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17 janvier 2022 1 17 /01 /janvier /2022 23:59

J’ai mis du temps avant d’écrire ce texte au sujet de mon ami, Paul, dont la mort m’a bouleversé en avril dernier.

Peut-être parce que je ne savais pas exactement comment lui rendre hommage de la façon qu’il mérite.

Aussi parce que je n’arrive toujours pas, même aujourd’hui, à complètement réaliser son départ. Et encore moins à l’accepter.

Un départ sur la pointe des pieds, à son image. Lui qui a toujours été discret et réservé sera parti de la même manière, sans faire de bruit, sans prévenir. Sans déranger quiconque.

 

J’ai un nombre restreint d’amis, de personnes que je considère comme à part. Quand j’emploie le terme d’ami, cela a un sens profond pour moi. J’y accorde une importance immense, je n’use pas du mot facilement. Le temps, l’expérience et les circonstances de la vie me les font choisir avec discernement, circonspection et prudence. Mais ceux qui au fil des années demeurent à mes côtés me sont uniques. Paul était de ceux-là.

 

J’ai rencontré Paul le premier juillet 1997, quand j’ai pris mon tout premier poste de technicien au bureau d’études de la DDE à Mulhouse. Il a été de ces « anciens »* qui m’ont pris sous leur aile et formé au métier, bien mieux et bien plus efficacement que n’importe quelle formation ou école n’auraient pu le faire.

Mais très rapidement, des liens se sont créés au-delà de l’environnement purement professionnel.

Deux fois par semaine, à l’heure de la pause de midi, nous troquions notre place à la cantine contre deux sandwichs, et nous filions dans la salle de sport de la caserne des pompiers de Mulhouse, qui gentiment nous en laissaient l’usage à nous et aussi à quelques policiers du commissariat voisin. C’est ainsi que deux midis par semaine, nous faisions du badminton ensemble. Oh pas en professionnels, tout juste en amateurs même pas aguerris. N’empêche qu’on courrait bien et qu’on transpirait beaucoup ! Mais surtout on prenait plaisir à s’échanger des volants.

 

Et le vendredi soir, pour bien finir la semaine, ou plutôt pour bien commencer le week-end, Paul et moi avions notre rituel de la salle de billard. À 17h00 pétantes, c’était direction le Holiday Club, rue de l’Ours à Mulhouse. Paul et moi étions devenus des habitués, on avait sympathisé avec d’autres amateurs des tables rectangulaires, et le patron n’avait plus besoin de nous demander quelle table de snooker on prenait. La 10, au fond après les tables de billard américain. Notre table.

Parfois il nous prenait l’envie de changer et de varier les plaisirs, et ma foi on se défendait pas si mal que ça à l’américain. Jeu de la 8, de la 15 et puis surtout au jeu de la 9 qu’on aimait particulièrement parce que les parties sont rapides et qu’on pouvait se prendre pour Eddie Felson ou Vincent Lauria sans trop se ridiculiser ! J’ai le souvenir d’un tournoi du dimanche auquel Paul et moi avions participé sans aucune prétention, comme ça, pour voir. C’était du 9. Et ma foi on n’avait pas été trop mauvais, on avait même chacun passé plusieurs tours avant d’être éliminés.

Mais notre jeu de prédilection ça restait le snook’. Tellement plus précis, tellement plus exigeant en calme et en concentration, tellement plus difficile, mais tellement plus gratifiant quand on réussissait un beau coup annoncé à l’avance. On y brillait beaucoup moins que sur les plus petites tables certes, mais qu’importe, on n’était pas là pour la frime, juste pour le plaisir. On en a passé des heures penchés sur une table de snooker ! Mine de rien c’est physique : votre dos et vos épaules se chargeront de vous le rappeler dès le lendemain quand vous aurez joué plus que de raison… On a tant joué ensemble qu’on se connaissait par cœur. Je savais avant même qu’il ne se positionne quel coup il allait jouer en fonction de l’éparpillement des billes sur la table et de la situation de la blanche. Un coup assez facile mais qui nécessitait d’utiliser un reposoir, ou pire une rallonge, et je savais que Paul allait lui préférer une alternative plus difficile mais qui ne l’obligerait pas à sortir ces accessoires qu’il fuyait ! Moi c’était tout l’inverse, loin de rechigner j’adorais me servir d’un reposoir. Une autre de ses préférences allait au jeu en une bande en largeur pour empocher dans un des trous du milieu. C’était son grand truc ça, même quand ça pouvait passer avec un peu de tact en direct, il préférait de loin ajuster un coup en bande, et il avait plutôt raison de le faire tant cela lui réussissait régulièrement. J’ai tant d’images qui me reviennent de ces soirées au billard avec Paul, pendant toutes ces années, même après que j’aie quitté le bureau de Mulhouse pour aller travailler à Colmar, le rendez-vous du vendredi soir avait perduré. Ce ne sont que les années et les contraintes de la vie qui ont fait que ces habitudes hebdomadaires ont évolué en des rencontres plus sporadiques, moins systématiques, moins courantes. Les dernières années on n’y allait plus que quelques fois par an. La salle avait été réaménagée, notre table 10 du fond avait laissé la place à un jeu de fléchettes et quelques tabourets hauts, alors on s’était rabattus sur la 5, un peu plus proche du bar mais pas trop centrale quand même pour ne pas être le centre de l’attention d’une clientèle qui passait souvent plus de temps à regarder un verre à la main qu’à jouer…

 

Notre dernière soirée au Holiday Club date du vendredi avant le premier confinement, en mars 2020. Une chouette soirée, on n’avait pas cassé des briques, ça faisait bien longtemps qu’on ne jouait plus assez régulièrement pour assurer toute une soirée sans connaître quelques trous, quelques ratés. Mais on n’avait pas été ridicule non plus, on s’était même mieux débrouillé que ce que l’on craignait avant d’y aller… C’est aussi la dernière fois que j’ai vu Paul en personne. La dernière fois que je l’ai raccompagné en voiture chez lui après notre séance, la dernière fois qu’on a échangé des mots, des plaisanteries, la dernière fois qu’on s’est dit « c’était sympa, vivement la prochaine fois », la dernière fois que je l’ai regardé dans les yeux et qu’il m’a souri en retour, la dernière fois que j’ai entendu sa voix, la dernière fois que je lui ai serré la main en lui disant aurevoir…

 

Après ce fut le temps du confinement, de l’enfermement chacun chez soi, des sorties réduites au strict minimum, de l’attente, de la solitude aussi. Le temps des fermetures des bars et des restaurants, tout comme des salles de billard… Si bien qu’on n’a jamais pu se revoir pour faire une partie. Des sms de temps en temps, les derniers que j’ai échangés avec lui ce devait être pour lui souhaiter un bon anniversaire. Et l’envie de plus en plus pressante de retourner à la salle avec Paul en avril 2021, je ne sais même pas pourquoi je ne l’avais pas encore contacté, j’avoue que j’ai oublié aujourd’hui, la salle était-elle encore fermée ? Peut-être. Pour tout dire, je ne sais pas même aujourd’hui, près d’un an plus tard, si elle a rouvert depuis le covid. Parce que je ne m’imagine pas y retourner sans lui. Pour être honnête, j’ai peur d’y retourner sans Paul. Peur de ne plus y être à ma place sans lui.

 

Je réalise, à présent que je parviens enfin à parler de lui, que j’ai tellement de choses à dire sur lui, que je pourrais comme ça aligner paragraphes sur paragraphes sans même m’en rendre compte. Paul était un homme simple, réservé, silencieux. Comme tout un chacun il a connu des joies et des peines, et les peines qu'il a connues ont été immenses. Il n'en parlait cependant pas. C'était un homme à l'ancienne, qui affronte les difficultés et la douleur en silence, avec une pudeur extrême. Paul sur ce plan était un étonnant mélange de sensibilité et de discrétion. Très sensible, et très pudique à la fois. Il est de bon ton actuellement de condamner ce genre de réaction masculine, souffrir sans faire de bruit serait toxique selon certains. Paul était simplement respectueux des autres qu'il refusait d'importuner avec ses histoires privées, et sa très grande pudeur l'empêchait de s'épancher sur son sort. Qu'on en pense ce qu'on veut, moi je trouve cela infiniment respectable et preuve d'une force morale et psychique immense. Il m'a toujours impressionné sur ce point. Comme sur beaucoup d'autres.

 

Sur le plan professionnel par exemple, je crois que c'est l'un des exemples les plus forts que j'ai eus dans ma vie de probité, de conscience professionnelle, d'amour du travail bien fait, de précision, de connaissances dans son domaine. Paul était dessinateur technique. Il a connu le temps du dessin à la main, aux Rotrings et au kutsch. Puis une véritable révolution lors du passage au DAO. Et il a relevé le challenge et est devenu l'un des tous meilleurs que je connaisse dans le domaine, il maîtrisait parfaitement les outils et les logiciels de dessin, une référence parmi ses collègues.

 

Sur le plan sportif pour un autre exemple. Paul était un compétiteur et le sport qu'il aimait par dessus tout, c'était le basket-ball qu'il a pratiqué en club pendant des années. Depuis sa jeunesse jusqu'aux différentes catégories de vétérans, ce sport l'a accompagné toute sa vie. Il avait même accepté de coacher une équipe de jeunes une fois sa « carrière » de joueur derrière lui. Et avec un ballon orange, quel talent, un maître de précision au shoot à 2 et à 3 points, une véritable gâchette. Il a bien tenté de me convertir à sa passion mais j'étais tellement trop loin de sa dextérité, qu'il a vite compris que j'étais une cause perdue pour le basket-ball...

