de préciser qu’ils sont tous trois handicapés. Philip (Robrecht Vanden Thoren) est tétraplégique, Jozef (Tom Audenaert) est quasi-aveugle et Lars (Gilles De Schrijver) est atteint d’une tumeur agressive qui le paralyse en partie et le cloue sur une chaise roulante.
Quand Philip présente à ses deux amis une publicité pour la maison close El Cielo en Espagne qui accueille les gens comme eux, atteints de handicaps lourds, ils ne tardent pas à prendre leur décision : ils y perdront leur virginité coûte que coûte. Évidemment il y aura quelques obstacles à surmonter. Leurs parents tout d’abord, pas prêts de les lâcher comme ça dans la nature, et à qui il va être ardu de vendre l’idée de prendre du bon temps dans un bordel espagnol. C’est par l’intermédiaire d’internet qu’ils se mettent en douce d’accord avec Claude (Isabelle De Hertogh) qui leur servira d’aide médicale et de chauffeur pour le voyage. Ne reste plus pour les trois compères qu’à se faire discrètement la belle de chez eux, direction Punta del Mar et les jolies filles d’El Cielo…
Plus facile à dire qu’à faire ! Rien que pour faire discrètement ses bagages quand on est aveugle ou tétraplégique, il faut savoir faire marcher son imagination…
Voilà, je ne vais pas vous en dire beaucoup plus que ce pitch de départ, mais si vous êtes comme moi, ça devrait largement suffire à vous donner envie d’en savoir plus !
Que ce soit clair, Hasta la Vista est avant tout une comédie. Mais une comédie qui ne se limite pas une seconde à ce registre. Il y a de tout dans ce film, et c’est ce qui en fait un petit bijou. Au gré des pérégrinations de ces trois loustics sur la route du soleil, du vin et des jolies filles, on est transporté du rire aux larmes avec la même spontanéité. Ce film est bourré de qualités, il déborde d’énergie et de bonnes idées, et surtout il est totalement décomplexé.
Parce que tout de même, il faut bien dire que le thème principal s’attaque à un sujet plutôt tabou et pas forcément très drôle au premier abord : le droit à une vie sexuelle « normale » et revendiquée pour les personnes handicapées. Et pourtant dans ce film, une véritable magie semble opérer : tout est fait et dit naturellement, la gêne n’existe pas, on parle ouvertement et cela semble couler de source. Exit le tabou. Et comme tout cela est parfaitement naturel, c’est bien évidemment sujet à plaisanteries, y-compris bien graveleuses. Ce ne sont pas juste trois handicapés, ce sont avant tout trois jeunes hommes, tout simplement. Et si leur physique est sans cesse là pour rappeler que rien n’est jamais simple quand on dépend totalement des autres pour les gestes du quotidien, leur esprit et leur humour font presque oublier ce «détail » par moment.
D’ailleurs loin de se cantonner au sujet de la vie sexuelle des personnes handicapées, ce film est je crois avant toute chose un vrai beau film sur l’amitié. Car ces trois là s’aiment vraiment et ça se sent. L’acceptation des autres, la tolérance, le fait de ne pas s’arrêter au simple physique sont également des idées que le film développe. Et il les développe sans faire de morale outrancière, juste en montrant qu’un handicapé est une personne comme une autre, avec ses qualités et ses défauts. Capable du meilleur comme du pire. Pas moins et pas plus tolérant qu’un valide par exemple. Les préjugés de Philip et Lars au sujet de Claude sont uniquement fondés sur l’apparence physique, alors qu’eux-mêmes sont quotidiennement soumis aux jugements trop rapides basés sur leur corps.
