Je m'associe à John Constantine, ainsi qu'au talent du dessinateur Tim Bradstreet pour vous souhaiter à toutes et à tous de très bonnes fêtes de fin d'année...
Avant de lire les notes que je fais sur les films que je vois et les bd que je lis, sachez que dans mes commentaires il m'arrive parfois de dévoiler les histoires et les intrigues. Ceci dit pour les comics, je n'en parle que quelques mois après leur publication, ce qui laisse le temps de les lire avant de lire mes chroniques.
Bon surf !
Avis vite dits... en 2024 (1ère partie)
Avis vite dits... en 2023 (2ème partie)
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Avis vite dits ... en 2014 (1ère partie)
Avis vite dits... en 2013 (2ème partie)
Je m'associe à John Constantine, ainsi qu'au talent du dessinateur Tim Bradstreet pour vous souhaiter à toutes et à tous de très bonnes fêtes de fin d'année...
À chacun son échelle de valeurs, mais pour moi Sting fait partie des géants du pop rock comme j'aime. Aux côtés de ses collègues Clapton, Knopfler ou Springsteen par exemple. Un des derniers sur ma « liste des géants à voir »... Alors évidemment quand j'ai vu qu'il était annoncé en tournée mondiale (nommée « Back in bass » -Sting a démarré en tant que bassiste) et qu'un de ses arrêts était prévu à Strasbourg, je n'ai pas hésité une seconde, vous pensez bien.
À mes yeux, le concert privé qu'il a donné voici quelque années déjà (c'était en 2001, le soir du funeste 11 septembre) dans sa villa de Toscane et qu'on peut voir sur le dvd All This Time est un incontournable de ce qui se fait de mieux dans le genre. Ce concert est juste génial : pureté du son incomparable, suite ininterrompue de tubes tous plus géniaux les uns que les autres, orchestre pléthorique et ultra-pro, et maîtrise aussi naturelle que totale de la part d'un Sting impressionnant, incarnant rien moins que la classe ultime. Bref une référence en la matière. Pour avoir vu et revu ce concert un très grand nombre de fois, un de mes fantasmes musicaux était de vivre une expérience de ce genre.
Je me doutais bien que le Zénith de Strasbourg ne proposerait pas une ambiance et une aura semblables à celle de la villa italienne de Sting, mais bon l'essentiel restait le son avant tout, la musique, et l'artiste principal. C'est donc confiant que je m'y suis rendu. Mon siège était placé en plein axe de la scène, à une certaine distance cependant, pour ne pas dire à une distance certaine. Au dernier rang pour tout dire. Mais qu'importe me suis-je dis, j'ai une bonne vue (c'est certainement ce qui fonctionne le mieux chez moi)(au moins physiologiquement hein)(et après réflexion, peut-être bien à tous points de vue), et au moins cela m'assurait-il de me trouver assez loin des enceintes géantes qui balancent leurs décibels souvent au-delà de toute raison. Car si mes yeux me donnent satisfaction, mes oreilles s'avèrent beaucoup moins performantes. À vrai dire, si j'étais un super-héros, mes oreilles seraient clairement mon point faible sur lequel s'acharneraient les super-vilains. Ma kryptonite intégrée sous forme de feuilles de choux en quelque sorte.
Bref, tout ça pour dire que j'étais loin de la scène mais que je m'en fichais pas mal, y trouvant même à certains égards mon compte.
Mais contre toute attente, mon positionnement dans la salle ne fut finalement pas aussi optimal que je l'aurais cru. Première chose : quand je dis que j'étais loin, je n'exagère pas. Et quand je pensais que ma vue pallierait la distance, j'étais un poil trop optimiste. Pour illustrer mon propos, je me contenterais de vous faire part, tout du long du concert, de mon enthousiasme au sujet de la violoniste qui accompagnait Sting, me faisant même la réflexion à son sujet, au moment où elle a effectué un chouette solo en arpentant toute la scène, sautant et virevoltant tout en s'escrimant sur son instrument : « elle assure cette nana, et elle se fait plaisir en plus ». Ce n'est qu'après le concert, en retrouvant ma frangine qui était là aussi mais à quelques mètres tout au plus de la scène au milieu de la fosse, que j'appris avec stupéfaction qu'il s'agissait d'UN violoniste en fait. Je rappelle que la vue est donc un de mes points forts. Ceci afin de permettre de vous faire une idée de mon état général...
Au moins mes oreilles auraient-elles dû être préservées des affres d'un volume sonore trop agressif. Seconde erreur. Dès le début du concert, j'ai pu constater qu'on avait droit à du « gros son » comme pourraient le qualifier les amateurs de hard-rock. Autrement dit, c'était fort, très fort, extrêmement fort. Si fort que bien des fois on flirtait avec la saturation pure et simple dans les aigus par exemple. Beaucoup trop violent pour ce qui me tient lieu d'écoutilles. Je n'ai pas longtemps cherché à résister, j'ai sorti mes bouchons d'oreilles prestement, tentant malgré tout à l'un ou l'autre moment plus calme du concert de les retirer pour voir (enfin pour écouter plus exactement mais vous m'aviez compris) ; peine perdue cependant. Là encore, c'est après le concert que ma frangine (la même que tout à l'heure) m'a appris que de là où elle se situait le son était parfait, d'une qualité qu'elle avait même rarement entendue dans ce type de grande salle. On pourrait soupçonner une défaillance de ses propres oreilles (l'entendre siffloter par exemple suffirait à être un argument à charge en ce sens) mais d'autres personnes qui l'accompagnaient (mon oncle et deux cousins, au-delà de tout soupçon a priori) m'ont confirmé que le son avait été d'une excellence qui les avaient aussi étonnés. Autrement dit, sans avoir de maîtrise universitaire dans le domaine de l'acoustique, je peux ici affirmer qu'un même son, dans une même salle, peut s'avérer parfait à un endroit et proprement dégueulasse à un autre.
En conclusion et vous l'aurez compris, j'étais mal placé.
Et pourtant, j'ai trouvé que c'était un chouette concert malgré tout cela. C'est dire la qualité de la prestation de Sting. Je ne sais pas si vous avez déjà expérimenté les bouchons d'oreilles pendant un concert, l'effet est particulier. Certains sons sont mis en sourdine (en particulier ceux qui d'habitude me font très mal aux oreilles, à savoir les cris et applaudissements de tout une salle en fin de morceaux et de concert) alors que d'autres sont atténués mais de façon à n'en garder que « le meilleur ». On entend distinctement chaque instrument, chaque note, sans jamais qu'ils soient agressifs. Les effets de saturation sont éliminés, et on a la très curieuse impression d'être totalement seul et isolé au sein de la foule : on entend la musique et on s'entend soi-même en résonance, mais quasiment pas les autres autour de soi. Ce qui n'est pas du tout désagréable d'ailleurs. C'est donc ainsi que j'ai assisté au spectacle de Sting. Que j'ai pu apprécié chaque morceau proposé, chaque orchestration. Bien entendu, quand on s'appelle Sting on a une discographie impressionnante à disposition, avec un choix royal de titres à proposer et l'assurance de faire un tabac quasiment à coup sûr. Il ne s'en est pas privé, vous vous en doutez bien. Il a enchaîné les morceaux, depuis les mégas succès jusqu'aux titres un peu moins connus de temps à autre, certains comme le classique Roxanne, intégralement réorchestrés dans des versions originales. Il y a eu des chansons assez anciennes, celles qu'il interprétait déjà du temps de Police, mais aussi ses succès personnels (si je vous dis Englishman in New-York ou Fragile ça vous cause ?). Les fans en ont eu pour leur argent et bien que de durée moyenne le concert a été une chouette plongée dans l'univers du musicien anglais. S'adressant au public dans un français nickel, se permettant même de faire de l'humour anglais dans la langue de Molière, il n'a pas dérogé à sa règle de la perfection artistique, prouvant une fois de plus tout son talent et sa classe.
Alors je n'ai certainement pas vu ce concert dans les meilleures conditions possibles, mais je n'ai pas regretté une seule seconde d'avoir fait le déplacement. Sting est et reste un des très grands du pop-rock de ces 30 dernières années, et si l'occasion se présentait à moi de le revoir, je sauterais à nouveau sur l'occasion à coup sûr.
Allez, juste pour le plaisir, je vous propose une vidéo de la soirée à Strasbourg pêchée sur youtube, de ce qui pourrait peut-être bien être mon titre favori parmi tous ses tubes : Every Breath You Take.
(Copyright des photos : Stéphanie Meyer pour le Zénith et Vincent Voegtlin pour L'Alsace)
J’avais raté la première édition l’année passée avec la ferme intention de me rattraper cette année-ci. De quoi je parle ? Du concert privé de Fred Blondin sur la péniche Le Chansonnier ! C’était vendredi 26 octobre, et c’était vraiment, vraiment un excellent moment.
Fred Blondin, ce n’est pas comme si je ne l’avais jamais vu en concert, mais ce soir là était spécial. Habitué à le voir en solo avec ses guitares, j’avais pu le voir accompagné d’un percussionniste il y a un mois pas loin de chez moi, mais jamais entouré d’un groupe de musiciens au complet. Sauf que ça se mérite hein. Faut dire qu’on a bravé le froid, combattu les intempéries, résisté façon marins d’eau douce au tangage au quai ouest et attendu telle une colonie de manchots empereurs sur la banquise pour monter à bord du Chansonnier. L’attente fut longue, certains ont attendu en s’amusant, d’autres sans rien dire, d’autres encore ont lancé des « Fred tu m’aimesouvres à quelle heure ? ». Je ne sais pas si à un moment ou à un autre quelqu’un a murmuré « j’veux qu’il pleuve », en tout cas il a été exaucé… mais peu importe, ce qui n’tue pas nous rend plus fort paraît-il. Alors quand la porte de la péniche s’est ouverte, on n’a pas demandé notre reste avant de nous engouffrer à bord, c’était maintenant ou jamais !
Un concert de Fred, y’a pas de mots, ça ne se raconte pas, ça se vit (bon ok, je vais essayer quand même, rien que pour peut-être vous donner l’envie de venir à votre tour). D’autant plus quand il s’agit d’un concert privé. L’ambiance est particulière. D’abord on se retrouve « entre connaisseurs », un peu comme si on faisait partie d’un club ultra select de buveurs de pinard ou d’amateurs de bon chocolat. Sauf exception, tout le monde connaît bien Fred et ses chansons, ce qui dès le départ place l’ambiance générale un cran au-dessus de la normale. Et puis à force de se croiser en venant le voir de concert en concert, on finit par se retrouver aussi entre amis parce que des affinités se sont créées. On rencontre ou on retrouve des gens sympas avec qui on bavarde agréablement et avec qui on se marre bien. Les goûts communs (en l’occurrence la musique de Fred Blondin) ça rapproche. Même moi qui ne suis pas d’un naturel très causant je me sens toujours bien et à l’aise avec les blondingues. À ma place, au milieu d’autres doux-dingues, entourés de gens que l’on aimerait revoir en quelque sorte. Ça aussi, ça apporte un vrai plus par rapport à un « simple » concert.
