Entre deux articles sur ce que je lis, je vous propose un petit commentaire sur un film que j’ai vu dernièrement : Inception de Christopher Nolan. Depuis le temps que je ne me suis plus essayé à l’exercice de la critique ciné je ne promets rien hein, mais pour recommencer je n’ai pas choisi le plus mauvais film de l’année, loin de là ! Et il y en a des choses à dire sur ce Inception, je vais tenter de mettre bon ordre dans mes réflexions…
D’abord un petit résumé.
Dom Cobb (Leonardo DiCaprio) est un voleur d’un genre nouveau. Spécialisé dans l’espionnage industriel il est capable avec ses collaborateurs d’entrer dans le subconscient des gens pour en extraire leurs secrets les mieux cachés. Pour ce faire, il s’introduit dans les rêves de ses victimes par un appareillage qui lui permet de connecter plusieurs personnes entre elles et de leur faire vivre des « rêves partagés ».
Cobb est contacté par un homme d’affaire japonais, Saito (Ken Watanabe) pour une mission inédite. Cette fois il ne s’agit pas d’aller voler les secrets d’un concurrent (Fischer Jr, interprété par Cillian Murphy), mais de lui souffler une idée et de l’ancrer suffisamment dans son subconscient pour que la victime croit l’avoir eue elle-même, et qu’elle agisse ainsi de sa propre initiative dans le sens que désire Saito. Cette opération est une inception, et si elle fonctionne c’est tout simplement le crime parfait. Mais pour que cela réussisse il va falloir que Cobb implante cette idée parasite très profondément dans le subconscient de Fischer et se rendre dans les strates les plus enfouies de l’esprit de sa cible, ce qui augmente considérablement la complexité mais aussi la dangerosité de l’opération. D’autant plus que Cobb cache à ses coéquipiers l’existence d’un élément extérieur et qui semble vouloir systématiquement saboter ses incursions dans le monde des rêves…
Je stoppe là le résumé pour ne pas entrer trop dans les détails, mais sachez que Nolan parvient à nous plonger dans le monde de ses parasiteurs de rêves en nous expliquant clairement comment tout fonctionne sans perdre le spectateur malgré les concepts complexes qu’il aborde, et sans pour autant devenir pompeusement explicatif ce qui pourrait nuire au rythme. C’est d’ailleurs une des grandes forces du réalisateur : il met en scène très naturellement un environnement complexe régi par des règles qui demandent au spectateur d’être attentif et de faire preuve d’un peu de jugeotte tout en n’oubliant pas qu’il est aux commandes d’un blockbuster hollywoodien, qui plus est un film d’action et de suspense. Et soyons clairs : Nolan joue et gagne sur les deux tableaux !
À ce sujet d’ailleurs, ce qui m’avait poussé à aller voir ce film, c’est la présentation que j’en ai entendue sur France Inter où le journaliste rapportait ce que les critiques professionnels américains disaient quasi-unanimement à propos d’ Inception. À savoir que c’est un très bon film, mais qu’ils pronostiquaient qu’il ne fonctionnerait pas auprès du public américain : il faut trop réfléchir ! Forcément, ça m’a donné un a priori positif sur le film. Et puis ça m’a fait marrer accessoirement aussi.
Dans les faits c’est évident, Inception se démarque du tout venant hollywoodien. Il a un scénario très travaillé et qui ne cède pas systématiquement à la facilité, mais qui se donne les moyens de ses ambitions. Le film aborde des concepts poussés, on suit des personnages qui évoluent dans un rêve imbriqué dans un rêve lui-même imbriqué dans un autre rêve, avec des règles qui veulent par exemple que le temps qui s’écoule dans la réalité se trouve décuplé dans le rêve, re-décuplé dans le rêve secondaire et ainsi de suite plus on s’enfonce dans les « strates de rêves ». C’est ainsi que quelques heures de sommeil pour le dormeur se transforment en plusieurs jours pour le rêveur, voire en plusieurs mois ou années si on s’enfonce dans les « couches de rêve inférieures ». C’est ainsi également que l’état physique du dormeur influence l’environnement du rêveur : si le dormeur est secoué ou tombe dans son sommeil, le rêveur voit son environnement trembler ou se retrouve en état d’apesanteur !
