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Avant de lire les notes que je fais sur les films que je vois et les bd que je lis, sachez que dans mes commentaires il m'arrive parfois de dévoiler les histoires et les intrigues. Ceci dit pour les comics, je n'en parle que quelques mois après leur publication, ce qui laisse le temps de les lire avant de lire mes chroniques.
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13 novembre 2019 3 13 /11 /novembre /2019 20:28

73. Ce n’est pas l’âge de ma grand-mère, mais le nombre d’années pendant lesquelles elle a vécu dans le même appartement. Du 1er octobre 1946 au 26 octobre 2019, ce qui fait 26 688 jours pour être tout à fait exact. Elle y a emménagé peu de temps avant son 19ème anniversaire, le 1er octobre 1946, un an après la guerre et le retour de mon grand-père du front de l’Est. En tant que mineur de fond aux Mines De Potasse d’Alsace, ce dernier a eu droit à un logement des mines, au premier étage d’une maison mitoyenne découpée en 2 entrées et 4 appartements. Un logement de 4 pièces, avec une cave, un grenier, et un morceau de terrain pour y entretenir son potager, juste à côté du poulailler. C’était avant que n’arrive l’eau courante chez les particuliers, c’était bien avant que tout un chacun possède sa propre voiture, et c’était longtemps avant que les télévisions fassent partie du mobilier d’intérieur de base. Une cuisine, un salon et deux chambres : c’est là que mes grands-parents ont élevé leurs 4 enfants. Nul doute que par moment ça a dû leur paraître serré, mais ils ne s’en sont jamais plaints, et ça ne les a pas empêchés de mener une vie de famille heureuse. Et quand l’eau courante est enfin arrivée dans le quartier, mon grand-père a aménagé une salle-de-bain dans un petit réduit sous les combles à l’inter-palier entre le premier étage et le grenier. Oh pas un truc immense hein, 2-3 mètres carrés tout au plus, juste de quoi placer un tout petit lavabo et une mini-baignoire sous la pente de toit. Mais c’était une salle-de-bain à la maison, rendez-vous compte du luxe ! Et puis à l’inter-palier entre le rez-de-chaussée et le premier, a été casé un WC, le comble de la modernité comparé à toutes ses maisons équipées de toilettes au fond du jardin. Quant à la cuisine il a pu y installer une machine à laver… finie la corvée du lavoir de quartier pour ma grand-mère ! Une révolution !!

Et quand mon grand-père à pu s’offrir sa première Renault 4CV, une propulsion à boîte 3 vitesses, il a construit de ses mains un garage en bois à côté du jardin, ça avait de la gueule !

 

92. C’est l’âge de ma Mamama depuis lundi 28 octobre 2019. Après 73 ans dans son appartement, dont une quinzaine d’années seule après que mon Papapa se soit éteint, elle a décidé qu’elle ne se sentait plus de vivre seule et de passer un hiver supplémentaire seule chez elle. Et puis elle s’est rendue compte que malgré ses genoux de jeune fille (magie des prothèses !) le souffle commence à lui manquer pour monter toutes ces marches. D’autant que des marches, elle doit s’en taper une petite volée également pour aller au WC qui se trouve sur le palier…

Mamama fête ses 92 printemps !

22. C’est le nombre de marches entre l’entrée de la maison et l’entrée de son appartement. Si l’on part sur une moyenne de seulement 2 sorties par jour, ma grand-mère a gravi au bas mot 1 174 272 marches pour rentrer chez elle, et descendu autant pour faire ses courses, amener les enfants à l’école ou aller suspendre le linge dans le jardin. Et la moyenne de deux par jour est à coup sûr une estimation très basse… C’était en tout cas bien 22 marches qu’elle grimpait tous les jours jusqu’au 26 octobre 2019 en rentrant de son repas de midi pris chez ma maman. À l’aube de ses 92 ans, l’effort prend une toute autre dimension je trouve !

 

2. C’est le nombre d’heures qu’il nous aura fallu pour la déménager de chez elle, et emporter toutes les affaires qu’elle va retrouver dans la chambre qui lui a été réservée et préparée chez ma maman. Une armoire, sa télévision, son fidèle fauteuil sur lequel elle s’installe pour regarder chaque jour Slam et Questions pour un champion, une table, quelques chaises, sa radio, les cadres et photos accrochées au mur, des papiers, diverses affaires, les souvenirs d’une vie entière passée à cet endroit… le reste est demeuré sur place, vestige d’un passé révolu.

 

 

 

 

J’ai du mal à m’imaginer ce que 73 ans de souvenirs au même endroit peuvent bien représenter. Ça doit être énorme. Vertigineux. Une vie entière quasiment.

 

Moi qui ai toujours connu cet endroit, j’ai près de 44 ans de souvenirs rattachés à cette maison, et ça fait déjà beaucoup. Ce fut le premier endroit où j’ai dormi encore tout nourrisson, une fois sorti de l’hôpital qui m’a vu naître. C’est devenu ma seconde maison quand mes parents ont emménagé au 7 rue du stade, à 50 mètres du 1 rue du stade, l’adresse de mes grands-parents. Où que je pose mes yeux dans cet appartement, un souvenir surgit. Mille émotions. Mille moments de bonheur…

 

La table du salon, où j’ai passé tant d’heures à jouer aux échecs avec mon grand-père qui m’a appris les règles de ce jeu.

 

Cette même table où ma grand-mère étalait ses nouilles faites maison pour les faire sécher. Et où le chien ne ratait jamais l’occasion de sauter quand il n’y avait personne, ça lui permettait de voir par la fenêtre ! Mais ses pattes laissaient sur la nappe des traces qui le trahissaient et c’est les oreilles baissées que démasqué, il allait tout penaud, au coin, comme un enfant, bien conscient d’avoir bravé une interdiction…

 

Le fauteuil de ce même salon, où mon grand-père avait l’habitude de faire ses mots fléchés. Où bien souvent aussi il piquait une petite sieste après le repas de midi, ses ronflements ne tardant jamais trop à se faire entendre…

Bon le fauteuil c'était bien, mais le canapé pour la sieste ça le faisait aussi... (1985)

La télévision antédiluvienne mais si moderne à l’époque, avec ses boutons lumineux activés par simple contact, même pas besoin de les enfoncer !! Avec au-dessous du poste un appareil bizarre avec un gros bouton tournant qui faisait un barouf d’enfer et qui permettait de faire bouger l’antenne sur le toit et de la rediriger !! Révolutionnaire !! Grâce à lui on pouvait capter les chaînes françaises, suisses et allemandes. Je me souviens aussi du jour où cet engin du diable a pris feu alors que j’étais assis devant la télé, j’étais encore petit et ma jambe dans le plâtre m’empêchait de bouger… Mes cris ayant alerté ma grand-mère dans la cuisine, elle n’a pas cherché longtemps avant de balancer la machine par la fenêtre du premier, manquant de peu d’assommer mon grand-père qui passait par là à ce moment… cette trouille ! Et surtout ensuite, cette rigolade !

 

Le grand lit double (pas un lit deux places, mais deux lits une place, accolés l’un à l’autre, ça faisait encore plus de place !) dans la chambre de mes grands-parents. Quand je restais chez eux dormir, j’avais parfois le droit de me mettre au milieu entre eux…

 

La chambre du fond, celle de mon plus jeune oncle Laurent qui a pile 10 ans de plus que moi, et que j’avais le droit d’aller réveiller le week-end ! C’est dans cette même chambre que pendant une fête de famille, mon cousin Aymeric et moi avions enregistré une cassette sur mon petit magnétophone portable, on y faisait des imitations comme dans le Bébête-show qui faisait fureur au début des années 1980.

 

La cuisine, quand à 17h00 c’était l’heure du casse-croûte avec mon grand-père. Un peu de saucisse, du pain, de la moutarde condiment et des cornichons. Là qu’il me faisait réviser mes premiers cours de géographie. Le nom des continents et des océans. Le panier du chien, Pilou, mon meilleur ami, coincé entre le conduit de cheminée et le meuble sur lequel était posée la radio.

Pilou : un allié de choix quand il s'agissait de débusquer les chocolats cachés dans le jardin à Pâques ! (1981)

Et puis la salle de bain… dans notre logement des mines, voisin de celui de mes grands-parents, il n’y avait pas de salle de bain, alors c’était chez eux que je venais profiter de la baignoire où je pouvais barboter un temps qui me paraissait infini, avec mes playmobils on avait du mal à m’en faire ressortir ! Encore 5 minutes maman s’il-te-plaît, on n’a qu’à refaire couler un peu d’eau chaude !!

Les escaliers des communs où ma grand-mère disposait des pots de fleurs pour décorer… gamin j’adorais les orvets et je connaissais tous les endroits où on pouvait en trouver pas trop loin de chez moi, en bordure de champs et de forêt… et j’aimais bien en ramener avec moi, mais interdiction d’entrer chez ma grand-mère avec ! Alors je les déposais dans les fameux pots de fleurs en attendant, c’était bien pratique. Un peu tête en l’air, je ne pensais pas toujours à les récupérer en partant. Ce qui a provoqué une belle peur à ma grand-mère quand un jour, pensant ramasser une ficelle, c’est un orvet qui s’est enroulé autour de ses doigts !!