Mais ce concert-là était encore plus spécial que les précédents. Le concept déjà à la base est franchement original. Pendant qu’en ville le week-end débutait dans le froid et la pluie, nous entamions une soirée au bord d’une péniche, avec ballade sur la Seine pendant qu’on nous servait un bon repas, suivie d’un concert à bord. Faut avouer que ce n’est pas courant. Le tout dans la bonne humeur, avec des serveurs super sympas et attentionnés, un tour dans Paris au bord des larmes, un coucou à la Tour Eiffel illuminée de milles feux, de la bonne musique… je ne sais pas ce qu’il faut dire de plus pour vous convaincre (et non pas vaincre) de la qualité de la soirée ! Et je souligne aussi en passant le prix carrément raisonnable, parce que ça mérite d’être dit également.
Parmi les excellents moments passés à bord du Chansonnier, je retiendrai plusieurs choses. La partie musicale bien évidemment, mais ça j’y reviendrai tout à l’heure. Allez pêle-mêle je vous livre comme ça à la volée : la bonne tranche de rigolade qu’on doit à Stéphane D. pour l’évocation de ses extravagantes aventures amoureuses hallydaysques (et croyez-moi s’il avait mis ça dans un roman personne ne l’aurait cru, on lui aurait même certainement rétorqué c’est pas ça la vie), la loterie qui permettait de gagner tout un tas de lots à caractère fortement alcoolisé (mais surtout sans tampon)(désolé, ceux qui n’y étaient pas ne peuvent pas comprendre), le fou-rire final de Laetitia pour lequel on a hésité un temps à appeler les secours tant on pensait qu’elle ne parviendrait pas à s’arrêter… Et puis je me permets de féliciter ma frangine ainsi que Corinne pour avoir réussi à garder leur équilibre (et leur repas !!) tout du long malgré le roulis du bateau ! Ça n’a l’air de rien dit comme ça, juste des trucs de filles tout au plus, mais pour elles ça tenait visiblement de l’exploit ! ;o)
Alors côté spectacle, un batteur, un percu, un bassiste, un saxo, un clavier et deux guitaristes en plus de Fred (plus une seconde bassiste invitée sur un titre), voilà la composition de chouettes musicos qui ont mis l’ambiance à bord de la péniche. Je m’excuse auprès de ceux dont je n’ai pas retenu le nom, ma mémoire n’est plus ce qu’elle était. Heureusement j'ai eu ma petite soeur pour me rencarder (je crois que Fred lui a filé un petit coup de main aussi)... En tout cas j’ai retenu leurs notes, leurs envolées, leurs solos, leur générosité. J’ai retenu la présence discrète et impeccable des percussions de Klifa Rachedi, j’ai retenu la limpidité de Norbert Krief et la virtuosité de Jean-Michel Kajdan à la guitare, j’ai retenu l’enthousiasme et la bonne humeur de Yves « Dario » Prével aux claviers, j’ai retenu le sourire radieux d’Antonella Mazza lors de son passage à la basse, j'ai retenu l'accord parfait entre la basse élégante de Patrick Conchoux et la batterie précise de Arthur Billiès, j’ai retenu le souffle aérien qui faisait vibrer le saxo de Thierry Farrugia… Quant à Fred, il avait l'air comme un poisson dans l'eau. Enfin sur l'eau en réalité. Bref, j'me comprends. Il a marqué le coup d'ailleurs, en sortant la veste de costard blanche pour toute la première partie du concert. Mais comme un concert de Fred Blondin digne de ce nom ne se passe pas sans une chemise colorée aux motifs improbables, il n'a pas failli à sa tradition vestimentaire dès la seconde partie du spectacle :o).
Remarquez, je me permets ce petit clin d'oeil mais il aurait pu être en caleçon à fleurs et redingote que ça n'aurait rien changé à son talent. J'en soupçonne même qui ne seraient pas contre ce genre de fantaisies esthétiques. Il y a des gens bizarres même (surtout ?!) parmi les blondingues les plus respectables. Non, non, pas de nom. ;o)
Comme d'habitude, Fred a enchaîné les titres avec générosité, et il avait l'air d'y prendre autant de plaisir que son auditoire. Évidemment le temps a passé trop vite, évidemment on a tous entonné en coeur comme une prière Elle allume les bougies et Le Café du Monde, évidemment la fin du concert est arrivée trop tôt (quoi ? seulement trois heures et quelques de concert ? Nous on était chaud, il aurait pu repartir pour 24 heures qu’on aurait tous signer je crois. Perso, j’aurais été partant pour soigner le mal par le mal et rester quelques minutes de plus…), évidemment on s'est tous dit « oh mon dieu il n'a pas joué L'amour Libre ou Bons Baisers de Medellin » (cela dit tant que j'ai droit à Mordre la Poussière je suis heureux) mais que voulez vous, toutes les bonnes choses ont une fin...
J'en suis revenu ravi, la tête pleine de bonne musique, content d'avoir pu assister à ce concert d'un genre particulier, et heureux également d'avoir pu revoir des gens sympas. Pas facile de retourner au boulot après ça... il y en a qui se plaignent de tout, tout le temps, qui dès que l’hiver arrive répètent sans cesse j’voudrais voir les îles… moi j’voudrais juste revoir Fred à son prochain concert, parce qu'à chaque fois c’est comme un nouveau départ, un coup de boost au cœur et au moral. La belle vie quoi.
Ouais, en tout cas y’a pas à dire, ce fut une bonne journée.
PS : Un énorme merci à Francis Biblot pour m'avoir permis d'utiliser ces clichés rien moins que magnifiques (vous pouvez voir ses photos sur sa page facebook), et merci à ma frangine pour l'organisation de cette sortie à Panam...
PPS : Quelques lecteurs l'auront peut-être remarqué, je me suis amusé à truffer l'article de titres de chansons de Fred. Ok, certains ont été insérés au chausse-pied, d'autres à peine plus discrètement... les connaisseurs seront-ils capables de tous les détecter et de me dire combien il y en a ?
Avec Sur la Route, le réalisateur brésilien Walter Salles signe l’adaptation d’un roman américain culte, On The Road de Jack Kerouac, publié en 1956.
Le roman de Kerouac est un road-movie autobiographique qui voit des jeunes gens traverser les États-Unis au gré du vent, épris de liberté, de littérature et de jazz, au tout début des années 50. Le personnage principal, Sal Paradise, qui est l’alter-ego de Kerouac, vient de perdre son père immigré canadien, vit à New-York et rêve de devenir écrivain. Il rencontre alors Dean Moriarty (qui représente son ami Neal Cassady), un ex-taulard au charme ravageur et au comportement imprévisible, mariée à la très jeune et très jolie Marylou (alter-ego de LouAnne Henderson, première femme de Cassady). Entre Sal et Dean l’amitié est fusionnelle et leur quête d’absolu et de liberté les décide à partir sur les routes d’Amérique, à la découverte du monde dans un esprit de fête et de détachement de la société. On croise au fil de leurs voyages d’autres personnages tels que Carlo Marx (représentant un autre de leurs amis de l’époque, le poète et écrivain : Allen Ginsberg) ou l’étrange Old Bull Lee (inspiré de William S. Burroughs). Et si parfois les chemins de Sal et Dean divergeront, les deux hommes resteront à jamais liés.
Je préfère prévenir avant toute chose, je n’ai pas lu le roman de Kerouac. Je sais qu’il est considéré comme culte par beaucoup de gens, et qu’il a marqué toute une génération d’après-guerre aussi bien aux USA que dans nos contrées. Aussi je ne peux en aucun cas juger le film pour son statut d’adaptation n’ayant aucun point de comparaison avec l’oeuvre d’origine. J’ai donc vu ce film pour lui-même, en néophyte complet de l’univers de Kerouac. Je l’ai vu à sa sortie en salles, c’est-à-dire il y a maintenant environ quatre ou cinq mois, et en rassemblant mes idées pour écrire cet article je me suis rendu compte que je n’en avais gardé que peu de souvenirs. Ce qui n’est pas forcément très bon signe, vous en conviendrez. Pour être honnête, l’histoire de ces jeunes écrivains en herbe qui vivent au jour le jour et jouissent jusqu’à l’excès de la vie ne m’a pas marqué. J’ai cherché les raisons objectives à cet état de fait, car le film est pourtant loin d’être mauvais. Je pense que ce sont les personnages qui ne m’ont pas touché. Alors que paradoxalement j’ai trouvé les interprètes plutôt très bons dans leurs rôles. Sam Riley dans le rôle de Sal est un personnage principal solide, au caractère dépeint tout en finesse. Garrett Hedlund qui interprète Dean dégage un charisme impressionnant et sa prestation est à la (dé)mesure du personnage. Kristen Stewart incarne une Marylou pleine de charme, de douceur et de fausse-fragilité de façon très convaincante. D’ailleurs moi qui fuis les films comme Twilight qui ont fait la renommée de cette actrice, je n’avais même fait le rapprochement avec les films de vampires romantiques pour adolescentes. Et les seconds rôles m’ont plu aussi, que ce soit Tom Sturridge en Carlo Marx, Viggo Mortensen en Old Bull Lee, Elisabeth Moss (la formidable Peggy Olson de Mad Men) en Galatea Dunkel, Kirsten Dunst en Camille la seconde femme de Dean, ou encore Steve Buscemi en vendeur itinérant lubrique...
Mais voilà, à aucun moment je n’ai été entraîné par les personnages à leur suite. J’ai toujours bien gardé ma place de spectateur, détaché de ce qui se passe à l’écran. Je n’ai pas ressenti l’excitation et le grisement des personnages pendant leurs virées délirantes et leurs débordements en tous genres, je n’ai pas eu de peine (ni d’étonnement d’ailleurs) quand les choses tournent parfois mal pour certains. Une sensation à rapprocher un peu de celle que j’ai eue en lisant L’Attrape-Coeur de J.D.Salinger. Réaliser qu’on est en présence d’une oeuvre importante, avoir conscience de ses qualités objectives, mais pourtant ne pas accrocher à l’ensemble tout en le regrettant presque. C’est très certainement ce qui explique qu’il ne me reste en tête que peu de passages du film à peine quelques mois après l’avoir vu. Pourtant les images étaient travaillées et belles, la réalisation sobre et efficace et les décors parfaits tant ils reproduisent l’ambiance de l’Amérique des années 1950.
