Avant de lire les notes que je fais sur les films que je vois et les bd que je lis, sachez que dans mes commentaires il m'arrive parfois de dévoiler les histoires et les intrigues. Ceci dit pour les comics, je n'en parle que quelques mois après leur publication, ce qui laisse le temps de les lire avant de lire mes chroniques.
Bon surf !
La crise sanitaire actuelle a surtout été pour moi une crise capillaire, je vous en ai déjà touché un mot précédemment. Ce fut même à l'origine d'un moment de doute quant à ce qu'il convenait pour moi de décider.
Et puis voilà une semaine j'ai rencontré sur la route un ami que je n'avais plus vu depuis plus de trois mois, on s'est juste croisé en sens inverses sans s'arrêter, à vrai dire s'il n'avait pas klaxonné comme un dingo (c'est un des trucs préférés de Nico quand il est au volant : mettre du AC/DC à fond les ballons, faire crisser les pneus et klaxonner) je ne l'aurais sans doute même pas vu. Toujours est-il que dans la demi-heure qui s'ensuivit, il m'envoyait un sms pour s'enquérir de la santé de mon coiffeur, craignant que ce dernier fut une victime de plus du covid-19. J'y vis un signe qui ne trompe pas.
Vous le voyez aussi le signe qui ne trompe pas ?
Avisant ma tronche dans le miroir, je décidai d'agir.
Agir oui, mais par où commencer ?
Première étape : tailler ma barbe. Adieu le look Bud Spencer. Mais devant l'épaisseur de la chose, j'ai dû procéder par étape.
Un petit côté Double-Face ??
Jusqu'à enfin arriver à quelque chose d'un peu plus seyant.
Y a quand même encore un truc qui cloche non ?
Sauf que là le haut et le bas n'étaient plus du tout raccord. Une seule solution : vite un rendez-vous avec Graziella (ma coiffeuse).
Fin du confinement : retour à la normale !
Et depuis j'ai retrouvé enfin un semblant de dignité capillaire. Il était temps je crois.
Mes excuses auprès de ceux qui me lisent régulièrement : à la place de mes longues proses dont vous raffolez pour vous aider à vous endormir le soir venu, vous n'avez eu droit qu'à ma trogne en gros plan et en plusieurs exemplaires. Ce blog part à vau l'eau !
Pour ceux qui ont un peu de mémoire, je vous ai déjà parlé de Warren Ellis sur ce blog. Parce que c'est un auteur de premier plan de comic books d'une part, et parce que j'avais adoré son tout premier roman que je vous avais chaudement recommandé ici, Artères souterraines.
Avec Gun Machine, Warren Ellis récidive dans le monde du polar, quatre ans après sa première incursion dans le genre. Et pour ceux qui se souviennent avoir lu ma critique de son premier roman, je m'excuse platement car il va falloir que je me répète un tantinet.
Warren Ellis est un auteur clairement à part. Un surdoué dans son domaine. Je ne vais pas vous refaire la liste complète de ses œuvres où vous dénicherez quelques-unes des bd américaines les plus marquantes des dernières décennies (au hasard Transmetropolitan ou The Authority), mais je vous le dis comme je le pense : ce type connaît son affaire. J'ai l'habitude de le lire quand il est scénariste de comics, mais avec son deuxième roman je commence à vraiment trouver que le britannique fou devrait plus souvent laisser libre cours à sa plume d'écrivain, parce qu'il assure bien comme il faut aussi dans le genre littéraire l'énergumène.
Dans Gun Machine, on démarre avec un duo de flic façon bad cop / good cop : du grand classique. John Tallow est une caricature-née du flic désabusé. Des états de service en berne, célibataire qui ne rechigne pas à s'envoyer une bouteille de whisky de temps en temps, complètement dépassé, à la ramasse physiquement depuis que les années se sont installées, il n'est pas du genre populaire au sein du NYPD. Tout le contraire de son ami et coéquipier, Jim Rosato, dynamique et alerte, aimé et respecté de tous. Sauf que c'est Jim qui se fait descendre au cours d'une intervention face à un forcené d'un immeuble délabré de Manhattan. Une bastos envoie sa cervelle repeindre le mur de la cage d'escalier. John voit rouge et vide son chargeur sur le type, défonçant au passage le mur d'un des appartements du palier. Et quand les flics inspectent l'appartement en question, c'est la stupéfaction : il y a là une multitude d'armes à feu fixées aux murs, suivant un bien étrange ordonnancement. Après analyses, toutes correspondent à des affaires de meurtres non-élucidées, certaines remontant à plus de vingt ans ! Déjà pas en odeur de sainteté auprès de sa hiérarchie, Tallow n'avait pas besoin de ça pour s'attirer la colère de ses supérieurs et l'animosité de ses collègues : non content d'être celui des deux que personne n'aime qui a survécu à la fusillade, il leur apporte une avalanche de cold cases à rouvrir avec cette découverte. C'est donc lui qui se voit chargé d'élucider les affaires liées à cette cache d'armes, avec pour seule aide deux doux-dingues de la police scientifique qu'on lui assigne. Pendant ce temps, dans les rues d'une ville quasi-organique dans sa description, erre un chasseur. Un chasseur dont l'esprit navigue entre le Manhattan moderne et le lieu tel qu'il était avant que les colons blancs ne débarquent sur cette terre amérindienne... Un chasseur qui compte bien récupérer ses armes.
Ce résumé du début illustre ce qui se confirme au cours de la lecture : avec son second roman, Warren Ellis reste un peu plus dans les standards du polar, alors qu'il avait proposé quelque chose de très décalé qui piochait ouvertement dans différents genres avec Artères souterraines. Mais cette image de classicisme n'est qu'un vernis, Ellis reste Ellis, et il n'est jamais plus lui-même que lorsqu'il parvient à injecter une part de (sa propre ?) folie à son récit, bien souvent par l'intermédiaire de certains personnages. Et il ne s'en prive pas dans Gun Machine, où le personnage du tueur en série (car avec ses centaines de contrats mortels remplis, je pense qu'il mérite ce titre) est un véritable psychotique de haut-vol, vivant en quasi-permanence dans l'illusion d'un environnement hybride entre modernité de la ville et retour à la nature du lieu tel qu'il existait avant que les amérindiens en soient délogés par les colons européens. Un fou dangereux, littéralement. Des personnages décalés mais dans un genre plus loufoque, on en croise également avec Bat et Scarly, les officiers de la police scientifiques qui secondent Tallow. La patte Ellis est indéniable.