 

La cave où co-habitaient l’établi de mon grand-père et les étagères pleines de bocaux de conserves faits par ma grand-mère. C’était là aussi où il faisait fermenter le chou à choucroute. Cette cave dans laquelle aujourd’hui je ne peux même pas me tenir droit, j’ai quelques centimètres de trop pour ça…

Marie à côté du sapin de Noël replanté (1987) : les deux ont aujourd'hui bien grandi  ;-)

Le jardin, où chaque platebande était délimitée au cordeau, mon grand-père ne plaisantait pas avec ça, tout était mesuré au centimètre près… C’était là aussi où il avait planté ses rosiers qui faisaient sa fierté. Le lilas au fond du jardin marquait de ses fleurs chaque retour du printemps. Le mirabellier du voisin et ses jolis fruits jaunes, le tilleul dont les fruits sous forme de boules accrochées à une sorte de petite feuille tombent en tournoyant comme des mini-hélicoptères à une seule pale… Et dans le petit carré de gazon qui échappait au potager, je me souviens encore quand il a planté le sapin de Noël en pot. L’arbre est toujours là et il a bien grandi, il fait plusieurs mètres aujourd’hui.

 

Je pourrais comme ça décliner à l’infini les exemples.

 

Alors imaginez la somme de souvenirs qui doivent se bousculer dans l’esprit de ma grand-mère…

Je lisais il y a peu de temps qu’un déménagement, même voulu, même pour un lieu de vie plus agréable, est toujours difficile à vivre, a toujours un véritable impact psychologique et peut s’avérer émotionnellement violent. Elle qui était, avec les années, devenue la doyenne de son quartier n’avait jamais déménagé depuis ses 18 ans !! Pourtant elle n’a rien laissé paraître de tout ça. Et quand est arrivée l’heure de Questions pour un champion, ce samedi de bouleversement de toute une vie, elle s’est simplement installée devant sa télévision, sur son fauteuil, dans sa nouvelle chambre.

 

Ça doit être ce qu’on appelle le courage. La force de caractère. Ou peut-être tout simplement la sagesse.

J'aurai 92 ans dans 2 jours et j'ai passé 26 688 jours dans la même maison, je suis, je suis ?...

PS : Comme toujours, merci à ma petite sœur pour ses talents de photographe et pour les scans de vieilles photos...

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27 mai 2019 1 27 /05 /mai /2019 07:32

On a tous des artistes qui nous touchent plus particulièrement que les autres. Pour moi, Julio Ribera est de ceux-là.

 

Aujourd’hui, voici un an que le dessinateur et scénariste de bande dessinée Julio Ribera nous a quittés. Il avait 91 ans. Si je n’en ai pas parlé lorsque c’est arrivé, c’est parce que je n’ai appris son décès que trois mois plus tard. Et j’en ai été infiniment triste. Parce que Julio Ribera était un grand monsieur du 9ème art, que ses albums m’ont accompagné pendant des années, et que j’ai eu la chance, à deux reprises, de le rencontrer.

 

Preuve de mon âge avancé, je fais partie de ceux qui ont été obligés de faire leur service militaire. N’étant pas versé dans la tradition militaire, j’avoue que cette période « gelée » de 10 mois de ma vie m’a paru longue, et plutôt inutile sur le plan personnel. Pourtant j’en retiens une bonne chose tout de même. Sur la Base Aérienne 132, il y avait une bibliothèque où l’on pouvait emprunter des livres quand on n’était pas occupé à faire la guerre, et en son sein une petite collection de BD. C’est là, en suivant les conseils plus qu’avisés d’un autre amateur de phylactères appelé comme moi sous les drapeaux, que j’ai lu les premiers albums de ce qui allait devenir une de mes séries cultes : Le Vagabond des Limbes, avec Christian Godard au scénario et Julio Ribera au dessin. Cette série m’a durablement marqué de par son originalité, son humour, son inventivité et sa manière incomparable de mêler des thèmes adultes et profonds à la démesure enfantine et au divertissement pur. On y trouve des tas de choses différentes dans cette BD, mais avant tout de l’intelligence, de l’humour et du plaisir. Le Vagabond des Limbes, c’est du bonheur en 31 tomes, tout simplement.

Le Vagabond des Limbes : chaque album est un trésor d'inventivité

J’ai été comme hypnotisé par cette BD. Littéralement happé dans cet univers tellement unique qui ne ressemble à aucune d’autre.

Si les histoires y sont évidemment pour beaucoup, le dessin a tenu un rôle important dans l’amour inconditionnel que j’ai immédiatement ressenti pour cette série. Et derrière le dessin il y a un homme, Julio Ribera, au trait si personnel, reconnaissable entre tous, simple et beau, métamorphe et séduisant. Le duo de créateurs Godard / Ribera étant très prolifique, je me suis évidemment intéressé au reste de leur production, et c’est ainsi que j’ai découvert, et dévoré, leurs autres séries en commun telles par exemple la drôlesque Chroniques du Temps de la Vallée des Ghlomes (très parodique et gentiment coquine), la fascinante Le Grand Manque (que j’aime tout particulièrement) ou l’astucieuse Le Grand Scandale (malheureusement interrompue en cours mais excellente cependant). Je me suis aussi penché sur ce que les compères ont pu produire en solo, en l’occurrence pour Ribera* la série Dracurella (qui mêle parodie et fantastique) et surtout la trilogie Montserrat – Souvenirs de la guerre civile, Jeunesse bafouée – Une dictature au fil des jours et Paris liberté – Le parfum de l’espoir. Cette trilogie forme une autobiographie de Ribera, où il nous raconte son enfance en Espagne jusqu’à ses premiers boulots en tant que dessinateur en France, et qui se conclut dans les années 1970, sur sa rencontre avec Christian Godard et le début de ce qui allait devenir son œuvre la plus connue, Le Vagabond des Limbes.

Le Grand Scandale, une série malheureusement inachevée

Si j’ai réellement adoré toutes ses histoires plus divertissantes les unes que les autres, cette trilogie à caractère autobiographique, que je viens de relire avant d’écrire cet article, a un parfum différent, quelque chose à part du reste. Et pour cause : le héros de ces BD c’est Julio Ribera lui-même. Quand j’écris « héros » ça n’est sans doute pas le mot que lui-même aurait choisi, il aurait sans doute préféré utiliser le terme « personnage principal », la modestie faisait partie intégrante du bonhomme. Dans ces albums il nous raconte ses souvenirs d’enfance, des plus joyeux aux plus tragiques, il parle de l’insouciance d’avant l’arrivée de Franco au pouvoir, de l’avant -guerre. Il raconte ses parents, sa ville (Ribera est né à Barcelone), les plaisirs enfantins, les restrictions, la dictature, sa petite sœur, son amour du jazz, ses études avortées, son goût pour le dessin qui lui vient très tôt, son service militaire, ses amours, son envie de liberté et enfin le grand saut, celui qui l’a amené à s’expatrier avec son épouse en France, à Paris. Il raconte ses débuts difficiles pour percer dans la presse en tant que dessinateur, lui qui, vaille que vaille, aura toujours réussi à vivre de son art, à sa plus grande fierté et malgré toutes les difficultés qu’il aura eu à surmonter pour y parvenir.

La trilogie autobiographique de Julio Ribera

Lire cette trilogie autobiographique c’est plonger dans un passé révolu, si proche mais qui peut nous paraître parfois si lointain… Julio Ribera est né en 1927, il est donc de la génération de mes grands-parents, et je n’ai pas pu m’empêcher de penser à eux et à leurs conditions de vie en lisant ses souvenirs à lui. Il y a dans le ton employé, les scènes retranscrites et les souvenirs évoqués, dans les mots choisis pour les relater, quelque chose de beau, de calme, d’ancien, de doucement suranné qui provoque un décalage inévitable avec le monde actuel, tout en ancrant le récit dans une réalité incontestablement parlante. Ses phrases ont cette tournure entre simplicité et désuétude qui laisse transparaître la bienveillance et l’instruction de celui qui les écrit. Julio Ribera est né espagnol et n’a pas appris le français à l’école mais d’abord épisodiquement chez un de ses oncles marié à une française, puis surtout sur le tas, lorsqu’il est venu s’installer en France. Et pourtant, cela m’avait frappé également en discutant avec lui, il a ce même soin porté au choix de ses mots qu’ont les anciennes générations, ce même vocabulaire précis et riche. Tout en gardant un délicieux accent ibérique à peine atténué par le temps. Julio Ribera écrivait dans ses BD comme il s’exprimait dans la vie. Avec élégance et simplicité.

 

Je retiens énormément de cette trilogie, et j’en ai beaucoup appris sur l’homme qui s’est mine de rien beaucoup dévoilé dans ces pages. Il l’a avoué lui-même : passer à l’acte de rédiger ces albums lui a été difficile, mais libérateur. Il a même qualifié cette œuvre de soulagement après coup.