Alors déconseiller Sur la Route en le qualifiant de mauvais film serait injuste, car ce n’est objectivement pas du tout un mauvais film. Le conseiller alors que moi-même il ne m’en reste pas grand-chose et que je n’ai pas spécialement l’envie de le revoir me paraît difficile aussi. Bon je m’en sortirai donc par ce qui pourrait passer pour une piètre pirouette (mais qui n’en est pas une, mais non, mais non) : voyez-le et faites-vous votre propre idée dessus !
L’auteure d’Escorte se nomme Mélodie Nelson. Comme vous l'aurez deviné, c’est un nom de plume emprunté à la discographie de Serge Gainsbourg. Mélodie Nelson est une jeune femme québécoise, qui raconte dans ce livre son expérience dans le monde de l’escorting. Une escorte ? c’est une variation un peu plus luxueuse de la prostituée classique. Elle n’officie pas dans les rues mal famées ni dans des arrières salles de bars louches, mais reçoit dans de luxueux appartements ou de beaux hôtels. Pour un tarif de 200 $ de l’heure, elle assouvit les fantasmes des clients prêts à y mettre le prix.
L’escorting, Mélodie y est venue assez simplement. La jeune femme avait 19 ans, était étudiante en lettres à l’université et mariée à Samuel, son premier petit ami. Pour s’en sortir financièrement, Mélodie accumule en plus de ses heures de cours un petit boulot d’appoint dans une librairie. Un job mal payé et pas forcément très enthousiasmant. Sexuellement libérée, sa relation de couple est assez libertine, son mari accepte qu’ils aient d’autres partenaires de temps à autres. Alors quand une de ses amies lui parle du boulot d’escorte, avec l’accord de Samuel elle se lance dans l’aventure.
C’est ainsi qu’intégrée au sein d’une agence, elle travaille plusieurs jours par semaine en tant qu’escort-girl, et se fait beaucoup d’argent assez rapidement.
Elle raconte au gré des différents chapitres ses rencontres. Ses collègues escortes avec lesquelles elle partage les appartements où elles reçoivent les clients. Ses employeurs et le chauffeur qui se charge de l’emmener et de la récupérer quand elle est en « déplacement » chez un client. Et bien entendu les hommes qu’elle rencontre, qui la paient et qu’elle fait jouir (ou pas). De toutes origines, de tous âges, de toutes catégories socio-professionnelles, de tous physiques.
Je ne savais pas réellement à quoi m’attendre en lisant ce bouquin. J’imaginais vaguement un truc un peu trash voire glauque, l’histoire clichée de la jeune fille pauvre forcée à se prostituer pour survivre et le vivant très mal. En réalité j’avais tout faux. On se rend compte en lisant le bouquin que Mélodie (qui officie sous le pseudo de Marissa) ne correspond pour commencer pas du tout au portrait d’une victime. Non seulement elle a choisi librement de se prostituer, mais en plus elle le vit relativement bien, et y trouve même une façon de s’épanouir. Si son intérêt principal est bien entendu de toucher beaucoup d’argent, ce n’est pas le seul gain qu’elle retire de son activité. Elle se retrouve avec beaucoup de temps à elle, temps qu’elle passe la plupart du temps à dépenser son argent du reste. Et puis elle prend aussi du plaisir à son activité. Du plaisir sexuel parfois, même si c’est loin d’être de manière systématique, mais surtout elle a visiblement du plaisir et de la fierté de donner du plaisir aux hommes. Son fantasme à elle, c’est d’être le fantasme des autres...
De ce point de vue, ce récit autobiographique est inattendu. Certes son activité n’aura pas que des conséquences positives pour elle, mais sur le long terme ce ne sera pas destructeur, bien au contraire même. Elle ira même jusqu’à y vivre une expérience à la Pretty Woman, rencontrant l’amour auprès d’un de ses clients réguliers pour la petite histoire : ils sont toujours en couple et ont eu une petite fille ensemble). On échappe dans cette histoire à toute la panoplie de violences, de drogues et d’abus qu’on associe généralement à la prostitution. Ce qui d’ailleurs nourrit aussi les critiques à l’égard de ce témoignage, car si on accepte l’idée qu’il ne soit pas édulcoré, est accusé surtout de montrer un aspect trop flatteur de cette profession taboue et qui ne reflèterait la réalité que d’une infime partie des travailleuses du sexe. Oser dire qu’une prostituée assume et se sente « bien » dans son activité choque, et cette affirmation passe pour être l’arbre qui cache la forêt dans ce milieu qu'on associe bien plus souvent à souffrances et problèmes.
Personnellement cela ne m’a pas choqué, en tout cas pas de ce point de vue. Mélodie Nelson relate son expérience, et ne cherche à aucun moment à présenter son cas comme une généralité. En tout cas je n’ai pas ressenti à la lecture de volonté en ce sens de sa part. Elle ne passe pas sous silence les problèmes liés à la prostitution, mais elle se limite à parler de ce qu’elle a vécu et expérimenté. Là-dessus je trouve qu’il n’y a rien de critiquable.
Pour autant j’en ai des critiques à formuler. D’un tout autre genre. Le principal étant que je me suis à plusieurs moments ennuyé à la lecture de ce bouquin pourtant pas bien épais.
Il faut préciser qu’au départ, Mélodie Nelson s’est faite connaître par son blog où justement elle relatait ses expériences. Devant le succès de ses écrits sur la toile, un éditeur l’a contactée pour lui offrir de publier son histoire sous forme d’un roman. Une partie du livre est donc directement inspirée du blog, ce qui s’en ressent grandement. Le style d’écriture reste très simple, il se veut ouvertement moderne et trash mais à l’arrivée je l’ai trouvé bien plat. Certes on a notre lot de crudité pour tout ce qui concerne le sexe et les descriptions de ses diverses prestations. Mais le ton employé... je ne sais pas, ça m’a paru fade, trop impersonnel, typé blog. En tout cas détaché ça c’est certain. Ce que j’en retiens, c’est qu’à l’évidence ce qui pour certains déchaîne les passions, elle, n’en fait pas une montagne. Le cul c’est du cul, point barre. Ça n’a rien de sacré, le sexe est une activité comme une autre pour elle, à ceci près que ça rapporte gros et que parfois ça lui donne du plaisir. Là dessus je n’ai d’ailleurs pas grand-chose à redire, et qu’on la partage ou non chacun est libre d’avoir sa conception de la chose.
A contrario, ce qui m’a plus marqué, c’est tout ce qui semble avoir beaucoup d’importance à ses yeux et qui m’apparaît d’une futilité navrante à moi. Les marques, les fringues, la junk food, le maquillage et le shopping. Je ne me suis pas amusé à compter le nombre de références qui émaillent le texte, mais ça m’a fait l’effet d’une indigestion. Si faire la liste de ce qu’on aime ou de ce qu’on s’achète peut, pourquoi pas, alimenter un blog à tendance fashion, ça ne fait pas un livre. Et ce n’est pas parce que dans sa liste de courses elle ajoute des préservatifs au goût pamplemousse acidulé et des piles pour son vibro que ça va la rendre intéressante. Ce côté hyper matérialiste tendance mode (ne nous leurrons pas, on en a tous un) m’a franchement saoûlé. Honnêtement, même comme matière à un « blog de fille » je trouverais ça d’une pauvreté désespérante, nourrissant tristement le cliché de l’écervelée de base qui raconte sa life. Oui sa « life », j’utilise le terme à dessein, le texte étant truffé de mots anglais et d’expressions québécoises. Évidemment cela s’explique par l’origine de l’auteure, mais ça ne passe pas franchement inaperçu, et malgré quelques explications spéciales pour les non-québécois, tout n’est pas toujours très clair à la première lecture.
Là où je reste dubitatif, c’est quand je lis les interviews et la présentation qui est faite de Mélodie Nelson. Devenue chroniqueuse pour la presse féminine au Canada, en plus de son occupation de blogueuse, elle avance souvent la littérature comme passion et se destine à écrire à présent que son premier bouquin a remporté un relatif succès. D’ailleurs pour rappel, avant de laisser tomber ses études pour l’escorting, elle était en fac de lettres. Mais voilà, dans ce que j’ai lu (que ce soit dans l'écriture ou les thèmes abordés), sans vouloir me montrer méchant ou méprisant, je n’ai pas trouvé grand-chose de très « littéraire ». Mais je m’avance peut-être en me permettant de douter du talent d’écrivain de cette jeune femme, l’avenir le dira.
Alors voilà, pour résumer un peu tout cela, je dirais que Escorte n’est pas un mauvais livre, sur certains points il est même intéressant, mais il souffre malgré tout de plusieurs défauts. Mais malgré ces défauts je ne peux pas complètement le déconseiller ne serait-ce que pour le regard très particulier qu'a eu l’auteure sur le monde de l’escorting. Mais si le bouquin vaut le coup, c’est plus pour la description de certaines situations que sur une quelconque réflexion plus profonde liée au sujet. Tout au moins peut-on se rendre compte qu’une escorte ne répond pas fatalement à l’idée préconçue de la pauvre fille victime de sa condition. Qu’on peut faire le commerce de son corps sans que l’esprit ne sombre forcément dans la débauche ou une quelconque dépendance. Et surtout qu’une prostituée est avant tout une femme et pas une bête curieuse, avec ses préoccupations de femme, sa vie de femme, ses envies de femmes. Pas plus passionnante qu’une autre, pas moins non plus.
Quant à Mélodie Nelson elle-même (enfin son personnage de papier) que dire ? Fashion victime et libertine décomplexée (oh le bel euphémisme) d’accord, mais on n’en saura pas beaucoup plus. C’est en fait surtout là-dessus que j’ai été un peu déçu : elle aura réussi à mixer du sexe cru et des préoccupations futiles. Et le cocktail n’est pas aussi détonant qu’on aurait pu croire.
Je l’ai souvent cité dans ces pages et ceux qui me connaissent un peu le savent : j’aime Leonard Cohen. C’est d’ailleurs bien au-delà. Il est ma référence musicale majeure. Ses chansons résonnent en moi comme aucune autre. À mes yeux il n’est ni plus ni moins qu’un dieu vivant de la musique. Sur le plan artistique ils ne sont que deux à me toucher à ce point, notre Bernard Lavilliers national pour la scène francophone et Leonard Cohen chez les anglo-saxons.