 

Et puis la plus grande fierté de Paul, je crois pouvoir dire sans trop en dévoiler qu'il s'agissait de ses deux fils dont il était très proche. Proche à la manière de Paul : une présence permanente et sans faille, sans grandes démonstrations bruyantes. Du tact, de la discrétion, de l'effacement parfois quand cela s'avérait nécessaire, mais toujours disponible, toujours là. Peut-être que si on le lui avait demandé, et si sa pudeur naturelle l'avait autorisé à répondre, aurait-il définit ainsi l'amour d'un père.

 

Sous bien des aspects, Paul a été un modèle pour moi.

Il comptait tant à mes yeux, et le pire c’est que je n’ai plus aucun moyen de m’assurer qu’il le savait.

Il laisse un grand vide en moi, et c’est une sensation profonde, pas une simple image. Je me sens réellement un peu plus vide sans lui. Je n'ai toujours pas compris je crois que je ne le verrai plus jamais. Je n'ai pas vraiment envie de m'en rendre compte d'ailleurs, la vie est tellement moins bien sans lui.

 

Paul aurait fêté ses 65 ans aujourd'hui. Il avait à peine commencé à profiter de sa retraite, pour le peu de temps que cette fichue pandémie lui en a laissé l’occasion.

Il me manque.

 

* Je parle d’ « anciens » mais je me rends compte en l’écrivant, que je suis plus vieux aujourd’hui que lui ne l’était à cette époque… comme quoi le temps, c’est très relatif, n’est-ce pas ?

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20 juillet 2020 1 20 /07 /juillet /2020 07:01

"L’homme qui vivra 1000 ans est déjà né…"

Ça n’est pas moi qui le dis. Ça n’est pas non plus l’entrée en matière d’un de ces bouquins de Science-Fiction que j’affectionne tant.

Ce sont les mots de Laurent Alexandre, l’auteur de cet essai, La Mort de la Mort, dont je vais vous parler aujourd’hui, et sur lequel j’ai des tas de choses à dire. (Vous êtes prévenus, ça va être un poil long !! )

 

Laurent Alexandre, c’est un sacré client serais-je tenté de dire. Si vous ne le connaissez pas déjà, laissez-moi vous en faire une petite présentation rapide (et donc forcément partielle). Docteur en médecine, il est chirurgien urologue. En parallèle de ses études de médecine, il a également suivi une formation pour obtenir une Maîtrise en Administration des Affaires en HEC. Puis il a intégré l’ENA. Rien que ça. Premier enseignement : c’est pas la moitié d’un con.

Laurent Alexandre par Olivier Ezratty

Mais il ne s’est pas contenté d’aligner les études et diplômes prestigieux, le bonhomme est également plutôt doué en affaires, jugez plutôt : il a été l’un des deux cofondateurs du site médical le plus consulté en France, Doctissimo. Jackpot lors de sa revente en 2008. Il se lance alors dans une société de séquençage d’ADN (DNAVision) présentée aujourd’hui comme un des leaders européens en la matière. Écrivain et essayiste, il publie de nombreux ouvrages qui font parler d’eux et se classent régulièrement dans les très bonnes ventes. Depuis les années 2010, il connaît une forte présence médiatique, puisqu’outre sa participation à de nombreuses émissions télévisées et sa bonne maîtrise des réseaux sociaux qui lui permettent d’être très suivi aussi bien sur Twitter que sur Youtube, il signe également des chroniques très régulières pour L’Express, Le Monde, We Demain, FigaroVox, Valeurs actuelles, Causeur et depuis 2019 sur Europe 1.

 

La recette du succès ? Une grande capacité de vulgarisation scientifique, un ton vif et des prises de position fortes, et une science de la polémique consommée et assumée.

Car Laurent Alexandre ne s’exprime pas à demi-mots quand il a quelque chose à dire, et ne fait pas vraiment dans le politiquement consensuel, ce qui lui vaut d’ailleurs son lot d’opposants voire de détracteurs acharnés.

Doctissimo, un jackpot à la revente : 139 Millions d'euros...

Moi-même j’ai du mal avec certaines facettes du personnage : son affichage ponctuel avec des politiques d’extrême-droite (il a donné des cours à l’ISSEP, l’école de Marion Maréchal, et participé à la rentrée politique de Marine Le Pen en 2019), et de droite conservatrice (invité à la Convention de la droite par LR, essai co-écrit avec Jean-François Copé sur L’Intelligence Artificielle et ses conséquences sur la démocratie occidentale) a de quoi faire tiquer, bien que politiquement il se présente lui-même comme un opposant à ces courants (il se classe comme un libéral volontiers macroniste, avec un positionnement social de centre-gauche et économique ultra-libéral)(je me permets d’ajouter qu’il doit être un adepte du grand-écart facial !!). Indéniablement certaines de ses thèses et prises de position séduisent la droite et l’extrême-droite, pourtant les choses ne sont pas aussi simples et évidentes qu’on veut bien le croire. Si certaines idées de Laurent Alexandre ont du succès auprès des conservateurs, d’autres cependant vont totalement à contre-courant des principes de la droite « dure » : son engagement pour la PMA par exemple, et plus encore sa position favorable à la GPA.

Irritant, il sait l’être également quand il prend parti contre Greta Thunberg d’une manière assez violente (et pas très classe faut bien le dire), et son combat contre les collapsologues de tout poil fait qu’on le catégorise régulièrement parmi les climatosceptiques, alors que lui-même s’en défend.

 

Bref, Laurent Alexandre est tout sauf un type facile à résumer en quelques mots !

Laurent Alexandre et Jean-François Copé se sont penchés ensemble sur les effets possibles de l'IA sur la Démocratie.

Mais je trouvais important de le présenter un minimum avant de parler de son bouquin, histoire de vous donner (peut-être) certaines clés de lecture au passage. Personnellement, ce type me fascine pour plusieurs raisons : son intelligence manifeste, son discours direct et sa manière d’expliquer clairement son point de vue, sa puissance de raisonnement et sa science du positionnement « poil-à-gratter », qui sait argumenter et contre-argumenter. Pourtant sa collusion ponctuelle avec l’extrême-droite, certains avis tranchés que je ne partage pas du tout et une forme de rigidité très apathique qu’il peut avoir me font garder une certaine réserve autant qu’ils éveillent ma curiosité à son égard.

 

J’en arrive (enfin !) à son livre.

 

Dans La Mort de la Mort, l’auteur avance des idées fortes. Principalement celle-ci : selon lui, l’homme va connaître un accroissement phénoménal de sa longévité dans les décennies qui viennent. Il annonce aussi que la médecine va radicalement se transformer, grâce aux nouvelles technologies, à l’informatique, à la génétique, à l’intelligence artificielle, à la nanotechnologie. Que l’on va passer d’une médecine générale à une médecine individuelle, d’une médecine de soins à une médecine de prévention (voire de prévisions !). Il pronostique une telle avancée dans le domaine des sciences appliquées à la santé au cours du XXIème siècle, que selon lui l’homme va être capable bientôt de prolonger son existence bien au-delà des limites que lui impose actuellement la Nature.

 

En abordant cet aspect, il ne peut éviter de parler d’un sujet qui personnellement me passionne, celui du transhumanisme, et même un concept encore plus poussé, le post-humanisme. Le transhumanisme késaco ? C’est grossièrement un mouvement aussi bien intellectuel que culturel, qui prône l’usage de la technologie et des sciences pour améliorer la condition de l’être humain. Qu’il s’agisse de ses capacités physiques ou cognitives. Le post-humanisme va encore plus loin, puisque cette fois il s’agit d’élargir le concept de « condition humaine » et de « conscience » au-delà de l’unique espèce humaine, en l’ouvrant notamment aux machines, robots, intelligences artificielles, mais aussi aux clones et autres cyborgs.

On pourrait se croire en pleine SF, mais les avancées récentes, en matière d’IA notamment, sont telles que ces sujets deviennent de moins en moins théoriques et de plus en plus concrets.

Dans la série Westworld de HBO, on s'interroge beaucoup sur la place des IA : une machine consciente est-elle vivante ?

La manière d’aborder ce point qu’adopte Laurent Alexandre m’a véritablement paru pertinente et intéressante. A priori, le transhumanisme est un mot qui fait un peu peur, et il y a fort à parier que si l’on fait un sondage d’opinion du type « êtes-vous pour ou contre la sélection génétique ? » ou encore « êtes-vous pour ou contre l’amélioration des capacités physiques et mentales par des greffes robotiques, mécaniques ou électroniques ? » il y aurait une forte majorité de « contre ».

L’un des arguments classiques qu’on entend souvent à ce propos, c’est qu’il est amoral de choisir les caractéristiques de son enfant sur catalogue, et qu’il faut laisser faire la nature, le hasard. Dit comme ça, cela semble évident. Et pourtant…

Laurent Alexandre nous propose de modifier l’angle de notre point de vue, et de dégrossir notre réflexion générale en abordant des cas très concrets et très précis. Et on se rend compte que dès lors, la réponse n’est plus aussi évidente qu’elle n’y paraît au départ.

 

Exemple simple : la détection de la trisomie 21 au niveau embryonnaire. Dès lors qu’on décide de ne pas garder des embryons porteurs de cette malformation, on fait de la sélection génétique. Est-ce mal ? (j’aurais tendance à répondre non à cette question)

Dès lors qu’on accepte le principe en ce qui concerne la trisomie, qu’en serait-il si la science était capable à coup sûr de détecter des embryons porteurs de gènes qui mèneront à d’autres pathologies plus ou moins graves ? Serait-il mal de vouloir éviter à son enfant d’avoir une malformation cardiaque ? Un problème de reins ? Un cancer du côlon ? Une dyslexie ? Un bec de lièvre ? (j’utilise là sciemment des exemples totalement divers et farfelus pour lesquels il n’existerait pas forcément de détection possible à l’état embryonnaire, mais c’est dans le cadre de l’expérience de pensée autour du transhumanisme). Serait-ce bien ou mal ? Qu’est-ce qui serait moralement acceptable ou non ? Où devrait se situer la limite ? Où placerait-on le curseur de la gravité s’il s’agissait d’un critère de décision ?