J’ai tout particulièrement été touché par sa façon de raconter ses parents. C’est étonnant de lire ce récit de la plume d’un vieil homme et de l’entendre s’exprimer sur ses parents comme s’il était encore leur petit garçon (dans le premier tome bien entendu). On se rend compte ainsi à quel point l’esprit reste jeune, qu’on peut être plus âgé que ne l’ont été ses propres parents tout en restant leur petit garçon dans son cœur. C’est exactement la sensation que j’ai ressentie en lisant cette histoire. Et j’ai trouvé cela émouvant et très beau. D’ailleurs pour illustrer cette sensation, je n’ai pas pu m’empêcher de noter que durant les 3 albums de son autobiographie, qui couvrent en gros la période 1930 – 1970, Ribera ne modifie que très peu la manière graphique de représenter ses parents, ils ne semblent pas vieillir dans son esprit. Alors que lui-même se représente à différents âges, et dans le dernier tome, alors qu’il arrive aux portes de la cinquantaine, il se dessine très fidèlement en montrant les cheveux grisonnants qu’il a eus tôt. C’est ainsi qu’on le voit barbu, les cheveux poivre et sel, auprès de ses parents, quasi-inchangés, figés dans leur apparence des années 1950. Le contraste est saisissant, et très touchant.

Deux dédicaces, deux autoportaits, le jeune garçon et l'homme mûr

J’y ai également appris ses débuts dans le métier, ainsi que son engagement pour le statut des artistes de bande-dessinée, leur protection sociale, leurs droits. Dans ce cadre, l’homme savait faire preuve de calme autant que de détermination, de droiture et de convictions. Et il savait qu’on est plus fort à plusieurs. Quand en 1988 il a créé avec Christian Godard leur propre maison d’édition, Le Vaisseau d’Argent, c’était justement pour fédérer un maximum de leurs collègues et leur permettre de mettre en chantier des projets qui leur étaient refusés ou corsetés ailleurs. La conjoncture ne leur avait pas permis de se maintenir à flot et ils avaient été contraints de jeter l’éponge en 1991, mais l’idée avait été belle, et l’aventure avait au moins eu l’avantage d’être tentée et concrétisée.

Julio Ribera & Christian Godard

J’aimerais ici revenir quelques instants sur mes rencontres avec Julio Ribera, et partager mes souvenirs de lui. J’ai donc pu l’approcher à l’occasion de deux séances de dédicaces, l’une en 2004 au Festival de Colmar, l’autre en 2013 au festival Bédéciné d’Illzach. Les deux fois, je n’étais venu que pour lui, mon sac à dos rempli de ses albums, à passer inlassablement en queue de sa file d’attente après chaque dédicace obtenue. À son plus grand étonnement d’ailleurs ! Mais pour moi sa venue tenait tellement de l’événement que je ne voulais pas en rater une minute. J’ai eu ainsi de très beaux dessins** mais surtout l’occasion de le voir dessiner avec application, l’esprit calme, la main sûre. S’interrompant parfois pour répondre à mes questions, m’expliquer quelque chose ou juste converser tranquillement. Avec cette grande gentillesse et cette douceur dans la voix et dans les expressions qui le caractérisaient. Julio Ribera avait ce ton cordial et sincère quand il parlait, et l’écouter était à la fois plaisant et instructif. Qu’il parle du monde de la bande-dessinée, de ses souvenirs, ou de l’art de manière plus générale.

Julio Ribera en 2013 à Illzach

Il était accompagné les deux fois par son épouse qui participait elle aussi aux discussions, et était aux petits soins avec lui. « Julio, tu devrais faire une pause tu es fatigué », « Julio, pense à la route qui nous attend pour rentrer, ménage-toi », elle le chouchoutait. « Vous savez nous sommes venus en voiture depuis la Savoie, Julio aime conduire mais ça fait loin quand même » m’avait-elle confié entre deux dessins… Je me souviens de leurs petits échanges de sourires, faits de douces chamailleries d’où émanaient beaucoup de bienveillance et de tendresse, pas du tout à l’image d’un vieux couple grincheux bien au contraire, ils donnaient l’impression de se connaître par cœur et de se taquiner, comme une façon de se dire toute leur affection à mots couverts, dans une langue qui n’appartiendrait qu’à eux.

 

Un léger sourire aux lèvres, l’œil pétillant, des gestes mesurés, une élocution non pas lente mais posée et toujours précédée d’un temps de réflexion, Julio Ribera avait fait preuve de beaucoup de gentillesse et de patience lors de ces séances de dédicaces, alors qu’il faisait déjà parti des seniors parmi les auteurs invités. Il était comme ça Ribera. Ça avait l’air d’un type vraiment bien.

Musky a bien des raisons d'être triste...

Je garde un souvenir lumineux de nos rencontres, et je chéris les dessins dont il a bien voulu orner mes albums. J’ai du mal à dire lequel est mon préféré. Il y a la dédicace du tome 2 du Grand Manque que j’aime tout particulièrement car il y a sur une même page un dessin de Ribera, un mot de Christian Godard le scénariste et un autre de Claude Plumail qui l’avait assisté au dessin pour les décors. Il y a cette Musky qui pleure***, ces autoportraits jeune puis plus âgé dans son autobiographie, sa si chère Dracurella ou cette pin-up dans le tome 1 du Grand Scandale… et encore beaucoup d’autres. Mais je crois que si je devais en élire un seul, ce serait certainement son Alchimiste Suprême**** que je lui ai demandé dans le tome du Vagabond des Limbes du même nom. « Ola, attendez-voir, vous êtes sûr que vous voulez ce personnage ? Bon il va falloir me laisser un peu de temps pour me le remémorer, ça fait longtemps que je ne l’ai plus dessiné vous savez »… et pourtant il l’a dessiné, et il est superbe. Un chouette souvenir que cette journée-là.

L'Alchimiste Suprême vous salue !

Je dois en fait de nombreux très bons souvenirs à Julio Ribera, souvenirs impérissables de lecture, mais aussi quelques souvenirs d’échange dans la « vraie vie », moins nombreux mais qui auront durablement marqué ma mémoire. Pour tout cela, merci beaucoup monsieur Ribera.

Un grand et bon souvenir

Et dire que L’Engrenage, 32ème tome de la série du Vagabond des Limbes, qui apparemment devait également faire office de conclusion à la série, a été entièrement dessinée par Julio Ribera mais jamais sorti par Dargaud, pour je ne sais quelle (très mauvaise) raison liée à un changement de politique d’édition qui avait vu l’annulation de la série… Quel manque de respect et d’élégance de la part de l’éditeur français envers Julio Ribera et Christian Godard...

Axle Munshine verra-t-il son ultime aventure publiée ? Trouvera-t-il ses réponses ?

Avec son décès, c’est encore une de mes plus grandes références culturelles qui s’en va, me laissant un peu plus orphelin à chaque fois. Il vogue à présent à jamais au bord du Dauphin d’Argent d’Axle Munshine, un éclat un peu plus brillant que les autres au sein du firmament...

Ribera nous laisse l'univers imaginaire qu'il a co-créé en héritage...

* la liste est non-exhaustive, on peut citer d’autres de ses travaux, mais que je n’ai pas (encore) lus, tels que Tony Sextant, Pistol Jim, Le Barrage ou encore Viva Maria

** mon rêve secret ? Avoir une planche originale du Vagabond des Limbes, ou du Grand Manque accrochée chez moi à mon mur, mais ça n’est malheureusement pas dans mes moyens...

*** « ah bon ? mais pourquoi voulez-vous qu’elle pleure ? » m’avait-il questionné quand je lui ai demandé ce dessin, juste avant de s’exécuter. Je ne sais plus vraiment pourquoi, mais pendant un temps c’était comme un thème récurrent que je soumettais aux artistes qui me demandaient ce que je désirais comme dédicace, « leur personnage qui pleure »…

**** ou Dieu si vous préférez, mais vu par Godard et Ribera, c’est-à-dire pas exactement comme vous l’imaginiez !

L'Alchimiste Suprême, ou Dieu comme vous ne l'imaginiez pas !

NB : les auteurs ayant récupéré la totalité des droits en ce qui concerne Le Vagabond des Limbes, toutes les images illustrant cet article et tirées de la série sont sous copyright © Godard & Ribera

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2 mai 2019 4 02 /05 /mai /2019 08:11

Parmi les thèmes de réflexion qui me tiennent vraiment à cœur, tout ce qui touche à la relation d’un père à ses enfants m’est cher. J’y pense très souvent, j’observe autour de moi, cela nourrit bon nombre de mes cogitations… Le statut de fils, le statut de papa, l’évolution de l’un par rapport à l’autre et par rapport au reste du monde, tout cela me passionne. Avec de plus un double regard différencié, étant moi-même fils et père.