Il y a longtemps déjà que je songe à écrire un article sur ma relation au chanteur canadien et à son œuvre, tant il fait partie de ma vie depuis des années. J’aurais tant à dire, tant d’émotions à retranscrire que j’aurais peur de manquer de mots. Je m’y attellerai un jour j’en suis sûr, mais pour l’heure je vais me contenter de vous parler de son concert du 29 septembre à l’Olympia, il y a déjà bien assez à en dire ! (et je m’excuse par avance : je sais déjà que je vais pondre une tartine sur le sujet)
Malgré ses 78 ans au compteur, Leonard Cohen a enchaîné les concerts et les tournées d’une façon assez incroyable depuis les quatre dernières années. Alors qu’il y a encore quelques années en arrière il était considéré comme perdu pour la scène il a opéré un retour complètement inattendu (et j’allais presque dire inespéré), et quel retour ! Depuis on dirait que le canadien a retrouvé une seconde jeunesse : il multiplie les concerts depuis 2008 et son inspiration est de retour également puisqu’il a signé un nouvel album en début 2012, Old Ideas, qui donne d’ailleurs son nom à sa tournée mondiale actuelle. Et là encore, quel album ! D’une intensité et d’une qualité impeccables, Old Ideas est de ses tous meilleurs albums, renfermant quelques pépites qui se sont révélées comme autant de classiques instantanés quand il les a interprétées en live (en vrac et de manière non-exhaustive : Amen, Darkness, Going Home, Show Me the Place).
La silhouette frêle, le costume sombre et son borsalino bien distinctif sur la tête, Leonard Cohen s’est avancé sur scène sous les acclamations, pour la seconde de ses trois dates à l’Olympia. La classe et l’élégance même. Les années passent et s’inscrivent sur le visage du songwriter, mais son aura ne cesse de prendre de l’ampleur. Il émane de lui quelque chose de très fort, mêlant sérénité, gentillesse et humilité. Sans même parler du talent à l’état pur, cela va de soi. Puis il s’empare du micro, et dans un français parfait, fait part au public de son bonheur de se retrouver dans cette salle légendaire, et de manière très simple annonce « je ne sais pas quand nous nous reverrons, mais je vous promets que ce soir on vous donnera tout ce qu’on a ». Et sur ce, s’exécute.
Au total, le concert aura duré 3h50, entrecoupé en son milieu d’un entracte d’une petite vingtaine de minutes. Et tout du long de ce marathon musical, la magie.
C’est la cinquième fois que je le vois en concert, et à chaque fois c’est l’émerveillement. Parce que j’avais toujours été persuadé que je n’aurai jamais cette chance, parce que je me souviens de l’incrédulité mêlée de joie incontrôlable et d’une fébrilité insensée quand j’ai appris ce jour de 2008 que le grand Leonard Cohen, MON Leonard Cohen, remontait sur scène après 15 ans d’absence et allait chanter au festival Stimmen de Lörrach, à quarante petits kilomètres de chez moi ! Je me souviens comme l’attente fut longue, et surtout je me souviens des premières secondes où je l’ai vu, à cinq mètres de moi, pour régler la balance sur cette scène en plein air de la Marktplatz de Lörrach. Mieux que dans un rêve, il avait sa guitare à la main, en bras de chemise, chapeau vissé sur la tête et lunettes. Il a chanté tranquillement un Who by Fire dont je me souviendrai toujours, le temps des réglages son, a salué et est reparti avant de reparaître quelques heures plus tard pour donner un concert ahurissant. Je me souviens être ressorti de ce concert en me disant que je ne pourrai jamais plus revoir quelque chose d’aussi beau, ni ressentir quelque chose d’aussi fort pendant un concert, j’en étais presque triste de me dire que le meilleur était désormais derrière moi. C’était sans compter sur les mois suivants, sans savoir que j’allais encore le voir, et le revoir. Depuis, à chaque fois que j’assiste à l’un de ses concerts, je savoure cette chance incroyable, car à chaque fois sa prestation est magique, car à chaque fois j’ai l’impression que c’est la première et la dernière fois, car à chaque fois je touche du doigt un instant de pur bonheur.
Et ce samedi soir à l’Olympia fut lui aussi, magique et unique comme tous les précédents. Toujours entouré de ses six musiciens (avec cependant deux changements notoires en l’absence du fabuleux Dino Soldo remplacé par le talentueux violoniste Alexandru Bublitchi et de l’habituel Bob Metzger remplacé par Mitch Watkins), et de ses trois merveilleuses choristes que sont l’éternelle Sharon Robinson et les très douces Webb Sisters, Leonard Cohen a livré un spectacle tel qu’il en a le secret. Sa voix grave et posée, sa présence immense qui contraste avec son physique presque fragile, et surtout, surtout cette sincérité qui transpire de tout son être. Il ne fait pas semblant Leonard, il ne joue pas, il vit sa musique, et il vit chaque seconde de ses concerts intensément. Il n’y a qu’à le regarder ôter son chapeau pour écouter religieusement les solos de chacun de ses musiciens, ou les voix cristallines de ses choristes. Il a les yeux fermés et il écoute respectueusement, murmurant les paroles, accompagnant de ses hochements de tête, s’inclinant humblement pour remercier le talent débordant de ses collaborateurs. Non, il ne joue définitivement pas Leonard, et ça se ressent. Il donne tout ce qu’il a, comme il l’avait promis en début de concert. Et quand on donne sans compter comme lui, on reçoit en retour au centuple. Que ce soit les membres de son orchestre qui semblent lui vouer une admiration sans faille ou le public qui répond à chacune des chansons par des tonnerres d’applaudissements et des ovations debout après chaque classique de son répertoire (et pour ainsi dire, tout son répertoire n’est fait que de classiques à mes yeux), Leonard Cohen semble déclencher un mouvement unanime d’amour, du vrai, du tangible, du palpable dans l’air, pour sa personne.
Il se donne Leonard, il chante, il joue de la guitare, il fait des pirouettes et des pas de danse à chaque entrée et sortie de scène, il s’agenouille et ferme les yeux quand il entonne des morceaux comme Bird on a Wire ou Dance Me to the End of Love. Il ne calcule rien, il est juste là, entier, et dégage une force insoupçonnée, une sérénité troublante.
Moi j’ai tremblé, ressenti de toute mon âme chaque note, chaque son, chaque vibration. Quel son fabuleux d’ailleurs, qui doit certainement autant à la perfection acoustique de la salle qu’au talent de ses ingénieurs du son que Leonard Cohen ne manque pas de remercier pendant le show. Et c’est vrai qu’une telle limpidité est rare. La moindre petite note de chaque instrument était perceptible, les voix sublimées au point qu’on percevait même les respirations dans les micros. Tout cela sans que les oreilles soient agressées par un volume sonore exagéré bien au contraire, on avait la sensation que le son prenait possession de tout le volume de la salle sans l’écraser un seul instant. Du bonheur sensoriel pour mes oreilles délabrées qui supportent si mal les sons trop puissants d’habitude.
Et que dire de cette troupe sensationnelle qui accompagne le chanteur canadien ? L’homme sait s’entourer des meilleurs, et encore une fois j’ai été enchanté par chacun d’eux. Roscoe Beck qui en bassiste chef d’orchestre a su organiser à la perfection chaque titre tout en réservant quelques belles surprises en variant l’orchestration de certains morceaux avec bonheur. Mitch Watkins qui a eu de belles opportunités pour exprimer tout son talent à la guitare électrique, « the impeccable » Neil Larsen perché au-dessus de ses claviers et de son orgue Hammond, Raphael Gayol à la batterie en « prince of precision » comme le surnomme LC, Alexandru Bublitchi qui a eu de belles envolées au violon et bien entendu l’indétronable Javier Mas à la guitare à 12 cordes et à la bandurria qui a encore gratifié Who by Fire et The Gypsy’s Wife d’introductions magnifiques mi-tziganes mi-orientales. Au chœurs il est inutile de présenter « the incomparable » Sharon Robinson qui aura marqué de sa présence vocale tant de disques de Leonard Cohen, et les « sublimes » sœurs Charley et Hattie Webb qui m’avaient émerveillé lors des précédents concerts en reprenant seules à la guitare et à la harpe If It Be Your Will et qui ont proposé cette fois une version inédite de Coming Back to You. Sans oublier le « tour manager » de Cohen, Mike Scoble qui vient aussi jouer de l’harmonica sur le morceau Darkness (morceau absolument terrible en live soit dit en passant).
Alors bien sûr, dans ces conditions optimales, Leonard Cohen a déroulé son immense talent au fur et à mesure qu’il enchaînait les chansons. La liste des titres est trop longue pour la citer en entier, mais je frissonne toujours de plaisir quand j’entends Tower of Songs, The Future, Suzanne, I’m Your Man, Heart with no Companion, Democracy, Who by Fire, Waiting for the Miracle, First, We Take Manhattan ou encore So Long, Marianne. Inutile également de préciser que pour moi il n’y a définitivement rien ni personne qui surpasse l’interprétation de Hallelujah par son créateur. Et puis quand il entonne mes deux titres préférés, Everybody Knows et The Partisan (je ne vous parle même pas de l’ovation de la salle quand il chante « mais j’ai tant d’amis, j’ai la France entière »), là je suis juste ailleurs, dans une autre dimension. C’est simple, Leonard Cohen est l’un des seuls qui me procure une telle sensation : j’ai l’impression qu’il est là et qu’il chante juste pour moi, que ses mots me sont directement et exclusivement destinés. Peu importe la foule, peu importe le monde tout autour, l’espace d’un instant il n’y a que lui et moi. C’est indescriptible comme sensation. Cela fait partie de ces expériences uniques qu’on ne ressent que très rarement.
Pour être honnête avec vous, je suis certainement l’un des plus mauvais critiques de LC. Ce type et ses chansons hantent ma vie depuis si longtemps qu’ils m’en sont devenus indispensables. Je perds toute objectivité dès que j’entends sa voix. D’ailleurs à quoi me servirait-elle cette objectivité, puisque de toute manière tout ce qu’il produit tient du génie ? Il pourrait fredonner sa liste de courses que j’y trouverais des qualités indiscutables ! ;o)
C’est pourquoi je vous invite à ne pas prendre tout ce que je vous dis ici pour argent comptant, et plutôt d’écouter sa musique pour juger par vous-mêmes. Vous comprendrez à ce moment ce que j’essaie maladroitement d’exprimer. Il est à la fois un maître dans l’art de manier les mots et dans celui de les mettre en mélodie. L’homme « with the gift of a golden voice » vous touche aussi bien le cœur, que l’esprit et les tripes. Il est un monument de la musique et une personnalité hors norme, le voir en concert est à chaque fois pour moi un véritable événement et une chance que je considère comme incommensurable.
