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Avant de lire les notes que je fais sur les films que je vois et les bd que je lis, sachez que dans mes commentaires il m'arrive parfois de dévoiler les histoires et les intrigues. Ceci dit pour les comics, je n'en parle que quelques mois après leur publication, ce qui laisse le temps de les lire avant de lire mes chroniques.
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23 janvier 2020 4 23 /01 /janvier /2020 08:13

Après le cinéma et la littérature, place à un peu de musique et de spectacles vivants. Je vous propose donc ma sélection 2019, en me pliant à ma règle de départ : seulement 5 propositions par domaine. Alors c’est parti, montez le son et envoyez les basses !

Musique

Bien, vous avez tous préparé vos platines ? On va commencer par du lourd, par un génie doublé d’une icône de la musique : Sir Paul McCartney ! Avec son album Egypt Station, sorti en septembre 2018 mais qui aura tourné en boucle sur mon lecteur tout au long de l’année passée, l’ancien Beatles a produit rien moins qu’une pépite. Chaque morceau, je dis bien chaque morceau (et l’album compte 14 titres + 2 petits interludes) possède l’ADN d’un pur tube pop. C’est beau, c’est doux, c’est rythmé, ça glisse tout seul dans l’oreille et ça ne quitte plus l’esprit tant les mélodies sont addictives. Difficile de ne nommer qu’un ou deux titres à sortir du lot, mais bon si vous insistez je me risquerais avec I Don’t Know, Fuh You et Come On To Me, mais je me répète : il n’y a rien à jeter dans cet album, c’est une tuerie. Et la preuve que le vieux rocker embourgeoisé est encore capable du meilleur. À écouter sans retenue !!

Paul McCartney et son album Egypt Station

Bon, si McCartney a tout d’un taulier dans son domaine, il y en a un autre qui pourrait lui disputer le titre, et pour cause : on ne le surnomme pas le Boss pour rien ! Bien entendu il s’agit de Bruce Springsteen qui a sorti en juin 2019 un album superbe, Western Stars, en solo sans son fidèle E Street Band, mais quand même bien entouré question musicos. Alors là encore, c’est bien simple, l’album entier fonctionne à merveille et tous les titres ont su trouver le chemin direct entre mes esgourdes et ma mémoire à long terme : les morceaux sont parfaitement conçus pour s’introduire en vous et ne plus vous lâcher. Et quand le disque se termine, on appuie quasi machinalement sur play pour le relancer. D’ailleurs on peut se faciliter la tâche en programmant la lecture en boucle, c’est plus simple. Ôde à l’Amérique des films, l’Amérique de légende, l’Amérique rêvée et fantasmée par tous ceux qui ont un jour aimé les histoires de cowboys ou de cascadeurs, de John Wayne à Colt Seavers, en passant par les immenses plaines désertiques, l’âge d’or du cinéma hollywoodien et la liberté comme seule limite… Springsteen parle d’un monde qui n’existe pas en réalité, mais qu’on a tous au tréfonds de notre cœur malgré tout. Et quand c’est fini, il y en a encore

Bruce Springsteen et son album Western Stars

Un monstre sacré en voici un troisième, et pas des moindres : Leonard Cohen. L’immense Leonard Cohen s’est éteint un triste soir de novembre 2016, peu de temps après avoir sorti ce que je pensais être son ultime album, You Want It Darker. Il avait cependant enregistré d’autres textes, laissant à son fils Adam Cohen le soin de mettre le tout en musique. Et c’est ce que le fiston a fait, avec sérieux et abnégation, en toute discrétion jusqu’à l’annonce de sa sortie, et ça a donné Thanks For The Dance, sorti en novembre 2019. Le titre de l’album est d’ailleurs aussi celui d’une chanson que je connaissais déjà, puisqu’elle était sortie sur l’album Blue Alert d’Anjani Thomas en 2006 (ancienne choriste et un temps compagne de Leonard). Cet album posthume est à la fois doux et sombre, simple sans pour autant être léger. Adam Cohen a fourni un gros travail dans l’ombre, et il nous permet d’apprécier une fois encore, une dernière fois certainement, le timbre et le phrasé incomparables de son père, qui sont à n’en pas douter le principal intérêt de ce disque. Entendre une dernière fois cette voix magique, et se laisser bercer par elle sur de douces mélodies. Thanks For This Last Dance, A & L Cohen.

Leonard et Adam Cohen et leur album Thanks for the Dance

Restons au Canada, et dans l’entourage plus ou moins proche de Leonard Cohen, avec Watching You Think de NEeMA, chanteuse folk de Montréal, un album qui date de 2010 déjà, mais qui aura procuré beaucoup de bien à mes oreilles durant toute l’année 2019 tant je l’ai écouté. NEeMA n’est pas la plus connue des chanteuses canadiennes dans nos contrées, et pour cause, contrairement à la majorité d’entre elles, elle n’est pas du genre gueularde… Elle fait plutôt dans la douceur, dans la guitare-voix, dans la mélodie joyeuse ou mélancolique mais sobre, dans la berceuse même à l’occasion… Son prénom veut dire « grâce » ou « bienfait » en arabe, et je crois que Leonard Cohen avait vu juste en la soutenant au début de sa jeune carrière, il lui a même offert le dessin qui sert de pochette à cet album. Une belle chanteuse aux belles chansons, que je vous incite à découvrir.

NEeMA et son album Watching You Think

Et puis je termine en revenant vers la chanson française. Enfin francophone. Et encore, pas complètement… puisque dans son dernier album Homeless Songs, Stephan Eicher chante autant en suisse-allemand qu’en français. Et d’ailleurs, contre toute attente, je me suis rendu compte que parmi l’ensemble des titres qui forment l’album, bien que je les apprécie toutes, j’ai un petit penchant plus marqué pour celles en allemand. Sorti en septembre 2019, son album m’a chopé par le cœur et ne m’a plus lâché depuis. Depuis il tourne en boucle, et si ce n’est pas sur mon lecteur c’est dans ma tête, car les chansons de cet album ont un pouvoir magique, celui de vous tourner dans l’esprit de manière entêtante sans pour autant vous énerver de le faire. C’est très beau, c’est touchant, c’est intime, c’est doux, c’est entraînant, ça émerveille, ça rend mélancolique, en un mot, cet album est juste parfait. Un moment de pur bonheur, voilà ce que le chanteur suisse nous a offert avec cet album. Quelques titres comme ça en passant : Si tu veux (que je chante), Gang Nid Eso, Niene Dehei, Toi et ce monde, et surtout, surtout, la fabuleuse Still. À écouter et à savourer sans fin.

Stephan Eicher et son album Homeless Songs

Voilà pour ce qui est des albums musicaux, j’ai rempli ma mission, et elle a été ardue étant donné le nombre de bons disques que j’ai eu le plaisir d’entendre et de découvrir en 2019.

Mais comme la musique s’insinue un peu partout dans ma vie, je me suis dit qu’il serait judicieux de faire une petite sélection des spectacles que j’ai pu voir cette année, histoire de pouvoir prolonger un peu le plaisir de vous parler de bonne zique…

Spectacles

À tout seigneur, tout honneur, je commencerai donc par Mark Knopfler qui a annoncé que sa tournée mondiale entamée en 2019 serait sa dernière. Je l’ai donc vu, très certainement pour la dernière fois, au Zénith de Strasbourg le 12 mai 2019. Concert d’adieu donc, où il a égrainé des morceaux parmi les plus emblématiques de sa carrière. Un concert avec un arrière-goût de nostalgie pour moi, sans cesse en train de passer de mes souvenirs de ses précédents concerts à l’idée que je l’applaudissais pour la dernière fois. Knopfler avait mis pour l’occasion les petits plats dans les grands, et a proposé un concert plein, entier et maîtrisé, à l’image de sa carrière. Histoire de nous offrir un dernier souvenir. Un très bon souvenir.

Mark Knopfler au Zénith de Strasbourg

Si je l’ai vu pour la dernière fois, ceux-là je les découvrais pour la première fois sur scène le 10 juillet 2019, et j’espère bien que ça ne sera pas la dernière : le Kenny Wayne Shepherd Band au Kaufleuten de Zürich. J’étais resté complètement scotché par leur album de 2017, Lay It On Down, et The Traveler sorti en 2019 était du même tonneau, quand je les ai vus annoncés pas trop loin de chez moi (Zürich est à moins d’une heure et demi de route) je n’ai pas hésité une seconde, et grand bien m’en a pris. Pour ceux qui aiment le blues-rock à forte dominante de guitare électrique, ce groupe c’est du pur bonheur en décibels. Avec leur show à l’américaine, c’est-à-dire parfaitement millimétré et ultra-pro, c’est un vrai plaisir de les voir évoluer sur scène. Il se dégage d’eux une vraie énergie communicative et les prouesses de Kenny à la guitare laissent sans voix. Un must.

Kenny Wayne Shepherd au Kaufleuten de Zürich

Un autre que je voyais pour la première fois sur scène (pour un concert complet j’entends, je l’avais déjà vu en guest-star lors du concert-anniversaire de Fred Blondin au Casino de Paris), bien que je connaisse et apprécie sa musique depuis mes années étudiantes, c’est CharlÉlie Couture, que j’ai pu donc voir le 16 mai à l’Eden de Sausheim. Un type à part, un artiste incomparable, une musique si personnelle et si envoûtante… C’était un concert un peu spécial, et je ne savais pas du tout à quoi m’attendre en m’y rendant, et à l’arrivée ce fut simplement génial. Un grand moment avec un grand monsieur de la musique française.

CharlÉlie Couture à l'Eden de Sausheim

De la scène française, ceux-là sont des piliers incontestables aussi à mon avis : les Innocents m’ont fait le plaisir de passer à deux pas de chez moi, au Noumatrouff de Mulhouse, le 7 décembre 2019, et bien évidemment je ne pouvais pas rater ça. Pour mille raisons, et avant tout parce que c’est de la balle, leur musique m’habite depuis que je les connais. Mélodistes de génie, paroliers complètement azimutés, le duo JP Nataf et Jean-Christophe Urbain accouche de petits chefs-d’œuvre en album et fait des étincelles sur scène. Ils allient talent et bonne humeur, et font rimer complicité et perfection comme personne d’autre ne sait le faire. Du coup, sur scène ils s’amusent et c’est le public qui en profite !

