Quelle ne fut pas ma surprise l’autre jour quand, divaguant sur un trottoir, en passant devant un cinéma et lorgnant distraitement sur la collection d’affiches des films projetés et à venir, j’en repère une avec Mel Gibson en gros plan, affublé d’un peluche en forme de castor.
Je m’approche, je regarde. Le Complexe du Castor, film de et avec Jodie Foster, rôle principal tenu par Mel Gibson.
Quand je parle de surprise… j’en étais resté aux frasques de l’acteur australien qui a fait bien plus parler de lui dernièrement dans la presse à scandales que dans celle consacrée au septième art. J’ai vaguement entendu parler d’affaires d’antisémitisme, d’ivrogneries diverses et de violence conjugale. De quoi blacklister le Mel pour tout ce qui est carnet mondain hollywoodien en somme. D’où mon étonnement de le voir à l’affiche d’un film. Ne niant pas un instant que Mel Gibson puisse n’être dans la vie qu’un sombre connard, pour moi il est et reste surtout un putain d’acteur, un gars qui m’aura marqué durablement pour tout un tas de raisons, dont les deux principales se nomment Martin Riggs et Apocalypto. Alors au-delà des scandales people qu’il suscite, le Mel Gibson acteur et réalisateur m’a toujours intéressé, et continue d’exercer sur moi une certaine curiosité, si ce n’est de l’attirance. Le film sortait le lendemain. Fallait bien que je vois ça…
Alors Le Complexe du Castor met en scène Walter Black. Walter a, a priori, tout pour être heureux. Il est marié à Meredith (Jodie Foster), père de deux garçons, l’aîné Porter (Anton Yelchin) et le petit Henry (Riley Thomas Stewart), il dirige une marque de jouets qu’il a héritée de son père. Pourtant Walter est sujet à la dépression. Une dépression si forte qu’il se détache de tout et de tous, irrémédiablement. Au point qu’après des années d’efforts et pour le bien de tous, Meredith décide de se séparer de son époux. Touchant le fond, Walter veut en finir. Mais le hasard le fait tomber un soir sur une marionnette de castor, qui va changer son existence. Walter va s’accrocher avec l’énergie du désespoir à cette marionnette, qui va lui permettre d’exprimer tout ce qu’il n’ose pas dire, et de devenir une autre personne : positif, volontaire, entreprenant, drôle, charmeur, bref : sûr de lui. Mais ce n’est plus Walter qui est aux commandes, c’est le Castor. Walter ne parle plus, c’est le Castor qui s’exprime par sa bouche. Faisant passer cela pour une thérapie de la dernière chance que lui a prescrite son psychiatre qu’il ne voit plus depuis belle lurette, Walter va développer une toute nouvelle personnalité à travers sa marionnette, au point de ne plus pouvoir s’en passer un seul instant…
Étrange film que ce Complexe du Castor… Difficile à cerner surtout. Parce qu’on a là plusieurs angles d’attaque, plusieurs traitements possibles de l’histoire (humoristique, dramatique, moraliste, mélo) qui sont tous empruntés à un moment ou un autre sans forcément exclure les autres. Évidemment la situation d’un Mel Gibson qui parle avec une marionnette au bout du bras prête à rire et Jodie Foster ne se prive pas d’en profiter un peu dans son film, tout comme elle parvient à donner dans le drame dès lors qu’elle aborde la relation conflictuelle père-fils de Walter et Porter. Parfois c’est too much (l’interview télévisée par exemple), parfois on est à la limite du mélo, mais sans jamais vraiment s’y lâcher complètement. À l’arrivée, je classerais tout de même ce film en comédie dramatique (ok, c’est un terme fourre-tout c’est pas faux non plus), mais ce flou artistique qui l’entoure n’a pas été pour me déplaire. Si je ne cautionne pas forcément tout dans le film, j’ai tout particulièrement été intéressé et touché par la relation, ou plutôt la non-relation devrais-je dire, entre Walter et son fils aîné. Il y a de belles idées : la liste des ressemblances que l’adolescent cherche à effacer est une jolie trouvaille, le trou dans le mur idem. De manière plus générale, si j’ai trouvé l’ensemble des comédiens plutôt bons et inspirés dans leurs rôles, c’est certainement Mel Gibson et Anton Yelchin justement qui s’en sortent le mieux. L’écriture des personnages n’y étant évidemment pas pour rien, Walter et Porter sont les deux piliers de cette histoire, qui a mes yeux se résume surtout et avant tout à cela : la relation père-fils.
Sans vouloir trop en dévoiler sur l’intrigue, je dirais juste que la fin ne donne pas dans la facilité, le scénario garde une certaine logique qui peut paraître dérangeante dans les faits, mais tout à fait défendable du point de vue de la cohérence globale de l’histoire. On oublie la happy-end mais on ne plonge pas non plus dans le pessimisme à tout crin, et je trouve ça plutôt bien vu finalement.
Pour en revenir brièvement à ce que je disais en introduction, je n’ai aucune idée de la manière dont Le Complexe du Castor a été accueilli, ni par le public ni par les professionnels. Je me demande bien si le film réhabilitera (ou pas) Mel Gibson aux yeux du tout Hollywood, mais en tout cas il confirme pour moi que l’interprète de Mad Max en a encore sous la semelle, et qu’il n’est pas si mort qu’on voudrait bien le faire croire. En tout cas j’ai aimé le voir dans ce rôle, là-dessus aucun doute.