D’ailleurs je me permets juste un aparté sur des détails que je n’ai pas bien compris : à un moment dans le film des dormeurs font une chute vertigineuse, ce qui entraîne que dans leur rêve partagé ils se retrouvent en apesanteur. Mais dans ce rêve là ils dorment également et rêvent aussi… or leur chute qui se traduit par un état d’apesanteur dans le premier rêve ne se répercute pas sur le second rêve où ils évoluent parfaitement normalement. Pour tout dire (mais ça n’est pas ça l’important), au moment où ils chutent ils sont déjà dans un rêve, juste pour vous donner une idée de l’imbrication des événements les uns dans les autres… Mais bon j’ai un peu peur de ne pas me faire très bien comprendre par ceux qui n’ont pas vu le film là… Bref, tout ça pour dire que c’est un des points qui m’a posé problème, je chipote peut-être un peu où je n’ai pas bien compris, mais tel que c’était présenté il me semble qu’il y a un petit problème de cohérence.
Idem pour les façons de s’extraire d’un rêve. Je ne vais pas trop entrer dans les détails non plus mais dans la strate la plus profonde, celle des limbes où Saito se retrouve prisonnier une vie entière, le personnage de Ariane (Ellen Page) s’en extrait sur l’ordre de Cobb en se jetant dans le vide… et là j’ai du mal à comprendre pourquoi si c’était si simple, Cobb ne l’a pas fait quand il s’y est retrouvé coincé pendant des années lors de son premier passage là-bas…
Enfin, dernière chose qui me turlupine, c’est le rôle exact de Ariane. Elle est recrutée par Cobb pour devenir son architecte, autrement dit c’est elle qui va penser en détail l’environnement onirique dans lequel les dormeurs en rêve partagé vont évoluer. Mais à moins que je n’ai pas compris, je ne vois pas bien où elle intervient dans les rêves qui doivent aboutir à l’inception chez Fischer ? elle a créé l’environnement du rêve ? si oui, de toutes les strates ou seulement de la première ? les rêveurs ne sont-ils pas sensés évoluer dans le rêve de l’architecte pour évoluer dans l’environnement qu’il aura conçu à l’avance ? bref, je suis un peu perdu sur ce point je l’avoue…
Bien, alors après mon petit aparté, qui n’a de petit que le qualificatif que je lui donne, j’ai peur que tous ceux qui n’ont pas vu le film et qui viennent de lire ceci se disent « oulah ça m’a l’air bien prise de tête ce truc ». Qu’ils se rassurent, si ce qu’ils viennent de lire leur paraît obscur et confus c’est tout simplement parce que je n’ai pas le talent de Nolan pour exposer tout cela plus clairement. Si vous allez voir le film, je vous assure que vous ne serez pas perdu, le réalisateur est un guide de première classe ! (bon évidemment, il vous faudra éviter de piquer un roupillon au passage, ça pourrait effectivement rendre le reste du film opaque, mais sinon ça devrait rouler)
De manière générale, si Inception réserve de très bonnes scènes d’action (le combat en apesanteur par exemple) et des effets spéciaux à couper le souffle qui s’insèrent parfaitement dans l’histoire (ils ne sont pas là juste pour la frime quoi), le film joue également à un autre niveau de lecture, et propose au spectateur qui le voudra bien (car on peut parfaitement s’en tenir à une vision « premier degré ») une réflexion sur ce qu’est la réalité, sur la dualité entre conscient et subconscient et sur la complexité de l’esprit humain. Pour ma part, pendant une bonne partie du film j’étais persuadé qu’en fin de compte toute l’histoire était en train de se dérouler dans un immense rêve de Cobb, que sa femme (Marion Cotillard) n’était pas réellement morte mais juste revenue dans le monde réel, et que Cobb rêvait qu’il avait rêvé tout cela… J’avais un peu peur à la moitié du film d’avoir compris le dénouement et je m’attendais presque jusqu’à la fin à ce retournement de situation (même si ça aurait trop ressemblé à une happy end pour le coup), qui aurait très bien pu se tenir scénaristiquement parlant. Et à vrai dire, la toute fin du film n’est peut-être pas aussi certaine qu’on le croit, rien ne permet de dire avec certitude (enfin je crois) que Cobb ne continue pas encore et toujours de rêver…
Bref vous l’aurez compris, ce film fait marcher les neurones, et amène à se poser des questions. Ce qui est un très bon point selon moi.