Les Innocents au Noumatrouff de Mulhouse

Et puis, je l’ai gardée sciemment pour la fin. Parce qu’il ne s’agit pas d’un concert, mais d’un spectacle vivant d’humour. Un One Woman Show pour être précis. Qui s’est tenu le 19 septembre 2019 à La Comète d’Hésingue. Et l’artiste en question, c’est l’inénarrable Constance. Elle, c’est simple, elle est gravement dérangée dans sa tête. Tarée à la masse comme dirait mon ami Patrick. Absolument no limit. Vous choquer ne lui fait pas peur, je pense même qu’au contraire, c’est de ne pas vous choquer qui l’empêcherait de dormir. Elle crée, et interprète une foule de personnages sur scène, qui ont un point commun évident : ils sont puissamment atteints. On pourrait dire « décalés », mais on serait tellement loin de la vérité. En fait, ses personnages vivent dans un monde bien à part, un monde étrange et qui fait autant peur que rire (du reste il paraît que la peur et le rire répondent à des stimuli souvent très proches), un monde unique et sans pareil : l’intérieur de son esprit ! Constance est méchamment folle, et follement drôle, donc méchamment drôle, CQFD. Si vous ne la connaissez pas, ou si vous ne l’avez encore jamais vue sur scène, il FAUT la découvrir au plus vite. Ça n’est pas optionnel. Vous me maudirez certainement en premier lieu, et puis vous finirez bien par accepter l’évidence : vous allez l’adorer, et vous me remercierez sans fin ensuite. Garanti.

Constance !!

Ça y est, pari réussi ! Je vous ai livré mes 5 plus gros coups de cœur musicaux, et mes 5 plus gros kiffs de l’année côté spectacles en live. Peut-être même aurais-je réussi à vous donner envie de découvrir l’un ou l’autre de celles ou ceux que vous ne connaîtriez pas déjà…

Et si vous aussi avez des conseils ou coups de cœur à partager, n’hésitez pas à m’en dire plus en commentaire !

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20 janvier 2020 1 20 /01 /janvier /2020 07:51

Comme j’ai déjà pu le dire ici ou là, j’aime bien de temps à autre me coltiner un « classique ». Je me dis que pour ma culture personnelle ça ne peut pas faire de mal, et ça me permet de soigner au passage mon complexe de petit lecteur de comics face à la « vraie culture ».

J’ai donc choisi pour ce faire Demande à la poussière de John Fante, œuvre phare d’un auteur souvent cité comme une référence incontournable par bon nombre d’auteurs contemporains (à commencer par Charles Bukowski himself qui a signé la préface de l’édition que j’ai lue). Comme j’avais déjà lu un roman de Fante (Mon chien Stupide) je n’étais donc pas totalement en territoire littéraire inconnu…

 

Avec Demande à la poussière, on replonge dans les années 1930 (le livre a été édité pour la première fois en 1939), et on suit les pérégrinations du personnage fétiche de John Fante, Arturo Bandini, dont il est de notoriété publique qu’il est l’alter ego de papier de l’auteur. Ce qui fait de ce roman un livre semi-autobiographique, et il est indéniable que l’on ressent la proximité de voix entre l’auteur et son héros. Le jeune Arturo est un passionné de littérature, il a ça dans le sang et s’il n’a qu’une seule certitude c’est celle-ci : il va devenir écrivain et faire fortune grâce à son talent littéraire. Il décide donc de quitter sa campagne paumée pour vivre le rêve américain à Los Angeles. Déjà les sirènes d’Hollywood commencent à se faire entendre et la ville où il fait beau toute l’année devient l’eldorado de tous ceux qui cherchent le succès, ou tout simplement la belle vie. Arturo, dont une nouvelle vient d’être publiée dans un magazine, sait qu’il n’a plus qu’à se frotter à la « vraie vie » pour réveiller cet auteur de talent qui sommeille en lui, ce n’est rien d’autre que son destin. Mais en attendant la gloire et les dollars qui coulent à flot, Arturo va d’abord être confronté à la misère, à la faim, à une certaine forme d’errance et surtout à une réalité qui n’est pas conforme à ce qu’il avait prévu. Passionné d’écriture mais également grand admirateur de belles femmes, c’est ainsi qu’il fera la rencontre de Camilla Lopez, une jeune, ravissante et fougueuse serveuse d’origine mexicaine. Leur relation est particulière et forte, pourtant Bandini hésite et tergiverse…

 

Bon alors, j’ai pas mal de choses à dire sur ce livre. D’abord le style : vous cherchez à être pris par une ambiance années 30 ? À être au plus près des personnages, aussi bien dans leurs pensées que dans la description du monde qui les entoure ? À vivre à travers le héros ses ambitions, mais aussi sa naïveté, sa maladresse, sa sincérité, ses désirs profonds, sa passion et ses contradictions ? Eh bien c’est exactement tout ce que vous trouverez en lisant ce roman. Il y a un léger décalage dû à la temporalité de l’histoire, mais on entre vite dans l’ambiance, dans l’époque, et finalement dans la peau du personnage tant on est en contact direct et intime avec ses pensées et son ressenti. C’est justement ce décalage persistant avec le héros qui m’avait gêné, et la proximité avec lui qui m’avait manquée à la lecture d’un livre plutôt proche dans son thème et son style, L’Attrape-Cœurs de J.D. Sallinger.

 

Ensuite le personnage. Bandini est pétri de contradictions, et c’est ce qui le rend profondément humain. Il nous paraît tour à tour gentil, imbuvable, doux, prétentieux, naïf, ambitieux, plein d’assurance, fragile, maladroit, cruel… C’est dans sa relation à Camilla surtout qu’on comprend à quel point le jeune homme, en pleine construction de soi qu’il est, a du mal à faire coïncider celui qu’il voudrait être et celui qu’il est. Complexé par son origine italienne qui fait de lui un « sous-citoyen » américain, il veut s’extraire de cette condition en brillant dans le monde intellectuel. Il rêve d’ascension sociale, de devenir un « bon américain » modèle. Mais Camilla se situe encore plus bas que lui dans l’échelle sociale, elle est mexicaine ! Et pauvre… qui plus est une pauvre qui n’a même pas l’ambition de s’en sortir en devenant riche et célèbre comme lui rêve de l’être. Comment concilier le fait de vouloir devenir un grand écrivain et aimer une femme qui sait à peine lire ? Pourtant on ne commande pas à ses sentiments, et l’attirance, vaille que vaille, est bien là…

 

Pour finir, ce qui m’a beaucoup intéressé également, et qui semble être un thème récurrent pour ne pas dire obsessionnel chez Fante, c’est ce rapport à l’écriture, viscéral. L’amour des mots, cette capacité hors norme d’observer puis de décrire en quelques mots parfaitement choisis ce qu’il voit, cette façon d’écrire simple et directe mais pas du tout donnée à n’importe qui… Ce rapport aux mots, ce rapport au statut d’écrivain mais aussi au succès et à l’aura intellectuelle qu’apporte ce métier, tout cela est vraiment subtilement abordé, on sent l’écrivain (l’auteur comme son personnage) complètement habité par sa passion. Oui Bandini veut réussir, mais il ne veut pas réussir n’importe comment, ce sera par son talent d’écrivain ou rien d’autre. Il n’y a pas que la réussite qui compte pour lui, le chemin emprunté pour réussir, voilà qui est bien plus important…

 

Vous l’aurez compris, ma seconde incursion dans l’univers de John Fante s’est vue couronnée de succès, et si ce que je vous en ai brièvement dit vous a intéressé, alors n’hésitez pas et plongez-vous dans Demande à la poussière* !

* et quel titre de grande classe aussi !!!

 

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16 janvier 2020 4 16 /01 /janvier /2020 07:54

 

La période se prête à l’exercice, aussi vais-je me lancer dans un modeste bilan de l’année 2019 passée. L’occasion de faire un petit point sur ce qui mérite d’être retenu selon moi.

 

Je vais faire ça par domaine, histoire de ne pas partir dans tous les sens n’importe comment. En revanche j’ai dû me contraindre à ne garder que 5 sélections par thème, sinon je partais une fois de plus pour des articles à rallonge dont j’ai le secret et qui m’assureraient de décourager même mes plus opiniâtres lecteurs avant la fin. Déjà comme ça, ça va être long… Parce que mine de rien, pour les séries ou les albums musicaux, me limiter à seulement 5 items a été une véritable gageure, et ne s’est pas fait sans douleur. Il a fallu que je taille dans le vif, et que j’élimine des œuvres ou des artistes pourtant essentiels à mes yeux…

 

Bon allez, commençons doucement par les films que j’ai pu voir en 2019. Je dis « commencer doucement » car cette année je suis très peu allé au cinéma (par rapport à mes habitudes passées) et que finalement je n’ai pas vu tant de choses à ce point indispensables que cela. Donc la sélection a été moins compliquée à faire…

Movies

Tout d’abord l’un des films les plus intrigants et inattendus qui avaient été annoncés pour 2019 : Le Joker. Intrigant parce qu’a priori déconnecté du reste de l’univers cinématographique du DCverse, inattendu parce que mettant dans le rôle titre un acteur-phénomène : Joaquin Phoenix. Le résultat est bluffant, scotchant, ébouriffant.

Joker, le couronnement du roi Arthur !

Ensuite l’autre film, peut-être le plus attendu de tous par moi cette année, Avengers : Endgame qui apporte une conclusion à l’ensemble des films Marvel depuis le premier opus d’Iron Man et qui forment une continuité et un univers partagé comme jamais cela n’avait existé sur grand écran auparavant. Un film qui m’a dérouté au premier abord, que j’ai trouvé plein de bonnes idées comme de défauts, mais qui gagne en qualité à mes yeux à chaque fois que je le revois (et avec la passion de mes gamins pour les super-héros, je le revois régulièrement !!).

Vengeurs, rassemblement !

À propos de super-héros, le film que j’ai le plus apprécié cette année (je ne considère pas Joker comme un film de super-héros, je le précise) c’est le film d’animation Spider-Man : New Generation. En partie inspiré du story-arc « Spiderverse » des comics récents du tisseur, ce dessin-animé a tout pour lui : scénario malin, humour qui fait mouche, originalité, rythme parfait, bande son moderne et parfaitement adaptée… Bref, un animé qui a une vraie identité propre et qui sort très largement du lot.

Weeeeesh les gars...

D’ailleurs en parlant de dessin-animé à forte personnalité, l’autre gros morceau de l’année c’est Toy Story 4 : un must absolu pour les amateurs de films d’animations qui peuvent plaire autant aux petits qu’aux grands enfants (qu’on reste tous un peu dans l’âme, n’est-ce pas ?). C’est d’une classe folle, d’une intelligence et d’un recul sur soi rares, c’est drôle et triste à la fois, c’est beau, c’est la maîtrise à l’état pur.