Thank you mister Cohen.
Pour le plaisir, quelques vidéos glanées sur youtube (merci aux posteurs !)
Avec pour commencer The Future (concert du 28 septembre 2012)
Puis une superbe version de Who by Fire avec l'intro géniale de Javier Mas (concert du 28 également)
Et enfin The Partisan (concert du 29 septembre 2012)
Il est des “petits” concerts qui donnent de grands plaisirs.
Voir The Boss avec 18 000 autres personnes, applaudir Coldplay parmi 80 000 spectateurs, c’est grand, c’est bon, c’est fort. Mais on peut être beaucoup moins nombreux et pourtant passer un tout aussi excellent moment.
Et quand Fred Blondin est annoncé en concert quelque part, on a toujours la promesse de passer une soirée extra. Justement le chanteur à la voix rocailleuse passait la semaine dernière dans le coin. Le jeudi à Belfort et le vendredi à Montigny-les-Vesoul. C’était beaucoup trop près de chez moi pour que je n’y aille pas ! Bien sûr les deux soirs… quand on aime, on ne compte pas.
D’ailleurs ça doit être un des leitmotivs de Fred Blondin, parce que pour avoir eu le plaisir de le voir plusieurs fois déjà, j'ai pu me rendre compte que s’il y a bien une particularité qui caractérise ses concerts, c’est la générosité. Quand Fred prend sa guitare et chante, il n’est pas là pour une heure et demie et puis s’en va. Non, Fred est là pour assurer le spectacle, il enchaîne les morceaux, il s’amuse, il se fait plaisir autant qu’à son auditoire. Si un de ses titres se nomme Donner, ce n’est pas une coïncidence. Il n’y a qu’à le voir quand il dégaine sa gratte électrique, il a l’air ailleurs, loin, très loin même. Et il nous emmène avec lui, parce que c’est ça Fred Blondin : un type sympa, bourré de talent et qui vit dans un endroit où même les emmerdes n’arrivent pas : la musique.
Que ce soit jeudi au Roger’s Café ou vendredi au Barouf, Fred a fait ce qu’il fait le mieux (enfin à ma connaissance hein, il est peut-être aussi très doué pour les pâtes carbonara ou le patin à glace va savoir) : il a mis l’ambiance et partagé avec nous un moment de bonne musique. Tout seul en guitare sèche / voix, ou accompagné comme la semaine dernière, ses concerts dégagent un truc spécial. Que ce soit mélangé à la saveur du blues d’un morceau comme Le Café du Monde, du rock quand il reprend à sa sauce Félicie, du reggae avec Oh Mon Dieu ou d’une chanson aux accents plus mélancoliques comme Mickey Jaloux, il y a toujours cette marque bien particulière. Ça s’appelle l’authenticité et ça se ressent au premier riff de guitare, à la première intonation de voix. Et bordel, que c’est bon.
Jeudi et vendredi, Fred a partagé la scène avec quelques compères. Le jeudi, c’est le percussionniste (Jeff il me semble) du groupe qui l’a précédé (et j’ai eu beau rechercher le nom du groupe -bien sympa d’ailleurs, il ne peut pas en être autrement quand on reprend du Leonard Cohen ou du Lavilliers cela dit en passant- je n’ai pas réussi à remettre le doigt dessus, vraiment désolé) qui l’a rejoint pour l’accompagner, avec de temps en temps quelques notes d’harmonica par le chanteur de ce même groupe de première partie. Tiens d’ailleurs pour la petite histoire je crois même avoir reconnu dans le public présent ce soir-là un certain Francis Décamps, rien moins qu’un des membres d’origine du groupe belfortain Ange. Bon bien entendu vous ça ne vous fait rien, mais pour moi Ange c’est juste un monument du rock français. Bref, parenthèse fermée.
Et puis vendredi c’est pour l’ensemble de la soirée que l’accompagnait aux percussions (et de bien belle manière faut le souligner) un certain Monsieur Zacharias (j’espère ne pas me tromper dans l’orthographe). Et un autre « régional de l’étape », prénommé Aurélien, est intervenu au clavier sur quelques morceaux également.
Et puis comme à chaque fois qu’il passe quelque part dans l’Est de la France, ça a été aussi l’occasion de revoir quelques autres irréductibles blondingues du coin, ce qui ajoute au plaisir de se rendre aux concerts de Fred. Corinne, Arnaud, Valérie, Franck, Éric, Janick, Philippe … et la liste s’allonge au fur et à mesure du temps !
Comme ces deux concerts se sont déroulés sans ma frangine (que j’ai convertie à Blondin voilà déjà bien longtemps, elle est bien cette petite) pour prendre de chouettes photos, je n’ai malheureusement aucun cliché des deux soirées pour illustrer cet article, mais j’ai quand même trouvé une chouette vidéo sur Youtube, que son posteur Pierrik Fumey Dumoulin ne m’en voudra j’espère pas de mettre en lien ici.
À coup sûr j’aurai un article un peu plus fourni à mettre en ligne fin octobre, après le prochain rendez-vous avec Fred Blondin à Paris cette fois… j’ai hâte d’y être !
Allez, la vidéo d’un de mes titres préférés en plus, ça tombe bien : Des gens que l’on aimerait revoir. Enjoy !
Attention gros coup de cœur de l’année !!
J’ai découvert ce film par hasard, uniquement attiré par le fait qu’un film belge puisse se nommer Hasta la Vista. Cherchez pas, il y a des associations qui me parlent, ça n’a rien de cartésien, c’est mon côté bizarre. Je ne l’ai malheureusement pas vu en salle mais découvert parmi les sorties dvd que je consultais voici quelques semaines. J’ai tenté le coup pour voir, intrigué mais sans en savoir plus. J’y suis allé quasiment à l’aveugle, sans faire de recherche au préalable sur le film, sans rien lire à son sujet avant, et bon sang qu’est-ce que j’ai bien fait. Je me suis pris une bonne claque avec ce film. Je ne m’attendais à rien de particulier et du coup l’effet qu’il a eu sur moi en a été comme décuplé. En un mot comme en cent, je l’ai trouvé extraordinaire. Du genre à entrer directement dans mon top ten de tous les temps. Je ne peux évidemment pas m’empêcher d’en parler ici.
Comme son titre ne l’indique pas, Hasta la Vista est donc un film belge, réalisé par Geoffrey Enthoven. C’est l’histoire de trois jeunes belges, et plus précisément trois jeunes flamands. Ils ont une vingtaine d’années et partagent quelques points communs. Ils sont tous les trois amateurs de grands vins et de jolies filles. Mais s’ils dégustent régulièrement du bon vin au sein de leur club d’oenologie, ils sont en revanche encore vierges de toute relation avec le beau sexe. Car un autre de leurs points communs réside dans le fait qu’ils sont entièrement dépendants de leurs proches. Oui, j’oubliais de préciser qu’ils sont tous trois handicapés. Philip (Robrecht Vanden Thoren) est tétraplégique, Jozef (Tom Audenaert) est quasi-aveugle et Lars (Gilles De Schrijver) est atteint d’une tumeur agressive qui le paralyse en partie et le cloue sur une chaise roulante.
Quand Philip présente à ses deux amis une publicité pour la maison close El Cielo en Espagne qui accueille les gens comme eux, atteints de handicaps lourds, ils ne tardent pas à prendre leur décision : ils y perdront leur virginité coûte que coûte. Évidemment il y aura quelques obstacles à surmonter. Leurs parents tout d’abord, pas prêts de les lâcher comme ça dans la nature, et à qui il va être ardu de vendre l’idée de prendre du bon temps dans un bordel espagnol. C’est par l’intermédiaire d’internet qu’ils se mettent en douce d’accord avec Claude (Isabelle De Hertogh) qui leur servira d’aide médicale et de chauffeur pour le voyage. Ne reste plus pour les trois compères qu’à se faire discrètement la belle de chez eux, direction Punta del Mar et les jolies filles d’El Cielo…
Plus facile à dire qu’à faire ! Rien que pour faire discrètement ses bagages quand on est aveugle ou tétraplégique, il faut savoir faire marcher son imagination…
Voilà, je ne vais pas vous en dire beaucoup plus que ce pitch de départ, mais si vous êtes comme moi, ça devrait largement suffire à vous donner envie d’en savoir plus !
Que ce soit clair, Hasta la Vista est avant tout une comédie. Mais une comédie qui ne se limite pas une seconde à ce registre. Il y a de tout dans ce film, et c’est ce qui en fait un petit bijou. Au gré des pérégrinations de ces trois loustics sur la route du soleil, du vin et des jolies filles, on est transporté du rire aux larmes avec la même spontanéité. Ce film est bourré de qualités, il déborde d’énergie et de bonnes idées, et surtout il est totalement décomplexé.
Parce que tout de même, il faut bien dire que le thème principal s’attaque à un sujet plutôt tabou et pas forcément très drôle au premier abord : le droit à une vie sexuelle « normale » et revendiquée pour les personnes handicapées. Et pourtant dans ce film, une véritable magie semble opérer : tout est fait et dit naturellement, la gêne n’existe pas, on parle ouvertement et cela semble couler de source. Exit le tabou. Et comme tout cela est parfaitement naturel, c’est bien évidemment sujet à plaisanteries, y-compris bien graveleuses. Ce ne sont pas juste trois handicapés, ce sont avant tout trois jeunes hommes, tout simplement. Et si leur physique est sans cesse là pour rappeler que rien n’est jamais simple quand on dépend totalement des autres pour les gestes du quotidien, leur esprit et leur humour font presque oublier ce «détail » par moment.
D’ailleurs loin de se cantonner au sujet de la vie sexuelle des personnes handicapées, ce film est je crois avant toute chose un vrai beau film sur l’amitié. Car ces trois là s’aiment vraiment et ça se sent. L’acceptation des autres, la tolérance, le fait de ne pas s’arrêter au simple physique sont également des idées que le film développe. Et il les développe sans faire de morale outrancière, juste en montrant qu’un handicapé est une personne comme une autre, avec ses qualités et ses défauts. Capable du meilleur comme du pire. Pas moins et pas plus tolérant qu’un valide par exemple. Les préjugés de Philip et Lars au sujet de Claude sont uniquement fondés sur l’apparence physique, alors qu’eux-mêmes sont quotidiennement soumis aux jugements trop rapides basés sur leur corps.
