J’avais déjà chroniqué voici quelques mois l’excellent comic book 300 de Frank Miller, et j’attendais avec impatience la sortie de l’adaptation au cinéma.
Après le très réussi Sin City de Rodriguez et Miller, voici donc la seconde adaptation d’une œuvre de l’auteur de comics Frank Miller.
Cette fois c’est le canadien Zack Snyder qui se charge de la réalisation, en étroite collaboration avec Miller pour tout ce qui a été choix esthétiques et design. D’entrée la nomination de ce metteur en scène m’avait enthousiasmé tant j’avais été conquis par son précédent long métrage, L’Armée des Morts, qui était déjà d’une force iconique assez impressionnante.
Il fallait bien ça pour rendre hommage à la bd de Miller qui tire énormément de la puissance de ses dessins : un metteur en scène capable d’insuffler de l’énergie autant que de l’esthétisme dans ce qu’il filme. Et Snyder ne déçoit pas une seconde, bien au contraire même, puisqu’il livre là un film d’une beauté à couper le souffle. Les images sont léchées, tout jusqu’au moindre détail est parfaitement maîtrisé à l’écran, chaque scène étant bourrée jusqu’à la gueule d’effets spéciaux et graphiques somptueux. Le film entier a été tourné en fond vert (à la manière de Sin City ou encore Captain Sky et le Monde de Demain), afin de pouvoir obtenir des images extrêmement travaillées, qui rappellent le trait de Miller d’une part et donnent une identité graphique à nulle autre pareille et immédiatement identifiable au film.
Au point qu’on pourrait parfois craindre que cela ne nuise au réalisme des scènes. Il faut bien dire qu’à ce point de vue la scène du loup par exemple n’est pas du tout réaliste, mais on peut légitimement penser que Snyder a voulu jouer sur la peur enfantine de l’animal, et l’aspect « légende » ou « conte » du récit (la scène illustre l’histoire relatée par un orateur de l’enfance du roi Léonidas). Mais pour tout le reste, les images bien que retravaillées à l’extrême n’entrent pas en conflit avec la crédibilité de l’histoire, c’est très beau et on s’en rend à chaque seconde compte, mais cela n’empêche absolument pas de croire à ce que l’on voit.
À ce sujet d’ailleurs on pouvait également craindre que le rendu des batailles entre deux factions à ce point disproportionnées soit peu crédible, mais chaque combat, chaque assaut est un petit chef d’œuvre de mise en scène et d’originalité à laquelle se livre le réalisateur. Les chorégraphies sont somptueuses, tout à la fois belles et crédibles, sauvages, puissantes et d’une précision impressionnante. Les héros eux-mêmes sont des incarnations de la perfection (de ce point de vue d’ailleurs, ce film pourtant réputé violent peut être considéré comme un pur film destiné à plaire aux femmes : mesdames vous pouvez mettre au rebus vos calendriers de rugbymen huilés au cache-sexe ovale, vous aurez à la place 300 guerriers spartiates qui ne feraient qu’une bouchée du premier Sébastien Chabal venu !), de magnifiques machines de guerre, nés et formés à une seule chose : se battre, et vaincre.
J’avais déjà abordé l’histoire dans ma chronique du comic, je vous refais rapidement un résumé du scénario. Le roi-dieu Xerxès 1er (Rodrigo Santoro, aussi beau qu’impressionnant), souverain de Perse, est en marche avec son armée gigantesque sur la Grèce qu’il compte bien annexer à son empire. Mais Léonidas (Gerard Butler, exceptionnel de charisme dans un rôle très physique), roi de Sparte n’est pas de ceux qui se laissent impressionner et décide de se dresser contre l’envahisseur. Les mains liées par le Conseil de la Cité et l’oracle des Éphores (des mystiques sans l’accord desquels rien ne peut se faire), il ne peut cependant déclarer officiellement la guerre à Xerxès, et ne peut pas lever contre lui l’armée spartiate. Il part donc à la tête de 300 valeureux guerriers pour tenir coûte que coûte le passage obligé vers la Grèce, le fameux passage des Thermopyles, dit « les gorges chaudes ». Dans cet étroit gouffre, le nombre ne compte plus tant, et les 300 spartiates vont tenir le siège d’une armée perse qui semble sans fin. Pendant ce temps à Sparte, la reine Gorgo (Lena Headey, à la stature de reine parfaite, divinement belle et d’une classe sans égale), épouse de Léonidas va tenter de faire changer d’avis le Conseil des sages afin d’envoyer des renforts au roi dont le petit contingent fait pourtant bien mieux que résister jour après jour.
Je n’en dis pas plus sur l’issue de l’affrontement entre les perses et les spartiates, si ce n’est que la bataille des Thermopyles a bel et bien existé, bien que les faits relatés ici sont évidemment librement adaptés, romancés et très certainement assez loin de la réalité sur certains points (ne serait-ce qu’au sujet de l’armée Perse, alors que la légende parle d’un million d’hommes les historiens l’évaluent plutôt à plusieurs dizaines de milliers).
