[Stop.
Rembobinage, Retour Rapide.
Stop.]
Lundi 10 février 1997, 21h00…
… un lundi soir d’hiver, à Valenciennes, rue des Anges … la soirée s’annonce passionnante ! J’ai le choix : je peux m’envoyer un comics (Panini vient tout juste de reprendre la licence Marvel, il y a plein de nouveaux mensuels qui remplacent de mes Strange et Titans habituels), ou sortir boire un pot au Paradis de la Bière (mais c’est loin, il fait froid et les potes sont un peu frileux), ou aller au cinéma de quartier (mais à part le Didier d’Alain Chabat que j’ai déjà vu, il n’y a rien qui me branche cette semaine). Ou bien réviser mes cours tiens. Non faut pas déconner non plus hein. Allez va, voyons voir ce qu’il y a à la télé, on trouvera bien un truc à mater1.
L’écran 51 cm de ma superbe télévision à tube cathodique s’allume, je zappe comme un fou : depuis que je suis à Valenciennes je capte M6, révolutionnaire2 !
Je tombe sur France 2, c’est la retransmission des Victoires de la Musique… mouais, pas ma tasse de thé d’habitude, toujours les mêmes têtes et les mêmes sons qui passent… c’est pas demain la veille que je verrai un Christian Décamps dans ce genre d’émission… Mais bon, en fond sonore, et à défaut de mieux, ça fera l’affaire…
Tiens qu’est-ce que je disais : le Pascal, le Florent, la Zazie, la Ophélie… quelle originalité ! Et puis c’est pas comme s’il y avait du suspense non plus : c’est évident que Aznavour et Barbara vont remporter la timbale, y a pas photo avec les autres ! Ah chouette, quand même dans les groupes il y a Les Innocents et Noir Dèz, j’espère qu’ils vont pas se faire griller par les NTM, ce serait un comble. Bon bah finalement, je vais me lire un petit Amazing Spider-Man moi…
« … tout larguer, balayer la ville … les pieds dans la mer, immobile … là où tout semble si facile ... »
… ! … attends, c’est quoi cette voix de ouf ? Je lâche ma BD cinq secondes, faut que je vois qui chante-là… C’est un grand gars, belle gueule, inconnu au bataillon, jamais vu, jamais entendu non plus. Mais quelle put### de voix il a ce mec ! Bon attends, je note son nom. Quand ils veulent ils le redonnent hein ! Nommé dans la catégorie révélation variétés de l’année, blablabla… Ah ça y est : Fred Blondin, tiens c’est marrant, Blondin comme Clint Eastwood dans Le Bon, la Brute et le Truand ! Enfin bref c’est noté sur un papelard. Ce serait cool qu’il gagne tiens, j’ai bien aimé cette chanson.
…
… et la révélation de l’année est … Juliette !
Pfff… pas mon trip. Dommage pour le gars Fred là. Faudra que je vois ce qu’il fait quand même un de ces jours…
[Stop.
Avance Rapide.
Stop.]
Mardi 11 février 1997, 17h00…
… pas fâché de sortir de ce cours soporifique… j’ai du bol, il fait un peu moins froid aujourd’hui, tiens je vais en profiter pour faire un saut chez le disquaire3 ! C’est cool quand même d’avoir un disquaire à 200 mètres de chez soi. Pas pour les économies, mais pour le confort auditif et le moral, oui ! Bon alors, le bac des nouveautés… j’ai noté le nom du mec d’hier soir, là je l’ai : Fred Blondin, l’album J’voudrais voir les îles, je confirme c’est bien lui. Allez, emballé c’est pesé, je vais m’écouter ça tranquillou4 ce soir.
…
La vache, j’ai bien fait d’acheter cet album, j’ai eu du pif sur ce coup-là ! C’est simple, j’ai du mal à dire quelle est mon titre préféré tant j’aime. La classe pure des morceaux de CharlÉlie, la géniale reprise de Gainsbourg, le spleen de Sans Rien Dire ou de Pendant qu’en Ville, la révolte de C’est pas ça la Vie, le soleil de J’voudrais voir les Îles, la résignation de La Fin de Nous, ou le délire des riffs de guitare sur Tu m’aimes à quelle heure ?
Bon ben, la touche repeat de mon discman5 va s’avérer très utile les jours qui viennent.
[Stop.
Avance Rapide.
Encore.
Encore.