 

Tout particulièrement, ce qui me fait beaucoup réfléchir, c’est la notion d’héritage et surtout de transmission. Ce qu’on lègue à ses enfants, ce qui survit de soi en eux, et la façon dont ils vont un jour se forger leur personnalité propre, qu’elle soit en accord ou en rupture avec celles de ses parents. En disant cela, c’est à un très large spectre de domaines que je fais allusion. Qu’il s’agisse de la pure génétique, donc de l’hérédité biologique et physique, ou de la transmission de savoir comme de savoir-faire, mais aussi d’équilibre psychologique, de développement du libre-arbitre et du sens critique, de succession patrimoniale et matérielle ou encore de la passation des valeurs qui nous importent le plus, voire même d’une certaine forme de morale*. Tout ce qui vient directement de nous et va plus ou moins influer sur l’identité en formation et en devenir de nos enfants m’interroge. Et mine de rien, ça fait beaucoup de choses. Mais pas un seul jour sans que je n’y pense, fût-ce furtivement.**

 

Il se trouve que tout récemment j’ai fêté mes 44 ans. Outre le fait que ça commence à chiffrer, c’est aussi un chiffre théoriquement médian. Il y a déjà un bon bilan à faire, mais aussi encore a priori de belles perspectives pour l’avenir.

À cette occasion donc, j’ai été très gâté par mon entourage. De beaux cadeaux de toutes sortes, mais surtout et avant tout des présences, des attentions et des pensées de celles et ceux qui comptent pour moi. Que des choses qui touchent et réjouissent le cœur et l’esprit.

 

Et donc, au cours de ce week-end d’anniversaire, il s’est passé deux choses qui m’ont marqué, et que j’ai considéré comme mes deux plus beaux cadeaux.

 

La première c’est que Nathan a dessiné sa première BD (de 13 pages tout de même), une aventure inédite de Tintin et Milou :-) Cela fait presque deux ans que j’avais proposé un ou deux albums de Tintin à Nathan, qui les avait poliment acceptés et lus, mais apparemment sans plus de son côté. Je n’avais pour ma part pas cherché à insister. Certes Tintin a fait partie de mes premières et plus marquantes lectures, mais je pouvais comprendre qu’à presque 35 ans d’écart, les passions d’enfance ne sont pas si aisément transposables. Mais voilà qu’une frénésie de tintinophilie a pris Nathan depuis trois-quatre mois, et il a littéralement dévoré toute la collection, lu et relu plusieurs fois chaque album. Au point de se lancer donc dans la confection de sa propre histoire, avec de chouettes idées, de l’humour, des codes narratifs et visuels (les phylactères, les onomatopées, la dynamique, le séquençage, le jeu des perspectives) inhérents au médium BD déjà compris et intégrés. Ça m’a non seulement ravi, mais aussi et surtout empli de fierté.

Le capitaine Haddock c'est de la Culture aussi !

La seconde c’est que Tom, du haut de ses cinq ans dont il est si fier, a commencé de son propre chef, seul dans son coin, à se mettre à lire ! Jusqu’à présent il lui arrivait régulièrement de prendre des livres et de réciter de mémoire toute l’histoire page par page quand il la connaissait par cœur, ou alors de se lancer dans de belles improvisations en posant des textes et dialogues de son cru sur les images. Mais là c’est différent : maintenant qu’il connaît l’alphabet (ça fait partie de ce qu’il a appris en seconde section de maternelle cette année) il a eu l’idée d’appliquer ses toutes nouvelles connaissances à la lecture. Et donc on l’a surpris, très sérieux et concentré, à épeler les lettres d’un mot pour voir ce que ça fait comme son. Il a compris tout seul qu’un L suivi d’un A donnait le son « LA » par exemple***. Ça m’a laissé sur le cul : cette envie de lire, son initiative personnelle sans demander à quiconque de l’aide, et la jugeote dont il a fait preuve en ayant eu l’idée d’associer les sons des lettres pour former des mots, sans parler de la concentration intense qui lui est nécessaire à déchiffrer ce qu’il voit. Comme pour l’initiative de Nathan, celle de Tom m’a complètement surpris, époustouflé, et rendu très fier.

Des livres pour bien grandir...

Surtout, et c’est là où je voulais en venir, cela m’a rassuré sur plein de choses. Mon obsession de la transmission, et toutes les questions que je me pose à ce sujet y ont trouvé une réponse simple, nette, limpide. Pour moi qui ai un véritable amour pour les livres, une passion pour la BD et qui considère la lecture comme la base indispensable à la connaissance, et donc à la formation d’un esprit sain et d’une belle personne****, voir que l’intérêt pour les livres, pour les histoires, pour la lecture, l’envie de décortiquer les mots pour comprendre les textes -pour comprendre le monde qui nous entoure en fait- cet intérêt si cher à mes yeux était partagé par mes deux garçons sans que rien ne leur soit imposé, juste à leur propre initiative, comme dirait Brassens « ça m’a réchauffé le cœur ».

Je me dis que l’une des valeurs qui m’importe le plus leur a été transmise. Et ça me rend vraiment très heureux.

 

J’ai des gamins formidables. Ils sont tous les deux, au quotidien, mes plus beaux cadeaux.

Hulk pas content, by Tom

* bien que je n’aime pas beaucoup ce terme de morale

** comme je pense quotidiennement à beaucoup d’autres sujets, des plus futiles aux plus profonds (l’amitié, le chocolat, l’amour, la culture, les belles poitrines, le réchauffement climatique, l’art, le pouvoir de l’imagination et de la connaissance, etc… je vous laisse classer vous-mêmes par ordre d’importance)

*** ce qui nous a valu des questions du type « c’est quoi le son du H ? »

**** autrement dit l’aider à devenir un Mensch. Traduction littérale : un humain. Un type bien quoi.

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11 décembre 2018 2 11 /12 /décembre /2018 13:34

La fatigue, plus le temps de rien faire : on connaît tous ça. Dès lors qu’on a des enfants, c’est même une règle imposée, le quotidien inévitable. Inclus dans le contrat de parent.

Et évidemment, on s’en est tous plaint un jour ou l’autre, moi le premier.

 

Alors quand je suis tombé sur ce texte, magnifique, de Robert Lamoureux, habituellement plutôt connu* pour ses sketches loufoques et ses blagues de comptoir, je me suis dit que c’était une bonne idée de le partager ici. J’en dis pas plus, le texte se suffit à lui-même.

Vous me dites, Monsieur, que j’ai mauvaise mine,
Qu’avec cette vie que je mène, je me ruine,
Que l'on ne gagne rien à trop se prodiguer,
Vous me dites enfin que je suis fatigué.
Oui je suis fatigué, Monsieur, mais je m’en flatte.
J'ai tout de fatigué, la voix, le cœur, la rate,
Je m’endors épuisé, je me réveille las,
Mais grâce à Dieu, Monsieur, je ne m’en soucie pas.
Ou quand je m’en soucie, je me ridiculise.
La fatigue souvent n’est qu’une vantardise.
On n’est jamais aussi fatigué qu’on le croit !
Et quand cela serait, n’en a-t-on pas le droit ? 

Je ne vous parle pas des tristes lassitudes,
Qu’on a lorsque le corps harassé d’habitude,
N'a plus pour se mouvoir que de pâles raisons…
Lorsqu’on a fait de soi son unique horizon…
Lorsque l’on n’a rien à perdre, à vaincre, ou à défendre…
Cette fatigue-là est mauvaise à entendre ;
Elle fait le front lourd, l’œil morne, le dos rond.
Et vous donne l’aspect d’un vivant moribond. 

Mais se sentir plier sous le poids formidable
Des vies dont un beau jour on s’est fait responsable,
Savoir qu’on a des joies ou des pleurs dans ses mains,
Savoir qu’on est l’outil, qu’on est le lendemain,
Savoir qu’on est le chef, savoir qu’on est la source,
Aider une existence à continuer sa course,
Et pour cela se battre à s’en user le cœur…
Cette fatigue-là, Monsieur, c’est du bonheur. 

Et sûr qu’à chaque pas, à chaque assaut qu’on livre,
On va aider un être à vivre ou à survivre ;
Et sûr qu’on est le port et la route et le quai,
Où prendrait-on le droit d’être trop fatigué ?
Ceux qui font de leur vie une belle aventure,
Marquent chaque victoire, en creux, sur la figure,
Et quand le malheur vient y mettre un creux de plus
Parmi tant d’autres creux il passe inaperçu. 

La fatigue, Monsieur, c’est un prix toujours juste,
C’est le prix d’une journée d’efforts et de luttes.
C’est le prix d’un labeur, d’un mur ou d’un exploit,
Non pas le prix qu’on paie, mais celui qu’on reçoit.
C’est le prix d’un travail, d’une journée remplie,
C’est la preuve aussi qu’on marche avec la vie. 

Quand je rentre la nuit et que ma maison dort,
J’écoute mes sommeils, et là, je me sens fort ;
Je me sens tout gonflé de mon humble souffrance,
Et ma fatigue alors est une récompense. 

Et vous me conseillez d’aller me reposer !
Mais si j’acceptais là, ce que vous me proposez,
Si je m’abandonnais à votre douce intrigue…
Mais je mourrais, Monsieur, tristement, de fatigue.

