La super production des Studios Marvel, Avengers, a été la première des trois principales sorties super-héroïques au cinéma cette année (les deux autres étant Amazing Spider-Man et Batman : The Dark Knight Rises, qui seront bientôt chroniqués ici… euh enfin, un jour… ou l’autre…).
Des trois, c’était celle que j’attendais le plus impatiemment. Pas tellement pour l’excitation de voir enfin les Vengeurs sur grand écran, pour avoir vu les films consacrés à chacun des personnages individuellement, la question du « qu’est-ce que ça va donner à l’écran » ne se posait plus vraiment. Non, c’était plutôt de la curiosité qui m’animait en allant le voir. Car pour la première fois on allait voir sur grand écran ce concept pourtant déjà ancien et qui est un des fondements de l’esprit Marvel : l’univers partagé. En tant que lecteur assidu de comics depuis mon plus jeune âge il n’y a rien de bien nouveau pour moi là-dedans, mais sous ma casquette d’amateur de cinéma c’est assez inédit.
Le projet Avengers a été initié il y a six ans déjà, avec la sortie du premier film consacré à Iron-Man. Iron-Man était également la première production 100% Marvel Studios, contrairement aux licences X-Men et Spider-Man, produites par la Fox et Sony. Quand Marvel décide de se doter de son propre studio de production pour les adaptations cinématographique de ses comics, elle s’ouvre par la même occasion l’opportunité de développer un univers partagé comme dans ses publications. Pour les non-initiés, un univers partagé c’est l’idée d’interconnecter plusieurs personnages très différents et qui se suffisent à eux-mêmes au sein d’un même univers cohérent, et doté d’une continuité temporelle. C’est ainsi que dans un comic de la Marvel, les X-men pourront de temps en temps s’engluer dans la toile de Spider-Man au détour d’un building de New-York, se castagner avec Hulk ou discuter le bout de gras autour d’une bière avec les Quatre Fantastiques et Iron-Man. Et le concept de « continuité » assure le fait que tout ce qui se passe dans n’importe quel comic Marvel est intégré dans « l’historique » de l’univers partagé, perdure et peut être utilisé ou influer dans n’importe quel autre comic Marvel, quel que soit le héros principal du titre. Un peu comme si Tintin débarquait pour enquêter au sein de la rédaction Dupuis pour découvrir qui de Gaston Lagaffe et Achille Talon a donné de la pâtée frelatée au chien de Boule et Bill. Je ne sais pas si l’exemple est bien choisi mais vous voyez certainement ce que je veux dire. Mais si, mais si.
C’est donc pour la première fois que des héros distincts vont se rencontrer et s’unir au cinéma. Introduits dans leurs propres films, Iron-Man (Robert Downey Jr), Captain America (Chris Evans), Hulk (Mark Ruffalo) et Thor (Chris Hemsworth) vont former une équipe de super-héros, les Avengers. À leur origine on retrouve Nick Fury (Samuel Lee Jackson), à la tête de l’organisation internationale du SHIELD, qui les a recrutés pour former une équipe à même de tenir tête aux plus grands dangers à l’échelle de la planète. Et du danger il va y en avoir, puisque Loki (Tom Hiddleston), le demi-frère de Thor chassé d’Asgard a réussi à s’emparer du cube cosmique (artefact qu’on avait déjà croisé entre les mains de Crâne Rouge dans Captain America : the First Avenger), et allié à une civilisation extraterrestre il a comme projet de conquérir la Terre, ni plus ni moins. Dans l’équipe des Avengers, on retrouve également deux éléments directement issus des rangs du SHIELD puisqu’il s’agit des bras droits de Nick Fury : la très belle et très fatale Veuve Noire (Scarlett Johansson) ainsi que l’archer d’élite Œil-de-Faucon (Jeremy Renner). Mais l’équipe des Avengers, aussi puissante qu’elle soit sur le papier est surtout composée d’individualités qui vont devoir apprendre à travailler en groupe, ce qui ne se fera pas sans peine.
Bon, on le voit au résumé, le scénario n’a rien d’original. On a des méchants très méchants et très forts, et des gentils qui vont se prendre une danse et devoir s’unir pour venir à bout des méchants. Forcément les gentils vont d’abord se friter un peu entre eux histoire de montrer qui a la plus grosse et se vanner façon cours d’école, mais quand il faudra redevenir sérieux ils feront ce qu’il faut pour contrer les envahisseurs extraterrestres. Sur le fond, rien que de très classique et très lisse en somme. L’intérêt du film n’est pas là. Il se loge dans les interstices : les relations entre les personnages (et le casting de stars qui les interprètent), la gestion de l’équipe, le ton du récit constamment saupoudré d’humour et de second degré. Et puis le film fait très fort là où on l’attendait : dans le grand spectacle. Faut l’avouer, ça envoie du bois, ça explose à tout va, ça pète et ça déménage bien comme il faut. Effets spéciaux à gogo et d’excellente facture (soit dit en passant à propos de facture : le budget s’élève quand même à quelque chose comme 220 millions de $), on ne s’ennuie pas une seconde et on en prend donc plein les yeux pendant deux heures vingt. Comme je le disais : du grand spectacle. Mais pas du grand spectacle con-con ou sans âme comme ce que donne à voir un Transformers par exemple (m’en fous je balance les noms des mauvais élèves). Il y a de l’humain derrière et ça se sent.