 

Tout de suite, vous en conviendrez, la réponse devient moins évidente que dans le cas d’une question d’ordre plus général…

Le logo du mouvement transhumaniste.

Un autre argument qui, j’ai trouvé, fait mouche, c’est quand Laurent Alexandre nous explique la manière dont évolue actuellement notre patrimoine génétique. Depuis quelques décennies, disons à la louche un siècle, les progrès de la médecine ont permis de s’affranchir de nombreux problèmes de santé qui du temps de nos ancêtres lointains se seraient à plus ou moins court terme avérés fatals. Depuis qu’on a inventé les lunettes de vue, la myopie n’est plus aussi handicapante qu’auparavant. (Et là je me permets un très court aparté pour vous rediriger à l’occasion vers La Fabrique du Crétin Digital de Michel Desmurget qui vous explique que les nouvelles technologies favorisent énormément les problèmes de vue dès le plus jeune âge…)

Idem pour les diabétiques qui peuvent se soigner plus ou moins facilement grâce aux injections d’insuline. Ou ceux qui ont du cholestérol, de l’hypertension, … ou de tous ces petits bobos qui ne nous semblent plus si graves de nos jours, tant le nombre de personnes atteintes est grand et tant les traitements de ces affections sont courants et faciles d’accès.

Séquençage ADN, thérapies géniques : jusqu'où doit-on aller pour préserver notre patrimoine génétique ?

Les gens qui ont ce genre de problèmes de santé vivent aujourd’hui beaucoup plus longtemps et presque aussi normalement que les autres. Et peuvent ainsi favoriser la dispersion dans la population des gènes défaillants responsables de ces handicaps et défauts physiques. Là où la sélection naturelle chère à Darwin (et à Laurent Alexandre) aurait permis de contenir la trop grande propagation de ces gènes défaillants, la médecine moderne a au contraire favorisé leur multiplication. Si bien qu’un nombre de plus en plus élevé de gènes défaillants se voient transmis de générations en générations, avec pour conséquence un patrimoine génétique de plus en plus dégradé. C’est un discours qui passe mal car il est facilement assimilable à de l’eugénisme, avec tout ce que ce concept comprend de dérangeant et de borderline, il n’en reste pas moins factuel et décrit une réalité préoccupante. Car le cours des choses va plutôt dans le sens de l’amplification du problème, ce qui à terme pourrait s’avérer dramatique. Et qui pourrait même du coup, inciter à recourir à cette fameuse sélection génétique tant décriée par ailleurs, dans le seul souci de la préservation d’une espèce humaine à peu près viable génétiquement…

Vous le voyez, très vite quand on entre un peu dans les détails, on touche à des sujets compliqués et clivants, générateurs de polémiques mais franchement pas dénués d’intérêt. De là à vous dire ce qu’il faut en penser je ne sais pas du tout, mais soulever la question me paraît pour le moins pertinent et utile...

Cœur artificiel, sentiments factices ?

Là j’ai axé mes exemples sur l’aspect génétique, mais on peut développer de la même manière la réflexion sur le sujet de l’amélioration, ou de l’augmentation du corps humain. Les cellules souches par exemple, et tout ce qui pourrait en dériver si on laisse encore une fois extrapoler un peu notre imagination. Si la médecine s’avère capable un jour de « fabriquer » de quoi réparer un organe, voire même un membre complet du corps humain, s’agirait-il d’une bonne chose ou non ? Si votre gamin a le cœur défaillant et que la science permet de le remplacer par un organe artificiel, refuseriez-vous cette solution pour une question morale ? Si vous souffriez vous-même d’insuffisance rénale sévère, qui vous obligerait à être sous dialyse de façon répétée, contraignante et handicapante, mais qu’un rein artificiel soit un possible recours à votre maladie, vous permettant de retrouver une vie « normale », refuseriez-vous ce type d’opération sous prétexte que « c’est la vie, c’est le destin, on ne doit pas aller contre ? ». La greffe existe déjà dans un certain nombre de cas, mais reste une opération compliquée et implique un traitement anti-rejet très lourd, à vie et à l’effet pas forcément garanti à longue échéance. Si une solution plus artificielle permettait de tout simplifier et d’obtenir de meilleurs résultats, faudrait-il l’interdire parce que cela ne serait pas « naturel » ? La personne ainsi « réparée », ou « améliorée » aurait-elle perdu de son humanité par l’ajout ou le remplacement d’éléments organiques par des parties mécaniques et artificielles ? Qu’en serait-il d’un bras, d’une jambe entière ? Vaut-il mieux être un manchot naturel qu’un cyborg à deux bras ? Et si l’on accepte ce genre d’ajouts, de prothèses, ou pour le dire d’une façon plus provocatrice de « pièces de rechange », devrait-on fixer une limite maximale au-delà de laquelle on serait « trop » artificiel et plus assez « naturel » ?

Autrement dit, l’humanité d’une personne se mesurerait-elle, se calculerait-elle en fonction d’un pourcentage d’éléments naturels dans la composition de son corps ?

Et si l’on considère à l’extrême que c’est la conscience et non pas le corps qui définit le caractère humain d’un être, pourrait-on imaginer qu’un humain soit totalement désincarné, puisse disposer de plusieurs enveloppes corporelles, puisse jouir d’une jeunesse physique éternelle ou pourquoi pas soit incarné dans un corps totalement artificiel ? Si la composante physique de l’être s’avère être complètement sous contrôle et interchangeable, modifiable, réparable, renouvelable à l’infini, bref si notre esprit s’affranchissait des contraintes physiques, aurait-on le droit, serait-ce « bien » et souhaitable de pouvoir défier, et même vaincre définitivement la mort ? Resterions-nous encore des humains ? Deviendrions-nous des dieux ?

Le flic cyborg de Robocop (1987) est-il encore un homme ou seulement une machine ?

Vous le voyez, dès lors qu’on pousse un peu la réflexion, on peut à la fois entrer dans des questions très terre-à-terre (que ferait-on si on était concerné par ce type de possibilité ?) et en même temps très vite toucher à des concepts presque métaphysiques voire complètement philosophiques.

Et moi je trouve cela passionnant. Je n’ai bien entendu pas de réponses toutes faites à ces questions, mais je trouve qu’aborder le sujet de cette manière permet de vraiment nous faire réfléchir au problème, et s’avère bien plus intéressant et constructif que de repousser l’idée d’un revers de la main par des arguments un peu faciles du type « de toute façon ce n’est pas possible, ça n’existe pas » ou de refuser d’entrer dans des exemples concrets. L’évolution des sciences et de la médecine est telle, qu’il n’est plus du tout aussi fantaisiste que cela de s’imaginer qu’un jour tout ça soit matériellement possible et faisable. La question à se poser sera alors : si l’on peut le faire, doit-on le faire ?

 

À ceux qui seraient tentés d’avoir une réponse trop rapide et définitivement négative, je me permets juste de faire remarquer que peut-être, il y a même de fortes probabilités d’ailleurs, vous-mêmes êtes déjà des humains « augmentés » ! Vous portez des lunettes ou des lentilles, ou vous avez subi une opération de la rétine au laser ? Vous avez été technologiquement et artificiellement « améliorés » ! Idem pour votre grand-mère si on lui a posé une prothèse du genou ou de la hanche, pour votre père qui a eu un implant dentaire, pour le cousin qui a un pacemaker depuis sa dernière attaque… En ce qui me concerne je n’ai plus de glande thyroïde depuis 2017 et je suis dépendant de ma dose quotidienne d’hormones synthétisées que j’avale chaque matin. Bref, la science pallie déjà la défaillance de mon corps « naturel ». Entre avaler un cacheton tous les jours ou me faire poser une « thyroïde artificielle » si c’était possible, je choisirais personnellement et sans l’ombre d’une hésitation la seconde solution.

La thyroïde, une si petite glande qui génère une si grande dépendance...

Vous pouvez le constater, on a très vite mis un doigt dans l’engrenage de cette affaire-là… et quand on prend la peine de s’y attarder un peu et d’y réfléchir plus en profondeur, on s’ouvre à des concepts et des questions qui très vite nous dépassent !

C’est justement cela que je trouve particulièrement passionnant dans le transhumanisme et de manière plus générale, dans la manière dont on définit notre condition humaine.

 

Bien entendu dans son essai, Laurent Alexandre pousse parfois le bouchon un peu loin. Par exemple il se demande ce qu’il en serait de la Sécu, du travail, de la retraite si on pouvait prolonger ainsi indéfiniment notre existence. Ce n’est pas inintéressant, mais c’est quand même un peu too much je trouve ! Mais cela démontre encore une fois le côté hyper-pragmatique du bonhomme, qui n’est pas pour me déplaire.

 

Alors pour en finir avec ce bien trop long article qui, j’en suis sûr, aura démotivé nombre d’entre vous et depuis longtemps d’en terminer la lecture, je résumerais ce que j’ai à dire sur ce bouquin de la manière suivante.