 

* encore que, je vous l’accorde, pour tous ceux qui sont nés grosso-modo après la télévision couleur ce n’est pas l’humoriste le plus connu non plus ! N’empêche, je suis sûr que tout le monde, petits et grands, jeunes et moins jeunes connaissent au moins une de ses œuvres. Vous ne me croyez pas ? Et si je vous dis La Septième Compagnie ? Eh bien oui, c’était lui ! (il en a été le réalisateur et co-scénariste)

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13 novembre 2018 2 13 /11 /novembre /2018 19:17

Le grand, le cultissime, la légende Stan « The Man » Lee nous a quitté hier. Ok, il allait tranquillement sur ses 96 ans, on peut dire qu’il a eu une vie plus que bien remplie, qu’il a connu le succès et la renommée et en a profité longtemps. C’est vrai, n’empêche que savoir qu’il n’est plus de ce monde, rend le monde un peu moins beau.

Toutes les bonnes histoires ont une fin il paraît. Bullshit. En vrai on a tous envie que les belles histoires ne s’arrêtent pas, comme celles que nous racontait papy Stan.

Et d'un simple claquement de doigts...

Autant adulé que parfois controversé, Stan Lee a eu son lot de réussites mais a également été au cœur de quelques polémiques. Le bonhomme avait ses fans mais aussi ses détracteurs. On lui a reproché de trop tirer la couverture à lui, en particuliers pour ce qui était de récolter les lauriers de créateur de l’univers super-héroïque Marvel. Ce qui a été vrai un temps il faut bien le dire. Mais là-dessus, Stan Lee s’est bien amendé en soulignant systématiquement ces 20 dernières années qu’il n’était « que » co-créateur, et en louant sans cesse le talent des dessinateurs avec lesquels il a co-créé tous ces personnages de papier devenus de vraies icônes mondiales, de Spiderman à Daredevil en passant par les Fantastic Four, les X-Men et évidemment, les Avengers. Il est évident que le succès de Marvel, et donc de son porte-drapeau Stan Lee, n’aurait certainement pas été le même sans l’apport considérable de ces maîtres du dessin et génies de créativité que furent entre autres Jack « The King » Kirby, Steve Ditko, Gene Colan ou John Romita Sr. Des noms que les fans de comics vénèrent bien entendu, et à juste titre. Mais le nom que le grand public aura retenu, c’est bien celui de Stan Lee.

Stan Lee : une patte reconnaissable entre toutes !

Stan Lee n’était pas que, ou en tout cas n’était plus depuis bien longtemps, ce profiteur tant décrié par certains. Stan Lee, de son vrai nom Stanley Martin Lieber, c’était avant tout un bosseur invétéré. Entré dans le monde de l’édition par la toute petite porte à l’âge de 16 ans, en tant qu’assistant dans la maison d’édition d’un cousin par alliance (en gros il était homme à tout faire : préparer le café, acheter les sandwich, faire le coursier, vider les poubelles), il n’a pour ainsi dire jamais fait de pause depuis. Il devient rédacteur en chef de Timely (l’ancêtre de Marvel Comics) à 20 ans alors que la période est aux vaches maigres dans l’édition de pulps et de comic books. Quand à la fin des années 1950, les super-héros connaissent un début de retour en grâce (depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le genre était tombé presque à l’abandon) au travers de quelques publications DC Comics (avec la Justice League notamment), Stan Lee sent le vent tourner et décide de s’engouffrer dans le filon. Avec Jack Kirby il sort Fantastic Four #1 en 1961, et ce sera le début de la grande aventure Marvel. La grande idée de Lee c’est que les super-héros doivent être plus « proches » des lecteurs. Ils doivent avoir leurs failles, leurs défauts, ils doivent apparaître comme humains alors même que ce sont des « surhumains ». Ainsi Tony Stark, l’alter ego d’Iron-Man a un sérieux problème d’alcoolisme. Ben Grimm alias la Chose souffre de son physique de « monstre ». Peter Parker alias Spiderman* est un étudiant orphelin, pauvre, binoclard et souffre douleur de son lycée. Matt Murdock (Daredevil) est lui aussi orphelin et aveugle. Donald Blake, dans le corps duquel s’est réincarné Thor, boîte et marche à l’aide d’une canne, etc... Et cette formule révolutionnaire pour l’époque marche du tonnerre puisque très rapidement Marvel surpasse DC et devient l’éditeur le plus lu en matière de comics de super-héros.

Quand Stan Lee a mené Marvel au sommet...

Stan Lee c’est aussi celui qui a instauré la « méthode Marvel » de création : tous les dessinateurs travaillent ensemble au sein d’un studio, Stan Lee écrit la majorité des scénarios mais de manière assez sommaire, puis donne carte blanche aux dessinateurs pour développer les détails de l’histoire et découper les planches à leur guise, avant de reprendre les planches terminées et d’y accoler les dialogues qu’il écrit intégralement. C’est pourquoi de nombreux détails qui font toute la richesse de certains héros incombent souvent plus aux dessinateurs qu’à Stan Lee lui-même. C’est d’ailleurs de là que naîtront plus tard les polémiques sur la paternité de certains personnages et la renommée qu’en a tirée Stan, bien supérieure à celle de ses compères dessinateurs, et le sentiment d’une sorte d’injustice du point de vue de la reconnaissance des mérites de chacun. De là à dire qu’il était dépourvu de talent et profitait de celui des autres, honnêtement je trouve que c’est tomber dans l’exagération opposée. Il n’a évidemment pas créé seul tous ces héros, mais il est le dénominateur commun à toutes les créations Marvel des années 1960, et il aura à chaque fois laissé sa patte sur chacune d’entre elles. Et le moins qu’on puisse faire, c’est de reconnaître sa propension à s’entourer de dessinateurs très talentueux et qui plus est de tirer le meilleur de chacun d’eux !

En compagnie de John Romita Sr

Stan Lee c’était aussi, et je suis même tenté de dire avant tout, un communiquant de génie. Bien plus encore qu’un scénariste de talent ou qu’un formidable raconteur d’histoires. Pour être honnête, je vous mets au défi de lire ses premiers épisodes des X-Men, de Spiderman, de Thor ou des Fantastic Four et de ne pas trouver cela trop verbeux. Mais c’était le style qui marchait alors. Un style daté aujourd’hui. Stan Lee a tenu les rênes de Marvel pendant longtemps, et a écrit de très nombreuses séries de front pendant des années avant de petit à petit passer le flambeau (à son second Roy Thomas pour les Avengers par exemple), faute de temps. Parce que ce qui intéressait encore plus Stan que l’écriture, c’était la promotion de l’univers Marvel (et les mauvaises langues de rajouter « et de sa propre personne »). Stan Lee c’était un homme d’image, qui aimait se mettre en scène personnellement et promouvoir de toutes les façons possibles les super-héros de sa firme. Quand il quitte dans les années 1970 son poste de Rédacteur en Chef de Marvel, c’est pour en devenir l’image publique et l’ambassadeur numéro un dans les médias. Car avec 25 ans d’avance sur le succès des films de super-héros, Stan Lee pressent que c’est au cinéma et à la télévision que se trouve l’avenir de ses personnages.

Stan The Man, prêt à tout pour promouvoir les comics Marvel !!

Il aura du reste vu juste, puisque c’est aussi grâce aux films, à partir du succès du premier X-Men (en 2000), que la firme Marvel va lentement se redresser après des années 1990 catastrophiques (qui l’ont même menée jusqu’à la banqueroute et le rachat par une marque de jouets, Toy Biz) et qu’il va revenir sur le devant de la scène par un biais inattendu : celui de ses caméos au cinéma, au départ une private joke devenue une véritable institution puisqu’il apparaîtra dans chaque film tiré de l’univers Marvel à partir de 2000. Producteur exécutif de toutes les adaptations cinématographiques, invité de prestige sur tous les tapis rouges d’avant-première des films, Stan Lee va redevenir ce qu’il n’a finalement jamais cessé d’être : le symbole de Marvel, et une véritable icône de la Pop Culture.

Au milieu des héros...

Pour ma part, ce que je retiens de lui avec émotion, c’est d’abord et avant toute chose la fameuse mention « Stan Lee présente : » au début de chaque aventure que je lisais gamin dans mes Strange, Titans, Spidey et consorts… Cela faisait pourtant des années qu’il n’écrivait plus les histoires que j’y lisais, mais c’était pourtant son nom qui apparaissait partout, tel le gardien omniscient du temple Marvel…

 

Ce que je retiens aussi, bien que ce soit parfaitement anecdotique, ce sont toutes ses petites expressions maison qu’il collait dans ses comics. Depuis son fameux « Excelsior ! » à son « ‘Nuff Said ! », en passant par toutes ses touches humoristiques et les adjectifs extravagants dont il affublait ses collaborateurs qu’il présentait en première page de ses histoires.

