Le 18 octobre, Nathan a fêté ses 14 ans.
Déjà.
Depuis la même date en 2009, je suis un papa comblé, et assister à l’évolution de mes enfants est un spectacle qui m’émerveille et dont je ne me lasse pas. Et tant pis si dire cela fait de moi un type mièvre, je me borne là à énoncer des faits qui s’imposent à moi. J’assume ma mièvrerie sur ce coup-là.
Cette année cependant, l’anniversaire de mon aîné m’a particulièrement touché. Ou plutôt, cela a éveillé en moi quelque chose que les précédents anniversaires n’avaient pas provoqué. J’ai eu une sensation de bascule. En ce qui le concerne, et donc, indirectement, pour moi également.
J’ai réfléchi à ce qui a pu déclencher cette sensibilité particulière à laquelle je ne m’attendais pas, et j’ai peut-être trouvé un début d’explication.
Inconsciemment, j’ai associé cet âge à un passage vers quelque chose de nouveau. Avoir 14 ans représente à mes yeux le symbole de l’entrée dans une nouvelle étape, que j’aurais du mal à définir avec précision. Un peu comme le passage à « l’âge de raison » ou quelque chose d’approchant. Ne me demandez pas pourquoi 14 ans et pas 13 ou 15, c’est parfaitement arbitraire je le sais bien, et cela ne vaut certainement que pour moi.
Quand je me remémore ma propre jeunesse, j’ai cette impression qu’à partir de mes 14 ans, j’ai commencé à devenir l’être adulte que j’allais être plus tard. Un peu comme si la première partie de mon itinéraire avait été la part réservée à l’enfance, l’insouciance, l’inconséquence, mais qu’à partir de cet âge symbolique j’étais entré dans l’ébauche d’une nouvelle personne, celle qui allait me mener à l’adulte que j’étais destiné à devenir.
Comme si à partir de cet instant, j’avais commencé à « me construire » en pleine conscience, brique par brique, que j’étais sorti à ce moment-là de cette espèce de brouillard duveteux, protecteur et agréable de l’enfance pour me confronter au monde tel qu’il est en réalité.
Et aujourd’hui mon fils a atteint cet âge-là. Je me dis (par analogie, ou pure projection je m’en rends bien compte) que lui aussi, va donc entamer cette nouvelle portion de son itinéraire individuel et personnel qui le verra cheminer vers l’adulte qu’il va être. Et cela m’émeut d’y penser. Parce qu’il s’agit d’un point d’étape important, symbolique, presque solennel. Aussi parce que cela implique forcément des changements par rapport à « avant ». Devenir adulte, c’est aussi se détacher plus nettement de ses parents. Et si cela m’a ainsi touché dans le cas de Nathan, c’est certainement parce que je ne m’y étais pas préparé, je n’y avais même jamais réellement pensé, à ce que mon fils se détache de plus en plus de moi. Pour devenir de plus en plus lui. Ce qui est normal, sain et dans l’ordre des choses. Mais qui me donne le sentiment de rester un peu sur le bord du chemin, contraint de le regarder s’éloigner.
Je vais donc devoir revoir en partie ma place, notre relation, et trouver la meilleure façon d’adapter mon rôle de papa (est-ce cela, devenir père plutôt que papa ?) pour continuer à pouvoir l’accompagner sans l’entraver dans son évolution. Laisser le papillon sortir définitivement de sa chrysalide.
J’avoue que cela éveille une certaine mélancolie en moi.