Oui, Laurent Alexandre est un personnage haut en couleurs et pas toujours aisé à définir avec précision, au potentiel clivant indéniable, et aux prises de position parfois polémiques. Mais ce n’est pas pour autant le premier zozo venu, et qu’on soit d’accord ou pas avec ses opinions, il faut lui concéder qu’il sait présenter, expliquer et argumenter ses idées, ce qui, en soi, est toujours profitable pour un débat, quel qu’il soit.

Oui, il n’hésite pas à aborder en profondeur des sujets compliqués et sensibles, au risque de choquer ou de provoquer des réactions parfois extrêmes.

Mais il traite de choses vraiment très intéressantes et universelles (dans le sens où elles touchent aussi bien l’humanité dans sa globalité que chaque être individuellement), et le fait en apportant des informations scientifiques dont il se sert comme base à ses propres extrapolations (critiquables il va de soi). Et qu’on soit de son avis ou pas sur la possible évolution de l’homme du XXIème siècle, son livre a cet avantage de nous inciter à nous poser des questions profondes sur nous-mêmes personnellement, comme sur l’humanité et ce qui la définit. Les pistes de réflexion qu’il ouvre sont toutes réellement passionnantes et c’est justement pour cette raison que je ne peux pas m’empêcher de vous conseiller la lecture de cet ouvrage.

 

Quelle que soit la conviction avec laquelle vous en sortirez (personnellement ça m’a plutôt éloigné de mes convictions trop définitives en relativisant beaucoup de choses), ce livre vous permettra à coup sûr d’approfondir vos connaissances et votre jugement sur les sujets qu’il développe.

La Mort de la Mort, de Laurent Alexandre

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10 juillet 2020 5 10 /07 /juillet /2020 15:33

Bienvenue dans la Fosse.

 

La Fosse ? c’est une prison verticale, accueillant deux prisonniers par niveau qui partagent une même cellule. Au centre des cellules, un large espace vide qui permet la descente (et la remontée à grande vitesse !) d’une plateforme sur laquelle chaque jour est entreposée la nourriture qui passe ainsi d’étage en étage, du haut vers le bas. La règle est simple : quand la plateforme s’arrête à votre étage, pour un temps très limité, vous pouvez manger ce que bon vous semble, mais vous ne pouvez rien garder avec vous pour le manger plus tard, la sanction est immédiate et mortelle le cas échéant. Puis la plateforme continue sa descente et c’est au tour des prisonniers de l’étage inférieur de se nourrir. Chaque mois, les duos de prisonniers (qui peuvent être mixtes, il n’y a pas de distinction hommes / femmes dans la Fosse) sont aléatoirement déplacés à un nouvel étage. S’il s’agit d’un étage supérieur tant mieux, on a accès à plus de nourriture. Si on descend dans les étages inférieurs (et ils sont plus nombreux que vous le pensez), on devra se contenter de ce que ceux qui sont mieux lotis auront bien voulu laisser. S’ils laissent quelque chose…

 

Au début du film, on suit Goreng (Iván Massagué) qui se réveille pour son premier jour dans la prison, dans une cellule qu’il partage avec Trimagasi (Zorion Eguileor), qui est là depuis un moment et n’en a plus que pour quelques mois avant de terminer de purger sa peine. C’est lui qui va sommairement l’informer des règles du lieu, mais c’est avec le temps que Goreng va comprendre tout ce que cela implique humainement…

Goreng n'a pas encore compris qu'il ne faut pas perdre de temps quand la plateforme est à leur étage...

The Platform est un film espagnol de 2019 qui a fait forte impression dans les festivals par lesquels il est passé, en particulier au Festival de Toronto. Et pour cause : il allie une idée de départ fort simple, un décor et des moyens minimalistes, et une symbolique qui invite à réfléchir non seulement sur la nature humaine mais également sur l’organisation hiérarchique de nos sociétés civilisées. Au visionnage, le film mis en scène par Galder Gatzelu-Urrutia (un parfait inconnu pour moi) m’a fait évidemment beaucoup penser au fabuleux Cube de Vincenzo Natali (qui est sorti en salles en 1999 !! Ça ne me rajeunit pas…) pour son côté « un maximum d’effet avec un minimum de moyens » qu’on retrouve dans les décors et le concept de base. Comme son aîné canadien, le film espagnol qui semble faire de son décor la star de l’histoire, met en réalité en avant ses protagonistes, leurs réactions, leurs peurs, leur réflexion, leurs limites. C’est surtout et avant tout (selon moi) un film sur l’humain, sur sa nature profonde, et sur sa tendance naturelle à l’égoïsme alors même que l’altruisme serait la solution la mieux adaptée à la survie de tous.

En reprendre ou en laisser pour les suivants ?

Car il apparaît assez rapidement que si pour Goreng la solution pour survivre à cet enfer est de se rationner et de faire en sorte que tout le monde, même ceux situés aux plus bas des étages, aient un minimum de nourriture, pour la grande majorité des autres détenus la solution est toute autre : manger autant que possible quand ils en ont l’occasion, en prévision de temps à venir plus durs, ou pour compenser les manques qu’ils ont subis auparavant. Sans se soucier le moins du monde de ceux qui passeront après eux. Or, la solution de l’altruisme nécessiterait pour réussir, que chacun suive la même logique et s’impose les mêmes règles…

En ce sens, The Platform dépasse largement le cadre du petit film à sensation, la série B à connotation fantastique ou le prototype de film d’horreur atypique (pour ses quelques passages un peu gores, bien que selon moi ils ne soient pas du tout l’aspect principal du film, The Platform est catégorisé comme film d’horreur et de science-fiction). On peut vraiment regarder The Platform comme un constat assez terrifiant sur la nature humaine, mais aussi comme une saine et implacable critique, j’irais même jusqu’à dire une satire de la société moderne organisée en classes telle qu’on la connaît. Le film pose la question de façon assez brutale dans sa façon de la mettre en images : comment peut-on vivre en communauté tout en étant profondément individualistes ? Comment faire en sorte que chacun accepte des sacrifices personnels pour le bien de tous ? Et dès lors que se passe-t-il quand certains ne jouent pas le jeu ? Peut-on obliger autrui à être altruiste ? Jusqu’où est-on prêt à aller dans ses actes et contre sa morale pour survivre ?

Dans une prison, est-il bien raisonnable de vouloir aider les autres ?

The Platform pose toutes ces questions, et apporte un certain nombre de pistes pour y répondre, mais se garde bien d’être trop définitif dans son propos. C’est du reste aussi ce qui fait sa force : à vous de vous positionner, à vous de faire évoluer votre réflexion sur un cas non pas théorique (car en théorie tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil n’est-ce pas ?) mais très pratique et terre-à-terre. Pour cela, le film a un impact très puissant sur le spectateur, et je doute qu’il en laisse beaucoup indifférents.

Trimagasi ne se pose aucune question, sa priorité c'est sa survie !

Malgré la qualité générale du film et l’effet choc qu’il provoque au premier visionnage, j’ai toutefois deux ou trois bémols à apporter. Rien de bien méchant, mais des choses qui m’ont fait tiquer.

 

D’abord d’un point de vue purement fonctionnel, si visuellement l’effet est réussi, j’ai été gêné par le fait que la plateforme s’abaisse et se lève sans le moindre mécanisme physique. Il n’y a pas d’axe, pas de support, pas de câbles, rien. Juste cette énorme plateforme (qui a l’air d’être en pierre ou en béton peut-être) rectangulaire d’une belle épaisseur qui se déplace comme un monte-charge en sustentation dans l’air. Par quelle magie se meut-elle on ne saura pas, ça ajoute à la touche « fantastique » du film, mais je n’ai pas pu m’empêcher de le noter. Ensuite il y a quelque chose qui m’a manqué, c’est le sens de cette prison. Vraiment, le pourquoi reste une énigme, et le film ne dévoile rien là-dessus. Ni même sur les raisons de la présence de Goreng, tout juste apprend-on qu’il a été volontaire pour son séjour dans la Fosse, en échange de certains « certificats » pas plus explicités que ça. Un moyen de s’élever socialement ? Pour son codétenu au moins les choses sont claires, il est là pour meurtre… Au cours du film un autre personnage apparaît, Imoguiri (Antonia San Juan), elle aussi volontaire pour intégrer la structure pénitentiaire, sans qu’on comprenne non plus ses motivations profondes. Dommage. Enfin, la partie qui concerne une autre détenue, Miharu (Alexandra Masangkay) à la recherche de son fils m’a paru vraiment confuse, nébuleuse. On ne sait pas quoi en croire ni quoi en penser, et on n’a pas vraiment le fin mot de l’histoire à la fin du film.

À la surface, une équipe de cuisiniers s'affaire à remplir la plateforme de victuailles...

Une fin d’ailleurs ouverte, à la conclusion très symbolique, presque onirique, mais qui risque de ne pas plaire à celles et ceux qui aiment que tout soit expliqué clairement. Une fin qu’on peut là encore rapprocher d’une certaine manière de celle du film Cube, dont je parlais plus tôt comme d’une référence forte du film. Une fin en forme de points de suspension…

 

Mais si j’ai mentionné ces quelques bémols je ne voudrais surtout pas que vous ne reteniez que cela du film. Au contraire, ils sont secondaires par rapport à la puissance évocatrice de ce long métrage. Depuis son concept d’une simplicité aussi nue que barrée, jusqu’à sa mise en image à l’ambiance très travaillée, en passant par l’interprétation tout en implication des différents comédiens (dont les visages m’étaient quasiment inconnus, ce qui est un avantage pour ce genre de petits films qui propose une immersion totale dans son univers : on ne peut pas se raccrocher en tant que spectateur à un comédien connu, on est dès lors complètement sans a priori sur les personnages qu’on découvre), tout dans ce long métrage est fait pour captiver l’attention du spectateur, pour le faire réagir et réfléchir.