D'ailleurs on retrouve dans ce polar bien d'autres caractéristiques qui lui sont propres et qu'on ne peut s'empêcher de relever dès lors qu'on a déjà lu un certain nombre de ses comics. Les dialogues par exemple : Warren Ellis excelle dans le domaine, il aligne les punchlines et est passé maître de la répartie à l'humour bien senti qui fait mouche. Il le prouve une fois de plus dans ce roman.
On note également des thèmes qui sont chers à l'auteur et qu'il aime à traiter d’œuvre en œuvre. Notamment ici, la ville, qu'il développe tel un personnage à part entière. Intéressant de se rappeler que Ellis a créé dès 1996 (co-créé avec Tom Raney aux crayons pour être exact) un personnage de comics* du nom de Jack Hawksmoor qui possède un lien physique avec les villes, dont il se nourrit littéralement puisqu'elles sont la source de sa force et de son agilité qu'il puise en elles.
Régulièrement aussi, Ellis insère dans ses histoires des références fouillées et très précises à l'Histoire contemporaine dont il semble féru, comme on peut par exemple s'en rendre compte aussi bien dans son précédent roman que dans celui-ci, ou encore dans des comics tels que Planetary par exemple.
Clairement on peut dire que Gun Machine est de facture plus classique que le roman précédent, dans ses thèmes et sa construction en tout cas, moins délirant, moins touche-à-tout, moins bordélique. Mais on conserve un ton acide, percutant, un humour bien présent, un rythme soutenu, une fluidité et une maestria dans les dialogues. Et on sent cette folie propre à l'auteur qui n'est jamais très loin, comme un carcan intangible dans lequel évoluent les personnages que développe Warren Ellis.
Vous l'aurez sans doute compris depuis le début de cette chronique : je conseille sans hésiter la lecture de ce roman !
* Pour ceux que ça intéresse, Jack Hawksmoor apparaît pour la première fois dans Stormwatch #37 et sera un des piliers de l'équipe The Authority par la suite dans le comics éponyme.
Tout, de son format à son contenu, le fait sortir de l'ordinaire.
À commencer par son quatrième de couverture, qui tient en une seule phrase : « Dans mon souvenir, les années 2000 forment un long blockbuster traversé çà et là par des super héros. »
Énigmatique n'est-ce pas ? Tout comme Zoo : clinique, un titre:bizarre, vous en conviendrez.
Pas facile du reste d'en faire un résumé. Le roman de Patrice Blouin est une uchronie dont l'événement divergent est daté au printemps 1999. L'année où apparaît le premier homme:animal, un hom:gator pour être précis. Apparu en Floride, logique. L'épidémie s'est alors doucement propagée au monde entier. D'ailleurs peut-on parler d'épidémie ? Car il n'y a aucun signe de contagion, pas plus que de parenté visible entre les personnes qui mutent du jour au lendemain. Qu'il s'agisse d'une fem:ourse, d'un hom:dogue, d'une fem:singe ou encore du plus étonnant (comme si ce genre de mutation homme:animal ne l'était déjà pas suffisamment) hom:jument ! Vous croiserez également quelques enfants:lézards et plusieurs espèces d'hom:oiseaux... Le monde a alors changé, et dans plusieurs grandes villes ont été créés des zoos:cliniques, des lieux consacrés où sont regroupés les mutants, où on les soigne et où on les étudie. Officieusement cela permet aussi de les maintenir à l'écart de la population « normale ». Carlo Ginsburg* y officie en tant que rédacteur:infirmier, chargé de l'entretien et du bien-être des mutants, mais aussi de recueillir des témoignages:interviews sur les sensations nouvelles procurées par leurs corps hybrides inédits.
J'ai rarement écrit un résumé de roman aussi barré que celui-ci, je m'en rends compte !
L'histoire donc, sort de l'ordinaire, ainsi en va-t-il de la construction du récit. Le format ultra-court (120 pages d'une maquette très aérée) ne laisse pas place à de longs développements. Les raccourcis sont nombreux, les événements parfois survolés assez rapidement, tout se passe comme si Patrice Blouin refusait obstinément d'entrer dans les détails et de céder à la tentation de l'étalement comme le premier G.R.R. Martin venu qui serait tombé sur une idée à haut potentiel. Pourtant l'univers à peine esquissé par Patrice Blouin paraît riche, et on imagine sans peine le trésor de déclinaisons et de pistes à explorer qu'il renferme. Mais non, ce travail-là semble avoir été réservé au lecteur, pour -selon son profil- son plus grand plaisir ou sa plus intense frustration.
Pour en revenir à la construction même du récit, ce dernier oscille entre des passages de la vie de Carlo Ginsburg et des extraits d'interviews:confessions de mutants.
En ce sens, j'ai trouvé le roman un peu obscur, peu aisé à déchiffrer, laissant volontairement de larges zones d'ombres qu'il conviendra de combler au lecteur. Pourtant l'ensemble est intriguant à n'en pas douter. Intéressant également, pas son concept hors normes. À la lecture de Zoo : clinique apparaissent certainement nos habitudes:facilités de lecteurs:enfants qui ont l'habitude d'être pris par la main et qu'on laisse rarement se débrouiller seuls devant un texte vaporeux et avare en détails...
On a clairement des pistes thématiques qui mènent à des réflexions sur l'évolution comme sur la condition humaine, sur la peur de l'inconnu, sur des sujets plus à la mode comme la mutation voire les super-pouvoirs qu'on a plutôt l'habitude ces derniers temps de considérer comme l'apanage de super-héros en costumes bariolés. Et puis en toute fin de son roman:fable, Patrice Blouin glisse malicieusement une explication possible à toutes ces mutations improbables, qui tout à coup font basculer le livre dans un autre registre du roman à coloration fantastique... mais trop tard, c'est déjà la fin. Comme pour le reste du roman, ce sera à vous de voir ce que vous ferez de cette révélation : en développerez-vous vous-mêmes les ramifications ou vous laisserez-vous porter cahin-caha par cette conclusion abrupte tout comme par le reste du texte ?