Stan Lee : le sens de la formule

Mais c’est aussi sa bonhomie, son sourire malicieux, son extraordinaire capacité à raconter ses souvenirs de la grande époque de Marvel, ses petites anecdotes qui émaillaient toutes ses interviews et tous les documentaires dans lesquels il est apparu, sa stature de légende des comics, ses caméos rigolos dans les films… Stan Lee c’est tout ça et bien plus encore. De par sa longévité et son dynamisme sans faille, alors même qu’il n’avait plus rien produit de marquant dans le domaine depuis des décennies, il était et est resté jusqu’au bout, la figure tutélaire des comics de super-héros.

 

C’était devenu une habitude autant qu’un petit plaisir personnel pour moi de suivre régulièrement son compte twitter où il apparaissait parfois en vidéo pour y raconter de vieux souvenirs, et où étaient postés de temps en temps de vieux documents d’époques, des photos marrantes, des extraits de pubs incroyablement kitsch des années 70… encore un petit plaisir qui disparaît…

Sur tous les fronts !

Avec Stan Lee c’est une icône de la Pop Culture qui s’éteint, et un peu le grand-père qu’on aimait bien écouter raconter ses vieilles histoires qui s’en va. Thank you mister Stan Lee, pour avoir été à l’origine d’un univers qui m’aura offert tant de bons moments de lecture. Vous allez beaucoup manquer.

Bye Stan...

* Spiderman qui a d’ailleurs perdu ses deux papas cette année, puisque Steve Ditko, le tout premier dessinateur du tisseur et celui qui a créé son costume qui ne s’est jamais démodé depuis, est décédé lui aussi, le 29 juin 2018 à 90 ans.

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26 octobre 2018 5 26 /10 /octobre /2018 09:12

Une légende de la musique américaine pur jus a tiré sa révérence. Le roi du swamp rock, un des plus talentueux slow-hands au monde, le poète made in Louisiane, le bluesman à la voix grave... ce vieux crocodile de Tony Joe White est mort ce mercredi 24 octobre. Il avait 75 ans.

 

 

Le premier de ses albums que j’ai écouté en boucle fut Closer to the Truth (sorti en 1991) qui gardera toujours cette saveur particulière à mes oreilles, celle de la découverte d’un artiste rare. Depuis je suivais ses disques qu’il sortait avec une belle régularité. J’ai même eu la chance de le voir (enfin!) en concert en novembre 2016 au New Morning, j’y avais emmené avec moi Marie, ma petite sœur et mon ami Nono pour leur faire découvrir le guitariste du bayou.

 

Tony Joe White était un monument de mon univers musical, au même titre qu’un J.J. Cale ou qu’un Eric Clapton. Il me manque déjà.

 

Thanks Dude.

 

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4 juin 2018 1 04 /06 /juin /2018 08:25

Il y a des chiffres comme ça qui impressionnent. Ou même qui font peur !

Pour moi par exemple, c’est le cas du chiffre 100.

 

L’autre jour je me lave les mains, dans la salle de bain chez ma mère. Au sol sous le radiateur, j’avise du coin de l’œil le pèse-personne.

Typiquement le genre d’instrument que je n’ai pas chez moi. Je me dis « tiens, si je me pesais pour voir ? ». Et là boum ! 100,4 kg qui s’affichent sur l’écran numérique. Ça m’a fait comme un petit choc.

 

Bon, je ne vais pas dire que je n’avais pas remarqué que je m’élargissais un tantinet ces derniers temps. D’ailleurs il y a quelques mois j’avais déjà été assez attristé de constater que la barre des 90 kilos était assez largement dépassée. Mais de là à tutoyer le quintal, j’aurais pas cru.

 

Va peut-être falloir que j’essaie de faire quelque chose pour stopper l’inflation. Voire même songer sérieusement à dégraisser le mammouth pour reprendre une formule allègrienne.

 

Pffff….

Oh my God...

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28 mai 2018 1 28 /05 /mai /2018 08:28

On a tous un jour ou l’autre le bourdon. Je ne vous parle pas d’être juste de mauvais poil, mais bel et bien de broyer du noir. D’être démotivé, de se sentir impuissant, de se dire que « de toute façon c’est foutu ». On a tous connu ça. On connaît tous ça. Ça va, ça vient, ça se fait oublier puis ça réapparaît à la surface. On ne sait même pas exactement pourquoi, c’est juste comme ça. Moi ça me l’a fait lors des attentats de Charlie Hebdo par exemple. Ou quand j’ai appris que Leonard Cohen nous avait quitté. Parfois aussi ça peut juste s’avérer être une conjonction de micro-événements qui mis bout à bout réveillent ce sentiment de blues profond contre lequel on se sent désarmé.

 

Mais j’ai une arme fatale contre ça. Un truc contre lequel le pessimisme et l’abattement ne résistent pas une minute. Les enfants. Mes enfants, Tom et Nathan.

Petit patchwork hétéroclite de situations du quotidien, trois fois rien en réalité, mais qui me redonnent invariablement la banane…

 

Quand après le repas du soir, la brosse-à-dents dans la bouche, ils chantonnent Blues, booze and rock’n’roll de Manu Lanvin

 

Quand le soir après les devoirs on se cale tous les trois sur le canapé pour regarder un ou deux épisodes d’Ulysse 31 ou Capitaine Flam

Ulysse, Nono, Télémaque et Thémis

Quand ils se font un parcours du combattant chronométré style Koh-Lanta dans le jardin, à grand renfort d’escalade de balançoire et de toboggan…

 

Quand chaque dimanche après-midi on regarde un film en famille, tous ensemble agglutinés devant la télé...

 

Quand on lit ensemble un passage du Tournoi des Champions, le comics que j’ai lu des dizaines de fois enfant et qui passionne tout autant les miens 35 ans plus tard...

Le Tournoi des Champions, édition 2018

Quand Tom demande s'il peut tremper sa banane dans sa crème au chocolat en précisant que « ça doit être super bon ! » ...

 

Quand Nathan me demande dans la voiture après avoir écouté Highway to Hell d’AC/DC : « on peut le remettre s’il-te-plaît ? »…

 

Quand Tom, du haut de ses 4 ans prend un comics et raconte l’histoire à voix haute, en inventant les dialogues et les histoires en fonction des dessins qu’il voit en tournant les pages…

 

Quand Nathan me parle de mosasaure, de parasaurolophus, de dilophosaure, d’argentinosaure, de dunkleosteus, de quetzalcoatlus ou de liopleurodon…

C'est ça un liopleurodon !

Quand Tom me parle de Peter Quill, Dark Wolverine, Bucky, Blitzkrieg, Nova, Faucon Pèlerin, Iron Patriot, Sasquatch, Docteur Druid, Carnage, Sabra, Quicksilver, Mockingbird… et me pose plein de questions à leur sujet...

 

Quand Nathan se lève le week-end, et en attendant que le reste de la maisonnée se réveille, s’installe devant l’ordinateur et regarde une ou deux émissions de C’est pas sorcier sur youtube, passant de sujets en sujets, aussi divers que variés, tels que le traitement des eaux usées, les casques bleus de l’ONU, la formation de la grêle pendant les orages, les serpents, le rugby, les inondations à Venise, les méduses, le billard,…

 

Quand mes deux loulous débattent des forces et pouvoirs comparés de Kylo-Ren, K-2SO, des jawas ou des gardes rouges, ou encore des différents vaisseaux spatiaux de Starwars

 

Quand mes deux petits mélomanes me supplient après le repas de mettre un ou deux clips de Nathaniel Rateliff and the Night Sweats, si possible Hey Mama avec ses voitures qui défilent à l’écran, ou encore comme dirait Tommy « Au galop » (traduisez par Need never get old !), « mais si tu sais quand ils se déguisent en papys à la fin ! »…

Nathaniel Rateliff and the Night Sweats "déguisés en papys" ;-)

Quand Nathan est tellement concentré et absorbé par la BD qu’il est en train de lire qu’il ne la lâche pas et continue à lire tout en s’habillant ou en marchant…

 

Quand Tom se fait des doigts-framboises en empalant sur chaque doigt la plus grosse framboise possible, ce qui le rend hilare mais n’entame en rien l’appétit avec lequel il engloutira les fruits dans la foulée…

 

Quand Nathan revient tout fier avec sa seconde étoile à la fin de sa première saison de ski alors qu’il était inscrit chez les flocons, et que Tom qui a pour sa part ramené la médaille « Garoloup » demande à ce qu’on l’accroche sur son pyjama…

 

Quand avec mes deux fans de super-héros on passe en revue les vrais noms des personnages, à coup de « qui est Peter Parker ? », comment s’appelle Iron-Man ? » ou « qui est Natasha Romanoff ? » avant de passer à des plus difficiles comme « qui est Pietro Maximoff ? », « comment s’appelle Dents-de-Sabre ? » ou encore « qui est Walter Langkowski ? »…

Monsieur Walter Langkowski !

… dans ces moments et dans bien d’autres encore, le positif l’emporte haut la main sur tout le reste, l’avenir qui paraissait sombre s’éclaircit à tous les coups, et le bonheur se conjugue simplement, au présent.