Un autre point qui m’a profondément touché même s’il n’est qu’effleuré dans le film, c’est le point de vue des parents. Le père de Lars en particulier (Johan Heldenbergh) qui est le moins enclin à lâcher la bride à son fils, et qui par amour couve et étouffe littéralement son enfant. Dépasser ses peurs, accepter que son enfant prenne des risques, lui permettre de se sentir libre alors que cela va frontalement à l’encontre de l’instinct parental basique qui est de protéger un enfant fragile… en quelques scènes tout cela est montré sans être réellement prononcé, et j’ai trouvé cela d’une finesse et d’une force bouleversantes. Je me suis mis quelques instants à sa place de parent, et j’ai vacillé avec lui.
Mais !!
Je ne voudrais pas vous mener sur de fausses pistes et vous donner de fausses idées ! Hasta la Vista n’est pas un film triste, même si à coup sûr vous sentirez monter quelques larmes par moment. C’est avant tout un film très drôle. C’est sincère, généreux, rentre-dedans, imaginatif, couillu, grinçant, décomplexé, touchant, émouvant, enthousiasmant, intelligent, simple, excitant, plein d’énergie, fun, déroutant, tendre, juste, sans voyeurisme ni complaisance ni misérabilisme… et je vais m’arrêter là parce que vous finiriez par ne pas me croire.
Moi ce film m’a chamboulé et m’a touché directement au cœur. Il m’a mis une banane d’enfer et c’est bien simple, je l’ai revu quasiment dans la foulée. Depuis je ne cesse d’en parler autour de moi pour essayer de mieux le faire connaître. Il fait partie des petites perles cinématographiques si rares : celles auxquelles on ne s’attend pas du tout et qui vous retournent comme une crêpe. Découvrir un tel film justifie largement tous les navets qu’il faut s’enfiler avant de tomber dessus.
Pour parler un peu plus du film en tant que tel, il me semble utile de préciser deux trois choses. Tout d’abord comme je le mentionnais plus avant, les personnages principaux sont flamands. Ils parlent donc en flamand. Et non, le film n’est pas doublé mais sous-titré et cela pour une raison simple : une partie du film est en langue française, Claude étant de Bruxelles elle s’exprime en français, ce qui ne sera pas sans créer une certaine tension entre elle et Philip qui lui, refuse de parler autrement qu’en flamand. On sent là que le réalisateur glisse dans son film quelques allusions aux tensions qui agitent la Belgique et les conflits entre francophones et flamands.
Autre précision, certains pourront peut-être reprocher au scénario d’être un peu prévisible sur certains points, quelques passages n’étant pas de réelles surprises. Je ne peux le nier mais j’avoue que ça ne m’a pas dérangé. Parce que même si on s’attend à l’une ou l’autre des choses qui arrivent aux héros, on n’a pas du tout l’impression d’être dans du convenu ou du banal. D’ailleurs s’il y a un adjectif auquel échappe le film, c’est bien à celui de banal…
Enfin, et pour moi c’est certainement le plus important, le film repose avant tout sur deux principaux points : la fraîcheur de son scénario qui ose ce que personne d’autre n’a osé jusqu’alors, et la qualité d’interprétation des comédiens, qui sont tous impeccablement dans leurs rôles. Sans vouloir en dévoiler plus que je ne devrais, j’ai été tout à fait scié par un tout petit passage onirique vers la fin du film, qui en quelques secondes souligne toute l’intensité de jeu des comédiens.
Bien entendu, on ne pourra pas passer à côté d’une comparaison avec Intouchables, le film phénomène de 2011, qui brasse des thèmes très proches et permet également d’avoir du handicap une approche inédite. Mais sans vouloir amenuiser ses qualités réelles et sans revenir sur tout le bien que j’ai pensé du film français, pour moi Hasta la Vista le surpasse très largement. Sans problème.
Je ne surprendrai donc personne en conseillant à tous de voir ce très beau petit film belge, Hasta la Vista, distribué en France par les Films 13 de Claude Lelouch (tiens, tiens, quelle coïncidence). C’est définitivement lui que je retiendrai pour cette année.
Hasta la Vista !
Voilà un film qui aura fait couler beaucoup d’encre… D’abord bien avant sa sortie sur les écrans, l’éventualité de son existence puis son annonce avaient déjà fait causer. Parce que ce n’est rien moins qu’un préquel à Alien et avec Môssieur Ridley Scott aux commandes. Et une fois sorti, la polémique ne s’est pas atténuée bien au contraire, tant il y a eu de réactions et de jugements diamétralement opposés à son encontre.
Pour être franc, j’ai encore aujourd’hui, quatre mois après l’avoir vu, du mal à me positionner catégoriquement sur ce film. Je ne sais pas dire s’il s’agit d’un bon ou d’un mauvais film. À vrai dire, à mes yeux il valide très nettement certains critères qui pourraient le classer aussi bien dans l’une que dans l’autre catégorie. Je vais essayer de mettre un peu d’ordre dans mes idées et d’étayer tout ça.
Commençons par le commencement : de quoi ça cause ?
Nous sommes en 2089, soit 33 ans avant les événements se déroulant dans Alien premier du nom. Elizabeth Shaw (Noomi Rapace) et Charlie Holloway (Logan Marshall-Green), deux scientifiques / archéologues mettent en évidence un dessin présent dans de nombreuses fresques préhistoriques, aux quatre coins de la Terre. Tout porte à croire que dans les dessins rupestres se cache un message, ou plutôt une carte du ciel désignant une lointaine constellation. Persuadés qu’il s’agit d’une invitation à se rendre là-bas, les scientifiques pensent tenir une piste pour découvrir les origines de l’homme… C’est le richissime (et très vieux) Peter Weyland (Guy Pearce), à la tête de Weyland Industies, qui finance l’ambitieuse mission spatiale qui a pour but de se rendre sur la planète LV-233 aux confins de l’univers, à la rencontre de… nos créateurs ?
La très froide commandante de bord du vaisseau Prometheus, Meredith Vickers (Charlize Theron), est à la tête de l’expédition, secondée par le pilote Janek (Idris Elba). L’équipage est composé de plusieurs scientifiques aux diverses spécialités dont bien entendu les professeurs Shaw et Holloway, mais également Fifield (Sean Harris) un géologue punk et Milburn (Rafe Spall) le biologiste du groupe. Et pour veiller à tout ce petit monde pendant leur voyage en caisson cryogénique, il y a David (Michael Fassbender), un androïde à apparence humaine de dernière génération.
Quand ils arrivent à destination, les explorateurs ne vont pas tarder à découvrir non seulement des traces d’une vie passée, mais aussi d’une civilisation perdue, celle des « ingénieurs »… Ça n’est que le début de leurs ennuis car LV-233 n’est pas aussi accueillante qu’on pourrait le croire !
Bien. Ceci étant posé, que penser exactement de ce film ?
Tout d’abord, la première chose qui m’a frappé dès les premières secondes du film, c’est la qualité de l’image, la beauté de chaque plan et le soin apporté à l’esthétique de tout ce que l’on voit apparaître à l’écran. Absolument fabuleux comme spectacle. D’autant plus que le film était projeté en 3D. Alors que je suis plutôt réfractaire* à cette technologie (pour tout dire aucun film jusqu’alors ne m’avait convaincu du bien fondé de la 3D), je m’en suis pris plein les mirettes et j’ai trouvé ça à couper le souffle. Une netteté incroyable, une profondeur vertigineuse, un rendu incomparable… sur le plan de la mise en scène, du cadrage, du découpage, de l’éclairage et de l’esthétique de manière générale, Ridley Scott a frappé un grand coup, histoire de rappeler qui c’est Raoul. On n’est pas une légende vivante du cinéma, on n’a pas été à l’origine de films-cultes pour rien. Visuellement, je crois que rarement j’avais été aussi impressionné par la maîtrise dont fait preuve Scott dans ce film. Première (et dernière ?) fois que la 3D me convainc dans un film. Rendu parfait à l’écran, et utilisation à bon escient des effets qu’elle permet.
Mais ça va encore bien au-delà de la simple qualité de l’image. Prometheus possède une chose pas si courante, le film a une vraie identité visuelle. C’est assez difficile à expliquer mais il règne dans ce film une véritable harmonie des images. Tout colle, tout sonne juste, tout est à sa place et forme un ensemble d’une cohérence remarquable. La perfection vient se loger dans les détails. Que ce soit pour les décors, pour le design, pour l’éclairage (somptueux), pour les extérieurs (tournés dans la région volcanique du mont Hekla en Islande), pour le bestiaire (ce n’est pas du Giger -royalties économisées ? rhooo je suis mauvaise langue- mais l’esprit est respecté) : Ridley Scott sait visiblement ce qu’il veut, et sait s’entourer des bons artisans pour y arriver. On frôle la perfection. Allez, le bémol, le seul de ce point de vue, c’est le personnage de Peter Weyland. Le type flirte avec les cent ans, ou dans ces eaux là. Pourquoi diable, s’obstiner à faire jouer un centenaire par un homme en pleine force de l’âge, en l’occurrence l’acteur australien Guy Pearce ? Avec le meilleur maquillage du monde, avec la meilleure volonté du monde, c’est se tirer une balle dans le pied d’entrée. C’est la seule faute de goût que je relèverai sur le plan visuel du film. Mais quand on sait l’importance du personnage, ce n’est pas un détail insignifiant à mes yeux.
Spoilerais-je une partie du film en parlant de l’importance de Weyland ? honnêtement je ne pense pas. Scott se spoile tout seul en plaçant Guy Pearce en troisième ou quatrième position en ordre d’importance de son casting. Du coup, on ne se demande pas bien longtemps qui est le passager clandestin, le mystère est éventé avant même la première moitié du film. Si par ce paragraphe je vous ai révélé le nom de celui qui se cache dans le vaisseau, que ceux qui n’ont pas encore vu le film ne m’en veuillent pas trop, vous vous rendrez compte de l’évidence dès que vous l’aurez vu. Boulette scénaristique ? allez, soyons cléments, parlons juste de maladresse, les boulettes c’est pour plus tard.
Car après la forme, pour laquelle je ne peux cacher mon enthousiasme, arrive le fond, qui pour sa part m’aura laissé bien plus circonspect. Si la force de ce film est son visuel, pour le scénario c’est une autre affaire.