* Contrairement au premier rapprochement réflexe que j'ai fait entre ce nom et celui de Lucien Ginsburg, plus connu sous le patronyme de Serge Gainsbourg, il semblerait que le nom de Carlo Ginsburg fait directement référence à l'historien italien contemporain Carlo Ginzburg qui a fait de la microhistoire sa spécialité, préférant les études de témoignages précis pour coller au plus près à la réalité historique de personnes plutôt qu'à l'étude plus large d'une période ou d'un peuple.
Il y a quelques jours je listais une série d'effets secondaires, positifs comme négatifs, liés au confinement et à la crise sanitaire du Covid-19.
Dans ma liste je n'ai pas parlé d'une des conséquences qui m'aura bien brisé les roustons : l'annulation, ou dans le meilleur des cas la reprogrammation à une date ultérieure des spectacles et concerts depuis le mois de mars et potentiellement jusqu'aux mois estivaux.
Et il se trouve que j'en avais un certain nombre de prévus sur mes tablettes, le début d'année s'annonçait riche sur le plan culturel et artistique...
C'est donc ainsi que je me suis vu passer sous le pif les concerts de :
Alain Souchon : je l'ai déjà vu à plusieurs reprises et à chaque fois c'est un plaisir de voir le dandy français sur scène, entre poésie, dinguerie et musicalité il reste un incontournable de la scène française.
Seasick Steve : je connais un peu sa musique mais ne l'ai encore jamais vu en concert, c'était censé être une découverte avec l'ami Nono...
James Blunt : tant pis pour mon côté midinette, le britannique repassera dans environ un an...
Louis Chedid : en voilà un qu'il me tardait de découvrir sur scène ! J'adore sa musique mais ne l'ai encore jamais applaudi en live... va falloir prendre mon mal en patience jusqu'en janvier 2021 du coup.
Nathaniel Rateliff : l'un de mes plus gros coups de cœur de ces dernières années. Le barbu a décalé son passage en France au mois d'octobre. En espérant que d'ici là la seconde vague sera déjà passée, parce que Nathaniel on a prévu d'aller le voir tous les quatre ensemble avec les garçons, le rock c'est une affaire de famille ! ;-)
Bebel Gilberto : elle aussi je l'attendais avec impatience ! La reine de la Bossa Nova enfin de passage pas loin de chez moi pour un concert intimiste dans une petite salle, j'avais rameuté une belle bande de potes pour y aller en groupe ! Aux dernières nouvelles ça se fera peut-être en novembre...
Greg Zlap : un inconnu pour vous ? Pour moi aussi ! C'est un cadeau-découverte de ma petite sœur, mais ça devra attendre encore quelques mois.
The Dead South : Ceux-là aussi il me tardait de voir ce qu'ils donnent en live, leurs clips sur youtube sont chouettes, il me faudra patienter jusqu'en avril 2021.
Eric Clapton : God himself !! Certainement le report qui me fait le plus braire !! J'avais déjà un peu fait mon deuil sur la possibilité de le revoir un jour (je l'ai vu sur scène une seule fois, il y a une vingtaine d'années) entre son âge (75 balais cette année), sa santé fragile, la quasi-disparition de dates en France lors de ses dernières tournées et les prix un poil over-the-top des billets de ses concerts. Ma fée avait réussi je ne sais comment à dégoter deux places pour aller le voir à Zurich en juin et pour moi ça tenait déjà du miracle, j'étais tout fou ! Mais le virus est passé par là et c'est donc en juin 2021 que le concert a été reprogrammé... si tout va bien d'ici là. Ça m'a fait un peu l'effet d'une douche froide. Je n'ai plus qu'à patienter une année supplémentaire...
Ah quel plaisir de vous parler de ce livre, Le Ciel vous tienne en joie, qui est un recueil de chroniques, celles du Toutologue de France Culture, Philippe Meyer.
Le plaisir d'ailleurs, c'est surtout pour moi celui de vous parler de l'auteur : « Philippe Meyer, mammifère omnivore, bonjour ! »
Philippe Meyer c'est avant tout à mes yeux un homme de radio. Il est pourtant loin de n'être que cela, puisque si vous parcourez son Curriculum Vitae vous y verrez apparaître un nombre impressionnant de qualités : le bonhomme semble être un touche-à-tout infatigable. Il aura été tour à tour éducateur pour jeunes délinquants juvéniles, chercheur indépendant au Centre de santé mentale, journaliste de presse écrite, enseignant en sociologie des médias à Sciences Po, écrivain, animateur de télévision et d'émissions musicales, auteur des textes du film De Nuremberg à Nuremberg de Frédéric Rossif, chroniqueur de plateaux télé, candidat aux municipales, comédien, auteur et metteur en scène de pièces de théâtre, chanteur à ses heures, j'en passe et des meilleures...
Mais pour moi, il est avant tout un homme de radio. Pour avoir officié des dizaines d'années au micro de diverses antennes, vous ne pouvez presque pas l'avoir raté pour peu que vous ne vous limitiez pas au triste tagada-tsoin-tsoin des radios « musicales » pour jeunes décérébrés façon Fun Radio ou NRJ. C'est avec son émission La prochaine fois je vous le chanterai qu'il a accompagné bon nombre de mes fins de matinées du samedi, en voiture de retour de la librairie *... Avec sa voix à aucune autre pareille, avec son phrasé inimitable, avec son exactitude exemplaire dans le choix de ses mots et avec la classe indéfectible de chacune de ses tournures de phrases, avec son humour ravageur aussi pince-sans-rire que raffiné, avec son flegme, son ton et son dandysme tellement hors du temps et de tout courant, avec sa culture immense des grandes comme des toutes petites choses qui font ce monde, avec son amour des chansons à texte et des bons mots mais aussi des « chansons _ons », avec ses gimmicks savoureusement millimétrés qui ponctuaient ses interventions, ce n'est pas pour me vanter mais Philippe Meyer aura marqué mon oreille d'auditeur sachant auditer !! **
Et c'est d'ailleurs avec dans l'oreille le son de cette voix si singulière qui barytone ses textes avec la métronomie et l'exactitude d'une horloge suisse, que j'ai lu ce livre. Chacun des cent-trente-deux textes compilés ici est la retranscription exacte d'une chronique que Philippe Meyer a tenue à 7h56 chaque matin, lors de sa chronique du toutologue sur France Culture de 2010 à 2014. Un toutologue ? C'est celui pour qui tous les sujets se valent et disent quelque chose du monde et de la condition humaine. Qu'il nous entretienne de littérature, de chirurgie plastique du fessier, de politique, de bonheur conjugal, d'histoire, d'anecdote triviale, d'hôtesses de caisses, de musique, de chou frisé, de théâtre, de locutions latines ou d'artisans coiffeurs, il en retire toujours quelque chose d'insolite, d'intéressant, de surprenant ou de drôle, parfois tout à la fois, qui nous permet de nous sentir en fin de chronique un peu moins bête et un peu plus heureux. Car on apprend en souriant grâce au talent de conteur et à l'érudition de Philippe Meyer.