Dans la mise en scène grâce à un Joss Whedon qui parvient à mettre sa patte juste ce qu’il faut pour ne pas que ça soit une empreinte trop ostentatoire comme dans ses très marquées et reconnaissables œuvres précédentes (Buffy contre les Vampires ou Firefly par exemple). C’était l’une de mes craintes d’ailleurs, qu’on sente trop l’influence particulière du réalisateur qui a un style bien à lui. Crainte évaporée par Whedon qui a su gérer avec respect le matériau d’origine, tout en y insufflant une part de son originalité.
De l’humain également dans les personnages. Que ce soit dans le combat de coq entre Tony Starck et le fils d’Odin, le combat intérieur d’un Bruce Banner ou le combat pour la survie durant lequel Hulk envoie une bonne baffe au passage à un Thor poseur, chaque personnage vit, impose sa personnalité et trouve sa place dans un collectif au sein duquel on pouvait légitimement craindre de voir des disparités de traitements entre les uns et les autres. Alors certes le personnage phare reste à mes yeux Tony Stark / Iron-Man parce que c’est certainement lui qui possède le plus d’emphase, de charme et de répartie, aussi bien sur le papier que dans le jeu, Robert Downey Jr oblige. Pour autant les autres ne sont pas en reste et chacun a sa part de gloire. Seul Thor est un chouïa en-dessous, je ne saurai dire avec certitude si cela tient du personnage ou de l’interprète, mais clairement il m’intéresse moins. Alors que j’avais plutôt peur de me désintéresser du cas Hulk, ce dernier aura été une très bonne surprise à l’arrivée. Outre la beigne à Casque d’Or, il se permet de rabattre son claquet de façon expéditive au frangin du scandinave, à savoir Loki qui se la pète un peu trop à un moment, ceci ayant la fâcheuse conséquence (pour lui) d’un peu trop échauffer les oreilles du titan vert. Grosse marade car plutôt inattendu. Et Ruffalo imprime son empreinte avec classe. Moi qui avait beaucoup aimé la précédente interprétation de Banner par Edward Norton, je dois avouer avoir été séduit par celle de Mark Ruffalo.
Au chapitre des bonnes surprises je citerais également Clint Barton / Œil-de-Faucon qui tire bien son épingle du jeu, ce qui n’était pas gagné à l’avance. Privé de son costume violet des comics, il se rapproche beaucoup plus de la version Ultimate (la gamme Ultimate est une relecture des personnages Marvel mis au goût du jour et purgés de plusieurs dizaines d’années de continuité accumulées depuis leur création). Et puis les acrobaties aussi sexy que mortelles de la miss Johansson en Veuve Noire n’ont pas été pour me déplaire non plus.
Bien évidemment Avengers n’est pas exempt de défauts. La nuance est mince entre simplicité et simplisme, et par sa linéarité le scénario, qu’on pourra grossièrement résumer à un « gentils contre méchants », navigue parfois entre ces deux eaux. Sans parler de certaines incohérences mineures, il a également son lot de petites, voire grosses facilités. Limite un peu agaçantes même faut dire. Autant j’ai apprécié l’Agent Coulson (un des lieutenants de Nick Fury) qu’on a pu voir dans quasiment tous les films Marvel précédents en lien avec les Avengers, autant son rôle ici m’a un peu exaspéré. Sans déflorer l’intrigue (il y a des gens ici qui n’ont pas encore vu Avengers ??), son histoire de cartes de collection de Captain America m’a tout d’abord fait sourire avant de me paraître comme vraiment ridicule quand on voit quelle est sa finalité et pourquoi le scénariste l’a introduite dans le déroulement du film. Là ce n’est plus une ficelle scénaristique dont on parle, mais d’une corde d’amarrage pour tankers géants. Dans le genre énorme on fait difficilement mieux. Mais bon, ça fait partie des couleuvres qu’il faut avaler, des ratés qu’il faut accepter pour pouvoir bien apprécier en parallèle le reste d’un film qui se veut avant tout comme un immense objet de distraction et de plaisir. On en prend plein les mirettes et on se marre bien aussi, le tout couplé (pour les amateurs de comics s’entend) avec le plaisir toujours renouvelé de voir en chair et en os des super-héros trop longtemps cantonnés aux deux dimensions statiques du papier.
Alors j’avoue que je suis très vite passé outre les reproches qu’on peut faire à Avengers pour en retenir principalement la source de plaisir que le film représente et le gigantesque réservoir d’action spectaculaire qu’il déverse à l’écran.
Et puis comme à l’accoutumée pour les films estampillés Marvel Studios, je suis consciencieusement resté à ma place jusqu’au bout du (très long) générique de fin pour y voir la traditionnelle petite séquence d’après générique. Y entrapercevoir la silhouette du cultissime Thanos a éveillé en moi une grosse impatience de le voir à l’affiche du second volume d’Avengers (qui est annoncé pour 2015 si je ne m’abuse).
Loin d’être un film parfait, Avengers aura pourtant tenu son statut et rempli son rôle à la perfection : c’est un très chouette film de super-héros, décomplexé, plein d’action et d’humour. L’attente avait été longue et volontairement bien entretenue par Marvel, et malgré cela le film a réussi à ne pas être décevant, tous les blockbusters ne peuvent pas en dire autant.