Un dernier tour de piste pour Woody et ses amis ?

Et puis je n’ai pas pu bouder mon plaisir de voir la fin de la trilogie entamée en 2000 par M. Night Shyamalan avec Incassable : Glass qui vient clore son histoire de super-héros du monde réel, après que Split soit venu avec brio remettre une pièce dans la machine du réalisateur en 2016. Loin d’être un film parfait, Shyamalan parvient toutefois à en faire quelque chose d’abouti, de boucler la boucle sans se foirer dans la dernière ligne droite. Il n’a plus le feu sacré qu’il a eu dans Incassable, mais ça reste très largement au-dessus du tout-venant hollywoodien actuel.

David Dunn, Elijah Price et Kevin Crumb, ou quand les super-pouvoirs définissent leur propriétaire...

Lectures

Et sans transition aucune, après le cinéma je vous propose de parler un peu littérature. Cette année j’ai épinglé une vingtaine de bouquins à mon tableau, ce qui est un chiffre un peu en-deçà de ma moyenne habituelle. Pour une raison principale : il y a eu quelques « poids lourds » dans le tas ! Et pas des moindres, d’ailleurs commençons par l’un d’entre eux…

Le « Gros morceau » de l’année : Jérusalem d’Alan Moore est un pavé qui demande à la fois de la persévérance mais aussi de l’investissement de la part du lecteur. Pas ce que j’appellerais une lecture facile. En revanche, il s’agit bel et bien d’une lecture passionnante ! Impossible de faire un résumé ici, qui plus est en un simple petit paragraphe, tant l’œuvre est monumentale, tentaculaire et labyrinthique. Dans ce roman de 1280 pages, Alan Moore fait de sa ville natale, Northampton, le personnage principal d’une fresque impressionnante qui nous entraînera de l’an 810 jusqu’à la fin des temps, en aller-retours incessants entre passé, présent et futur… Chaque chapitre est une pièce d’un gigantesque puzzle que compose lentement et sous nos yeux le fabuleux raconteur d’histoires qu’est Moore. Voyage immobile, ce livre-somme est une expérience unique de lecture. Vous passerez par tous les genres, tous les temps, toutes les émotions. Alan Moore n’est pas facile à suivre dans ses délires, et il n’est pas du style à vous faciliter la tâche outre-mesure : lire du Alan Moore ça se mérite, mais quand on s’accroche et qu’on relève le défi, quelle récompense, quelle volupté, quel plaisir !!

J’y consacrerai un article plus détaillé et aussi complet que possible (et croyez-moi il y en a à dire sur ce bouquin!!), mais il n’est pas prévu pour tout de suite...

Alan Moore, l'auteur de Jérusalem

Chez Pierre Raufast aussi on va se retrouver en face d’une histoire où les destins s’entremêlent et où chaque détail compte, bien que l’écrivain joue de manière bien plus ramassée et brève avec ses personnages, très loin de l’œuvre protéiforme de Moore. Dans La Baleine Thébaïde, on retrouve avec plaisir l’univers de Pierre Raufast qui s’amuse lui aussi à créer une œuvre dans laquelle tous ses romans sont interconnectés sans que la lecture des précédents ne soit indispensable à la bonne compréhension de chaque nouveau livre, la superposition des titres amenant cependant une dimension de plaisir supplémentaire au lecteur qui se rend régulièrement compte des clins d’œil de l’auteur dont sont truffés, quasi subliminalement, ses romans. Blindé d’humour, mais aussi de sensibilité, Raufast sait mélanger pour le plus grand plaisir du lecteur comédie et gravité, sciences et fantaisie, le tout à travers une imagination débordante de créativité. Difficile de résumer le roman sans entrer dans les détails, sachez qu’il y sera entre autres question de la tristement solitaire baleine 52 (faites une recherche sur le net à son sujet : cette énigmatique baleine a bel et bien existé) autour de laquelle l’auteur va broder une intrigue aux multiples implications qui mènera le lecteur à travers le monde entier…

L’article où j’y reviens plus en détails est d’ores-et-déjà bouclé, en revanche il risque de vous falloir attendre un poil avant sa publication (tant d’autres livres à chroniquer auparavant…).

Pierre Raufast, l'auteur de La Baleine Thébaïde

Si Pierre Raufast nous fait voir du pays, Olivier Bonnard quant à lui nous propose de voyager dans le temps avec son roman Collector. Il y est question de collectionneurs de jouets à la recherche du Graal, une série de jouets légendaires, trois robots des années 1980, qui, lorsqu’on les assemble, auraient le curieux pouvoir de vous faire voyager dans le temps… C’est l’occasion de se replonger en même temps que le héros du roman dans le monde des dessins animés et jouets de notre enfance, de raviver des souvenirs qu’on a tous plus ou moins enfouis en nous, le temps d’une séquence nostalgie qui forcément nous parle d’autant mieux qu’on est de la génération de ceux qui sont nés dans les années 1970 et ont grandi avec la télévision allumée en permanence sur les émissions jeunesse animées par Dorothée, les aventures de Capitaine Flam ou d’Ulysse 31… Autant dire que moi je me suis retrouvé dans absolument tout ce que racontait Olivier Bonnard au cours de son roman !!! C’est un retour en enfance mais avec l’esprit d’un adulte qui a sanctuarisé ces années comme étant peut-être les plus belles car les plus insouciantes de sa vie. Insouciantes vraiment ? Pas si sûr que ça… À lire pour tous les nostalgiques de l’enfance et du temps heureux mais passé…

Bien entendu j’en ferai un article plus complet dans quelque temps (mois ? années ? allez savoir !).

Olivier Bonnard, l'auteur de Collector

Un retour dans les années 1980, en 1987 plus exactement, c’est également ce que propose Jason Rekulak dans son roman La Forteresse Impossible. Le jeune Billy vit dans une petite ville paumée du New Jersey, et avec ses potes il a deux passions : les jeux vidéos sur ordinateurs ou dans les salles d’arcades, et ce continent jusqu’ici inconnu pour eux : le corps des filles… C’est pourquoi une nouvelle va faire l’effet d’une bombe pour eux : Vanna White, l’animatrice ultra sexy de La Roue de la Fortune vient de poser nue pour le magazine Playboy. C’est dès lors une évidence pour eux : il leur faut se procurer un exemplaire du magazine pour adultes ! Plus facile à dire qu’à faire en ce temps où internet n’existe pas encore et où dans l’Amérique puritaine de Reagan, vendre un ouvrage érotique à des gamins est totalement inconcevable. Qu’à cela ne tienne, les compères ont un plan… Ici encore, la carte est à la nostalgie pour tous ceux qui, comme moi, ont vécu cette période au même âge que les héros de l’histoire. C’est à la fois référencé (on y parle beaucoup de jeux vidéos et de codes informatiques balbutiants, et je me revoyais sur mon Amstrad CPC 6128 en lisant l’histoire de Billy), drôle, tendre, rythmé, et on ne peut que se sentir en empathie avec le héros un brin poissard et incompris (comme tous les adolescents n’est-ce pas?).

J’en reparlerai plus en détail dans ce blog, pour ceux qui sauront être trèèèèès patients...

Jason Rekulak, l'auteur La Forteresse Impossible

Les balbutiements de l’informatique accessible à tous, je les ai vécus étant gamin, les miens quant à eux vivent baignés dans un univers digital et numérique envahissant, depuis leur naissance. C’est ce dont nous parle le scientifique Michel Desmurget dans son livre choc, La Fabrique du Crétin Digital, qui dénonce tous les méfaits des écrans sur nos têtes blondes, ici et maintenant. Et le moins qu’on puisse dire c’est que pour le coup, ça ne prête pas du tout à rire. C’est même plutôt affligeant, voire dramatique dès lors qu’on se plonge dans la liste quasi infinie des influences négatives des dérives du tout numérique sur la santé de nos enfants. Plus qu’un constat très inquiétant, études ultra documentées à l’appui, ce livre est un cri d’alerte à tous les parents et à tous les dirigeants qui sont censés faire au mieux pour les nouvelles et futures générations. Une lecture qui bouscule, qui déprime mais qui s’avère indispensable si on a un tant soit peu le sens des responsabilités et qu’on refuse de faire de nos enfants des crétins digitaux, au sens strict du terme. Un bouquin qui met des mots clairs et précis sur les craintes que ces dérives m’ont toujours instinctivement inspirées, les légitimant complètement au passage. À lire pour soi et pour nos enfants, avant de pouvoir faire valoir notre droit à choisir de céder ou non à la modernisation via le « tout écran » à marche forcée. Juste pour ne plus pouvoir dire « on ne savait pas ».

J’en ai parlé ici il y a peu de temps.

Michel Desmurget, l'auteur de La Fabrique du Crétin Digital

Voilà ma sélection de l’année pour ce qui est du grand écran et de la littérature, la suite au prochain épisode… Et si vous avez des conseils ou coups de cœur à partager, n’hésitez pas à m’en parler en commentaire !

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13 janvier 2020 1 13 /01 /janvier /2020 08:40

Ce roman est le second de la franchise The Walking Dead, par ailleurs bien connue des fans de comics et de séries télévisées. Faisant suite à L’ascension du Gouverneur, dont j’avais dit le bien que j’en pensais ici, au départ de La route de Woodbury on commence par faire la connaissance d’un nouveau groupe de survivants. Exercice délicat pour le duo d’auteurs (Robert Kirkman qui est le créateur du comics d’origine et Jay Bonansinga, auteur de roman qui lui est associé sur cette version de l’univers de The Walking Dead), en effet il leur faut nous faire découvrir de tous nouveaux personnages jusqu’alors jamais vu dans les matériaux d’origine. Il y a donc une première partie de ce roman qui est consacrée à cela et c’est normal : il faut poser les personnages, les définir un minimum, nous faire entrer en empathie avec eux si on veut pouvoir s’inquiéter de ce qui va leur arriver. On découvre donc Lilly Caul, une jeune femme un peu introvertie et peu sûre d’elle. Elle suit comme son ombre le colosse afro-américain Josh, un peu parce qu’elle se sent en sécurité avec lui, un peu parce qu’elle a des sentiments pour lui, elle ne sait plus trop, mais quelque chose de fort les lie ces deux-là. Il y a aussi Bob, un ancien infirmier vétéran d’Afghanistan, alcoolique notoire, paumé mais avec un bon fond, pour lequel Lily a une grande tendresse. Et puis Megan, l’amie nymphomane de Lily, et son boyfriend du moment Scott. Ces cinq-là vont être confrontés à la survie en territoire zombie, et comme on peut s’y attendre, les choses ne vont pas se passer au mieux. Ils vont donc partir sur les routes à la recherche d’un refuge.

