Le nouveau film de M. Night Shyamalan est enfin sur les écrans, et il a été précédé d’une réputation peu flatteuse tant le film a été un flop au box office américain (ce qui soit dit en passant est plus souvent bon signe qu’autre chose).
Depuis son énorme succès avec Sixième Sens, chaque nouveau long métrage de Shyamalan est attendu avec impatience et à chaque fois il a son lot de déçus et de détracteurs. Très certainement parce que le Sixième Sens a marqué durablement, et que même inconsciemment, les spectateurs attendent d’être à chaque fois autant touchés qu’ils l’ont été par la première collaboration entre Shyamalan et Bruce Willis. Ça n’a jamais été mon cas car je n’ai jamais attendu de chose particulière des films de Shyamalan. Ce qui fait qu’à chaque fois j’ai pris ses films pour ce qu’ils sont (et non pas pour la redite du premier que la plupart auraient voulu qu’ils soient), et ça m’a non seulement évité les déceptions mais au contraire, j’ai pu ainsi apprécier pleinement ses différentes oeuvres.
De manière générale, ce que j’ai toujours beaucoup aimé chez ce réalisateur c’est son story-telling, l’ambiance qu’il installe dans ses films, et la progression de ses personnages dans l’histoire. D’ailleurs ce que je considère comme des qualités peut s’avérer être à double-tranchant, nombreux sont ceux qui trouvent justement ses films trop lents, trop calmes et pas assez spectaculaires. Et en effet, pour que la sauce prenne, il faut qu’on soit imprégné de l’histoire dès le départ, sinon on se sent sur la touche, et le film peut paraître opaque voire inintéressant.
C’est ce qui s’était passé pour moi avec Incassable, Signes et Le Village, je suis directement entré dans l’histoire, et une fois dans l’ambiance les films ont parfaitement fonctionné sur moi. Beaucoup voient dans les films de Shyamalan des films qui jouent d’une part sur la peur (des revenants dans Sixième Sens, des extra-terrestres dans Signes, des monstres dans Le Village et La Jeune Fille de l’Eau) et qui parallèlement vous embarquent dans une intrigue qui se retourne totalement lors d’un twist final qu’on ne voit pas venir. C’est en partie vrai, mais ce n’est qu’un carcan (pas du tout figé d’ailleurs) dans lequel il inscrit ses films et construit ses histoires. Mais le plus intéressant à mes yeux, c’est tout le reste : le développement de l’intrigue, la gestion des personnages et les émotions qu’ils font partager, et encore et avant tout l’ambiance qu’il installe.
C’est donc dans cet état d’esprit habituel que je suis allé voir La Jeune Fille de l’Eau, et pour la première fois je n’ai pas été convaincu par ce qui a jusqu’ici toujours fait la force de Shyamalan : l’histoire. Je ne me suis tout simplement pas senti impliqué dans les évènements, et du coup j’ai suivi le film en tant que spectateur extérieur.
Le film est un peu différent des thèmes que le réalisateur a abordé jusqu’à présent, ou plutôt dirais-je qu’il a poussé l’idée générale qui l’anime à son extrême. Après avoir touché aux histoires de fantômes, de super-héros et d’extra-terrestres dans ses premiers films, il avait abordé sans vraiment y entrer totalement celui des légendes et des peurs ancestrales avec une ambiance très petit poucet dans Le Village.
Ici il va plus loin et entre de plein pied dans le monde des contes, sans retenue aucune, presque naïvement, en tout cas avec beaucoup de simplicité et d’authenticité. Dans ce film il ne joue plus sur le questionnement et le doute du spectateur, tout est exposé et expliqué. L’élément fantastique est mis en place dès le départ et assumé pleinement : il y a des êtres fabuleux tout autour d’une résidence en plein Philadelphie. Une Narf (une nymphe aquatique) et un Scrunt féroce qui veut en faire son petit-déjeûner, un aigle géant qui sert de transport aérien aux narfs, des êtres mi-singes mi-hommes au nom imprononçable qui veillent au respect des règles entre le bien et le mal, et enfin des humains dotés de pouvoirs qui sont là pour aider la Narf à rentrer chez elle…
Bref, tout un bestiaire très particulier et totalement en décalage avec le monde moderne. Comme dans n’importe quel conte pour enfants, sauf que Shyamalan nous demande comme postulat de départ d’y croire et de l’accepter comme la réalité. Là où les contes fonctionnent parce qu’ils s’adressent aux enfants, Shyamalan prend le pari risqué de transposer ce schéma aux adultes (car ce sont avant tout eux son public cible). Et je pense sincèrement que ce pari est quasiment ingagnable. De fait, soit on prend cette histoire à la rigolade (j’ai en effet entendu pas mal de rires dans la salle), soit on réussit à libérer la part d’enfant en nous pour accepter l’histoire telle qu’elle est. Soit encore on regarde le film sans déplaisir, mais d’un œil extérieur, observateur, et sans cette « magie » qui fait qu’on est habituellement immergé dans les films de M. Night Shyamalan, l’impact résultant est beaucoup moins grand.
Cela dit, La Jeune Fille de l’Eau n’est pas un mauvais film, loin de là, il possède même beaucoup de qualités, à commencer par une galerie de personnages intéressants interprétés par des comédiens très inspirés (mention spéciale à Paul Giamatti alias Cleveland, au jeu tout en finesse et en sincérité, et à Bryce Dallas Howard qui a vraiment l’air d’être « d’un autre monde » dans le rôle de la Narf) et une direction d’acteurs très pertinente de la part de Shyamalan. Shyamalan qui maîtrise toujours aussi bien ses effets, bien que ce film-ci repose moins là-dessus que les précédents.
Mais malgré tout, La Jeune Fille de l’Eau ne m’a pas totalement convaincu comme l’ont su le faire ses autres longs métrages. Je l’ai regardé sans passion, conscient de ne pas être impliqué dans l’histoire. Un peu comme lorsqu’on écoute un conte pour enfants avec des oreilles d’adultes… c’est bien fait et amusant, mais ça ne touche pas sa cible. Peut-être le film mériterait-il un second visionnage dans quelques temps, pour être vraiment apprécié pour ce qu’il est.
Ce n’est pas une véritable déception en soi, juste l’impression d’avoir vu un joli film en l’analysant plutôt qu’en le vivant. À voir pour se faire sa propre opinion.