Le Ciel vous tienne en joie, titre de ce recueil mais aussi expression dont il ponctue chacune de ses chroniques et qu'il a empruntée au Tartuffe de Molière, est évidemment une lecture que je conseille à tout un chacun. Par petites touches, ici et là, comme on picore quelques cacahuètes entre deux gorgées de Campari-orange, ce livre se déguste petit-à-petit et laisse un arrière-goût d'intelligence impertinente et de reviens-y jouissif. À la bonne heure !
* juste après une autre voix inimitable, celle de Jean-Claude Ameisen et son émission Sur les épaules de Darwin, programmée alors juste avant celle de Philippe Meyer...
** les habitués de ses émissions radio auront peut-être reconnu l'une ou l'autre de ses expressions fétiches ;-)
Avec le confinement on est amené à se poser des questions. Vous savez, des questions importantes, profondes, existentielles, primordiales. Des questions de fond. Sur le monde mais aussi sur soi.
Et donc je me demandais, maintenant que la première urgence capillaire est quasiment passée, que mes cheveux ont bien poussé, que je recommence à presque pouvoir me coiffer et que bientôt la phase intermédiaire bien dégueulasse où ça part dans tous les sens, ça se dresse, ça frisotte et ça se rebelle à tout crin (ah ah) sera derrière moi, je me demandais donc si ce n'était pas le moment où jamais de les laisser pousser ? Les cheveux longs façon gitan. El Chato, vous vous souvenez ?
Sébastien El Chato, non moi je ne t'ai pas oublié !
Parce que mine de rien, la barbe grisonnante aidant, je me rapproche de plus en plus du style Georges Moustaki. La gueule de métèque, de juif errant, de pâtre grec, je n'en suis plus très loin. Me resteraient plus que quelques semaines de patience, à apprendre la guitare, et je vous fais une reprise de Ma Liberté et de La Philosophie du grand Georges !!
Georges Moustaki, la classe poilue, mais la classe quand même.
Bon après j'ai quand même un doute affreux, nourri par la crainte de finir plutôt en sosie raté de Rudi Völler.
Tout avait l'air d'être fait pour me plaire. Le titre, la quatrième de couverture, l'humour anglais, le style moderne, les personnages contemporains, le cynisme ambiant... vraiment, Idiopathie de Sam Byers semblait avoir tous les atouts en main pour décrocher la timbale avec moi.
Sauf que non. Plouf. Un coup à l'eau...
Mais je vais d'abord vous expliquer de quoi ça cause.
Le roman est centré sur trois personnages, trentenaires mal dans leur peau, trois anciens amis que la vie a séparés, et qui se retrouvent à l'occasion de la sortie d'hôpital de l'un d'eux.
Il y a Katherine, cynique et misanthrope, qui hait le monde entier (mais surtout les hommes) et s'en sert comme prétexte à cultiver sa méchanceté à un degré rarement rencontré. Il y a Daniel, son ex qui l'a quittée pour Angelica, jolie nunuche ultra-positive, avec laquelle il vit l'existence parfaite en apparence. Mais les apparences savent être trompeuses. Enfin il y a Nathan, leur ami commun, qui était aussi leur dealer attitré, et qui sort d'hôpital psychiatrique alors que sa mère a fait de lui le centre d'un récit-témoignage qui lui permet de courir les plateaux télé et s'inscrire au classement des best-sellers du moment. À la demande de Nathan, les trois amis se retrouvent le temps d'une soirée, qui ne sera pas sans dommage pour les uns et les autres...
Ah oui, à travers toute l'Angleterre, il y a aussi les vaches qui souffrent et meurent d'un étrange syndrome de « désœuvrement et de désengagement du troupeau ».
Voilà. Dit comme ça, franchement, ça pouvait le faire. Ben ça l'a pas fait.
Revenons rapidement sur le titre : Idiopathie, qui ne désigne pas la pathologie de ceux qui souffrent de bêtise chronique, mais qui se dit d'une maladie qui apparaît de façon spontanée et dont la cause est inconnue. Ici il s'agit de l'épidémie dont souffre la gente bovine et qui est évidemment une métaphore qui se veut malicieuse pour illustrer le mal qui touche la génération désœuvrée dont nous parle Sam Byers. Ne cherchez pas plus loin d'ailleurs, s'il y a des amoureux des vaches parmi vous, sachez qu'il s'agit là d'un simple décor de fond, l'auteur n'approfondira pas plus cet aspect du récit.
Alors venons-en au fait : pourquoi ça ne l'a pas fait ?