Ce lieu providentiel va se présenter à eux quand ils tombent sur la communauté de survivants de la petite ville de Woodbury. Une ville et une communauté dirigées par un homme, Philip Blake, que tout le monde appelle, entre crainte et admiration, le Gouverneur. Il va falloir que le petit groupe de Lily et Josh parvienne à s’intégrer à Woodbury qui a tout du havre de paix tant recherché. Tout ? Pas si sûr, car le Gouverneur semble cacher des choses et a des idées bien à lui quant à la manière de gérer la communauté de survivants…

 

Voilà grosso-modo ce dont parle ce roman. On a donc d’une part des nouveaux personnages, et puis quelques vieilles connaissances avec le Gouverneur et Martinez (son bras droit, en charge de la sécurité du camp en quelque sorte), des personnages phares de l’univers de The Walking Dead. Le mix se fait plutôt bien il faut dire, une fois familiarisé avec les nouveaux, le retour en territoire connu avec les habitants de Woodbury se fait tout naturellement. C’est un peu comme de voir les « scènes coupées » en bonus d’un dvd, on découvre l’arrière du décor qu’on croit connaître quand on est lecteur des comics ou fan de la série. C’est plutôt pas mal, car on se sent en terrain connu et pourtant on se fait parfois gentiment balader quand même par les auteurs (voir à ce sujet la fin du tome précédent).

 

Le style n’a rien de révolutionnaire, le roman se lit vite et agréablement, sans grosses figures de style ni originalité, mais comme on colle à l’ambiance Walking Dead, on n’en demande pas plus.

 

Après, ce genre bien spécial de survival dans un monde infesté de zombies a les défauts de ses qualités : très codifié, dès lors qu’on en a un peu l’habitude, on voit venir certaines choses de loin. Souvent on parie sur qui va mourir et qui va survivre, et souvent on voit juste. Histoire que les ficelles du drame se nouent comme il faut pour le meilleur résultat. On sent bien que Lily est le personnage le plus développé, et donc aussi celui que les auteurs ne vont pas sacrifier, car ils prévoient de la faire évoluer. Et pour qu’elle évolue, il faudra élaguer parmi ses proches… je dis ça, je ne dis rien, mais c’est quand même assez limpide dès le départ. Mais comme je le disais, c’est presque le genre qui veut ça. On ne peut pas vraiment reprocher cela aux auteurs. Limite on est complice du truc.

 

En tout cas le roman réussit son pari d’introduire de nouveaux personnages qui donnent envie de les suivre, de plus en plus au fur et à mesure de la lecture d’ailleurs, et propose qui plus est un nouveau personnage féminin principal, ce qui n’est pas si souvent le cas. On se doute bien que ce roman n’est qu’une transition vers quelque chose qui se prépare et qui ne va pas être de tout repos pour les protagonistes, mais en soi il se tient déjà bien et permet de passer un agréable moment de lecture.

 

Après un premier opus réussi et même surprenant à plus d’un égard, ce second volet confirme que la qualité est là et que la série de romans tirés de The Walking Dead n’est pas forcément le parent pauvre de l’univers post-apocalyptique zombie de Kirkman.

 

Évidemment si les zombies vous gonflent et que vous n’aimez pas The Walking Dead à la base, inutile de vous attarder sur ce roman, il ne changera rien à votre jugement. Pour les autres, c’est un chouette complément à l’univers développé en comics et à la télévision.

 

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10 janvier 2020 5 10 /01 /janvier /2020 15:17

Non, il n’est pas encore trop tard, je me joins donc à Walter Sobchak pour vous faire part de tous mes vœux pour 2020.

 

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23 décembre 2019 1 23 /12 /décembre /2019 18:37

La lecture de ce livre, La fabrique du crétin digital de Michel Desmurget, m’a à ce point effaré, estomaqué, désespéré, tourneboulé, secoué, que j’ai dû faire une entorse à mes habitudes de publication d’articles.

J’ai un petit côté psychorigide sur ce point. Sur mon blog, j’essaie de mettre en ligne assez régulièrement (dans l’idéal une fois par semaine, parfois - comme très prochainement la fréquence s’avère un peu plus espacée) des chroniques au sujet des bouquins que je lis. Et j’ai pris le pli de publier mes articles dans l’ordre de mes lectures. Vu le retard de publication que j’ai accumulé, c’est ce qui explique qu’actuellement je parle hebdomadairement de livres que j’ai lus il y a déjà 4-5 ans ; à ce rythme mon retard se comble lentement. Cela a pour principales conséquences que je ne suis pas du tout en phase avec l’actualité littéraire du moment, et que ce dont je parle n’a souvent rien à voir avec ce que je suis en train de lire.

 

Mais avec La fabrique du crétin digital que je viens de lire en novembre dernier, je ne me sens pas d’attendre si longtemps pour en parler ici. Non seulement le sujet est passionnant, les enjeux d’une importance folle, mais ce que Michel Desmurget nous y explique mérite d’être répété et diffusé au plus grand nombre et ne peut se permettre d’être relégué à plus tard, comme dirait maître Yoda : urgence il y a ! Et puis ce thème me tient tout particulièrement à cœur, c’est pourquoi j’ai donc décidé d’insérer cette chronique en estropiant ma ligne éditoriale chronologique (rien que ça !!).

 

J’ai beau travailler dans le milieu informatique, avoir grandi en regardant quotidiennement la télévision, avoir suivi en mon temps l’évolution technologique des divertissements depuis l’Amstrad CPC 6128 de ma jeunesse jusqu’aux jeux sur tablette, en passant par la Game Boy monochrome, la Super Nes, la Playstation ou encore les jeux PC en réseau, je ne me suis jamais considéré comme un geek pur et dur. Tout cela a fait partie de ma culture et je ne renie pas le temps passé sur ces supports, mais ça n’a jamais été central pour moi. La lecture, la musique, la BD et le cinéma ont toujours eu bien plus d’importance à mes yeux, et ont toujours aussi monopolisé la majeure partie de mon temps de loisir.

 

Et plus le temps a passé, plus j’ai vieilli, plus je me suis éloigné naturellement du tout digital, exception faite du minimum requis par mon boulot. Je suis par exemple depuis toujours réticent aux smartphones, et j’ai tenu bon très longtemps sans une de ces petites bestioles dans ma poche. Et honnêtement, quiconque voit ce qui me tient lieu actuellement de téléphone portable, un Acer Liquid mini E310 de seconde main, ne pourra m’accuser d’être un esclave de la technologie de pointe. J’ai bien passé quelques soirées, collé à une tablette à faire des jeux à la con, mais ça doit faire déjà plusieurs années qu’elle prend inutilement la poussière sur une étagère chez moi. Même la télévision, je ne l’allume que pour regarder ce que j’ai choisi et quand je l’ai décidé : une série la plupart du temps, un film de temps en temps, de moins en moins de diffusions en direct mais sur un support, physique ou dématérialisé, que j’apporte moi-même. J’essaie de mon mieux de reléguer le zapping aux habitudes passées et révolues. Idem pour mon utilisation d’internet : je surfe oui, je consacre d’ailleurs aussi du temps à tenir ce blog, mais je n’en fais pas un « passe-temps » sans réel but ni limitation dans le temps. Et de plus en plus souvent, quand il m’arrive de prendre conscience que ce que je suis en train de lire ou regarder sur internet est sans grand intérêt, je ne zappe pas de vidéo youtube en vidéo youtube : j’éteins en me disant que j’ai certainement mieux à faire de mon temps en l’employant à autre chose. À lire par exemple, le million de livres et BD que j’ai en attente de lecture chez moi. Car de plus en plus fréquemment j’ai cette sensation qu’internet me vampirise beaucoup trop de temps, et souvent pour par grand-chose à en retenir d’important à l’arrivée. Bref, je me détache de plus en plus du virtuel, et je ne m’en porte pas plus mal, au contraire.

 

Ce qui ne veut pas dire que je ne passe pas beaucoup de temps devant un écran. Au boulot déjà, nécessité fait loi. En divertissement ensuite : je suis un gros consommateur de séries télé, je regarde une moyenne de deux épisodes de séries chaque soir, parfois plus. Mais c’est moi qui décide de mon programme, je garde le contrôle, je décide de ce que je regarde, quand, quelle quantité et quelle fréquence. Et je ne sacrifie jamais une sortie ou l’occasion de voir des gens pour m’isoler devant une série. Je me plais (m'illusionne ??) à croire que je garde une certaine autonomie et liberté face aux écrans de tous types…

 

Cette méfiance envers le tout-écran s’est grandement développée en moi depuis ces dernières années. Et pour en avoir eu quelques échos négatifs ici ou là, j’ai toujours pensé que l’omniprésence des écrans (que ce soit par l’intermédiaire des smartphones, tablettes, télévisions, consoles de jeux) pouvait être malsaine, pour tout un chacun mais surtout pour les enfants. Malsains, voire même carrément néfastes. J’avoue d’ailleurs que cela tenait plus de l’intuition, disons même presque de l’a priori, plutôt que de certitudes basées sur des faits concrets et scientifiquement vérifiés.

 

Cependant cet a priori ne reposait pas sur rien non plus. Si je me suis forgé cette opinion négative, c’est d’abord par l’observation de ce qui m’entoure, et par ma propre pratique des outils numériques. Quand on passe plus de temps que de raison sur des forums internet, ou sur des jeux en ligne par exemple, comme ça a pu être mon cas il y a quelques années, qu’on en arrive à ne plus avoir assez de temps pour d’autres choses qu’on fait habituellement, voire qu’on commence à rogner sur son temps de sommeil (qui pourtant chez moi est déjà réduit à son strict minimum), c’est que quelque chose cloche. C’est le signe d’une exagération, d’un déséquilibre.