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23 avril 2018 1 23 /04 /avril /2018 10:32

Que le temps passe vite.

Cela fait un an pile que Nono et moi nous envolions pour la première étape de notre tour du monde !

 

Quiconque nous aura suivi sur notre blog dédié sait déjà que l’aventure fut exceptionnelle et les paysages visités magnifiques.

 

Je n’y reviendrai donc pas en détail, mais je tenais cependant tout de même à marquer le coup en y consacrant ces quelques mots.

 

Je ne veux pas parler au nom d’Arnaud, bien que je pense pouvoir avancer sans trop me tromper que pour lui aussi, notre escapade à travers le monde fut une belle expérience.

 

Inutile donc de trop m’appesantir sur tout ce que nous avons pu voir durant ce voyage, ça a déjà été mis en ligne au jour le jour sur le blog et retranscrit plus tard sous la forme d’un livre que je me suis amusé à mettre en page après notre retour.

Au large des Twelve Apostles...

Mais ce que je tenais à dire ici, s’adresse pour une part à Arnaud, et d’autre part à Marie, Nathan et Tom.

 

C’est tout simple et ça peut se résumer en un seul mot : merci !

 

Merci à Nono pour m’avoir entraîné dans son sillage, pour m’avoir rassuré quand je flippais à mort que le projet foire pour une raison ou une autre (qu’elles soient rationnelles ou irrationnelles), pour sa positive attitude de chaque instant, pour ses qualités d’organisation, de bonne humeur, de volonté, d’humour. Pour m’avoir laissé m’amuser à faire parfois un peu n’importe quoi avec notre blog. Pour être d’un naturel aussi simple et facile à vivre au quotidien (parce que pour partir pendant 48 jours 24h/24 avec quelqu’un, faut vraiment bien s’entendre !). Pour toutes ses bonnes idées, ses solutions, sa réactivité, son enthousiasme. Pour avoir aussi accepté d’injecter ma part de suggestions (ne serait-ce qu’en ce qui concerne les différentes étapes du voyage) dans son rêve de départ à lui. Pour m’avoir expliqué les règles du base-ball quand on est allé voir les Dodgers. Pour m’avoir expliqué les règles de base de la conduite avec boîte automatique. Pour m’avoir fait goûter du crabe à Santa Barbara (si si, même pour ça !). Pour tout ça, pour son amitié, et pour bien d’autres choses encore. Merci.

 

Et un merci très spécial à ma fée et mes deux loulous. Merci d’avoir accepté de me laisser partir aussi longtemps et aussi loin. Merci d’avoir compris mon envie et les raisons qui m’ont poussé à me lancer dans ce projet. Merci d’avoir fait tous ces efforts d’organisation pour me permettre de m’absenter pendant 48 jours tout en continuant d’assurer la vie quotidienne sans moi. Merci d’avoir partagé avec autant d’enthousiasme mon bonheur et mes souvenirs, de vous être autant intéressés à ce voyage. Merci de m’aimer assez pour ça.

 

Et enfin, merci à vous quatre, de m’avoir permis de réaliser ce rêve.

Au bord du Grand Canyon...

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9 avril 2018 1 09 /04 /avril /2018 16:30

- Vous avez l’heure please ?

- Il est 17h30.

- Quel jour on est déjà ?

- Ben, lundi.

- Non mais, je voulais dire quelle date ?

- Le 9 avril, pourquoi ?

- Ok, et l’année ?

- L’année ?! Mais enfin, 2018 bien sûr !

- 2018 déjà ?… bon sang, il semblerait que j’ai un peu de retard…

- Du retard ?

-’tendez, laissez-moi calculer… voilà c’est ça : 4 ans, 3 mois, 15 jours et 2h30 de retard.

- Ah ouais, quand même !

 

 

Eh oui, cela fait un peu plus de 4 ans maintenant, que j’ai posté ici mon dernier article « régulier ». Après cela j’ai encore mis en ligne quelques papiers, mais pour des événements bien particuliers, pour lesquels je ne pouvais pas garder le silence. L’horreur de l’attentat de Charlie Hebdo en janvier 2015. Mes 40 balais fêtés en grande pompe avec ceux que j’aime devant un concert privé et à la maison de Fred Blondin en avril 2015. La mort de Leonard Cohen, triste souvenir de novembre 2016. Le Tour du Monde que j’ai fait en compagnie de mon ami Nono en avril 2017. Le départ d’un autre géant de mon univers musical avec le décès de Tom Petty en octobre 2017. Un tout petit article en forme de vœux en janvier 2018, histoire de teaser discrètement ce retour en ligne, et puis enfin un article en mars dernier pour partager tout le plaisir que j’ai eu à revoir enfin un nouvel album de Fred Blondin en vente dans les bacs…

Offline is the new luxury

Et si on se payait un petit luxe ?

C’est pas que je n’avais rien à dire pendant ces 4 années. J’en ai vues, lues, entendues des choses qui auraient mérité un commentaire (cela dit j’ai continué tout ce temps à alimenter la petite rubrique « Avis vite dits » où je chronique en quelques mots films et séries que je me suis mis sous la rétine). Mais écrire régulièrement ici, … j’en avais l’envie mais plus la flamme. Les idées étaient là, mais plus les mots pour les dire. Je ne sais pas vraiment pourquoi, c’était juste ainsi. Peut-être un sentiment de manque de légitimité. D’où je me prends le droit d’écrire ce que je pense, et surtout qu’est-ce qui me fait croire que ça puisse intéresser quiconque ? J’ai aussi ressenti une vraie lassitude, pour ne pas dire carrément un rejet de la « vie online » en général, et tout particulièrement de tout ce qu’on regroupe sous le nom générique de « réseaux sociaux ». Quel que soit le sujet, grave ou léger, personnel ou universel, intéressez-vous à un thème et surfez sur le web. Parcourez des forums, lisez des commentaires, baladez-vous sur facebook ou n’importe quelle plateforme communautaire. Et ce que vous y voyez, de plus en plus souvent et couramment, fait peur. À tous points de vue. Je passe sur les trucs quasi-illisibles écrits avec les pieds dans des moufles, pour lesquels il faudrait être diplômé en cryptologie pour y déloger le début d’une idée cohérente. Même l’approche purement phonétique ne permet pas toujours de saisir le sens de certains mots qui s’apparentent plus à des hiéroglyphes. Et là, je ne parle que de la forme, parce que si on se penche sur le fond… alors là, misère !

Nolege is power

... and I'm so powerfool

Entre la bêtise crasse, l’intolérance et le « moi je », il ne reste pas grand-chose à sauver. Le débat, celui où des choses peuvent être dites clairement, posément, où les arguments et contre-arguments peuvent être explicités de manière à la fois intelligible, respectueuse et dépassionnée, celui où l’on peut avoir des avis différents sans se traiter de tous les noms, celui où les idées sont au centre des discussions et non pas les conflits de personnes, ce débat-là je vous souhaite bonne chance pour le trouver sur le net. Car il est quasi-systématiquement enseveli sous des tonnes et des tonnes d’invectives, d’injures, de moqueries, de violences verbales si ce n’est de menaces physiques. D’autant qu’il y a carrément des sujets dont il est devenu tabou, si ce n’est explicitement interdit, de parler. Au premier rang desquels les religions, puisqu’un « bon » croyant qui va au bout de sa logique coupera court à tout embryon de discussion sur des sujets qui pourraient remettre en cause son dogme, au motif du blasphème pur et simple. Moi qui croyais que le délit de blasphème faisait partie du passé révolu de notre civilisation, je me rends compte avec désarroi qu’il revient sur le devant de la scène publique avec une vigueur qui me fait froid dans le dos… Osez seulement prononcer des mots comme « Mariage pour tous », « Islam » ou « Juif » sur un forum de discussion et vous verrez ce qui va se déclencher et vous tomber sur le dos en moins de temps qu’il ne faut pour le dire…

To chose to be stupid on the internet

Et si on optait pour l'intelligence pour changer ?

Affligeant également de constater la connerie abyssale de certains sites (étonnamment nombreux) qui promeuvent les textes sacrés tout en dénonçant les sciences comme de fausses vérités et amènent certains à des extrémités de bêtise si puissante qu’ils remettent en question voire rejettent en bloc des disciplines telles que la paléontologie, l’astronomie, la biologie, la physique ou même la géométrie. Au bénéfice de monumentales couillonneries comme la théorie de la Terre Plate, la théorie selon laquelle les hommes ne seraient jamais allés sur la Lune ou celle qui laisse croire que ce sont les autorités américaines elles-mêmes qui auraient organisé les attaques terroristes du 11 Septembre 2001. La palme au Créationnisme évidemment. Et pêle-mêle vous serez bien heureux d’apprendre que les Égyptiens de l’Antiquité se sont servis de dinosaures pour construire les pyramides et que la Finlande n’existe pas mais est une invention de la Russie et du Japon pour pouvoir pêcher tranquilles dans une mer secrète... Je vous vois rire sous cape, mais ce ne sont pas des blagues, des gens y croient vraiment ! Bande de naïfs que vous êtes à prendre pour argent comptant tous ce qu’on essaie de vous apprendre à l’école...