Pour plusieurs raisons. La première, et la principale, ce sont les personnages. Ils sont insupportables, tous autant qu'ils sont. Katherine est très certainement le personnage de roman la plus désagréable et difficile à lire que j'ai croisée depuis longtemps. Pourtant elle avait du potentiel pour me plaire. Le cynisme et les sarcasmes, j'adore. Mais quand c'est bien fait. Pour que le cynisme fonctionne chez un personnage, il ne faut pas que ce dernier se limite à cette spécificité. Il faut que cela vienne en contre-point d'autre chose. Un humour corrosif, une mélancolie subie, une intelligence supérieure, un sacrifice passé, une faille profonde et humaine, un doute existentiel sincère, je ne sais pas ... n'importe quoi d'intéressant bon sang ! Mais chez le personnage de Katherine, rien de tout cela, malheureusement. En tout cas rien de convaincant. Son cynisme, qui se pare pourtant d'un voile d'esprit critique, n'est rien d'autre que de l'aigreur qui essaie de se donner une image d'intelligence froide sans y parvenir. Bien au contraire même, le cynisme sans fond, sans but, même inconscient, n'est selon moi que la marque d'une cruel manque d'intelligence justement. Ou d'une intelligence qui se sera faite supplantée par l'amertume. Résultat : Katherine est détestable et insupportable. Elle pourra même énoncer certaines vérités qu'on ne l'écoutera plus tant son caractère l'aura rendue inaudible. Quant à Daniel ce n'est pas mieux. On pourrait croire que celui qui a quitté une femme pareille mérite si ce n'est notre sympathie au moins notre indulgence, mais au final pas du tout. Il est, dans un tout autre genre, tout aussi insupportable. D'une mollesse sans nom, il est juste insipide, inodore, inconsistant. Finalement c'est Nathan, sensément le plus barré des trois (c'est quand même lui qui a été interné en hôpital psy), qui paraît le plus normal de la troupe, celui dont on comprend le mieux le ressenti et les réactions. C'est dire.
En second lieu, outre les personnages qui n'inspirent pas de grande passion à leur égard, il y a la promesse un peu déçue de la comédie caustique à l'anglaise. Non pas que le roman soit mal écrit, il y a une certaine fluidité à la lecture (quoique l'auteur soit un adepte des phrases à rallonge, mais ce serait vraiment mal venu de ma part de lui reprocher ça !!), mais je n'y ai pas retrouvé ce que j'ai pu adorer chez d'autres. Dans le genre hilarant, je n'ai pas encore trouvé mieux, ni même aussi bien, que Vacances anglaises de Joseph Connolly. Et le mètre étalon en la matière reste pour moi David Lodge, qui sait mixer comme personne l'humour, la justesse et la classe toute britannique dans ses romans. Sam Byers, l'auteur trentenaire dont c'est ici je le précise le premier roman, est encore loin de ses glorieux aînés. D'ailleurs il est même possible que la construction de son récit en rebute quelques uns, du moins ceux qui ne goûtent que peu aux dialogues à outrance. Car c'est majoritairement ce dont est composé son bouquin. On discute, on se dispute, on s'invective, on s'apostrophe et on s'envoie à la tronche réplique de sniper sur bon mot assassin. J'avoue que ça peut lasser si on n'apprécie que modérément le genre.
Et puis, ce qui m'a finalement gêné aux entournures, c'est le fond du propos. La légèreté ne me dérange pas. On peut faire d'excellents livres, très distrayants et bien écrits sur des sujets qui s'avèrent très secondaires au final. Mais là, j'ai un peu trop ressenti la vacuité de l'ensemble. À mes yeux on a à faire ici à une bande de petits bourgeois chouineurs tout juste sortis des jupes de leurs mères et qui à peine dans la trentaine croient déjà tout savoir, tout connaître de la vie, au point d'en décréter le non-sens et l'inutilité avec un aplomb qui laisse songeur. Le personnage de Katherine en particulier, cumule sur ce point la majorité des réflexions et comportements qui m'auront hérissé le poil au cours du livre. Si ce roman était un film, il aurait les défauts qu'on prête habituellement (et parfois avec exagération) aux comédies dramatiques françaises nombrilistes et dépressives. Car s'il y a bien un qualificatif qui colle aux personnages (et à l'auteur qui parle par leur entremise ?) c'est narcissique.
En fait voilà : c'est malheureusement bien plus narcissique que caustique, cynique ou drôle. Et c'est ce qui m'aura sans doute définitivement fait décrocher du roman. Il se lit sans trop de difficultés, mais on est content d'en finir une fois arrivé à la fin !! Pour pouvoir passer à autre chose.
Sept semaines. Ça fait sept semaines déjà que l'on est en confinement. Huit que je suis chez moi, puisque les écoles du Haut-Rhin ont fermé une semaine avant le confinement, et que je n'allais pas laisser mes chers enfants seuls à la maison. J'avais pensé d'abord continuer à bosser, il suffisait de les attacher à une chaise le matin, les mains scotchées à un paquet de petits gâteaux, une paille reliée à une bouteille d'eau dans leur dos, posés devant la télévision branchée sur Arte (histoire de se cultiver un peu plus qu'avec Gulli), mais j'ai abandonné l'idée. Fichu sentiment de culpabilité judéo-chrétienne de mes deux.
Les verbes aussi souffrent parfois de maltraitance conjugale
Ça fait donc deux mois que je n'ai plus beaucoup de connexions avec le monde extérieur, si ce n'est celle que me procure mon lien ADSL (eh non, pas encore de fibre chez moi). Et que cette situation pour le moins inédite commence à dévoiler certains de ses effets secondaires. Parce que peut-être que l'hydroxychloroquine fait débat pour ses éventuels effets indésirables, mais ce qui est sûr c'est que le confinement aussi a des effets secondaires. Positifs ou négatifs, c'est selon. On en parle ?
Il ne serait pas mort de ça en vrai Jacques Chirac ?
Évidemment, l'effet recherché c'est de réduire le plus drastiquement ses contacts avec les autres. Mais forcément, à part peut-être pour les plus misanthropes d'entre nous, ça crée un état de manque. Qui ne se voit pas en manque de ses proches, de sa famille, de ses amis ? C'est quasiment inévitable pour qui est socialement entouré en temps normal.
Charles Darwin said...
