Hier soir, le lundi 22 juillet passait en séance unique le film documentaire Springsteen & I, produit par Ridley Scott (qui a encore de bonnes idées de temps en temps). Séance unique pour ce film, mais à travers le monde entier, dans quelques 50 pays et 2000 cinémas participants à l'événement, dont une cinquantaine en France. J'étais dans l'un deux. Et quelle bonne idée ce fut là.
Réalisé par Baillie Walsh, ce documentaire ne raconte pas la vie privée du Boss, n'est pas une longue interview de la star, ne se veut pas une rétrospective exhaustive de sa carrière et encore moins un catalogue de chansons et d'albums. Bien entendu on voit des tonnes d'images d'archives, certaines récentes d'autres très anciennes, des documents publics comme privés, des extraits de nombreux concerts que ce soit dans de petites salles ou dans des stades immenses. Mais le concept du film n'est pas celui-là. Springsteen & I, c'est le Boss vu par ses fans. Des dizaines de témoignages, d'histoires, de tranches de vies, où les fans racontent leur lien avec Bruce. La façon dont sa musique imprègne leur vie, ce qu'il représente à leurs yeux, comment ils vivent leur relation avec cette star internationale du rock. Et si dit comme cela on pourrait craindre de se retrouver face à une accumulation de groupies décervelées qui hurlent leur amour inconditionnel, il n'en est finalement rien. Oui, il y a bien quelques témoignages de gentils doux-dingues qui vivent un peu leur vie par procuration à travers le phénomène Springsteen, mais ce qui l'emporte avant tout dans cette avalanche de confidences d'amateurs du Boss, c'est une formidable émotion, une énergie incroyable, un humour omniprésent, et un « spirit » commun assez enthousiasmant, convaincant et fichtrement séduisant. Ce qui revient très souvent dans les témoignages, c'est cette sensation d'être au centre des chansons de Bruce. Que le Boss s'adresse à nous et rien qu'à nous et nous parle de nous et rien que de nous, en tant qu'êtres humains et à tous les niveaux.
Oui, clairement c'est une sensation de communion intime qu'on a devant le lien qui unit Bruce Springsteen et ses fans. Je crois sincèrement que ce film de fans peut vraiment plaire à n'importe qui, même si vous ne connaissez rien à la vie et l'oeuvre de Bruce Springsteen, tant il déborde de fraîcheur, de générosité et d'énergie. Mais je pense que pour quiconque aura déjà vu un concert du bonhomme, ce film et ce qui s'y dit prendront encore une profondeur supplémentaire. Avec cette impression que l'on comprend mieux ce qui est parfois difficilement descriptible et qui pourtant transpire de tous ces témoignages. En écoutant l'une ou l'autre de ces personnes on se dira inévitablement à un moment ou à un autre « je comprends exactement ce qu'il cherche à exprimer, j'ai vécu ou ressenti la même chose ». Certains m'ont fait sourire, d'autres m'ont fait réfléchir, d'autres encore m'ont ému ou franchement fait rire. Tous ont éveillé quelque chose chez moi. Et ça c'est très fort. Alors oui, on peut toujours se parer d'une bonne couche de cynisme et trouver ici ou là matière à se moquer, c'est d'autant plus facile quand on parle de passion, qui plus est de la passion des autres. Car ces gens se dévoilent, de manière assez impudique même parfois. Mais moi, qui pourtant suis un adepte assumé de l'ironie et du cynisme, j'y ai surtout trouvé de quoi m'enthousiasmer. De voir tous ces gens se livrer et afficher leur amour du Boss, ça m'a donné la banane. J'ai trouvé ce moment totalement inattendu et d'autant plus rafraîchissant de naturel et de sincérité.
Pour ce qui est du film dans sa construction on a d'abord toute une série de témoignages entrecoupés d'extraits de chansons et de concerts qui se rapportent à des anecdotes bien précises, quelques personnages récurrents que l'on revoit plusieurs fois au cours du métrage (j'ai beaucoup aimé Jon qui raconte son expérience de gamin de neuf ans, le faux Elvis et son épouse, l'humour flegmatique de David ou encore l'ouvrier anglais qui raconte son périple à New-York), une tripotée d'images d'archives, pour finir par un extrait inédit de six morceaux issus d'un concert à Londres en 2012. Et à l'image des concerts de Bruce qui semblent ne jamais finir, il y a encore après cela un épilogue où l'on retrouve certains fans cette fois-ci en compagnie du Boss qui les rencontre après avoir vus leurs témoignages dans le documentaire. Tout cela passe bien et très vite malgré une durée plus que raisonnable du long-métrage, mais si je devais émettre un léger bémol il concernerait l'extrait assez long du concert de Londres. Bizarrement je ne l'ai pas du tout trouvé représentatif d'un concert de Springsteen. Visiblement tourné pendant un festival de rock, l'organisation ne devait pas être celle du Boss qui habituellement est au contact direct avec ses spectateurs, les touchant, les embrassant, les faisant monter sur scène régulièrement, parfois même se faisant porter à bout de bras dans la fosse (remember Bercy 2012 !!). Sur ce concert de Londres il y a un immense vide entre la scène et les barrières maintenant les spectateurs au loin, comme un cordon sanitaire coupant un peu l'échange entre Bruce et son public. J'ai trouvé ce choix de concert dommage, même si je comprends qu'avec le caméo de l'ex-Beatles Paul McCartney il y avait également un petit plus pas négligeable.
Mais bon, l'essentiel n'est pas là. Ce que je retiens du film, c'est avant tout que Bruce Springsteen est un type assez exceptionnel, et qu'il a en conséquence des fans assez exceptionnels eux-aussi. Je ne saurai trop vous conseiller de voir ce film, que vous soyez vous-mêmes fan du Boss ou non peu importe. L'énergie qui se dégage de Springsteen & I se suffit à elle-même.
(et pour le plaisir, le trailer officiel du film :)
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