 

J’ai eu une période par exemple où sur ma tablette je participais à un jeu de connaissances générales en ligne, sanctionné par un classement national des joueurs où j’étais parvenu à monter très haut. Mais pour se maintenir à ce haut niveau, il fallait y consacrer de plus en plus de temps, j’en étais arrivé à un point où je me disais « ah ben non, j’ai mis tant de temps à arriver là, je ne peux pas me permettre de le laisser de côté ne serait-ce qu’un jour, sinon je perdrai ma place au classement si durement acquise ». Résultat, je dormais moins, je ne lisais plus : plus le temps. Je profitais du moindre instant libre pour y jouer. Et puis au bout de quelques semaines je me suis demandé à quoi ça rimait ? Qu’est-ce que ça m’apportait vraiment, et surtout quel en était le coût réel pour moi ? Et je me suis rendu compte du temps que j’y consacrais, un temps bien trop long et totalement déraisonnable qui m’interdisait de plus en plus de choses à côté. J’ai donc décidé d’arrêter purement et simplement. Un peu compliqué au départ car le côté addictif de la chose avait déjà fait son effet sur moi, l’envie d’y retourner était bien présente. Et puis ça m’a passé, et j’ai consacré du temps à faire d’autres choses que j’aime, et après très peu de temps au final je me suis senti libéré. Oui, libéré, carrément ! Je parle pourtant d’un bête jeu en ligne de rien du tout, mais c’est bien l’effet que ça m’a fait ! Quelques années auparavant j’avais ressenti la même chose en me tenant à l’écart de forums internet que je visitais bien trop assidûment, ce qui avait fini par avoir le même type d’effets négatifs sur ma vie quotidienne. Voilà pour ce qui concerne ma propre expérience.

 

Mais il y a aussi ce que j’ai pu observer autour de moi depuis quelques années déjà. À midi au resto, ou en terrasse pour boire un verre ou siroter un café, je suis régulièrement surpris de ce que je vois. Un très grand nombre de gens mangent avec leur smartphone comme interlocuteur principal. Qu’il y ait quelqu’un d’assis en face d’eux ou non, qu’ils soient avec un groupe entier ou tout seul, peu importe : les yeux et l’attention sont principalement rivés sur leurs téléphones. Au point de ne pas se parler du tout s’ils sont à plusieurs, ou de ne même pas regarder le serveur quand il s’affaire à vous apporter votre plat ou à vous débarrasser votre table. Qu’il s’agisse de couples d’amoureux, de groupes de potes ou de repas en famille, de jeunes blanc-becs ou de vieux croûtons, le téléphone s’invite, s’impose et devient le centre d’intérêt principal. Moi qui suis souvent seul à table, je passe pour un dinosaure, ou un hurluberlu, avec mon bouquin en main. Vous savez ce truc en papier, si dépassé, ringard au dernier degré. Tout cela se passe aujourd’hui en France. Vous savez, le pays de la gastronomie, où il paraît qu’on aime passer un temps fou à table à échanger autour d’un bon repas.

 

Mais là je parle d’adultes, majeurs et vaccinés. Là où c’est encore plus marquant, c’est avec les mômes. Vous avez déjà observé des gamins qui ne connaissent plus rien d’autre que leur téléphone ou leur tablette pour passer leur temps ? À quel point ils sont absorbés par leurs engins électroniques ? Qu’ils n’en supportent même plus de ne plus avoir de batterie ou de se trouver dans un endroit sans réseau plus de cinq minutes d’affilée ? Et souvent, plus ils sont jeunes, moins ils supportent cette frustration tant l’addiction aux écrans est devenue grande, envahissante, plus importante que tout le reste. J’ai en mémoire l’image d’un petit garçon de 3 ou 4 ans qui était maintenu au calme à table par le téléphone maternel sur lequel il s’affairait à je ne sais quel jeu coloré et bruyant, et qui tout à coup, a balancé avec rage l’appareil par terre en hurlant sans pouvoir se clamer. La batterie avait rendu l’âme. Il en a coûté un téléphone à ses parents. Et je pense aussi les services d’un pédopsychiatre pendant de longues années à venir. Ou de cet autre petit garçon de même pas dix ans, complètement drogué à sa tablette et qui sans elle ne tenait pas une seconde en place, devenant totalement ingérable et proprement insupportable, ruinant la santé et la patience de toute personne normalement constituée se trouvant à moins de dix mètres de lui… Il m’en vient plein des exemples comme ça, des situations dont j’ai été le témoin. Je crois qu’on en a tous croisé des enfants qui ressemblent plus ou moins à cette description. Et qu’on en rencontre de plus en plus.

 

C’était donc là-dessus entre autres, que je m’étais forgé la conviction que les écrans consommés de manière déraisonnable, pouvaient devenir très vite, très nocifs, d’autant plus que l’utilisateur s’avère par ailleurs jeune.

 

C’est aussi pour cela que depuis que je suis moi-même devenu parent, j’ai toujours prêté attention à l’usage des outils numériques de mes enfants. Ils n’ont pas de tablette, pas de console de jeux, et évidemment pas de smartphone. J’ai du reste passé la consigne ferme et définitive à la famille : pas de cadeau empoisonné de ce type pour Noël ou à l’occasion d’un anniversaire. Je sais que là-dessus j’ai pu passer pour un intransigeant mal-léché, voire un intolérant anti-numérique primaire. Que certains pensent peut-être que mes enfants sont bien malchanceux de devoir se plier à ces règles, et qu’ils doivent être bien malheureux à vivre ainsi dans leur bagne coupé du réseau 4G. Attention, je ne suis pas non plus complètement fermé et rigide : ils ont accès à l’ordinateur familial et la télévision du salon. Mais pas n’importe comment, pas n’importe quand. À certaines heures et pour y regarder un certain type de contenu. Et si possible, pas seuls, en la compagnie d’un adulte. Mais ce qui pour moi semble du bon sens le plus évident, apparaît pour d’autres comme de la tyrannie parentale, presque de la maltraitance à enfants… J’ai toujours, cependant, pensé être dans le vrai, plus qu’une intuition : une conviction naturelle.

 

Et la lecture de La fabrique du crétin digital m’a conforté dans mon opinion, le livre m’a même ouvert les yeux sur des choses que je ne soupçonnais pas du tout, et qui me font dire que la gravité de la situation que je supposais sans pouvoir la prouver était encore bien plus profonde que ce que je l’imaginais.

 

Enfin donc, j’en arrive au livre à proprement parler, désolé pour cette très longue introduction.

 

D’abord l’auteur : Michel Desmurget est docteur en neurosciences et directeur de recherche à l’Inserm (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale). Pas un blaireau de base, et encore moins un expert généraliste qui donne son avis sur tout (et au final n’a de véritable expertise sur rien) comme on en voit polluer les plateaux d’émissions à la BFM TV. Le bonhomme l’ouvre quand il s’agit de son domaine de compétences parce qu’il maîtrise son sujet, la ferme quand le sujet n’est pas de son ressort, et a l’honnêteté de le dire quand il ne sait pas répondre à une question précise. Rien que ça déjà, ça donne une bonne idée du sérieux du gars, de son éthique et de la crédibilité qu’on peut accorder à sa parole de scientifique. Non seulement c’est éminemment respectable, mais moi quand un type comme ça parle, je me tais et j’écoute, et j’essaie de comprendre ce qu’on me dit.

 

Le livre de Michel Desmurget aborde la consommation numérique actuelle (sous toutes ses formes) par les jeunes générations et dresse un bilan clair, net, précis et surtout abondamment et rigoureusement documenté sur les conséquences connues et avérées des outils numériques et de leur utilisation sur le développement mental, intellectuel, physique et psychologique des plus jeunes.

 

Il plante d’abord le décor en tordant le cou de certaines idées préconçues sur les apports supposément bénéfiques (pour ne pas dire révolutionnaires) des écrans de toutes sortes sur les aptitudes de nos enfants. Pour ce faire, il n’hésite pas à entrer dans le dur quand il dénonce des paroles « d’experts » qui se veulent rassurants, quitte à en égratigner certains au passage (il ne fait pas dans la bête dénonciation et évite de citer des noms directement dans son bouquin, mais chacune de ses affirmations est systématiquement renvoyée à des sources clairement identifiées et vérifiables, qui elles permettent aux plus curieux de trouver sans peine les noms des personnes dont la probité ou la parole est mise en cause). Dans la première partie de son livre, il démonte d’ailleurs sans vergogne et avec une précision impeccable les quelques rares études allant à contre-courant de la multitude d’études existantes qui démontrent toutes la nocivité de l’excès d’écrans pour nos gamins. Il le fait méthodiquement, avec la rigueur toute scientifique qui le caractérise, et ne laisse absolument rien au hasard : avec Michel Desmurget il n’y a pas de zone d’ombre qui persiste, rien ne reste flou, il entre dans le détail et explique tout, jusqu’aux aspects les plus techniques parfois, mais nécessaires à la fois pour bien tout comprendre de ce qui est dit, et pour être ainsi convaincu de l’éthique, la probité et la valeur de l’analyse qu’il fait et des conclusions qu’il en tire. J’avoue, par moment on entre à ce point dans des détails que cela peut paraître fastidieux au premier abord : il n’en est pourtant rien, car si le sujet vous intéresse, alors chaque détail a son importance et mérite d’être précisé pour être correctement compris par un lectorat non-spécialiste des matières scientifiques exposées.

 

Michel Desmurget se montre ainsi impitoyable avec ceux qui désinforment (scientifiques, pseudo-experts, intellectuels ou journalistes), volontairement ou non, le grand public sur l’impact réel des écrans et de leur usage sur nos enfants. Il fait parfois dans l’ironie, se laisse aller au cynisme envers ceux qui par leurs déclarations fausses ou trompeuses le méritent vraiment, et ne prend pas de gants pour dénoncer lorsqu’ils existent, les conflits d’intérêts (il y a des choses assez révoltantes par exemple sur certains propos de certains membres du CSA au sujet des publicités qui visent, principalement à la télévision, les enfants, propos mis en parallèle avec les liens parfois très resserrés de ces mêmes personnes avec les milieux industriels et commerciaux des produits sujets des dites publicités autorisées). Il y a dans ce bouquin quelques révélations qui à mes yeux devraient être considérées comme de véritables scandales sanitaires et sociétaux, dignes des pires arnaques légalisées.

 

Après avoir mis en pièces sans la moindre pitié et sans laisser le moindre doute possible à ce sujet toutes les études boiteuses et affirmations fumeuses qui laissent croire que le tout numérique est plus que bénéfique pour les enfants, Michel Desmurget aborde dans la seconde partie de son livre la réalité des faits. Il nous plonge dans la multitude d’études qui existent, et pour certaines qui concernent par exemple la télévision et dont les conclusions sont connues et reconnues par le corpus scientifique depuis des décennies, et qui toutes, en dehors des rares exceptions qu’il a traitées en première partie, démontrent sans l’ombre d’un doute l’effet délétère des écrans sur le développement des enfants.

 

Il décrit tout d’abord l’usage réel et quantifié du temps consacré par nos enfants aux activités numériques : c’est proprement vertigineux. Il pourfend l’idée selon laquelle tout cela est inéluctable et va de soi avec « la marche du temps et du progrès » en expliquant quelles règles simples peuvent s’avérer très efficaces pour préserver les enfants des ravages du tout numérique au quotidien.