Je l’avoue volontiers, j’attendais énormément de ce film. Et je le dis tout net, j’ai eu bien plus encore à me mettre sous la dent que ce que j’espérais.
Ce film est un monument, à tous les niveaux. L’interprétation est fabuleuse (je n’ai qu’un regret : ne pas avoir pu voir le film en VO), les images sont sans pareil, le story-telling parfaitement maîtrisé, les scènes de batailles dégagent une puissance, une force et une émotion que j’ai rarement vues ailleurs. À titre de comparaison, elles surclassent largement à mes yeux (qui l’eut cru possible ?) celles de la trilogie du Seigneur des Anneaux.
L’adaptation est fidèle bien qu’il ait été ajouté au récit de Miller une partie concernant la reine Gorgo restée à Sparte (ajout qui s’intègre parfaitement du reste) et qui ne figure pas dans le comic d’origine. Et surtout 300 a une identité visuelle incroyablement marquée et marquante.
Zack Snyder a réussi à trouver le traitement d’image idéal pour rendre hommage au trait de Miller, la beauté des images transcende leur force. Tout particulièrement, le réalisateur a trouvé un ton de rouge assez exceptionnel, très sombre, et omniprésent tout au long du film, que ce soit avec les capes des spartiates où lors des effusions de sang des combats.
Bref, pour moi 300 est un vrai monument aussi bien de mise en scène que de beauté visuelle et de puissance des images.
J’ai cependant entendu dernièrement pas mal de critiques accusant le film d’être « facho » (un qualificatif tellement souvent employé au sujet de tout et n’importe quoi qu’on se demande parfois si ceux qui l’utilisent en connaissent l’exacte signification), d’être ouvertement offensant à l’égard des peuples arabes, voire même de justifier à mots cachés la guerre en Irak. À cela il est d’autant plus difficile de répondre que ce genre d’attaque est pour moi dénué de sens. Des grecs ont combattu des perses (pas des « arabes » d’ailleurs soit dit en passant, l’empire perse s’étalait bien au-delà des ethnies arabes). N’y cherchez aucune métaphore, il s’agit d’histoire. De l’histoire mise en scène et adaptée, oui, mais pas remaniée pour en changer le sens profond ni lui donner une portée actuelle.
Aujourd’hui, il faudrait donc soigneusement éviter d’évoquer des faits qui remontent à l’Antiquité pour ne pas froisser des sensibilités exacerbées. Si encore cela avait été fait dans le but de rabaisser ouvertement une ethnie par rapport à une autre, ce serait sujet à discussion pourquoi pas. Mais là, dans le cas très précis de 300, je ne vois honnêtement pas où se situe l’attaque raciale. On peut évidemment tout intellectualiser et interpréter à outrance, mais il y a des limites au grand n’importe quoi tout de même.
300 est un film de guerre, un film de genre dans le plus pur sens du terme, une œuvre violente (d’aucuns diraient que c’est réservé aux gros bourrins) et sans grande dimension philosophique, oui. Et après ? Je ne peux franchement pas prêter à Miller ou Snyder des intentions cachées de dénigrer les nations arabes actuelles, de véhiculer des idées pro-Bush ou je ne sais quelles autres inepties de ce genre. Pour moi c’est totalement hors de propos.
D’ailleurs si le film pose effectivement comme héros le roi Léonidas (avec ce que cela comporte d’hollywoodien dans la définition : sans peur, sans reproche, incarnation de la perfection), dans sa bd Miller laissait un peu plus transparaître le fait que les plus sauvages n’étaient pas toujours ceux que l’on aurait pu penser (cf. mon article sur le comic book 300). Soulignant ainsi qu’il ne cherchait pas à imposer l’idée d’une soi-disant supériorité d’une civilisation par rapport à une autre.
Et dans le film, si l’on cherche coûte que coûte un message de cet ordre, à la limite je dirais plutôt qu’il se permet de montrer du doigt au passage les croyances et les mythes qui passent avant le bien être de l’Homme, et qui sont parfois aussi prétexte à corruption et autres jeux d’influences rémunérées… (je pense évidemment en disant cela aux Éphores qui incarnent le mysticisme et l’obscurantisme intéressé en opposition au bon sens du roi Léonidas).
Vraiment, les attaques sur les mauvaises intentions prêtées par certains au film m’étonnent, et me désespèrent également un peu je l’avoue. Si tout, même un film comme 300 est sujet à ce type de polémique, le monde n’est pas sorti de l’auberge…
300 est là pour donner du plaisir au spectateur.
Un plaisir que certains trouveront barbare pourquoi pas, sans intérêt même tant qu’on y est.
Mais pour moi ce n’est rien d’autre que cela : un plaisir immense. Visuel, esthétique, émotionnel. Ne cherchez pas plus loin et laissez-vous emporter par ce qui se passe à l’écran. Vous verrez, ça pourrait peut-être même vous faire du bien.
Allez, comme aujourd’hui je ne suis pas avare en qualificatifs, je dirais en toute simplicité et en conclusion que 300 fait partie de ces rares films instantanément cultes. Et ouais, rien que ça.