Avec Sur la Route, le réalisateur brésilien Walter Salles signe l’adaptation d’un roman américain culte, On The Road de Jack Kerouac, publié en 1956.
Le roman de Kerouac est un road-movie autobiographique qui voit des jeunes gens traverser les États-Unis au gré du vent, épris de liberté, de littérature et de jazz, au tout début des années 50. Le personnage principal, Sal Paradise, qui est l’alter-ego de Kerouac, vient de perdre son père immigré canadien, vit à New-York et rêve de devenir écrivain. Il rencontre alors Dean Moriarty (qui représente son ami Neal Cassady), un ex-taulard au charme ravageur et au comportement imprévisible, mariée à la très jeune et très jolie Marylou (alter-ego de LouAnne Henderson, première femme de Cassady). Entre Sal et Dean l’amitié est fusionnelle et leur quête d’absolu et de liberté les décide à partir sur les routes d’Amérique, à la découverte du monde dans un esprit de fête et de détachement de la société. On croise au fil de leurs voyages d’autres personnages tels que Carlo Marx (représentant un autre de leurs amis de l’époque, le poète et écrivain : Allen Ginsberg) ou l’étrange Old Bull Lee (inspiré de William S. Burroughs). Et si parfois les chemins de Sal et Dean divergeront, les deux hommes resteront à jamais liés.
Je préfère prévenir avant toute chose, je n’ai pas lu le roman de Kerouac. Je sais qu’il est considéré comme culte par beaucoup de gens, et qu’il a marqué toute une génération d’après-guerre aussi bien aux USA que dans nos contrées. Aussi je ne peux en aucun cas juger le film pour son statut d’adaptation n’ayant aucun point de comparaison avec l’oeuvre d’origine. J’ai donc vu ce film pour lui-même, en néophyte complet de l’univers de Kerouac. Je l’ai vu à sa sortie en salles, c’est-à-dire il y a maintenant environ quatre ou cinq mois, et en rassemblant mes idées pour écrire cet article je me suis rendu compte que je n’en avais gardé que peu de souvenirs. Ce qui n’est pas forcément très bon signe, vous en conviendrez. Pour être honnête, l’histoire de ces jeunes écrivains en herbe qui vivent au jour le jour et jouissent jusqu’à l’excès de la vie ne m’a pas marqué. J’ai cherché les raisons objectives à cet état de fait, car le film est pourtant loin d’être mauvais. Je pense que ce sont les personnages qui ne m’ont pas touché. Alors que paradoxalement j’ai trouvé les interprètes plutôt très bons dans leurs rôles. Sam Riley dans le rôle de Sal est un personnage principal solide, au caractère dépeint tout en finesse. Garrett Hedlund qui interprète Dean dégage un charisme impressionnant et sa prestation est à la (dé)mesure du personnage. Kristen Stewart incarne une Marylou pleine de charme, de douceur et de fausse-fragilité de façon très convaincante. D’ailleurs moi qui fuis les films comme Twilight qui ont fait la renommée de cette actrice, je n’avais même fait le rapprochement avec les films de vampires romantiques pour adolescentes. Et les seconds rôles m’ont plu aussi, que ce soit Tom Sturridge en Carlo Marx, Viggo Mortensen en Old Bull Lee, Elisabeth Moss (la formidable Peggy Olson de Mad Men) en Galatea Dunkel, Kirsten Dunst en Camille la seconde femme de Dean, ou encore Steve Buscemi en vendeur itinérant lubrique...
Mais voilà, à aucun moment je n’ai été entraîné par les personnages à leur suite. J’ai toujours bien gardé ma place de spectateur, détaché de ce qui se passe à l’écran. Je n’ai pas ressenti l’excitation et le grisement des personnages pendant leurs virées délirantes et leurs débordements en tous genres, je n’ai pas eu de peine (ni d’étonnement d’ailleurs) quand les choses tournent parfois mal pour certains. Une sensation à rapprocher un peu de celle que j’ai eue en lisant L’Attrape-Coeur de J.D.Salinger. Réaliser qu’on est en présence d’une oeuvre importante, avoir conscience de ses qualités objectives, mais pourtant ne pas accrocher à l’ensemble tout en le regrettant presque. C’est très certainement ce qui explique qu’il ne me reste en tête que peu de passages du film à peine quelques mois après l’avoir vu. Pourtant les images étaient travaillées et belles, la réalisation sobre et efficace et les décors parfaits tant ils reproduisent l’ambiance de l’Amérique des années 1950.
Alors déconseiller Sur la Route en le qualifiant de mauvais film serait injuste, car ce n’est objectivement pas du tout un mauvais film. Le conseiller alors que moi-même il ne m’en reste pas grand-chose et que je n’ai pas spécialement l’envie de le revoir me paraît difficile aussi. Bon je m’en sortirai donc par ce qui pourrait passer pour une piètre pirouette (mais qui n’en est pas une, mais non, mais non) : voyez-le et faites-vous votre propre idée dessus !