Quand on a la chance d'être à un des étages supérieurs, on n'a que l'embarras du choix...

Ça faisait longtemps que je n’avais pas été aussi surpris positivement par un film sorti de nulle part, et l’une de ses qualités est à mon avis qu’il donne l’envie d’en reparler par la suite, de partager ses sentiments à son égard, de la façon dont on l’a reçu en tant que spectateur. Et ça, à mon sens, c’est la marque d’un film réussi. Je vous conseille donc sans retenue, de descendre dans la Fosse. Enfin… si vous l’osez !

L'affiche du film

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7 juillet 2020 2 07 /07 /juillet /2020 16:01

Voilà un roman norvégien qui n’a été traduit en français qu’en 2014, alors qu’il a paru en Norvège en 1989. Le livre a été un immense succès dans son pays d’origine, imaginez un peu : 150 000 exemplaires vendus pour une population de 5 Millions d’habitants.

 

Premier volume d’une trilogie, Le Zoo de Mengele de Gert Nygårdshaug arbore un titre trompeur. Car il n’y a aucune trace de nazi ni de seconde guerre mondiale dans ce livre. Tout au plus est-il fait allusion à un moment au fameux docteur Josef Mengele, criminel de guerre nazi qui s’expatria en Argentine, puis au Paraguay et au Brésil, pour échapper aux différents mandats d’arrêt qui furent émis à son sujet.

Non, le thème de ce roman est tout autre. Il y est question d’écologie, de déforestation, de pollution de l’environnement naturel par l’homme. Et du combat de quelques-uns contre les assauts destructeurs et répétés que la frange la plus avide de l’humanité fait subir à la planète.

 

Mino Aquiles Portoguesa a six ans, il vit en famille dans un petit village au cœur de la vaste forêt amazonienne. Ici on vit chichement mais on est riche des autres par l’entraide, et de la nature avec laquelle on vit en osmose. Le père de Mino l’a initié aux beautés de la forêt tropicale, et le garçon est devenu, comme son père, un vrai spécialiste des papillons. Il les attrape pour son père qui les prépare et les vend aux collectionneurs une fois naturalisés.

Tout change pour le village quand une grande compagnie pétrolière américaine débarque, forte de ses autorisations données par un gouvernement local corrompu, et commence l’exploitation du sous-sol, dévastant tout sur son passage. La situation se dégrade rapidement et dégénère jusqu’à la rébellion des habitants. Les armeros à la solde des pétroliers massacrent alors la population. Mino, qui était parti sur les traces d’un magnifique papillon légendaire bleu, est le seul à en réchapper. Commence alors pour lui une vie d’errance et de survie dans la forêt, au cours de laquelle il va rencontrer Isidoro, un magicien ambulant qui gagne sa vie en voyageant à travers tout le continent pour y proposer son spectacle de prestidigitation. Isidoro prend Mino sous son aile, le forme à l’illusionnisme et lui enseigne tout ce qu’il sait. C’est ainsi que Mino devient saltimbanque et sillonne l’Amérique latine. Mais partout où son maître et lui se rendent, ils voient la même chose : les compagnies étrangères avides d’argent s’implantent, secondées sur place par des soldats et mercenaires de toutes sortes, et la nature autant que les populations locales en sont les premières victimes. Plus Mino grandit, plus il assiste à ce spectacle destructeur, plus la conviction qu’il faut réagir et se battre contre ce genre d’exactions fait son chemin en lui. Sa réponse va être à la hauteur des agressions, et c’est par la violence et le meurtre qu’il va s’élever contre tous ceux qu’il juge responsables du saccage de la forêt amazonienne. Il crée avec trois amis qui partagent ses idées, le mouvement terroriste Mariposa (qui se traduit par Papillon en espagnol) qui obtient une renommée internationale, s’en prenant aux multinationales à travers le monde entier.

 

Bien qu’écrit voici plus de trente ans déjà, ce livre est d’une actualité et d’une modernité impressionnante. Le roman décrit et dénonce le comportement des sociétés et compagnies ultra-libérales qui ne jurent que par les chiffres, la mondialisation galopante, le productivisme effréné et les profits indécents au détriment de la nature, des populations locales ou indigènes et des écosystèmes fragiles. Le livre montre l’ampleur du désastre écologique et humain, et se positionne assez radicalement : la seule solution passe par la violence extrême, l’écoterrorisme semble la seule voie possible contre la fatalité mortifère de nos sociétés capitalistes.

 

C’est d’ailleurs assez finement amené et montré. Mino du haut de ses six ans ne se transforme pas du jour au lendemain en Punisher vert après que toute sa famille, et tout son village, aient été exterminés sous ses yeux. C’est en voyageant et en observant la triste réalité qu’il se forge ses convictions extrémistes. Il n’y a du reste pas de trace de méchanceté en lui, au contraire Mino est un enfant doux, joyeux, presque naïf, qui a plutôt tendance à aimer son prochain, pas à lui vouloir du mal. Pourtant, quand il s’agit de ceux qu’il qualifie de dangers pour la nature, il se métamorphose en tueur froid et sans pitié. Pour lui, la fin justifie les moyens, et il a trop vu où l’inaction mène pour ne pas agir en conséquence. Le jeune homme va vite faire trembler les plus puissants, et son mouvement va rencontrer un élan très largement favorable dans l’opinion publique. Signe des temps…

 

Le roman de Gert Nygårdshaug est très engagé, et à travers son personnage, l’auteur ne laisse pas beaucoup de doutes sur ses convictions politiques et écologiques. Sur l’urgence de la situation et sur la fatalité des conséquences si on ne réagit pas vite et fort. Sur les moyens à employer je resterai moins affirmatif : s’il explique la chose du point de vue de Mino il n’élude pas pour autant l’extrême violence des mesures prises par Mariposa, et il ne cache rien des meurtres et attentats perpétrés par les éco-warriors idéalistes. Ce faisant, il pose ouvertement la question, et c’est au lecteur de se déterminer : la fin justifie-t-elle réellement les moyens, tous les moyens ? Et c’est assez troublant, car on ne peut évidemment pas s’empêcher de le trouver sympathique ce jeune Mino. Mais qu’en penserions-nous si tout cela arrivait dans la réalité et non dans un roman ?

 

Car j’ai omis de le préciser jusqu’ici, mais cela a son importance : le style du roman joue énormément dans la manière dont le lecteur appréhende l’histoire. Et ici, s’il s’agit en partie d’un roman écrit sur le mode du thriller, écologique certes, mais thriller quand même, il a cependant une double-casquette qui fausse un peu la donne : le roman revêt également les atours du conte et de la fable à plusieurs moments. Si le début, au cours duquel Gert Nygårdshaug pose ses personnages, verse dans un réalisme classique, très vite, dès lors que Mino est livré à lui-même, puis quand il vagabonde en compagnie d’Isidoro, l’histoire bascule par petites touches dans la fable. Cela se traduit par des éléments tout droit sortis de contes fantastiques ou de légendes : des plantes aux pouvoirs magiques, un trésor au fond de la mer, des exploits physiques extraordinaires de la part de Mino…

D’autres détails penchent vers l’aspect irréel du conte : jamais au cours des pérégrinations de Mino et Isidoro à travers toute l’Amérique du Sud on ne cite de pays existant, tout le continent semble parler la même langue, mélange de portugais et d’espagnol, et il flotte dans l’air un parfum d’onirisme dès lors que l’auteur décrit la forêt, ses habitants et ses ressources insoupçonnées…

 

Bref, tout cela compilé, semble démontrer que l’auteur a sciemment fait en sorte que son récit ne soit pas totalement et uniquement ancré dans le réel. Pour faciliter son récit ? Pour se ménager quelques effets difficilement transposables dans le plus strict cadre du réalisme pur ? Pour réduire un peu la violence et le jusqu’auboutisme de Mino et la Mariposa ? Difficile à dire, impossible d’être trop affirmatif. Je pense qu’il s’agit là d’une manière pour Gert Nygårdshaug de laisser une part de responsabilité au lecteur, peut-être même de l’obliger à s’impliquer en se posant des questions, en le laissant décider de son propre degré d’engagement avec l’histoire et les motivations des personnages.

 

Toujours est-il que la forme de ce roman vient un peu troubler l’ensemble du message, le rendant moins direct car en partie (en partie seulement !) déconnecté de la réalité.

 

En toute honnêteté, cet aspect du roman m’a un peu dérouté, et je dirais même, mis mal à l’aise. Je l’ai déjà dit à l’une ou l’autre reprise ici, je ne suis pas un adepte du conte et de la fable moderne. Ce genre littéraire a tendance à me laisser en dehors du récit. Traiter de la magie par exemple, comme d’un élément fantastique d’une histoire, et composer avec en tant que telle, je suis parfaitement ok (l’exemple qui me vient à l’esprit tout de suite : le Docteur Strange de Marvel ou tout bonnement Harry Potter). Je ne suis pas fan de magie, mais dans un contexte bien précis je suis capable de l’accepter comme n’importe quel autre élément fantastique qu’on pourrait introduire. Mais faire du « merveilleux » un élément de la normalité, sans en faire remarquer l’aspect exceptionnel, irrationnel, là j’ai tendance à tiquer. Un élément peut tout à fait être de nature « fantastique », mais il faut le revendiquer comme tel et l’expliquer (même si l’explication est farfelue, elle a au moins le mérite d’exister). En ce sens, j’ai par moment ressenti la même chose qui m’a tenu un peu à l’écart de l’histoire que lors de ma lecture de Cent ans de solitude dont j’ai déjà parlé ici. En moins extrême, mais tout de même, par petites touches c’était analogue. Certainement d’ailleurs, que le contexte géographique commun des deux romans (dans les deux cas on est en Amérique du Sud sans savoir exactement où) a renforcé le rapprochement que j’ai fait entre ces deux livres.