Ce que j'ai noté également, et qui commence à me peser au bout de plusieurs semaines, c'est un autre type de manque : celui qui concerne mes petites habitudes. C'est dans ces circonstances qu'on réalise à quel point on a mis en place des sortes de petits rituels dans sa vie, quotidiens, hebdomadaires. Et que si on les a mis en place, ça n'est pas pour rien. C'est parce qu'ils nous aident à vivre « agréablement ». Marcher chaque midi au centre de Colmar, pas longtemps mais histoire de se dégourdir les jambes, respirer autre chose que l'air climatisé du boulot et voir les gens passer. Aller manger trois midis par semaine dans mon restaurant préféré. Boire un café, ou deux, ou douze, avec mes amis ou seul, chaque samedi matin à Mulhouse. Juste avant de faire un saut à la librairie et checker les dernières nouveautés en BD. Rien d'indispensable me direz-vous. Peut-être pas indispensable en effet. Et pourtant essentiel. Oui c'est sûr, je peux survivre sans. Mais justement, on touche peut-être là du doigt ce qui sépare la vie de la survie. Mes besoins élémentaires, absolument nécessaires, sont pourvus. Je respire, je bois, je mange. Et plutôt bien même. Mais tout le reste, ce qui correspond à des besoins « secondaires » voire parfois juste à des envies même pas à des besoins, voilà je pense ce qui donne une partie de son intérêt à la vie. Et pour le coup, le confinement nous coupe d'une bon nombre d'entre eux. Réduisant d'autant notre sensation de bien-être.
Ah ce que je ne ferais pas pour boire un expresso en terrasse d'un café...
Cela dit, on peut aussi profiter de cette période pour tirer avantage de cette situation de manque si désagréable. D'abord on prend conscience de ce qui nous manque vraiment. Cela nous permet de cibler nos priorités, d'avoir l'esprit clair sur ce qui compte vraiment à nos yeux. Ensuite on a aussi tout le temps pour se réinventer. Trouver d'autres occupations, imaginer d'autres routines, d'autres rituels apaisants, en redécouvrir même. Bref, s'éveiller la conscience et ne pas se laisser abattre. Pas pour mettre aux oubliettes tout ce qu'on a aimé jusqu'ici et qui meublait nos vies sociales, mais pour apprendre à tolérer le manque et mieux en profiter à nouveau lorsque cela sera possible...
Quand la réalité dépasse la fiction...
Clairement, le manque des autres (pas tout le monde et encore moins n'importe qui, mais ceux qui comptent) et le manque lié à mes habitudes empêchées, sont les effets les plus marquants du confinement sur moi.
Mais il y en a d'autres.
Et des positifs !
Vous avez remarqué à quel point le monde est plus silencieux ? Beaucoup moins de bagnoles et de circulation. Peu de trains et d'avions. On entend les oiseaux comme jamais. Moins de gens dehors, moins de bruit, moins de pollution aussi. C'est mécanique. Vous avez vu toutes ces images qui montrent des animaux « sauvages » oser sortir en milieu urbain ou semi-urbain à travers le monde ? Vous avez vu les relevés de la pollution atmosphérique, les vues du ciel de zones habituellement couverts de nuages de pollution en Chine ou en Italie ? Vous avez-vu la couleur des eaux du lagon de Venise quand il n'y a plus ces myriades de bateaux pour en troubler la limpidité ? Non seulement c'est beau, mais c'est aussi impressionnant de constater qu'en très peu de temps finalement, la nature parvient à reprendre ses droits... Et surtout, cette démonstration claire et nette, s'il en fallait encore, de notre impact direct sur l'environnement, ça fait réfléchir vous ne trouvez pas ?
La lagune de Venise débarrassée des bateaux de touristes.
Je ne sais pas si on peut parler d'« effet positif » mais depuis le confinement, j'ai fait de gros progrès quant à l'utilisation de mon téléphone. Non, je n'étais pas benêt au point de ne pas savoir m'en servir auparavant, je parle de l'usage que j'en fais. Le téléphone et moi, ça a toujours fait deux. Au moins. Un instrument diabolique avec lequel je n'étais jamais à l'aise, ne sachant trop quoi dire au combiné. Eh bien figurez-vous que depuis le confinement, j'ai réussi à tenir des conversations à bâtons rompus par l'intermédiaire de cet engin de la mort. Genre deux heures au bout du fil (un fil imaginaire avec les portables certes : j'évolue sur le téléphone, pas encore sur les expressions que j'emploie) avec Éric, même pas peur. Mais bon, comme je disais, pas encore convaincu que ce soit hyper « positif » comme avancée...
Allô Stéph ? Les années 1980 au bout du fil pour toi !
Restons positifs, parlons bouffe !
Là normalement, je devrais être d'une tristesse insondable de ne plus pouvoir profiter des plats du jour de mon resto favori (Tony, si toi et ton équipe me lisez, soyez bénis jusqu'à la fin des temps pour tout le plaisir gustatif que vous m'avez déjà procuré au fil des années). Et c'est clair que ça me manque grave, pas de doute là-dessus. Pourtant j'y vois du positif quand même, car du fait de ce confinement forcé avec mes gamins, il s'avère que je n'ai jamais cuisiné autant que maintenant. Je précise de suite : de tout temps j'ai détesté cuisiner. Autant je sais bien et j'aime manger, autant préparer les repas tenait de la torture pour moi. Juste je n'aime pas ça. Du tout, du tout. J'admire ceux qui sont passionnés par cet art (car c'en est définitivement un à mes yeux), mais ce n'est pas fait pour moi. Eh bien par la force des choses, et pour répondre à l'appétit féroce de mes deux loustics, je suis bien obligé de m'y coller. Alors pour être clair : je n'aime toujours pas ça, mais j'ai dépassé le stade de la panique devant la plaque de cuisson et le four pour me débrouiller plutôt pas mal (le « pas mal » est à entendre pour quelqu'un comme moi qui part de très très loin).
Je fais des progrès insensés en cuisine !!
Bon, malgré tout, je ne peux pas faire l'impasse non plus sur quelques effets secondaires plus négatifs de ce confinement.
Mon état physique d'abord. Sur le plan de la forme comme sur celui de l'apparence.