Scott a tenté de jouer un double jeu, stratégie théoriquement habile, mais pas concluante dans les faits. En gros, on nous a annoncé un préquel de Alien qui s’inscrit donc dans la continuité et la mythologie de son film de 1979, et dans le même temps, Scott a voulu livrer un film qu’on puisse regarder indépendamment de la tétralogie Alien. Un film qui complète la saga mais qui se tienne très bien tout seul aussi. C’est pourquoi par exemple le personnage de Ellen Ripley est laissé de côté et sans la moindre mention aussi emblématique fut-elle pour la saga Alien. C’est pourquoi également Scott fait l’impasse sur les face-huggers, les chestbusters et les xénomorphes (termes employés généralement pour décrire respectivement les versions larvaires -qui s’attachent à la face de l’hôte-, embryonnaires -qui se développent dans l’abdomen de l’hôte- et adultes des créatures hantant la saga Alien). Aucune des bestioles dont on a l’habitude n’apparaît dans Prometheus. Ce qui n’empêche pas que la planète LV-233 soit habitée par d’autres créatures pas plus fréquentables, et rappelant sans en être vraiment les face-huggers qui sortent des œufs dans le premier Alien. Ici on a à faire à une matière visqueuse noire, apparemment vivante, pouvant infecter un hôte à qui on l’injecte (à la façon d’un parasite), et donnant également naissance à des créatures mi-serpents mi-anguilles qui elles aussi s’infiltrent physiquement dans leurs victimes. À vrai dire cet aspect (comme de nombreux autres) n’est pas très clair dans le film. Là où on connaît parfaitement le cycle de reproduction et d’évolution des aliens des précédents films, on reste dans le flou avec ces bestioles-ci. D’ailleurs quand l’un des personnages meurt alors qu’il a été attaqué par un de ces serpents-anguilles, on le revoit quelques temps après sous forme de… zombie. Appelez ça comme vous voulez, moi ça m’a fait penser à un zombie. Un être mort, qui est animé d’une rage d’en découdre et au comportement basique, visiblement « habité » par une volonté extérieure (celle du parasite qui l’a infecté ?), muet et insensible à la douleur, pour moi c’est un zombie. Et là je ne peux pas m’empêcher de me dire que les scénaristes ont bêtement cédé à la tentation d’inclure dans leur script une créature morte-vivante puisque ces dernières sont fortement revenues à la mode (de 28 jours plus tard à Walking Dead, les films, BD et séries consacrés aux zombies ont été légion ces dix dernières années). Grosse faute de goût à mon avis pour un film rattaché à une mythologie pourtant déjà si riche. Et puis légèrement hors-sujet aussi, mais bon, c’est peut-être moi qui me bloque sur des détails.
Tiens, puisque j’en étais à parler du zigue qui se fait lobotomiser et devient une marionnette aux commandes de… de on ne sait pas trop quoi d’ailleurs, je reviens cinq minutes sur les circonstances de cette attaque. Je rappelle que les gus en question sont des spécialistes dans leurs domaines***. Et donc le spécialiste en biologie et bestioles en tout genre, Milburn si je me souviens bien, qui est mort de trouille dans les grottes dans lesquelles il crapahute avec son pote Fifield, quand il se retrouve face à ce serpent-anguille qui se dresse devant lui d’un air pas commode (dans la position du cobra prêt à attaquer pour vous situer) que fait-il ce con-là ? Il lui cause comme à un toutou à sa mèmère à coup de « petit petit petit » et de « viens là mon joli ». À noter qu’à deux pas de cet endroit gisent des cadavres de ceux que Shaw a surnommés les ingénieurs par dizaines, visiblement pas morts de vieillesse. Tout ça c’est du détail pour notre expert biologiste qui a juste envie de faire mumuse avec une bestiole extraterrestre au comportement ostensiblement agressif. À se demander si à l’entretien d’embauche du garçon il n’y a pas eu confusion des termes entre expert en biologie et fan d’Alain Bougrain-Dubourg. Évidemment le mec se fait trucider par l’animal de façon bien gore en plus. Mais là très franchement, il faut le dire : il l’avait bien mérité.
Tiens bis, toujours à propos de ces deux gugusses que sont le biologiste et le géologue, je me permets encore de revenir un cran en arrière sur les circonstances de leur mésaventure. Les deux gars se font attaquer par des bestioles dans une des salles du dôme que les explorateurs ont visité après leur atterrissage sur LV-233. Bien. Ils sont seuls à cet endroit et à ce moment parce qu’ils ont décidé tous les deux de se barrer du dôme sentant bien que ça puait l’embrouille ce foutoir là. Les autres (Shaw, Holloway, David et compagnie) avaient décidé de continuer l’exploration, laissant rentrer les deux pétochards au vaisseau. Sauf que ces blaireaux se sont paumés dans les couloirs du dôme. Notez bien que ceux qui avaient continué l’exploration sont ensuite rentrés tranquillos à la navette (enfin fissa quand même parce qu’il y a eu entre temps une méga tempête de sable dehors), sans éprouver la moindre difficulté à se repérer alors qu’il cavalaient pour pas se faire piéger par la tempête. Sachant que parmi les deux perdus on a le géologue de service dont le taf était, excusez du peu, d’établir un plan en 3D**** des lieux, vous remarquerez la cohérence et la plausibilité des faits. Tout cela vous paraîtra du détail peut-être, mais pour moi c’est typiquement le genre de trucs qui casse le reste et gâche la fête. J’adore la science-fiction, je ne demande qu’à croire aux extraterrestres, aux fantômes ou à la téléportation, mais pour ça il faut que tout ce qu’il y a autour, tous les détails de l’histoire soient logiques. Or, et c’est bien dommage, ce film est truffé de ces détails qui clochent et qui accumulés me gênent terriblement.
Vous voulez d’autres exemples ? Lors de la première exploration du dôme, il n’y a, je crois me souvenir, que des scientifiques chevronnés qui s’aventurent dans les galeries. Ils arrivent dans une salle qui, de façon plus magique que réellement scientifique vu les explications mormoilneuses avancées, possède une atmosphère théoriquement respirable pour l’homme. Ni une ni deux, ils décident tous de gicler les casques de leurs combinaisons. Professionnels jusqu’aux bouts des ongles les gars. On passera sous silence les risques du genre exposition à des germes extraterrestres et saloperies diverses qu’un organisme humain ne pourrait peut-être pas supporter. Et on a déjà oublié le gars qui trente secondes plus tôt précisait, va savoir pourquoi il s’est donné tout ce mal d’ailleurs, qu’il faisait une température du genre –25°C dans le dôme. Dans le genre pas crédible et pas logique, les scénaristes ont vraiment accumulé les bourdes.
Allez hop, un autre exemple pioché un peu plus tard dans le film. Shaw se retrouve avec une bestiole qui grandit dans son bide façon gestation-minute et qui promet de lui laisser un beau trou comme souvenir quand elle va en sortir. Il est donc plus qu’urgent de sortir l’intrus avant qu’il ne s’en charge lui-même. Shaw saute dans le médilab perso (je dis médilab mais j’ai oublié le nom de l’appareil : il s’agit d’une cabine automatisée dans laquelle un patient peut être pris en charge médicalement et chirurgicalement par la machine) de Vickers, ce qui est une très bonne idée faut le reconnaître. Pas de bol, le médilab en question, une machine qui vaut des millions et qui existe en très peu d’exemplaires tant elle est sophistiquée et chère… ne sait opérer que les hommes. Du coup, exit l’option césarienne. Sans déconner, le truc est à la pointe de ce qui se fait de mieux en 2089, mais c’est seulement pour les hommes ? Et c’est l’appareil perso de la CommandantE Vickers ?! Ok, d’accord, si vous le dites. Mais là où c’est fort, c’est que la machine, toute perfectionnée qu’elle est, reste très conne : quand Shaw demande une césarienne c’est un refus très machiste auquel elle est confrontée. Mais sans se démonter, Shaw se fait passer pour un homme et lui demande juste une extraction d’un objet de son bide, là la machine ne trouve rien à redire et lui extrait manu-militari la bestiole qui lui ronge les intestins. Ben voyons. Le top de ce qui se fait le mieux médicalement on vous dit. Suffit de lui raconter des bobards et elle vous opère, sans se rendre compte que Shaw n’a pas tout à fait l’anatomie masculine qu’elle dit avoir. Et puis c’est fait à la façon boucherie hein, découpage au laser très bien, sortie de l’animal à la pince comme dans une attraction de foire foraine où on essaie d’attraper des nounours et des montres à gagner, déjà c’est moins classe, et fermeture à la va-vite à l’aide de quelques bonnes grosses agrafes pour refermer le trou d’une trentaine de centimètres ouvert juste avant. En même temps l’appareil avait prévenu : c’est un truc pour hommes, pas pour chochottes. Mais bon, vous conviendrez que si visuellement ça fait une chouette scène, bien gore et bien éprouvante à voir avec du sang et tout ce qu’il faut pour avoir mal à la place de Shaw, c’est quand même pas bien crédible tout ça quand on prend juste dix secondes le temps d’y réfléchir. J’en finis avec ce passage d’anthologie : une fois que Shaw est débarrassée de son passager clandestin et agrafée à l’arrache, elle n’a pas un instant à perdre, et la fin du film se fera pour elle au pas de charge : course à pied, sauts en tous genre, bagarre… pour une opérée dans l’heure précédente, la petite Elizabeth tient une pêche d’enfer. Mais ça aussi, c’est certainement du détail et puis ça passe : de temps en temps elle fait une grimace, on sent bien qu’elle a mal quand même un peu hein. Hum.
Allez je finis avec une dernière chose qui m’a fait marrer : le coup du vaisseau alien qui se fracasse au sol pile au-dessus de Shaw et Vickers qui sont à pieds dehors. Le vaisseau en question est réellement immense, en forme de donut géant, rond donc, et il tombe sur la tranche, se mettant évidemment à rouler. Pas de bol : dans la direction des deux bonnes femmes qui par un malheureux concours de circonstances se trouvent sur sa trajectoire. Elles courent donc pour lui échapper. Dans la même direction, faut-il le préciser. Et puis arrive le moment critique où Shaw trébuche et se retrouve à terre, le vaisseau géant roulant vers elle. Et là, hop, un roulé-boulé sur le côté et la voilà sortie d’affaire. Mais bien sûr. L’autre, trop conne (le cliché de la blonde ressurgirait-il ?) n’ayant pas la présence d’esprit de changer de direction voire de juste faire un pas de côté n’a que ce qu’elle mérite : elle finit en crêpe.