 

Au chapitre des bémols que je pourrais apporter au Zoo de Mengele, j’ai également envie de mentionner une narration un peu inégale tout au long du livre. Certains passages m’ont semblé un peu longuets, un peu trop lents, alors que d’autres ménagent un suspense dévorant. Rien d’absolument rédhibitoire, mais j’ai eu un peu de mal sur la première partie du roman à entrer dans l’histoire, en partie à cause de cela aussi.

 

En revanche, la fin du roman rattrape largement les traces d’ennui que j’ai pu ressentir au début, et c’est surtout toute la réflexion que le livre nous engage à avoir sur ses thématiques (Comment combattre efficacement pour l’écologie et la sauvegarde de la nature ? Le terrorisme peut-il sous certaines conditions se justifier ?) qui me fait vous conseiller sa lecture.

D’autant qu’il s’agit de la première partie d’une trilogie, et qu’ayant déjà lu le second tome, je peux vous assurer que la suite n’est pas du tout telle qu’on pourrait l’attendre, ce qui a été pour moi une très agréable surprise. Mais ça, on en reparlera un jour ici...

 

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2 juillet 2020 4 02 /07 /juillet /2020 06:58

Oulah mais dites voir, ça fait un bail que je n'ai pas consacré un article complet à une série télévisée ! Pourtant j'en consomme en grande quantité, ceux qui suivent un peu la rubrique Avis vite dits sur ce blog le savent.

J'en regarde beaucoup disais-je, et j'en vois souvent de très bonnes, voire d'excellentes. Et puis de temps à autres, il y a des pépites qui émergent. Des trucs insensés, des ovnis sortis de nulle part, qui vous chopent par les roustons et vous retournent comme une crêpe.

 

C'est l'effet qu'a eu sur moi L'Effondrement, une petite série française sortie en novembre 2019, très courte (8 épisodes d'environ une vingtaine de minutes), mais d'une intensité rare. Créée, écrite et réalisée par un collectif nommé Les Parasites (qui regroupe les auteurs Guillaume Desjardins, Jérémy Bernard et Bastien Ughetto, ce dernier incarnant également un des personnages à l'écran), la série se fonde sur les thèses de la collapsologie, autrement dit sur l'idée d'un effondrement de la société sur elle-même, victime de ses propres excès et travers.

Bastien Ughetto, co-créateur mais aussi comédien dans un épisode touchant.

La série produite par Canal+ n'est pas une « simple » série post-apocalyptique de plus, ça va bien au-delà. D'abord parce qu'elle ne traite pas d'une catastrophe distincte. En effet, à aucun moment dans la série on ne connaît l'élément déclencheur, le grain de sable qui aura enraillé la machine et foutu par terre quelques milliers d'années d'évolution de la société humaine. C'est d'ailleurs assez logique dans le contexte de la collapsologie que les raisons de l'effondrement soient multi-factorielles. Le spectateur est libre d'imaginer ce qu'il voudra : mouvement social, sociétal, financier, catastrophe environnementale, économique ou sanitaire, choc écologique, dérives sécuritaires, peu importe, ce qui compte c'est le résultat. Et le résultat c'est que la société part en vrille. Lentement d'abord, par à coups, ou parfois plus brutalement, mais elle se désagrège inexorablement.

Samir Guesmi va faire tout son possible et ne s'avoue pas vaincu facilement.

Chaque épisode possède donc un titre à double entrée : temporelle et spatiale. Le premier épisode par exemple se nomme J+2 : Le supermarché. Il montre ce qu'il se passe 2 jours après la date du début de l'effondrement, dans les rayons d'un supermarché. On commence donc ainsi au jour J+2 et on va progresser dans le temps jusqu'à... non ça je ne vais pas le dire, c'est bien plus sympa de le découvrir au fur et à mesure !

 

À chaque fois, les personnages et les situations changent, bien qu'on retrouve de temps en temps un personnage d'un épisode à un autre, souvent de manière indirecte. Il n'y a donc pas de héros principal tout au long de la série, uniquement le temps d'un épisode.

Certains héros vous paraîtront moins sympathiques que d'autres...

Pour souligner encore l'aspect atypique de cette série, il est intéressant de se pencher également sur sa forme. Chaque épisode est filmé en plan-séquence où l'on suit donc de très près un ou plusieurs personnages sur une durée de peu ou prou vingt minutes. L'effet est immédiat et extrêmement réussi : on se déplace avec lui, on court avec lui, on explore avec lui, on respire presque au même rythme que lui. Car vous vous en doutez bien, ça n'est pas à une scène de sieste post-apocalyptique ou à une balade dans une nature aux paysages apaisants que nous convient les différents épisodes. Chacun d'entre eux possède une véritable dramaturgie particulièrement efficace qui fonctionne au quart de tour et vous prendra aux tripes tout du long de sa courte durée. De ce point de vue (plan-séquence + sensation d'immersion totale dans l'action) chaque histoire qui compose un épisode est une petite perle. L'avant-dernier épisode (qui se passe en mer) est un must absolu en la matière : une véritable prouesse de scénario, de réalisation et d'interprétation qui frôle la perfection. Tout est réglé au millimètre près, hyper-ficelé, et ne laisse pas un instant de répit au spectateur.

Non, ceci n'est pas une petite promenade bucolique dans les bois...

D'ailleurs c'est le point commun de chaque épisode, malgré le changement de temporalité, de lieu et de personnages : l'ambiance reste identique à chaque fois. Cette impression d'urgence, d'implacabilité, de fatalité, cet espoir ténu mélangé à la peur qui flotte, qui se transforme même parfois en panique, cette tension qui monte crescendo et qui ne vous lâche pas une seconde. Chaque épisode a un potentiel anxiogène hallucinant, et le moins qu'on puisse dire c'est que les créateurs de cette série, tout comme les comédiens qui y jouent, savent l'utiliser à fond. Il est simplement impossible de regarder cette série d'un œil distrait et tranquillement assis dans votre fauteuil. Vous serez sur les dents, en permanence.

Protéger et servir. Ou bien ?

Côté comédiens là aussi c'est très plaisant : il y a un mix de têtes inconnues et de comédiens plus chevronnés. Vous y croiserez par exemple Audrey Fleurot ou Samir Guesmi parmi les plus connus. Mais surtout, tous sans la moindre exception, sont absolument parfaits dans leurs rôles. On sent une implication totale des acteurs, et autre réussite qui mérite d'être soulignée selon moi, chaque personnage sonne vrai, ce qui n'est pas un mince exploit quand on ne les voit qu'une vingtaine de minutes en tout. À ce sujet, je me permets d'attirer votre attention sur la formidable actrice qui tient tout l'épisode 7 sur ses épaules du début à la fin (il s'agit de Lubna Azabal) car si j'avais assez rapidement fait le lien entre elle et le personnage de l'épisode 3 (celui de l'aérodrome) je suis complètement passé à côté de son rôle dans l'épisode 8 qui donne cependant une saveur absolument fascinante de cynisme et de noirceur à l'ensemble de la série. C'est en me penchant sur le casting de ce dernier épisode que j'ai fait le rapprochement entre les personnages, et j'en ai été scotché. Évidemment je vous laisse découvrir ça par vous-même et n'en dirai pas plus...

Lubna Azabal, magistrale dans l'épisode 7.

Pour terminer je tiens tout de même à vous mettre en garde. Si vous vous lancez dans cette série, sachez que vous n'en ressortirez pas forcément avec le moral super-reboosté. Votre regard sur la nature humaine risque d'en prendre un coup. En ces temps de post-confinement où certains sont plutôt à la recherche de légèreté et d'évasion qui fait du bien, ça n'est pas ce que vous trouverez dans L'Effondrement. C'est du reste complètement voulu et explicitement revendiqué de la part du collectif Les Parasites : leur série n'est pas là pour divertir, amuser ou délasser, elle est clairement faite pour faire peur et alerter. Objectif parfaitement rempli.

Audrey Fleurot, pas dans le rôle de la Dame du Lac cette fois-ci...

L'Effondrement est une série française messieurs-dames, et contrairement à ce qu'on peut parfois laisser entendre sur la qualité de ses dernières en comparaison avec ce qu'il se fait ailleurs (bien entendu si on est resté bloqué sur Joséphine Ange-Gardien ou Julie Lescaut c'est peine perdue), on a là rien de moins qu'une pépite. Scénario maîtrisé, réalisation flamboyante, interprétation au cordeau, conscience politique : il ne manque rien.

 

À voir absolument avant la fin du monde !!

L'affiche de la série L'Effondrement

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29 juin 2020 1 29 /06 /juin /2020 23:03

Alors attention je préviens d'entrée de jeu : ce livre a été un gros coup de cœur pour moi.

 

J'en avais bousculé l'ordre de lecture de ma Pile-à-Lire pour être sûr de l'avoir lu avant que ne sorte son adaptation au cinéma (réalisée par rien de moins que Ridley Scott avec Matt Damon qui interprète le héros). Et j'avais tant aimé ma lecture que c'est alors la sortie du film qui m'inquiétait, craignant que papy Scott se laisse aller à nous refourguer un film aussi inégal que ne le fut son Prometheus de triste mémoire. Bon cet article concerne le bouquin alors je ne vais pas en dire plus au sujet du film, sachez toutefois que ce dernier est plutôt réussi et dans une grande mesure fidèle au roman...