Pour ce qui est de la forme j'essaie de m'entretenir chez moi, comme je le fais du reste depuis des années. Je n'ai pas trop changé mes habitudes, juste splitté mes séances hebdomadaires en 2 puisque j'ai plus de temps à y accorder (je suis donc passé de 2 à 4 séances de sport par semaine). J'en fais à peu près autant au total, mais étalé sur plus de jours. Ça laisse moins de jours pendant lesquels « je ne fais rien du tout ». En revanche là où je m'inquiète c'est pour le souffle et l'endurance. Courir m'a toujours ennuyé (j'ai souvent essayé de m'y mettre mais rien n'y fait, ça m'emmerde), et ce confinement ne m'a pas fait changer d'avis là-dessus, contrairement à un certain nombre de nos compatriotes je ne me suis pas transformé miraculeusement en joggueur juste parce que je n'avais plus le droit de sortir autrement de chez moi. Et du coup, en cardio je ne fais quasiment plus rien, puisque auparavant c'était la marche quotidienne qui faisait office d'exercice pour moi. Ça et les escaliers du boulot. Tous les jours 4 fois les huit étages qui séparent mon bureau du rez-de-chaussée dans les pattes, ça n'avait pas été facile lorsque je m'étais mis dans l'idée de boycotter les ascenseurs, mais avec le temps je m'y étais fait. Sauf que là, déjà 2 mois sans prendre le moindre escalier, j'aime autant vous dire que ça va piquer dans les jambes le déconfinement...
Y aurait pas comme un léger parfum de foutage de gueule dans l'air par hasard ?
Pour ce qui est de l'apparence, là aussi, ça commence à devenir chaud. Faut dire que j'ai commis une petite erreur qui a eu de grandes conséquences. Le dernier samedi avant le confinement, j'avais prévu d'aller chez le coiffeur, parce que ça commençait à devenir limite question longueur de cheveux. Et puis la flemme. Me suis dit que c'était encore pas si dramatique, que ça pourrait attendre encore une petite semaine. Sans compter que ce samedi là il devait y avoir le dernier match encore non-annulé du Tournoi des Six Nations à la télé (Pays de Galles – Écosse), ce qui a fini de me convaincre de reporter mon passage chez Graziella (oui, ma coiffeuse se prénomme Graziella).
Résultat : confinement trois jours plus tard, fermeture des salons de coiffure jusqu'à une date indéterminée, match de rugby annulé au dernier moment et aujourd'hui coupe de cheveux absolument sans nom. C'est long, ça part dans tous les sens, ça frisotte aux extrémités (des cheveux !), ça rebique n'importe comment, on ne voit plus mes oreilles. Alors comme je suis un garçon qui apprécie plutôt la cohérence, je me suis dit que tant que je ne pourrai pas me faire couper les cheveux, je ne taillerai pas non plus ma barbe. Histoire d'être raccord. Tant qu'à faire dégueulasse, au moins c'est uniforme. Un casque à la Pujadas ébouriffé avec une barbe courte et taillée, non seulement ça serait moche, mais ça donnerait une image de garçon inconstant capillairement. Et je m'y refuse. Alors quand même, deux mois plus tard, je commence à osciller doucement entre le Jean Schultheis* de la grande époque et le Sébastien Chabal dépressif d'une pub pour PokerStar.fr … Petite erreur, grandes conséquences...
Je suis d'accord avec vous : ça n'est pas beau à voir.
Pour finir, j'ai envie de vous parler d'un effet aussi inattendu que déprimant pour moi. La lecture. L'écriture. En berne, toutes les deux.
On ne peut pas dire qu'habituellement je lise à un rythme effréné, je tourne grosso-modo entre 20 et 30 livres par an, en fonction de la taille des bouquins qui me tombent sous la main. Mais là, c'est juste que je n'y arrive pas. Sans pouvoir l'expliquer de prime abord. Pas faute de temps en tout cas. Mais rien à faire, pas d'envie, et pas la concentration nécessaire pour ça. Imaginez le truc : j'ai entamé un bouquin en même temps que le confinement. Deux mois plus tard, j'en ai lu 80 pages !! En rythme normal de lecture, je devrais en avoir fini au moins deux complets depuis ce temps ! Et théoriquement en ayant beaucoup plus de liberté pour lire à ma guise, j'aurais dû pouvoir enchaîner les lectures à haute fréquence. Mais non, pas moyen. Alors quand même, à la place j'ai réussi à lire pas mal de BD, et j'ai réussi à bien écluser la pile de comics en retard qui assiègent le pied de mon lit. Pas encore pu effacer l'ensemble de mon retard (qui était conséquent), mais j'ai quand même bien avancé là-dessus. N'empêche, je suis très très loin de ce à quoi je m'attendais en termes de qualité et de volume de lecture. Et ça me désespère. D'autant que c'est à mettre en parallèle avec ma maigre production écrite. Là aussi, je m'étais imaginé que le confinement allait me permettre de dégager du temps pour écrire, en particulier j'envisageais de pouvoir prendre un peu d'avance en rédigeant des articles pour ce blog dont je pourrais ainsi prévoir l'édition bien en amont. Ben là encore, que tchi. Il m'est très compliqué de m'y mettre. Quand je commence, j'ai du mal à trouver mes mots, à enchaîner les idées, à articuler un texte à peu près cohérent et digne d'intérêt à la relecture. Bref, je passe un temps fou pour obtenir un résultat médiocre. Bien souvent je laisse tomber, je m'éparpille, je procrastine, je laisse divaguer mes pensées, je me laisse distraire. Je ne parviens que très difficilement à trouver la concentration nécessaire et indispensable à écrire quelque chose un tant soit peu correct. Et quant à multiplier les articles, là ça tourne à la science-fiction. Ce que ça peut être frustrant d'avoir du temps devant soi, des thèmes d'articles en attente déjà tous prêts, l'envie de bien faire mais aucun jus, aucun peps, rien de bien qui ne sorte du stylo ou du clavier.
Petite sélection pour se mettre dans l'ambiance.
D'une manière incompréhensible, et bien agaçante, je viens de passer deux mois avec plus de temps que jamais à disposition, sans pouvoir en tirer grand-chose, ni en termes de lecture, ni en termes d'écriture. Mauvais timing ou effet secondaire du confinement ? J'ai eu le même type de retour d'expérience de la part de plusieurs personnes qui lisent beaucoup en temps normal mais qui se sont vues inexplicablement incapables de lire correctement en cette période.
Poésie confinée...