J’arrête là avec la multitude d’exemples qui plombent le scénario d’incohérences, de trous, de maladresses et de conneries pas défendables. Je passerai donc sous silence l’ADN des ingénieurs qui correspond, graphique à l’appui, exactement à celui de l’Homme (sauf qu’ils sont albinos, font 3 mètres de haut et sont barraqués comme c’est pas permis). Je passerai sous silence également la scientifique renommée (Shaw donc) qui affiche face à la théorie de l’évolution que tente de lui opposer le biologiste au début du film un argument choc pour défendre l’idée que nous ayons pu être créés par des aliens : « j’ai décidé d’y croire ». Je n’évoquerai pas David qui fait des expériences, comme ça pour déconner, en faisant ingurgiter la substance noire bizarre à Holloway sans lui dire, pour voir ce que ça va donner.
Parce qu’à côté de ça, il y a des trucs pas si mal, faut le reconnaître. La volonté de Ridley Scott de ne pas marcher sur ses propres plates-bandes en livrant un énième Alien est louable. Il préfère partir sur l’idée de développer un concept ô combien intriguant qui avait pourtant marqué le premier film mais n’avait plus jamais été abordé depuis : celui du space-jockey (le personnage géant pétrifié et au ventre explosé que Ripley découvre sur LV-426 dans Alien). Et puis au gré des pérégrinations pas toujours très convaincantes des personnages, on se surprend à se poser comme eux des questions intéressantes sur le sens de l’existence et les origines (sens et origine seraient-ils liés d’ailleurs ?) de la vie mais surtout de l’Homme. Bon, on est loin de la thèse en philo hein, tout cela reste largement survolé, mais il y a une recherche de sens derrière tout cela malgré tout.
Du côté des acteurs il y a aussi du bon et du moins bon : Noomi Rapace a la hargne et l’énergie désespérée d’une Ellen Ripley, elle est en cela une très correcte successeure***** de Sigourney Weaver. Celui qui d’un avis assez général tient la dragée haute à ses petits camarades est l’excellent Michael Fassbender dans le rôle de l’androïde David. En effet ce dernier est, encore une fois allais-je dire, proche de la perfection dans son interprétation. Guy Pearce n’est pas aidé par son maquillage donc je passerai sur sa prestation. En revanche la toujours sublime Charlize Theron a hérité ici d’un rôle d’une inutilité assez confondante. Si elle n’avait pas été là, c’était pareil. Idem pour Idris Elba, et quand on sait tout son potentiel charismatique on peut regretter l’usage minimal qui a été fait de son personnage dans Prometheus.
Et puis il faut laisser à Scott un talent assez extraordinaire. Je l’avoue un peu confus, malgré la tonne de défauts dont fait preuve le scénario, j’étais pris dans le déroulement de l’intrigue, j’avais envie de savoir, j’étais tenu en haleine, j’ai marché dans certains effets même les plus téléphonés. Bref, sur le plan cinématographique pur, ce diable de Scott m’a eu. Je suis resté attentif jusqu’au bout, passant outre les parties qui m’auraient énervé en temps normal et m’auraient fait sortir de l’histoire si cela avait été un autre film. Scott est parvenu à me maintenir impliqué dans son film malgré son scénario plus que critiquable. Si ce n’est pas du talent…
Imaginez ce qu’il aurait pu faire avec une vraie bonne histoire à raconter. J’espère simplement que la suite déjà prévue sera un peu mieux écrite. Oui la suite, car en lieu et place du préquel annoncé il y a eu une petite entourloupe là aussi ; la fin de Prometheus ne permet pas de faire un lien direct avec le début de la saga Alien : aucune trace des Aliens pour l’instant, planète différente, et il y a des survivants à la fin de Prometheus qui laissent une porte largement ouverte vers une suite (une nouvelle trilogie ?)…
* Réfractaire c’est la façon polie de dire les choses. Ma pensée exacte serait plutôt Cofféènne** au sujet de la 3D au cinéma. Car oui, va falloir m’expliquer deux-trois trucs. D’abord je sais pas vous, mais moi -avant Prometheus- je n’ai jamais vu d’effet 3D dans un film qui rende l’image plus « belle » ou meilleure. Entendez par là que les films en 3D perdent systématiquement de la netteté je trouve. Que ce soit en bordure ou quand l’action est rapide, pour moi ce que je retiens avant tout de l’image, ce n’est pas qu’elle est en 3D, mais surtout qu’elle est floue. Bon, alors qu’on nous a vendu et vanté, avec raison, les bienfaits de la HD et la précision du numérique, on va maintenant te les gâcher avec une 3D baveuse, faudrait savoir. Résultat : on voit très nettement (merci la HD) des images floues (merci la 3D). Tout ça pour te fourguer la place de ciné encore 1 ou 2 euros plus cher. J’appelle ça du foutage de gueule.
** « mais c’est de la merde » pour être très précis.
*** À ce sujet, on va peut-être encore dire que je chipote, mais on a quelque chose comme une petite vingtaine de passagers sur le Prometheus, et finalement on ne fera connaissance qu’avec une petite dizaine d’entre eux, et encore superficiellement pour une partie. Là aussi ça fait une vraie et grosse différence de traitement avec Alien premier du nom, où chaque personnage (du coup ils étaient moins nombreux) était caractérisé, et où de fait leurs disparitions prenaient de l’importance. Ici il y a des gars qu’on ne verra jamais, ou juste pour se faire trucider. Ils étaient spécialistes de quelque chose, ou pas, peut-être juste toubibs, militaires ou simple passants va savoir, en tout cas chair à canon ça c’est sûr. Ben j’ai trouvé ça dommage, et un peu révélateur scénaristiquement parlant d’un certain « on s’en fout, c’est du détail et ça fait du spectacle en plus ».
**** Une des très chouettes idées du film ceci dit : les drônes qui arpentent les galeries et font un relevé 3D au laser sont visuellement géniaux à voir !
***** Successeur est un adjectif originellement masculin, mais sa mise au féminin est parfois acceptée : on va dire qu’ici c’est accepté alors !
De Kenneth Cook, j’avais lu deux recueils de nouvelles, Le Koala tueur et La Vengeance du Wombat, qui sont remplies de petites histoires tirées de faits réels et pleines d’humour. Son roman principal, Cinq matins de trop, est pour sa part à l’opposé de tout cela. Même si on retrouve des traces d’humour il est noir, dans ce roman le rire est jaune et cruel. Rien à voir donc avec les pitreries des recueils de nouvelles. Ici on parle de déchéance, de descente aux enfers, de fatalité.
L’histoire démarre à Tiboonda en plein désert australien. Tiboonda c’est simple, c’est le trou du cul du monde mais en pire. Il n’y a rien d’intéressant. Personne d’intéressant. Rien à faire. Et une putain de chaleur qui ne vous lâche jamais la grappe. Les deux occupations principales sont : survivre et transpirer. C’est à Tiboonda donc, que John Grant, un tout jeune instituteur est muté pour deux ans. Sa première année scolaire sur place vient de se terminer, et John a six semaines devant lui pour se changer les idées. Ses maigres économies et son salaire du mois lui permettent de repartir pour Sidney y passer quelques semaines au bord de l’océan tant rêvé. Le train l’emmène donc jusqu’à sa première étape, Bundanyabba, la capitale du trou du cul du monde. Même environnement horrible, à l’échelle juste supérieure. De là il repartira vers Sidney et la promesse d’un réconfort amplement mérité après une année de privations et d’efforts en plein outback australien. Mais c’est compter sans la malchance. L’enchaînement sera rapide et fatal. Boire une bière ou deux avec les autochtones plutôt accueillants tant que tu partages une chopine avec eux, manger un bout dans une gargote locale et jouer à pile ou face pour tuer le temps. Il suffira d’une soirée un peu alcoolisée, d’un léger manque de discernement et John va mettre le doigt dans un engrenage qui va le broyer aussi implacablement et sûrement que le soleil lui a tanné la peau une année durant.
Ce roman ressemble à un cauchemar éveillé. On sent tout ce qui va arriver, on sent que ça ne va pas être bon du tout, on sait qu’il suffirait de pas grand chose pour s’en sortir, qu’un petit effort suffirait à se réveiller, et pourtant rien n’y fait, la spirale de la déchéance vous entraîne avec le personnage principal. On ressent à travers lui toute une gamme de sentiments, avec en premier lieu de l’injustice, de la frustration, une immense impuissance face aux événements et pour finir une résignation forcée. Tout s’enchaîne très vite, tout se ligue contre John, et il lui aura suffit d’une petite faiblesse au départ pour ne plus arriver à se relever et prendre pleine face merde sur merde.
Le roman est court et se lit vite, le style est percutant et Cook sait mettre en mots des ambiances poisseuses et un environnement hostile. L’alcool, le jeu, la violence (vous avez déjà chassé le kangourou dans l’outback ? expérience peu ragoûtante je vous préviens de suite) seront les trois facteurs d’autodestruction d’un jeune instituteur qui n’avait pourtant rien demandé d’autre que des vacances au bord de la mer. Bundanyabba en a décidé autrement pour son plus grand malheur...
Pour moi qui idéalise l’Australie et la vois comme une terre de toutes les merveilles, ce roman a remis quelques pendules à leurs places, selon l’expression hallydaysque consacrée. L’outback décrit par Kenneth Cook est loin, très loin de donner ne serait-ce que l’envie de s’en approcher à moins d’une centaine de kilomètres. Que ce soit l’environnement, le climat ou ses habitants, tout pousse à fuir au plus vite.
Impossible de nier à ce bouquin une force et une efficacité imparables. Pour autant je n’irai pas à crier au livre culte ce dont il est pourtant régulièrement qualifié. Il me manque une certaine implication plus forte, un attachement plus profond au personnage principal qui m’est resté un peu étranger je l’avoue. Peut-être une certaine apathie de sa part, un manque de réaction, une naïveté qu’en tant que lecteur on ne peut pas partager tant on voit cela d’un oeil spectateur. C’est certainement pour cela que ce roman ne m’a pas pris aux tripes comme il aurait pu le faire. Cela n’empêche pas qu’on a à faire à un livre très fort, très bien écrit et qui avance vite et bien. Il lui aura donc juste manqué une certaine dimension plus humaine pour être réellement marquant.
À lire pour ceux qui aiment qu’un personnage soit totalement à la merci du monde où il évolue, ceux qui aiment les enchaînements implacables de situations qui mènent à la catastrophe inévitable, ceux qui apprécient les récits où la fatalité l’emporte (ce qui est mon cas je le précise). À éviter pour ceux qui ne supportent pas la chasse sanguinaire aux kangourous, les orgies de bière et les pays où la poussière vous colle au visage comme vos vêtements pleins de sueur à la peau.