Pour autant, je n’arrive pas vraiment à lui accorder le qualificatif de « culte » que j’entends et lis à son propos assez régulièrement. C’est vrai qu’il est original et marquant. Mais il lui aura manqué un petit quelque chose malgré tout pour me marquer encore plus et passer dans mon panthéon de films cultes. Je n’ai pas encore exactement réussi à cerner quoi, mais je pense que les personnages et leurs interprètes y sont en partie pour quelque chose. Manque de bol pour moi, deux des personnages principaux me posent problème : Leonardo DiCaprio et Marion Cotillard. Quels que soient les films où ils apparaissent, j’ai une certaine retenue à leur égard (c’est complètement idiot je sais bien mais c’est ainsi). DiCaprio, qui pourtant a prouvé depuis longtemps son talent d’acteur et sa capacité à jouer des rôles adultes (dans Les Infiltrés de Scorsese par exemple), me reste de façon indélébile en tête avec une énorme étiquette d’éternel grand ado. Je ne peux m’empêcher dès que je le vois de le revoir dans son rôle de Titanic, et encore plus tôt dans la série Growing Pains (Quoi de neuf docteur ? en VF). Impossible de m’en détacher. Pour Marion Cotillard c’est encore autre chose, c’est plus la personne qui m’insupporte et je n’arrive presque jamais à la voir comme un personnage mais toujours comme Marion Cotillard (à l’exception notable d’ Un long dimanche de Fiançailles de Jeunet, où son personnage avait réussi à prendre le pas sur l’actrice à mes yeux).
Au chapitre des bonnes surprises j’ai cependant beaucoup aimé Cillian Murphy (loin de son personnage diabolique d’Épouvantail dans The Dark Knight du même Nolan) et Tom Hardy dans le rôle de Eames le baroudeur brut de décoffrage. Quant à Ellen Page, là encore j’ai eu du mal à la voir comme une adulte. Même comme étudiante pour moi ça ne le fait pas. Son physique lui donne l’air d’être une gamine de 14 ans, ce qui pour son rôle d’architecte de la bande m’a un peu gêné…
C’est amusant, je me rends compte en essayant de terminer mon article de deux choses : d’une je suis bien bavard pour ma « reprise » d’article ciné. Ça ne va pas vous donner l’envie que j’en fasse d’autres. De deux Inception est un film que j’ai vraiment beaucoup aimé et que je ne saurais que recommander à tout le monde, et pourtant la majeure partie de mon article est critique vis-à-vis de lui ! Alors je ne voudrais surtout pas donner une mauvaise -et fausse- image du film : Inception est un excellent film, intelligent et divertissant à la fois ce qui n’est pas si courant que cela, très bien écrit et génialement réalisé (Christopher Nolan est devenu l’une des valeurs sûres du cinéma américain actuel). Il faut absolument le voir, comme ça vous pourrez comme moi en reparler longuement et vous poser plein de questions à son sujet. Car finalement n’est-ce pas cela l’intérêt principal d’un film : vous marquer suffisamment pour y repenser une fois la porte du cinéma refermée… ?