 

J'en reviens au livre d'Andy Weir donc. Dans Seul sur Mars, comme le titre l'indique plutôt bien, l'auteur nous propose de suivre les pérégrinations d'un homme, qui se retrouve seul sur la planète rouge. Mark Watney est l'un des astronautes de la mission Arès 3, qui a pour but de partir à la découverte de Mars et d'y mener un certain nombre d'expériences scientifiques. La mission se déroule plutôt bien jusqu'à ce qu'une tempête gigantesque menace la frêle colonie humaine. Pas le choix, il faut repartir fissa. Malheureusement dans la panique, Mark est laissé pour mort dans le désert martien, ses collègues abandonnant à contrecœur son corps, pour sauver leurs propres vies. Sauf que Mark n'est pas mort, et par une cruelle ironie du sort a même été sauvé par la pression atmosphérique atypique de Mars. Le voilà qui se réveille, absolument seul, sur une planète déserte, aride et totalement inhospitalière. Ses compétences, son ingéniosité, son intelligence et son humour ne seront pas de trop pour l'aider à survivre. Car les problèmes qui se posent à lui semblent innombrables : il n'a aucun moyen de communiquer avec le Terre, il n'a que très peu de vivres à disposition, une quantité finie d'eau et d'oxygène à disposition, et pire que tout, une anthologie de titres disco des années 1970 laissée dans la précipitation du départ par l'une de ses collègues de mission ! L'autre problème, majeur s'il en est, qu'il va devoir affronter, c'est que s'il veut espérer s'en sortir il lui faudra attendre la prochaine mission sur Mars, et l'attente se chiffre en années...

 

Voilà pour la situation de départ. Déjà là, je ne sais pas vous, mais moi rien que sur le concept de survivalisme à la surface de Mars, je suis conquis. D'autant que le livre d'Andy Weir (et c'est son premier roman) se veut d'un réalisme scientifique exigeant* et aborde la survie sur Mars d'un point de vue très strict aussi bien sur le plan technique que scientifique. De là à dire qu'on se retrouve en pleine orgie de Hard-SF, il n'y a qu'un pas. Alors surtout que cela ne vous rebute pas si vous n'êtes pas spécialement adepte de sciences, fan d'espace, ou d'un esprit terre-à-terre convaincu. Oui vous aurez droit à des explications pour tout ce que fait Mark pour s'en sortir, oui il y aura des calculs, des raisonnements scientifiques, de la chimie, des probabilités, de la mécanique, mais absolument rien de rébarbatif. Au contraire, j'ai trouvé que l'auteur fait tout ce qu'il peut pour rendre accessible ce qu'il explique. Je pense d'ailleurs que la forme de récit choisie par Andy Weir, celle du journal de bord, aide beaucoup à l'immersion dans l'histoire. C'est Mark Watney qui s'exprime, à la première personne donc, comme il parlerait à quelqu'un pour lui expliquer ce qu'il fait et pour quoi. Son cheminement de pensées, ses réflexions, ses traits d'humour, tout participe à rendre l'histoire extrêmement addictive et prenante. On est à la place de ce Robinson Crusoé de l'espace, on comprend ses problèmes, ses craintes, ses doutes, ses peurs, parfois son désespoir. Impossible de ne pas se prendre au jeu, de ne pas se sentir concerné, de ne pas se sentir en danger permanent comme l'est Mark à chaque instant qu'il passe dans cet environnement hostile qu'est la planète rouge.

 

L'autre partie du récit est de facture plus classique, quand Andy Weir nous montre ce qui se passe sur Terre ou à bord de l'Hermès, le vaisseau qui ramène sur Terre le reste de l'équipe d'astronautes qui ont réussi à quitter Mars. À bord du vaisseau spatial c'est la consternation d'avoir abandonné un membre de l'équipage, et sur Terre, à la Nasa, c'est un véritable branle-bas de combat pour trouver des solutions et tenter de venir en aide au rescapé isolé. Cela permet à l'auteur de varier les points-de-vue et ainsi de ne pas rester que sur le mode du journal de bord, qui bien que parfait pour rythmer et dynamiser un récit pourrait lasser à force.

 

Enfin un mot sur la fin, sans en dévoiler la consistance bien entendu, qui est un grand moment de suspense. Andy Weir, qui à plusieurs reprises au cours de son roman parvient à nous filer des coups d'adrénaline ultra-efficaces, au travers des péripéties que subit l'astronaute ermite, parvient à garder la tension intacte jusqu'à la toute fin de son roman, et ne nous laisse ainsi pas une minute de répit avant la conclusion finale.

 

Voilà je pense un bouquin qu'on pourra aisément qualifier de page-turner, autant que de roman de SF original ou encore de thriller haletant. Ça fait pas mal pour un seul roman non ? Eh bien c'est pourtant tout cela et bien plus encore que je vous promets à la lecture de ce Seul sur Mars absolument passionnant.

* Réalisme scientifique qui connaît deux exceptions notables, non seulement reconnues mais même revendiquées par l'auteur qui les a maintenues dans son récit dans le souci d'accentuer la tension dramatique de son histoire. En effet la situation de départ telle qu'elle est relatée est factuellement erronée : du fait de la pression atmosphérique de Mars, la tempête décrite en début du livre serait incapable de faire basculer le vaisseau spatial, pas plus qu'elle ne pourrait arracher la parabole qui vient frapper Mark. Le passage qui concerne la déchirure brutale de l'habitat de Mark sur Mars est lui aussi assez improbable, les matériaux utilisés par la Nasa étant justement choisis pour que leur usure soit détectable par des petites fuites bien avant qu'une déchirure complète n'advienne.

 

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25 juin 2020 4 25 /06 /juin /2020 07:28

 

« L’homme est le seul animal adulte qui tête sa femelle. »

 

 

François Cavanna, qui biberonna pas mal en son temps.

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22 juin 2020 1 22 /06 /juin /2020 19:22

Il paraît que l'âge c'est dans la tête. Z'en causerez à Buck Schatz, il risque de ne pas être aussi affirmatif que cela. Buck Schatz a 87 ans, et il coule des jours tranquilles d'une retraite bien méritée à Memphis, Tennessee. Buck Schatz est une légende de la police locale. Pour tout dire, c'est lui qui a inspiré le personnage de l'inspecteur Harry, incarné au cinéma par Clint Eastwood. C'est dire si Buck est un dur. Un bonhomme, à l'ancienne. Ce n'est pas parce que le corps ne suit plus toujours et que la mémoire a parfois des ratées que le caractère a changé. Rose, son épouse qui le supporte depuis 64 ans de mariage, est bien placée pour le savoir. Alors quand Buck apprend que celui qui l'a torturé dans les camps allemands de la seconde guerre mondiale, Heinrich Ziegler, n'est pas mort comme il l'avait cru si longtemps, et qu'en plus de cela il se serait enfui avec un magot en lingots d'or, la décision de Buck est très vite prise. Il va ressortir son .357 Magnum et retrouver ce fumier. Complètement déconnecté du monde actuel et de la technologie moderne, Buck a cependant conservé ce qui lui a toujours servi au cours de sa carrière de flic : un instinct de limier et des méthodes musclées. Bon, pour les muscles, il aura juste un peu besoin de l'aide de son petit-fils Tequila. Tequila ? C'est comme ça qu'il a surnommé le gamin, qu'il aime bien taquiner. Ou alors il a juste du mal à se souvenir de son prénom...

 

Voilà grosso-modo le début de l'intrigue de Ne deviens jamais vieux ! de Daniel Friedman, un mélange détonnant de polar et d'humour bien trempé. Et les amis, j'aime autant vous dire que dans le genre c'est très réussi !

Sur le fond pas grand-chose d'inédit : un flic bourrin, une chasse-à-l'homme, un trésor de guerre, une vengeance, un Magnum 357. Mais sur la forme il y a une bonne dose d'originalité. Faire du héros principal un octogénaire irascible déjà j'aime, mais en plus ça fonctionne carrément du tonnerre. Le récit à la première personne aidant, on ne peut s'empêcher de s'attacher à ce personnage hors-normes. Daniel Friedman nous fait plonger dans l'esprit de Buck, on se retrouve dans la caboche de cette vieille tête de mule et on suit ses raisonnements d'un autre âge ainsi que ses réflexions pas du tout dans l'air du temps. Car s'il a perdu en force et en vigueur, la répartie cinglante, l'humour à froid et le cynisme carburent toujours à fond chez Buck. Et c'est une des parties les plus réussies du roman : le ton trouvé par Daniel Friedman est véritablement unique et irrésistible. Il fait de ce vieux grincheux de Buck un personnage surprenant et plus profond qu'on ne pourrait le prendre au premier degré. Il plane sur lui un parfum de nostalgie qui ne dit jamais son nom, certainement parce que ces générations-là avaient en eux une pudeur exacerbée qui leur interdisait de s'épancher sur ce genre de sentiments. C'est d'ailleurs tout à fait évident quand il aborde le sujet de son fils, décédé prématurément. Peut-être est-ce même cette disparition qui l'aura définitivement figé dans le temps, ne laissant que son corps subir l'influence du temps qui passe, sa personnalité restant à jamais dans l'état d'esprit des années 1970...

 

Sûr de lui quand il affirme quelque chose, archétype de l'insoumission à la connerie ambiante et à la tyrannie des temps modernes, infatigable râleur, provocateur à ses heures, pratiquant un réalisme cynique qui pointe toujours là où ça gratte le plus, parfaitement conscient de ses limites physiques mais refusant obstinément de s'avouer vaincu pour si peu, amoureux et protecteur avec son épouse, l'octogénaire Buck Schatz est un personnage comme on n'en croise pas souvent. Et c'est sur lui que repose tout le succès de ce roman : un héros à l'hiver de sa vie qui marque les esprits et qui ne laisse personne indifférent.