Je passe sur les polémiques qui sont truffées de fake-news qui mènent à une hystérisation des sujets sans qu’il ne soit plus possible d’en parler calmement : le rejet aveugle des vaccins, la théorie du grand remplacement, le climato-scepticisme… à chacun son délire, à chacun ses psychoses. On croule sous les hoax, les informations virales et non vérifiées. Il suffit que ce soit écrit quelque part sur un obscur site internet, même si c’est par un type à moitié analphabète, pour que tôt ou tard ce soit relayé et cru par un nombre croissant de gens qui aiment donner foi au farfelu et à l’improbable tout en rejetant aveuglément tout ce qui s’apparenterait à de la science et sortirait un tant soit peu du domaine de la croyance.

 

Et c’est bien là, selon moi, le point commun entre théories du complot fumantes et religions ou sectes de tous poils : tout repose sur la croyance (donc sur la naïveté des gens et l’emprise des forts sur les faibles) et le rejet de la connaissance et de l’éducation. Réfléchir n’est pas une option, c’est même fortement déconseillé.

Ignorance is a choice

Alors que choisissez-vous ?

Plus je m’aventure sur internet, et plus je tombe sur ce genre de choses, qui honnêtement, me désespèrent du genre humain. C’est de plus en plus difficile d’y échapper. Il reste bien les sites de news qui relatent les folles aventures des héros de télé-réalité mais bon, fuir la connerie pour se retrouver à se vautrer dans des âneries… Même sur un site de news de cinéma par exemple, pour peu que la section « commentaires » des articles soit ouverte, ça tourne inévitablement à l’empoignade et à l’étalage de délires et d’obscénités*. Un truc de fou.

 

À quoi ça tient ? Je pense que l’internet, outil de communication merveilleux sur le papier, s’avère dans les faits accoucher de phénomènes incontrôlables et assez monstrueux. Tout le monde a voix au chapitre, ce qui en théorie encore une fois, est plutôt une bonne chose. Mais « tout le monde » ça englobe les idiots, les illuminés, les incultes, les ravis de la crèche, les pères-la-morale, les « je sais tout » et de manière générale aussi ma catégorie favorite, « les connards ». Ajoutez à cela le fait (et ça a été démontré) que l’on est beaucoup plus bête au sein d’une foule que seul ou en petits groupes, et vous obtenez des ravages dans les têtes des gens. Après c’est simple, comme bien souvent dès qu’il y a beaucoup de monde, c’est celui qui parle le plus fort et qui s’affirme donc le plus qui finit par avoir raison et l’emporter sur les autres, quelle que soit la teneur de son discours. Malheureusement c’est bien triste, les imbéciles parlent en moyenne beaucoup plus fort que les autres, et ceci s’explique par un fait méconnu mais parfaitement logique quand on y pense : le-dit crétin parle fort à la base pour couvrir le bruit du courant d’air violent qui sévit entre ses oreilles.

Du coup vous aurez vite fait la relation entre ces 2 équations sociologiques : le plus con parle plus fort, est plus entendu, et a finalement plus de chances d’être cru et suivi. D’où la prolifération de sites qui présentent et défendent des théories folles par rapport au petit nombre de sites qui tentent de démonter méthodiquement et scientifiquement les hoax et autres canulars viraux, CQFD.

Attention au vide Danger

Quand tu regardes le Néant, le Néant te regarde...

On parle souvent aussi de l’effet de l’anonymat qui libère la parole de gens qui n’oseraient pas dire des énormités à visage découvert, mais sincèrement je crois que c’est de moins en moins vrai. Ça a certes pu en décomplexer pas mal au départ, mais aujourd’hui j’ai la très nette impression que plus on est con, plus on est fier de le faire savoir et de le revendiquer devant le monde entier… Pire même : on dirait que c’est devenu un des droits les plus fondamentaux et inaliénables du-dit con !

 

Et donc dans tout ça me voilà moi, conscient de toute cette cacophonie webesque, confronté à ce dilemme cornélien : j’ai bien envie moi aussi de l’ouvrir, j’ai des choses à dire, mais je n’ai aucune envie de tomber dans le même piège à gogos que je viens de décrire à peine quelques phrases plus haut. C’est plutôt contradictoire je dois bien l’admettre. Si je veux rester cohérent avec tout ce que je viens de dénoncer, la conclusion logique serait de surtout continuer à fermer ma gueule. L’autre solution serait de prendre le contre-pied et de dire que je m’élève contre la connerie ambiante et que si j’écris, c’est parce que « moi je le vaux bien » ! Mais bon, là ça manquerait cruellement de modestie (et d’objectivité ?) vous en conviendrez.

Culture ou servitude selon Camus

Ça n'est pas moi qui le dis...

Alors quoi faire ?

 

Eh bien j’en suis arrivé à cette idée. Pourquoi ne pas écrire, prendre position, donner des avis, tout en tâchant du mieux que je peux, de bien garder tout ce que je viens de dire en tête ? De bien avoir conscience que je ne dois surtout pas me croire détenteur de la Vérité Vraie. De défendre mes idées (quand j’en ai !) sans pour autant vouloir les imposer coûte que coûte au monde entier. D’expliquer, de démontrer et d’argumenter** du mieux possible plutôt que d’user de la facilité des arguments d’autorité. De privilégier la réflexion, la volonté de découvrir et d’apprendre***, l’ouverture d’esprit, l’écoute et l’échange. Ce qui n’empêche en rien d’avoir des avis ou des convictions, bien au contraire même, ne serait-ce pas là la meilleure manière de les tester et de les consolider quand ils s’avèrent être concluants ?

 

Je ne peux pas m’empêcher de me dire que malgré tout, malgré toutes mes bonnes intentions, ça reste bien casse-gueule quand même. Auquel cas je fais appel à vous, et je vous fais confiance pour ça : n’hésitez pas à me rappeler à mes bonnes intentions si vous constatez que je m’en éloigne de trop ! Et si vous m’entendez dire d’un film ou d’un bouquin que c’est de la merde et qu’il ne faut surtout pas le voir ou le lire sans autre forme de procès, crucifiez-moi en place publique !!****

Toi, tu sors

Toi, tu sors.

Alors maintenant que les règles du jeu sont claires pour tout le monde, sachez que pendant que je n’écrivais pas, c’est pas comme si j’avais bullé pour autant !

Je suis un fan hardcore de listes, j’ai donc scrupuleusement tenu plusieurs d’entre elles (sur mes lectures ou les films que j’ai vus au cinéma par exemple) ce qui me permet de vous dire qu’après recomptage, j’ai actuellement 124 livres ou romans et environ une grosse centaine de films vus au cinéma en retard à chroniquer (et je n’aborde même pas le sujet des séries télévisées, des concerts ou des bandes-dessinées, innombrables, qui m’ont nourri pendant tout ce temps). Ce qui fait un sacré taf, j’aime autant vous le dire. D’autant que d’ici que je rattrape ce retard, j’aurais de nouvelles lectures et de nouveaux films qui se seront rajoutés au total. Bref, le truc sans fin quoi. Sisyphe’s style.

Quand faut y aller

Bon ben quand faut y aller...

L’une des principales conséquences de tout ça, c’est aussi que prochainement je risque de proposer certains articles plus très en phase avec l’actualité culturelle du moment...

 

Vous êtes partants quand même ?

Alors à bientôt sur ce blog…

Blink if you want me

Do you want me ?

* obscénités dans le sens « trop idiot ou insensé pour qu’on ose -en temps normal- le dire »

** « il faut convaincre et non pas vaincre » comme l’a chanté un guitariste renommé que j’invite parfois à pousser la chansonnette pour mon anniversaire ;-)

*** d’aucuns nommeraient cela de la curiosité, et il y en aurait même pour la dénoncer telle un vilain défaut !!

**** cette règle ne s’applique pas à Secret Story, les Anges de la Télé-Réalité et Les Ch’tis Vs les Marseillais, ça c’est vraiment de la merde et il ne faut pas regarder.*****

***** l’argument qui consiste à dire « mais moi c’est que pour mater les gonzesses de toute façon je coupe le son » est certes une circonstance atténuante que vous pourrez mettre en avant pour votre défense, mais ne sera pas suffisante pour vous dédouaner totalement, ce que vous faites se rapproche tout de même dangereusement de la collusion avec l’ennemi voire du soutien caché envers entreprise terroriste contre la pensée******

****** cette exception à la règle possède elle-même une exception : il ne vous sera jamais et en aucun cas reproché de regarder les rediffusions de l’émission l’Île de la Tentation (attention uniquement les premières saisons diffusées à l’époque sur TF1), parce que ça quand même c’était trop fort. Tellement con et énorme que c’en était hilarant. À croire d’ailleurs que la connerie elle-même se dégrade : dans le temps elle était de qualité, on pouvait en rire, aujourd’hui elle fait au mieux bâiller, au pire vomir, mais presque plus jamais rire… signe des temps...

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