J'y ai beaucoup repensé ces derniers jours et je me demande si, en ce qui me concerne du moins, ce n'est pas intimement lié à l'une des fonctions principales que la lecture revêt pour moi. Habituellement je lis pour m'isoler. En intérieur ou en terrasse, pour y manger ou pour un café, j'aime m'asseoir à une table de restaurant ou de brasserie. Même seul, ça ne me dérange absolument pas. Mais jamais sans un bouquin. En fait je lis très souvent entouré de monde. La lecture m'isole, me protège, me caparaçonne. Je m'y sens bien, et à bien des moments elle m'a été d'un grand secours.
En temps normal je pense plutôt comme la dame...
Or en temps de confinement forcé, la lecture perd cette fonction d'isolation au monde extérieur. La période étant plutôt au manque de contact, je me demande si inconsciemment la lecture m'apparaît comme allant à l'encontre de ce dont j'ai besoin actuellement. Alors que la lecture m'a toujours permis de ne pas me sentir seul, voici qu'elle est peut-être devenue le symbole d'une solitude forcée qui me pèse. L'explication vaut ce qu'elle vaut et n'est rien d'autre qu'une théorie, mais ce serait aussi étrange que paradoxal n'est-ce pas ?
Tousse ensemble ou sain en solo ?
Une chose est certaine : ce confinement inédit de plus de deux mois aura eu des conséquences aussi inattendues que diverses sur chacun d'entre nous. En dehors des ermites dans l'âme et des ours qui entament tout doucement leur sortie d'hibernation, peu d'entre nous auront traversé cette période sans noter des effets secondaires sur notre quotidien, voire sur nos personnalités. Et pour vous, quels sont-ils ?
Prenez soin de vous !
* Ah y a de la référence de haute volée hein !! C't'un blog culturé ici !
Avant de lire Comment je suis devenu stupide, de Martin Page, j'en avais lu l'adaptation en BD, il y a de cela déjà assez longtemps. Et ça ne m'avait pas plus marqué que cela puisque je n'en avais que très peu de souvenirs.
C'est donc presque comme si je le découvrais que je me suis plongé dans la lecture de ce bouquin très court (de l'ordre de 120 pages environ en version poche).
L'histoire est celle d'Antoine, 25 ans, incapable de trouver sa voie vers le bonheur. Il se sent à part, décalé, inadapté. Lui-même se considère comme un handicapé du bonheur. En revanche, Antoine n'est pas la moitié d'un con. Et c'est justement là qu'il situe l'origine de son problème. Après y avoir réfléchi, il en est venu à la conclusion que c'est son intelligence qui le rend inapte au bonheur. A force de toujours cogiter, il passe à côté de l'essentiel. Pour pallier ce problème, il envisage d'abord de devenir alcoolique, pensant que l'oubli et la réalité ouatée procurés par l'alcool à haute dose pourrait le rapprocher du bien-être. Manque de bol, il ne supporte pas l'alcool et fait un coma éthylique à son premier verre de binouze. Il s'inscrit alors à des cours qui ont pour objet de l'aider à bien se suicider. Sauf que là encore, ça n'est pas vraiment satisfaisant : s'il ne connaît pas la joie de vivre, il n'en ressent pas plus celle de mourir.
Reste alors ce qui lui apparaît comme la solution la plus logique, combattre le mal à la racine, devenir un imbécile et profiter ainsi des bienfaits de l'ignorance. Antoine s'attelle dès lors à la tâche...
Allez, disons-le, c'est plutôt chouette comme idée de départ. Malin, un peu iconoclaste, et ça permet à l'auteur de se faire plaisir avec quelques situations savoureuses au cours desquelles il peut se laisser aller à de belles tournures de phrases et de belles répliques.
Pourtant ce roman m'a un peu fait l'effet d'une bonne idée que l'auteur n'aurait pas creusée jusqu'au bout. Un beau potentiel, un bon début de développement, mais un petit manque de profondeur. Dommage.
Il y a cependant des passages vraiment réussis, durant lesquels l'auteur met dans la bouche de ses personnages quelques idées intéressantes, quelques vérités bien senties, quelques sujets à méditer sur la réalité de notre monde actuel, et sur les relations entre les gens. Il y a par exemple cet échange avec Raphi, le pote courtier un peu caricatural (mais pas tant que ça non plus), au sujet des femmes, qui est plutôt criant de vérité. D'ailleurs il s'en suit une rencontre d'Antoine avec une gérante d'agence matrimoniale, et là encore un échange assez savoureux en résulte.
Alors si ce livre se veut plutôt amusant il n'en est pas pour autant comique. Je ne me suis pas esclaffé à chaque page, l'ambiance est plutôt à une certaine forme de cynisme et de constat pince-sans-rire du monde d'aujourd'hui. Il reste cependant à classer dans les divertissements, tout en vous fournissant de bonne pistes de réflexion sur la vie de tous les jours, et sur votre propre condition.
Là où j'adhère moins, c'est sur le fond. Du moins quand on s'y attarde un peu et qu'on ne prend pas juste le bouquin comme une petite fable amusante sans plus. L'idée de présenter l'intelligence comme un handicap, j'ai un peu du mal. Pour moi la bêtise en est un bien plus imposant si on va par là. Et la lucidité n'est pas plus une tare selon moi. Ce qui peut poser problème éventuellement, c'est ce qu'on fait des infos qu'on a une fois qu'on les a récoltées et analysées, les conclusions qu'on en tire. Mais réfléchir (si on ne se contente pas seulement de cela, ça va de soi) c'est pour moi indispensable pour être heureux. Apprendre, comprendre, étudier, s'instruire, chercher et trouver des réponses à ses questions : ce sont quand même de très belles choses non ?
Et puis si on veut vraiment pousser la réflexion sur le rapport entre intelligence et bonheur, à un cran largement supérieur à ce que permet de le faire le livre de Martin Page*, je ne peux que vous conseiller très très vivement Des Fleurs pour Algernon de Daniel Keyes, qui aborde ce sujet frontalement et avec une grande force. Sur un ton clairement plus dramatique cependant. Mais si vous préférez vous contenter d'une version plus courte, plus soft et plus légère, Comment je suis devenu stupide conviendra parfaitement.