 

Le scientifique aborde alors point par point tous les effets négatifs connus, reconnus et démontrés des écrans sur nos têtes blondes, et le moins qu’on puisse dire c’est que tout y passe au menu des conséquences néfastes : le développement cognitif tout d’abord est grandement impacté et altéré par la profusion d’écrans, c’est très clair et sans appel, toutes les études le démontrent catégoriquement. Et l’effet est d’autant plus grave qu’il se voit multiplié par le fait que tout le temps consacré aux activités numériques augmente les dégâts cognitifs à long terme mais qu’il faut en plus de cela y ajouter que c’est autant de temps qui devrait en temps normal être consacré aux activités propres à un développement sain et correct du cerveau de l’enfant et qui est définitivement perdu. Car c’est au cours de sa jeunesse que le cerveau connaît une plasticité optimale, celle qui justement est primordiale pour son développement et lui permet de se former par l’apprentissage, plasticité qui se réduit avec l’âge. Il en va pour le cerveau comme pour bien des choses : le temps perdu ne se rattrape jamais.

 

Évidemment, les conséquences scolaires sont elles aussi investiguées. Là encore les chiffres parlent et ne mentent pas : plus il y a d’écrans dits récréatifs plus les résultats scolaires diminuent. Quant aux écrans à usages scolaires, c’est la désillusion la plus totale : plus on les utilise au détriment des méthodes classiques pour l’apprentissage, plus les résultats baissent. Michel Desmurget entre ainsi dans le lard des politiques éducatives supposément modernes et progressistes : l’intérêt de dématérialiser l’enseignement réside avant tout dans un aspect financier, les résultats scolaires eux ne s’en trouvent absolument pas améliorés, bien au contraire. Un écran, une tablette, aussi performants soient-ils, ne pourront jamais être aussi efficaces pour un élève ou un étudiant, qu’un véritable enseignant en face de soi. En revanche, une politique qui se veut imposer l’usage d’une tablette par exemple, s’avérera bien moins coûteuse à terme que l’investissement dans l’enseignement humain direct. On pourra alors remplacer l’enseignant bien formé et coûteux, par un ersatz d’enseignant, juste bon à passer des programmes tout faits sur un outil numérique. Bien entendu, cela se veut moins cher sauf pour ceux qui paient la véritable note de l’opération : les enfants et les étudiants.

 

Mais d’une manière plus générale et pour sortir du seul contexte scolaire, les effets délétères ne s’arrêtent malheureusement pas là. Le directeur de recherche à l’Inserm le montre en s’intéressant à ce qu’il nomme les « trois piliers les plus essentiels du développement de l’enfant ». En premier lieu les interactions humaines, Plus l’enfant passe de temps devant un écran, moins il le passe face à d’autres personnes. Or c’est dans l’interaction humaine que l’humain se développe avec le plus d’efficacité et de rapidité. L’écran en comparaison n’apporte quasiment rien comme « nourriture cérébrale », et au mieux de manière très très dégradée. En second lieu, c’est le langage qui s’avère gravement impacté. Les écrans altèrent le volume et la qualité des échanges verbaux précoces, ainsi que l’accès au monde de l’écrit. On apprend infiniment plus et plus vite dans la « vraie vie » que par les contenus dits « éducatifs » sur support numérique. Le développement du langage est ainsi un des premiers à être touché. Le troisième point concerne la capacité de concentration. Contrairement à ce qui a pu être dit, les jeux vidéos qui nécessitent que le joueur soit attentif et réactif au moindre signal visuel ou sonore par exemple, agissent à l’inverse de ce qu’il faudrait pour développer le pouvoir de concentration. On entraîne alors son cerveau à percevoir la moindre sollicitation exogène, à être continuellement en alerte prêt à réagir à la moindre distraction, usant même son énergie à épier le moindre signal potentiel. C’est ce qu’on appelle une attention distribuée, ouverte à toutes les effervescences du monde qui nous entoure. Ce qui est l’exact contraire de la concentration, qui elle est la conséquence d’une attention focalisée, maintenue et imperméable aux pensées parasites et signaux extérieurs de toutes sortes. C’est bien entendu cette concentration focalisée qui est indispensable à un bon apprentissage efficace sur la durée, alors que c’est l’attention distribuée qui est développée par l’usage des écrans. Le cerveau humain n’est pas conçu pour ce genre de sur-sollicitations, il en souffre et se construit mal. En ce sens c’est l’un des effets les plus graves sur le cerveau des écrans : le multitasking est tout simplement dévastateur.

 

Viennent pour finir des considérations plus en rapport direct avec la santé de l’enfant. La consommation d’écran a des conséquences directes et très négatives sur le sommeil, sur l’aspect quantitatif comme sur l’aspect qualitatif du sommeil. Or le sommeil est un des piliers de la bonne santé et du bon développement du corps et de l’esprit. La sédentarité est elle aussi l’une des principales conséquences de la consommation d’écrans, avec ses effets secondaires sur l’organisme, aussi bien pour sa construction physique (l’exercice physique construit, la position assise prolongée induite par les écrans détruit!) que pour le fonctionnement émotionnel (la proportion de schémas mentaux dépressifs voire suicidaires augmente drastiquement avec le temps d’écrans ingurgité chez les jeunes générations). Il en va d’ailleurs de même pour les contenus dits « à risques » (qu’ils soient à caractères sexuels, tabagiques, alcooliques, alimentaires ou violents) : plus l’esprit est jeune et en formation, plus leurs effets sont nocifs et quantitativement mesurables.

 

Alors heureusement, Michel Desmurget ne s’arrête pas là. Il aurait pu se contenter de dresser ce constat absolument sombre et déprimant, mais il a voulu terminer son ouvrage sur un ton plus positif et moins catastrophique qu’il ne l’a entamé.

Il engage à ne pas se résigner, à ne pas croire que tout cela est inéluctable. Il rappelle qu’on garde le choix, en tant que parents, de livrer nos enfants à moins d’outils numériques et à les confronter à plus d’humain. Qu’il ne faut pas céder à la peur entretenue par l’idée qu’un enfant maintenu du mieux possible hors du champ du tout numérique va être malheureux et se trouver isolé socialement des autres. Il pousse même le raisonnement à ce sujet : à ce jour, aucune étude n’a indiqué qu’une privation d’écrans récréatifs puisse avoir des conséquences négatives sur le développement d’un enfant ni sur son intégration émotionnelle et sociale au monde (et ce n’est pas parce qu’aucune étude ne s’est intéressée au sujet !). En revanche il existe de nombreuses études qui démontrent l’impact préjudiciable sur bien des plans, y-compris sur des symptômes dépressifs et anxieux de ces outils sur nos enfants. Ça permet d’inverser la charge et de faire réfléchir les parents qui culpabiliseraient à ce sujet n’est-ce pas ?

 

Michel Desmurget tente de promouvoir l’action éducative des parents en contre-feu. En énumérant de grandes règles à appliquer sur l’usage des écrans par les enfants (il ne s’agit donc pas de tout interdire doctement sans autre forme de procès). Par exemple : pas d’écran dans la chambre, pas de contenu inadapté, pas d’écran le matin avant l’école ni le soir avant de dormir, pas de multitasking mais une chose à la fois ! Plus compliqué à tenir cependant : pas d’écran avant 6 ans, pas plus d’une heure par jour après 6 ans.

Certaines peuvent paraître contraignantes, mais comme le souligne le scientifique : moins d’écrans c’est plus de vie ! Il faut impérativement proposer d’autres activités pour compenser l’arrêt des écrans : parler, échanger, dormir (!!), faire du sport, jouer, faire de la musique, dessiner, danser, chanter, pratiquer toutes formes d’arts, et surtout, surtout : lire.

J’ai été étonné, mais très agréablement surpris, à la lecture d’études avancées par l’auteur, qui concernent justement l’utilisation du temps par les enfants et adolescents qui se trouvent dans l’impossibilité de se coller devant un écran : ils finissent, et ce dans un délai bien plus court que je n’aurais cru, par s’occuper de façon « naturelle » et spontanée avec ce qu’ils trouvent dans leur environnement direct : on retombe alors sur la liste d’activités énumérées plus haut. Et chose inattendue : même ceux qui déclarent ne pas aimer lire, se mettent tous seuls à lire pour s’occuper !! Ça peut paraître peu de chose, mais moi ça m’a réjoui d’apprendre cela.

 

J’aurais aimé que le livre s’étende aussi sur les effets des écrans chez l’adulte, ne serait-ce qu’en point de comparaison avec les impacts sur les plus jeunes. Il aborde le sujet de très loin, en expliquant que les effets sur un cerveau en construction sont nombreux et particulièrement délétères en raison de l’hyper-plasticité de l’organe dans sa prime jeunesse. Cette plasticité diminue fortement (sans disparaître pour autant) chez l’adulte, d’où des effets bien moins graves à égale exposition. Mais le livre est cependant suffisamment dense et complet en se contentant de traiter le sujet des enfants, vous pouvez me croire ! Je retiendrais cependant une formule qui m'a marqué et qui résume à elle seule beaucoup de choses : plus nos smartphones sont intelligents (et font les choses à notre place), plus nous devenons bêtes. À méditer...

 

Les conclusions de Michel Desmurget sont intéressantes et donnent de l’espoir. Mais il faut aussi mesurer tout cela à l’aune de la vie réelle, en dehors des livres. J’ai pu m’en rendre compte il y a peu. Il se trouve que par coïncidence, le sujet des écrans pour les enfants a été abordé il y a quelques jours au cours d’une petite discussion informelle avec des gens de mon entourage.

Une maman de trois enfants de 8, 11 et 15 ans, disait que l’école de son benjamin avait lancé un challenge « une semaine sans écran ». Son fils de 8 ans n’a pas supporté et n’a pas tenu une seule matinée entière. Le commentaire de la maman m’a stupéfié : « c’est une idée complètement idiote, l’école ferait mieux de se soucier de ce qui se passe entre ses murs que chez les enfants, et de toute manière une semaine sans écran c’est juste impossible à faire ». Je précise alors un peu le portrait pour mieux appréhender la chose : milieu socio-culturel « profession intermédiaire », peu ou prou mon âge, mariée, végétarienne convaincue, de caractère elle est plutôt douce et gentille, avec une légère tendance à se plaindre mais rien de bien méchant, plutôt sympathique, diplomate, intelligente, mesurée et agréable au demeurant. En revanche, ses enfants ont tous des smartphones, le plus petit en est à son troisième (forcément, il n’en prend pas autant soin qu’un plus grand, ça casse donc plus vite), elle-même ne quitte quasiment jamais le sien des mains. Ses enfants, comme quasiment tous les enfants, ne parlent que de consoles de jeux, les deux garçons -les plus jeunes- jouent quotidiennement à Fortnite. Points de détails, mais qui moi me font tiquer quand on me tient un discours convaincu sur les bienfaits d’être végétarien et de préserver notre planète : elle fume comme un pompier et vient d'acheter un diesel.