Stop]
Samedi 18 avril 2015, 21h00…
… un samedi soir de printemps à Staffelfelden, rue des Faisans… la soirée s’annonce juste géniale. Autour de moi mes proches, ceux qui comptent, ceux que j’aime. Ma famille. Et mes amis. Mais des amis comme ça, pour moi de toute façon c’est la famille. Et puis à table, assis à ma droite, Fred Blondin. Le Fred Blondin. Le mec que j’avais vu pour la première fois un 10 février 1997, pffiouu… il y a 18 piges ! Un grand gars, bonne gueule, avec toujours cette même put### de voix, et en plus -mais à vrai dire j’en doutais pas- un mec super sympa, à la cool, simple, direct, vrai6.
Ça fait 18 ans que sa musique me suit partout où je vais, que j’ai seriné à peu près tous ceux que je connais avec ses chansons, que j’ai acheté et distribué autour de moi ses disques.
Ce mec-là est assis à côté de moi. Il sue à grosses gouttes pour parvenir à faire sa fête à sa deuxième assiette de bouchées à la reine. Faut dire que jusqu’ici il ne connaissait pas ma mère et ses doses gargantuesques quand elle fait à manger. Il est venu pour moi ce soir, pour que je me souvienne à jamais de mes quarante balais. Il est venu manger et boire, fêter et chanter. On cause, on s’amuse, on se marre. Je suis entouré de gens que j’aime. Et il y a Fred Blondin qui chante dans mon salon, bordel.
Je me remémore ces 18 dernières années. Je remonte le temps en pensées, et je revois ce jeune con de 22 ans à moustache ridicule qui découvre un des artistes qui va le plus le marquer par sa musique. Je m’imagine lui dire : « eh Stéph, quand tu auras 40 ans, tu boufferas chez toi à côté de Fred avant de l’écouter chanter ses chansons et de fredonner avec lui des morceaux que tu auras d’ici là écouté des milliers de fois ». Je le vois, incrédule, se demander comment ça pourrait être possible, rigolant bêtement en se disant « c’est cela oui... ». Et pourtant.
Je sens les larmes me monter, je vais quand même pas chialer hein, c’est franchement pas le jour. Au contraire, c’est un jour à sourire, immensément. Alors vite je chasse l’image du Stéph de 22 ans de mon esprit, je reviens sur Terre et ça tombe bien : Fred entame Perso, certainement une de ses chansons que je préfère et qui me parle le plus. Avec quelques dizaines d’autres. :o)
C’est difficile pour moi de parler de cette soirée, parce que les mots me manquent pour décrire avec justesse tout ce que j’ai ressenti ce samedi soir. C’est un peu con et certainement bateau, mais le mot qui me vient là, maintenant, est simple et d’une telle évidence : MERCI.
Merci à ceux qui étaient autour de moi pour partager ce moment inoubliable : Maman, Mamama, Marie, mes loulous Nathan et Tom, Laurent, Robert, Christiane, Nono, Patrick, Isa, Martial, Thibaut, Mimi, Pierre, Sam, Zélie, Audrey, Éric.
Et puis Fred, évidemment. Merci.
Merci à vous trois Papa, Papapa et Guillaume, car vous étiez là avec moi aussi, dans mon coeur.
Mais il y en a une que je n’ai pas encore citée. Celle sans qui rien de tout cela n’aurait été possible. Celle qui a tout organisé, celle qui est restée dans l’ombre pour tout préparer en silence, celle qui a réuni les gens que j’aime, celle qui a trouvé la meilleure façon qui soit pour que mes 40 ans restent un souvenir absolument génial gravé dans ma mémoire. Celle à qui je ne dirai jamais assez merci pour tout ce qu’elle a fait. Ma petite sœur, ma frangine, Marie. J’espère un jour pouvoir te faire ressentir autant de bonheur que ce que tu m’as fait ressentir grâce à cette fête exceptionnelle. Merci, merci, merci7 !
1 Eh oui, en 1997, on ne connaissait pas encore notre chance, car il s’agissait des derniers lundis soirs sans Joséphine Ange Gardien sur TF1, le calvaire télévisuel allait commencer en fin d’année...
2 Eh oui, en 1997, croyez-le ou non, chez mes parents à Staffelfelden, on ne captait toujours pas la 6.
3 Eh oui, en 1997, il y avait encore des disquaires de quartier, même que les mecs arrivaient à en vivre dis donc.
4 Eh oui, en 1997, je disais « tranquillou » comme ça, sans honte. Et je continue.
5 Eh oui, en 1997, le top du top c’était d’avoir un discman, pour écouter ses CD n’importe où. Un peu comme un baladeur mais sans K7 : ça saute un peu plus mais c’est quand même carrément plus la classe.
6 Tranquillou quoi ! :o)
7 Et je me glisse ici discrètement des indices pour une future surprise ...disons juste au cas où ça te reprendrait... Bruce... Leonard... Bernard... Mark... Eric... ;oP