Un autre point qui m’a profondément touché même s’il n’est qu’effleuré dans le film, c’est le point de vue des parents. Le père de Lars en particulier (Johan Heldenbergh) qui est le moins enclin à lâcher la bride à son fils, et qui par amour couve et étouffe littéralement son enfant. Dépasser ses peurs, accepter que son enfant prenne des risques, lui permettre de se sentir libre alors que cela va frontalement à l’encontre de l’instinct parental basique qui est de protéger un enfant fragile… en quelques scènes tout cela est montré sans être réellement prononcé, et j’ai trouvé cela d’une finesse et d’une force bouleversantes. Je me suis mis quelques instants à sa place de parent, et j’ai vacillé avec lui.
Mais !!
Je ne voudrais pas vous mener sur de fausses pistes et vous donner de fausses idées ! Hasta la Vista n’est pas un film triste, même si à coup sûr vous sentirez monter quelques larmes par moment. C’est avant tout un film très drôle. C’est sincère, généreux, rentre-dedans, imaginatif, couillu, grinçant, décomplexé, touchant, émouvant, enthousiasmant, intelligent, simple, excitant, plein d’énergie, fun, déroutant, tendre, juste, sans voyeurisme ni complaisance ni misérabilisme… et je vais m’arrêter là parce que vous finiriez par ne pas me croire.
Moi ce film m’a chamboulé et m’a touché directement au cœur. Il m’a mis une banane d’enfer et c’est bien simple, je l’ai revu quasiment dans la foulée. Depuis je ne cesse d’en parler autour de moi pour essayer de mieux le faire connaître. Il fait partie des petites perles cinématographiques si rares : celles auxquelles on ne s’attend pas du tout et qui vous retournent comme une crêpe. Découvrir un tel film justifie largement tous les navets qu’il faut s’enfiler avant de tomber dessus.
Pour parler un peu plus du film en tant que tel, il me semble utile de préciser deux trois choses. Tout d’abord comme je le mentionnais plus avant, les personnages principaux sont flamands. Ils parlent donc en flamand. Et non, le film n’est pas doublé mais sous-titré et cela pour une raison simple : une partie du film est en langue française, Claude étant de Bruxelles elle s’exprime en français, ce qui ne sera pas sans créer une certaine tension entre elle et Philip qui lui, refuse de parler autrement qu’en flamand. On sent là que le réalisateur glisse dans son film quelques allusions aux tensions qui agitent la Belgique et les conflits entre francophones et flamands.
Autre précision, certains pourront peut-être reprocher au scénario d’être un peu prévisible sur certains points, quelques passages n’étant pas de réelles surprises. Je ne peux le nier mais j’avoue que ça ne m’a pas dérangé. Parce que même si on s’attend à l’une ou l’autre des choses qui arrivent aux héros, on n’a pas du tout l’impression d’être dans du convenu ou du banal. D’ailleurs s’il y a un adjectif auquel échappe le film, c’est bien à celui de banal…
Enfin, et pour moi c’est certainement le plus important, le film repose avant tout sur deux principaux points : la fraîcheur de son scénario qui ose ce que personne d’autre n’a osé jusqu’alors, et la qualité d’interprétation des comédiens, qui sont tous impeccablement dans leurs rôles. Sans vouloir en dévoiler plus que je ne devrais, j’ai été tout à fait scié par un tout petit passage onirique vers la fin du film, qui en quelques secondes souligne toute l’intensité de jeu des comédiens.
Bien entendu, on ne pourra pas passer à côté d’une comparaison avec Intouchables, le film phénomène de 2011, qui brasse des thèmes très proches et permet également d’avoir du handicap une approche inédite. Mais sans vouloir amenuiser ses qualités réelles et sans revenir sur tout le bien que j’ai pensé du film français, pour moi Hasta la Vista le surpasse très largement. Sans problème.
Je ne surprendrai donc personne en conseillant à tous de voir ce très beau petit film belge, Hasta la Vista, distribué en France par les Films 13 de Claude Lelouch (tiens, tiens, quelle coïncidence). C’est définitivement lui que je retiendrai pour cette année.
Hasta la Vista !