 

Je n’en tire aucune conclusion hâtive, et je ne me permets pas de juger (tant qu’on ne me juge pas), mais je ne peux m’empêcher de me demander si un gamin risque plus à passer sa vie sur des écrans dès son plus jeune âge ou à ingérer un morceau de viande de temps en temps ? En tout cas c’est le type de témoignage qui permet de mettre les choses en perspective je trouve.

 

Une chose est certaine cependant et ne souffre d’aucune contestation sérieuse : moins d’écran pour les enfants, c’est à terme moins de problèmes d’attention, de langage, d’impulsivité, de mémoire, d’agressivité, de sommeil, de réussite scolaire. Liste non-exhaustive.

 

Quant à moi je conclus enfin ce très, trop, long article (et j’aurais eu pourtant encore des tas de choses à dire et à développer !!) en vous conseillant très vivement la lecture de La fabrique du crétin digital de Michel Desmurget. N’ayez crainte : ce n’est pas un ouvrage accusateur à l’encontre des parents, c’est un livre qui informe, qui décortique et qui aide à comprendre. Desmurget ne juge personne d’autre que ceux qui font passer de fausses informations.

 

Un très court extrait pour finir : « La morale de l’histoire, la voilà. Livrez vos enfants aux écrans, les fabricants d’écrans continueront de livrer leurs enfants aux livres. »

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12 décembre 2019 4 12 /12 /décembre /2019 08:37

Samedi 7 décembre, sur la scène du Noumatrouff à Mulhouse, se sont produits les Innocents ! Tout discret qu’il soit, voilà bien un groupe français qui figure dans mon panthéon musical personnel, et depuis bien longtemps. Depuis 1992 précisément, date de sortie de leur deuxième album, Fous à lier.

Fous à lier, album phare des Innocents

Ah ce que cet album a pu tourner dans mon lecteur !! Je le connais par cœur jusque dans les moindres arrangements, les moindres paroles, les moindres respirations. Bientôt 28 ans que je l’écoute avec toujours autant de bonheur, 28 ans que jamais, malgré son omniprésence dans mon environnement musical, je ne m’en lasse.

Bien entendu, j’ai été là également, impatient, à la sortie de chacun des albums qui ont suivi (Post-partum en 1995, Les Innocents en 1999, Mandarine en 2015 et cette année), et j’ai également été de la partie pour les deux albums solo de JP Nataf (Plus de sucre en 2004 et Clair en 2009). Et c’est bien simple, jamais je n’ai été déçu.

Le duo JP Nataf et Jean-Christophe Urbain, l'âme des Innocents a deux têtes !

Les Innocents ce sont avant tout un duo d’artistes, auteurs, compositeurs et interprètes : JP Nataf et Jean-Christophe Urbain. Un doux-dingue et un dingue doux. Des mecs qui ont la musique joyeuse, maline, précise, mélodieuse et sophistiquée. Des mecs avec un univers qui n’appartient qu’à eux, et dans lequel ils nous invitent à plonger avec allégresse. On ne peut pas nier leurs influences pop anglo-saxonne bien qu’ils chantent en français, et c’est d’ailleurs une autre de leurs particularités : leurs textes sont très travaillés, la sonorité des mots est essentielle, le sens et le son ont une égale importance. Combien de fois ai-je été frappé et marqué par un de leurs vers, leurs paroles mélangeant poésie et musicalité avec autant de classe que de talent. Les Innocents, c'est deux plumes, celle de Jean-Chri et celle de JP, et elles connaissent des fulgurances textuelles qui me parlent...

JP Nataf, un homme extraordinaire

J’avais été très heureux de leur reformation pour la sortie de l’album Mandarine, et j’avais à cette occasion pu les applaudir pour la première fois à Colmar, pendant leur tournée acoustique en duo. Mais cette fois c’est en formation complète qu’ils tournent pour la promotion de leur dernier album en date, .

 

Et sur scène c’est du bonheur : joyeux, entraînants, souriants, proches de leur public, sûrs de leur musique, les Innocents sont comme chez eux. Ils maîtrisent, ils s’amusent, ils déconnent, et ils font passer une énergie et une positivité dingues !

Jean-Christophe Urbain, la classe de Danny Wilde

Impossible de ne pas avoir la banane après leur concert ! D’autant que les deux potes sur scène enchaînent avec autant de bonheur leurs vieux tubes que tout le monde connaît par cœur, que leurs nouveaux morceaux, qui possèdent tous ce petit truc en plus, la « recette Innocents » qui rend leurs chansons belles et accessibles. Qu’elles soient douces ou plus dynamiques, elles ont ce charme à part qui nous font nous sentir bien, tout simplement. Et ce talent-là, n’est pas donné à tout le monde. Bien sûr j’ai chanté en chœur avec toute la salle pour les tubes comme Un Monde Parfait, L’ Autre Finistère, Colore, Un Homme Extraordinaire ou Fous à Lier. Mais j’ai été tout aussi transporté quand ils ont chanté certains titres certes moins connus mais que je classe parmi mes tous préférés, comme Les Cailloux que j’adule, les Philharmonies Martiennes qui a marqué leur renaissance, Dentelle qui me file des frissons ou Danny Wilde qui est juste magnifique.

La scène, c'est chez eux !

D’ailleurs je me suis fait cette réflexion pendant le concert, alors que les chansons s’enchaînaient : en dehors de quelques couplets d’une ou deux nouvelles chansons, je crois bien connaître l’intégralité de leur répertoire par cœur. Pas si courant que ça, il n’y a guère que Leonard Cohen, Bernard Lavilliers ou Fred Blondin dont je puisse dire la même chose. Pour dire si leur musique fait partie de moi.

 

Alors voilà, samedi soir les Innocents étaient là et l’espace d’un temps, celui qu’a duré leur concert, rien d’autre n’a existé. Ils m’ont emmené avec eux dans leur univers, et qu’est-ce que c’était bien ! Vivement la prochaine fois...

L'affiche de la tournée 6½

PS : Comme à chaque fois, un énorme merci à ma petite sœur pour les photos du concert !!

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9 décembre 2019 1 09 /12 /décembre /2019 08:08

Pas banal.

C’est la première idée qui me vient pour vous parler de Tous mes vœux de Philippe Sebbagh.

Pas banal, et à plus d’un titre.

Bon, par où commencer ? Sachez d’abord que ce bouquin est le premier édité au format papier par Bookly, qui fonctionne sur le concept du crowdfunding. Rendez-vous compte : c’est grâce à 43 investisseurs, 43 personnes sur internet qui ont cru au talent de Philippe Sebbagh, que ce livre a vu le jour. Eh bien, ça en valait vraiment la peine, croyez-moi. Ça vaut ce que ça vaut, mais à sa sortie fin 2012, Tous mes vœux s’est classé parmi les meilleures ventes de livres sur Amazon. Oui je sais, acheter des livres sur Amazon, à la base c’est pas bien, faut défendre et faire vivre nos libraires. N’empêche, ça laisse songeur pour un livre quasiment auto-édité.

 

Pas banal aussi par son contenu. Une histoire d’amour. Oui, mais une histoire d’amour vraiment pas banale. Amour pour une femme, pour une amie, mais bien au-delà, déclaration d’amour à la vie de la part de son auteur. Vous me connaissez, le romantisme n’est pas la qualité que je recherche en premier lieu dans ce que je lis, ou regarde, ou écoute. Pourtant, avec ce livre, c’est cette qualité-là qui m’a conquis. Parce que c’est une belle histoire, avec de beaux sentiments, et bien racontée qui plus est.

 

Pas banal dans sa forme non plus. Pas très épais, ce roman ressemble presque à une pièce de théâtre. C’est extrêmement fluide, rapide, majoritairement fait de dialogues (j’écris cela de mémoire, j’ai quand même lu ce livre il y a 4 ou 5 ans déjà). C’est donc vif, vivant, dynamique. Inattendu aussi, déroutant parfois. Surprenant, dans le bon sens du terme.

 

Pas banal car… roulement de tambour : car c’est original ! Bonjour la lapalissade n’est-ce pas ? Et pourtant, moi j’ai été scotché par l’idée qui sert de fil rouge à cette histoire. Si simple, mais si bien vue. L’originalité, pas besoin de la chercher dans l’extravagance, parfois elle est juste là, devant soi, et elle apparaît de manière flagrante dès lors qu’on accepte d’ouvrir ses yeux. C’est un peu l’effet que m’a fait la lecture de ce petit livre. Si simple, si évident, et pourtant j’ai si rarement vu pareil roman.

 

Mais, ça me fait penser que je ne vous ai même pas encore dit de quoi ça cause !

Ben vous verrez c’est pas très compliqué. Philippe veut écrire, mais vivre de sa plume ça n’est pas évident. Elle est jeune, belle, et se lance dans le journalisme. Philippe est amoureux d’elle. Mais cette femme c’est aussi sa meilleure amie : problème. Un jour, Philippe sauve un homme d’un accident de la circulation. Héros ordinaire. Mais cet homme n’est pas n’importe qui, et pour le remercier il lui propose d’exaucer dix de ses vœux, si tant est qu’ils soient humainement réalisables et réalistes. Tel le premier Aladin venu, je suis certain que vous sauriez quoi demander à la place de Philippe. Et je suis persuadé aussi que vous ne vous attendrez pas à ce qu’il va demander, lui…

 

Alors là, vous allez me dire « mais attends, on nage en pleine comédie sentimentale ou je rêve ? ». Oui, c’est carrément ça. Pourtant j’ai trouvé ce bouquin si décalé, à la fois tendre sans être mièvre, plein d’humour et de finesse, et si peu en rapport avec ce qu’on range habituellement sous l’étiquette « comédie romantique », que je me suis dit « Au diable ma réputation d’amateur de super-héros et de belles poitrines, faut que je vous en parle ! ».

 

Alors voilà, c’est fait.

Tous mes vœux de Philippe Sebbagh c’est vachement bien, lisez-le.

 

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5 décembre 2019 4 05 /12 /décembre /2019 08:35

Jeudi 28 octobre, est sorti dans une poignée de salles de cinéma à travers la France, un film à séance unique : Western Stars de Bruce Springsteen et Thom Zimny 1.