 

J'ajoute parce que je trouve que ça mérite d'être noté : il s'agit du premier roman de son auteur, et pour une première c'est vraiment prometteur. Ah, et une ultime précision : Daniel Friedman explique dans un petit texte en fin du bouquin que son héros lui a été inspiré en partie par son propre grand-père auquel il voulait rendre hommage à sa manière.

 

Un très chouette roman que ce Ne deviens jamais vieux ! Lecture vivement conseillée.

 

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18 juin 2020 4 18 /06 /juin /2020 06:11

Aujourd'hui j'ai envie de vous parler d'un album coup de cœur, un album de bande dessinée qui est consacré à un acteur de légende, à l'un des plus charismatiques comédiens du cinéma français de tous les temps : Lino Ventura. Amusant d'ailleurs de noter qu'il était de nationalité italienne. Le destin avait certainement décidé dès sa naissance que c'est en France qu'il connaîtrait ses plus grands succès et bâtirait l'essentiel de sa carrière, puisque c'est un 14 juillet qu'il est né, en 1919, à Parme.

 

Je conçois que les jeunes générations n'ont pas beaucoup de souvenirs de cet acteur pourtant incontournable (il est mort en 1987), et je constate par la même occasion qu'il devient chaque jour plus évident que je me fais vieux. Car Lino Ventura, pour moi, c'est tout sauf un inconnu, et il fait partie de mon héritage culturel, du paysage cinématographique de mon enfance. À mes yeux il a toujours eu une image multiple. Celle d'un colosse d'abord, de par sa carrure et son physique de déménageur. Mais aussi celle de l'incarnation de la classe et de la dignité absolues, du type en costard toujours impeccablement mis, toujours impeccablement rasé et coiffé, un type aussi intimidant que réservé. Un type à la posture incroyablement droite, presque toujours une cigarette à la main, à la parole rare, sobre et toujours juste. Un homme, un vrai, à l'ancienne.

Une page qui dit tout, selon moi, sur l'homme Lino Ventura...

Eh bien c'est très exactement comme cela que je l'ai retrouvé dans cette BD qui réussit à le faire revivre d'une façon tellement précise, tellement juste, qu'on a presque l'impression de le voir bouger et parler en vrai. Cet exploit, car c'en est un de premier ordre, c'est le résultat de la convergence d'un scénario aux petits oignons de la part d'Arnaud Le Gouëfflec et du trait épatant de précision et de simplicité de Stéphane Oiry, qui a su capter et retranscrire des positions, des attitudes et des regards criants de vérité en autant d'instantanés iconiques de la légende Lino. Pour décrire ce moment de lecture qu'est Lino Ventura et l’œil de verre c'est bien simple : autant dans les mots que par l'image, tout ce qui fait l'essence même de Lino Ventura était là, devant mes yeux, sur papier.

Pas facile de résumer Lino...

Le prétexte de l'album est basique : Merlin, un journaliste aussi gauche que perspicace procède à l'interview (fictive) de l'acteur vieillissant et retrace avec lui aussi bien sa carrière que des éléments de sa vie personnelle. Ce qui n'est pas chose aisée tant Lino n'est pas du genre à s'épancher sur sa vie privée ou ses sentiments. C'est un taiseux doublé d'un modeste, et rien ne lui convient mieux comme qualités que la discrétion et l'humilité. Pour en faire un portrait fidèle, il faut lui arracher des confidences et accepter ses silences comme autant d'informations à part entière et qui dessinent en creux le bonhomme. C'est ainsi qu'il parle très peu de son enfance, de son père, de la guerre, de ses enfants, des femmes. Mais ce qu'il en dit, comme ce qu'il n'en dit pas, prend d'autant plus de force, d'importance, de sens.

Avant de briller sur l'écran, Lino Ventura a brillé sur les rings !

J'ai découvert ainsi toute une série d'anecdotes (il était le premier choix, avant Gérard Depardieu, pour incarner Campana en duo avec Pierre Richard dans La Chèvre, rôle qu'il refusa), j'ai mieux compris son rapport au cinéma et sa manière d'envisager un rôle et de gérer sa carrière (à l'ancienne là encore : il n'avait pas d'agent et faisait ses choix en libre conscience selon des critères très précis), j'ai appris toute une série de détails sur l'homme au-delà du comédien. L'évocation de sa carrière de lutteur puis de catcheur professionnel avant de devenir acteur m'a rappelé mes grands-parents qui me racontaient leur plaisir d'avoir pu voir des matchs de catch de Lino Ventura à Mulhouse ! Si j'avais une DeLorean à portée de main je n'hésiterais pas une seconde pour les y accompagner, ça devait être génial...

 

Bref, j'ai passé vraiment un moment de lecture passionnant avec cet album de BD qui m'aura remémoré et appris tant de choses sur une figure incontournable du cinéma. Évidemment ça m'a aussi furieusement donné envie de revoir certains de ses films...

Je ne peux donc, vous l'aurez compris, que vous conseiller la lecture de cette excellente BD !!

Lino Ventura et l'oeil de verre, d'Arnaud Le Gouëfflec et Stéphane Oiry

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15 juin 2020 1 15 /06 /juin /2020 07:57

Parmi les thèmes de littérature SF et Fantastique, le voyage dans le temps est de ceux qui emportent ma préférence. Le truc avec les voyages dans le temps, c'est que c'est compliqué à mettre en musique. On a vite fait de se retrouver embarqué dans un paradoxe temporel inextricable, de cumuler les incohérences et de tomber dans les pièges inhérents au concept. Bref, faut déjà être bien sûr de soi et bien couvrir tous les angles avant de se lancer dans l'aventure. C'est très exactement ce dont s'est assuré Duane Swierczynski pour nous proposer avec Date limite son histoire de voyage temporel à lui...

 

Mickey Wade n'a pas le vent en poupe ces derniers temps. Plus le temps passe, plus il devient une pathétique caricature de loser. Le journal dans lequel il travaillait depuis des années a subi une baisse d'effectifs et il s'est fait virer comme un malpropre. Sans une thune de côté, il se voit contraint de revenir s'installer dans le quartier de son enfance. Philadelphie est déjà une ville plutôt ouvrière, mais le quartier de Frankford c'est carrément encore un cran en-dessous. Bref, ça craint. Mais Mickey n'a pas trop le choix, le temps de retrouver un boulot, sa mère lui a proposé de vivre dans l'appartement de son grand-père qui est hospitalisé depuis quelques temps, dans le coma. Alors va pour le quartier pourri. Au lendemain d'une cuite qui lui occasionne une bonne gueule de bois, Mickey pioche dans la pharmacie de papy, il y a là des comprimés qui devraient pouvoir faire l'affaire. Sauf que l'effet des cachetons n'est pas du tout celui attendu. Mickey se réveille dans l'appartement de Frankford, mais quelques quarante années plus tôt, en 1972, l'année de sa naissance ! L'année de la mort de son père également. Mais les gens ne semblent ni le voir ni l'entendre, sauf cet étrange petit garçon... L'effet des pilules estompé, Mickey est de retour dans le présent. Il entreprend alors de retourner dans le passé pour tenter d'y arranger la destinée familiale : s'il peut sauver son père, toute sa vie pourrait s'en trouver meilleure...

 

Évidemment les choses ne seront pas du tout aussi faciles que ce que l'imaginait ce pauvre Mickey, qui va comprendre au fur et à mesure du récit qu'il y a des règles au voyage temporel, et un prix à payer aussi... C'est là justement que l'auteur, Duane Swierczynski est malin. Date limite n'est pas qu'une histoire de voyage dans le temps. Il ajoute une couche supplémentaire à son histoire qui va la faire glisser du côté du polar et du mystère à résoudre. Car Mickey va découvrir que ce qu'il croyait savoir de son passé n'est pas tout à fait conforme à la réalité des faits. Il va comprendre également à ses dépens que le voyage dans le temps est dangereux... Et comme si cela n'était pas assez, Duane Swierczynski en profite aussi pour faire de son roman une reconstitution de la Philadelphie des années 1970, de cette Amérique oubliée des prolos et des quartiers malfamés.

 

Finalement on se retrouve avec trois bouquins en un : de la SF, du polar et de la reconstitution historique ! Et chaque aspect est si soigné qu'il pourrait se suffire à lui-même, autant dire que l'auteur ne se fiche pas de son lecteur. C'est vraiment bien construit, le suspense est omniprésent, tout s'emboîte à merveille et on se fait régulièrement prendre au piège de chercher à comprendre par nous-mêmes, d'échafauder des théories pour expliquer les événements ce qui nous mène inévitablement à nous tromper et quand on finit par connaître la vérité, on est comme le lièvre pris dans les phares d'une bagnole lancée à fond : ébloui et scotché sur place. Oui, je ne vais pas vous raconter de cracks : quand je disais que le bouquin est malin, il l'est jusqu'à son dénouement, et personnellement je n'ai pas du tout été déçu par la fin (alors que c'est souvent un point faible des récits de voyage dans le temps). Je suis sorti de ce bouquin avec la sensation d'avoir passé un très bon moment de lecture et avec une certitude : Duane Swierczynski sait mener sa barque.* Et avec la prémonition que je croiserai encore à coup sûr sa carrière d'auteur.

* Pour la petite histoire et parce que j'accorde beaucoup d'importance à ce genre de détail, Duane Swierczynski n'est pas que romancier, il est également scénariste de comics, et je l'ai déjà croisé à plusieurs reprises chez Marvel (que ce soit sur X-Men, le Punisher, Iron Fist ou Cable par exemple).

 

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