 

Comme tout un aréopage de fans du working class hero, j’étais évidemment au rendez-vous, puisque ô miracle, le Kinépolis de Mulhouse avait programmé le film.

 

Western Stars est le pendant cinématographique du 19ème album (du même nom) du Boss, sorti en juin 2019. C’est aussi aux yeux de Springsteen la dernière partie de la trilogie autobiographique du chanteur, composée de ses mémoires parues en 2016 (Born to Run, dont je parlerai ici un jour promis, puisque je l’ai lu et déjà chroniqué pour une future publication sur le blog…) et de son show intimiste à Broadway où il était seul sur scène. Pour les fans on peut également considérer le film comme un agréable palliatif à l’absence de tournée suite à l’album Western Stars 2.

De la guitare, des violons, une grange.

Car Western Stars c’est avant tout un concert filmé, durant lequel le Boss chante l’intégralité de l’album éponyme, en respectant l’ordre exact des chansons telles qu’elles s’enchaînent sur le disque. Mais c’est plus qu’un concert filmé, c’est aussi une forme de documentaire sur le chanteur, sur les pensées profondes qui le hantent depuis toujours et de plus en plus avec l’âge. Au cours du film, chaque chanson est introduite par de petites scènes iconiques, où le chanteur apparaît et s’interroge en voix off sur le conflit existentiel qui l’a de tout temps animé : le conflit entre liberté individuelle et vie en communauté auprès de ceux qu’il aime. Il a à ce sujet plusieurs réflexions qui peuvent paraître peut-être un peu sombres, voire cryptiques pour qui n’a pas lu son autobiographie dans laquelle il développe beaucoup plus ses pensées et les conclusions qu’il a tirées de sa maintenant longue expérience. « Il est facile de se perdre. Ou de ne jamais se trouver. Je sais bien écrire sur le fait d’être perdu. » lance-t-il entre deux morceaux, au volant de son vieux quatre-quatre en plein milieu du désert californien. « Plus vous vieillissez, plus les bagages du passé s’alourdissent », c’est une idée qui est déjà très présente dans son livre et qu’il répète aussi au cours du film.

Se retourner sur son passé mais aller de l'avant...

La partie musicale, qui est aussi en durée la plus longue du film, est filmée dans un endroit assez incroyable : une vieille et immense grange, plus que centenaire, sur la propriété du chanteur. Elle donne un cachet d’authenticité à la musique qui mêle à la perfection le groupe restreint de musiciens habituels autour du Boss, la trentaine de musiciens d’un orchestre symphonique qui l’accompagne et le style de pure Americana qui compose les morceaux de l’album Western Stars. C’est ainsi que devant un public d’amis et d’invités, le chanteur du New Jersey égrène les treize chansons de l’album avant de terminer sur la plus classique Rhinestone Cowboy composée par Larry Weiss et popularisée par Glen Campbell dans les années 1970. L’endroit magnifie les chansons qui s’inscrivent entre la folk contemporaine et le classique instantané…

La musique au centre de tout.

L’effet de proximité et d’intimité est encore accru, lorsque se mêlent au documentaire et à la musique quelques images d’archives privées de Bruce enfant, de sa famille, de son voyage de noces, de sa vie de couple avec Patti Scialfa, son épouse depuis près de trente ans. Elle est d’ailleurs là, à ses côtés durant tout le concert, chantant tantôt avec les chœurs, tantôt en duo avec Springsteen. L’alchimie entre les deux est palpable, dans les mots comme dans les regards.

Patti et Bruce, duo à la ville et sur scène...

La partie documentaire faite de courts métrages où l’on voit errer dans un paysage de Far West le leader du E Street Band, est quant à elle vraiment paradoxale. Springsteen y apparaît comme à la fois le cliché absolu de l’Amérique rêvée comme dans les films, et pourtant il a l’air d’être totalement au naturel, noyé dans un paysage désertique de sable et de cactus, au volant d’un vieux pick-up, avec en fond des chevaux sauvages au galop et des plans qui pourraient être tout droit sortis de vieux classiques américains. Avec sa gueule de pistolero échappé d’un film de John Ford, mixe de la mâchoire d’un Clint Eastwood et de la voix d’italien éraillée d’un Marlon Brando dans le Parrain, le Boss apparaît en vieux jean usé, chapeau de cowboy vissé sur la tête. On est en plein Western, John Wayne pourrait débouler et commander un whisky au bar que ça continuerait à paraître normal à tout le monde. Charles Bronson pourrait jouer de l’harmonica en arrière plan que ça paraîtrait évident. On est pendant tout le film dans une ambiance de rêve, d’absolu américain, on nage en plein cliché et parfois on déborde en plein kitsch, et pourtant : rien n’est choquant, tout passe, on se prend juste la force des images en pleine poire et on n’a rien à redire.

Un cheval, des étendues infinies : un symbole de la liberté pour le Boss.

Si tout paraît comme dans un conte moderne à l’écran, c’est je crois tout simplement parce que Springsteen lui-même est à présent devenu un mythe américain. Il est donc normal de le trouver dans un tel décor de carte postale. À 70 ans passés, dont près de 50 ans à faire de sa musique une des voix officielle de l’Amérique, il est une légende. Et une légende ça n’est pas cliché, il n’y a que ceux qui tentent de l’imiter qui le sont.

I'm a poor lonesome cowboy...

Et c’est donc ainsi que Bruce Springsteen peut tout faire, tout dire, tout chanter dans ce film. Tout roule. Tout passe. Tout fonctionne. On lui pardonne tout. Que n’importe quel zozo vienne me prêcher la bonne parole du Seigneur que je m’en irais au plus vite en courant, mais que le Boss ponctue son discours d’un « God bless you all » que je ne dirais rien d’autre que « Amen ». Parce que c’est le Boss et qu’il ne pense pas à mal, il a le droit.

1 Thom Zimny a déjà signé un certain nombre de clips de Springsteen, ainsi que son spectacle autobiographique à Broadway en 2018.

2 Springsteen a confié être dans une période de créativité très fertile, il est déjà en plein travail d’enregistrement sur le prochain album qu’il sortira en compagnie du E Street Band, son groupe mythique, et qui cette fois-ci sera suivi d’une nouvelle tournée.

L'affiche du film

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2 décembre 2019 1 02 /12 /décembre /2019 08:34

Votre attention amateurs de page-turners, ce livre est fait pour vous. Vous fonctionnez au suspense haletant ? Au rythme effréné des révélations et rebondissements ? Au jeu du chat et de la souris des intrigues malignes et des fausses pistes disséminées ici et là ? Aux mystères mâtinés d’Histoire, de politique mais aussi de Science et de découvertes ? Aux récits qui vous mènent à travers le monde et sautent d’un continent à l’autre ? Alors ne cherchez pas plus loin : c’est exactement tout ce que vous trouverez dans Les Larmes d’Aral de Jérôme Delafosse. Tout cela et bien d’autres choses encore…

 

Le roman plante son action en automne 1994, en Irlande, en plein contexte du conflit nord-irlandais. Sinead McKeown, grand reporter de guerre, échappe à un attentat à la bombe qui visait son domicile. Mais elle y perd son mari, lui-même journaliste, ainsi que l’enfant qu’elle porte. Ses liens passés avec l’IRA la mettent sur la sellette et la police dirige ses soupçons vers elle. Sinead devient à la fois fugitive et enquêtrice, bien décidée à découvrir les véritables responsables.

Au même moment à Paris, Raphaël Zeck, flic de la Brigade Criminelle, se voit confier l’enquête sur le cas d’un homme dont le corps quasi-nu a été repêché dans la Seine, marqué d’étranges plaies nécrosées. L’homme, visiblement désorienté et terrorisé avait été pris en chasse par une patrouille nocturne de la BAC avant de se jeter dans le fleuve. L’affaire se complique quand les policiers qui ont manipulé le cadavre ressentent de graves malaises. En remontant la piste on découvre que l’homme mystérieux était en possession d’une mallette contenant du Césium 137, hautement dangereuse car mortellement radioactive…

À ce stade Sinead et Raphaël ne le savent pas encore, mais leurs enquêtes vont bientôt se croiser…

 

Je disais en introduction que ce bouquin est un véritable page-turner et c’est vrai : quand on s’embarque dans sa lecture on a du mal à le lâcher. Ce qui en soi est déjà très bon signe vous en conviendrez.

Mais allons un peu plus loin et essayons de comprendre ce qui fait l’attrait de ce livre. Je crois que l’explication tient avant tout à la personnalité de son auteur, dont les qualités se retrouvent directement dans son ouvrage. L’auteur est Jérôme Delafosse. Journaliste de son état, il est l’un des « Nouveaux Explorateurs », l’émission de Canal + qui a connu une belle renommée au cours de sa diffusion entre 2006 et 2014. Et le parallèle se fait vite avec Les Larmes d’Aral : le roman est en effet érudit et visiblement très documenté, que ce soit du point de vue géopolitique, historique ou scientifique, ce qu’on doit à coup sûr à l’habitude du journaliste de travailler en amont et en profondeur ses sujets. De même, le livre de Jérôme Delafosse nous fait voyager et voir du pays, au plus près de la réalité du terrain, des habitants, des contextes politico-historiques. Exactement ce que fait l’auteur lors de ses reportages en immersion pour son émission télévisée. Et puis cette capacité à vous faire tourner les pages sans même que vous vous en rendiez compte, plongé que vous êtes dans l’histoire, révèle bien entendu un vrai talent de conteur, ce qu’on peut là encore vérifier sur chacun de ses reportages télévisés. Le bonhomme sait nous entraîner avec lui dans le monde qu’il nous expose.

Il n’est donc pas du tout étonnant de retrouver toutes ces qualités dans son roman. Et d’expliquer ainsi l’attractivité de cette histoire dès lors qu’on y met un pied…

 

Et puis il y a ce suspense, ce mystère maîtrisé de bout en bout et qui ne dévoile sa vérité qu’en toute fin du roman, qui vous ballade bien tout du long et vous attrape bien comme il faut dans sa conclusion.

 

Pour toutes ces raisons, et surtout pour le plaisir que vous prendrez à sa lecture, je vous conseille vivement ce thriller français de haute volée. Sous ses aspects de polar saupoudré de complotisme et d’éléments hétéroclites invraisemblables, qui ressemble dis comme ça à une recette toute faite de best-seller qu’on aurait déjà pu voir mille fois par ailleurs, je suis certain que Les Larmes d’Aral saura vous surprendre et vous mener là où vous ne vous y attendiez pas !

 

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