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Avant de lire les notes que je fais sur les films que je vois et les bd que je lis, sachez que dans mes commentaires il m'arrive parfois de dévoiler les histoires et les intrigues. Ceci dit pour les comics, je n'en parle que quelques mois après leur publication, ce qui laisse le temps de les lire avant de lire mes chroniques.
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26 septembre 2019 4 26 /09 /septembre /2019 07:30

Probable réminiscence de mon adolescence bercée par Martin Riggs et Max Rockatansky, un de mes acteurs cultes est et reste Mel Gibson. Malgré les polémiques, malgré sa période de mise sur la touche par le microcosme hollywoodien, malgré son blacklistage qui aura duré peu ou prou une dizaine d’années, Mad Mel demeure pour moi une des figures emblématiques du cinéma que j’ai aimé jeune, qui a forgé mes goûts et figé mon système de références bien à moi. D’ailleurs ce n’est pas uniquement l’acteur qui m’a marqué, mais également le réalisateur qui, quoi qu’on pense de lui, sait livrer des films d’une puissance et d’une efficacité qui se posent là. À mes yeux, un film comme Apocalypto par exemple, est devenu une référence instantanée, un classique moderne, un statut que très peu de films récents sont capables de revendiquer et de tenir.

Héros à l'ancienne et gloire passée...

Longtemps boycotté1 en tant que comédien pour avoir tenu des propos polémiques et défrayé la chronique par sa vie personnelle quelque peu agitée, Mel Gibson revient lentement sur les écrans, sans pour autant être redevenu la star qu’il fut à sa grande époque. On ne monte plus de gros budgets sur son seul nom, la licence Mad Max survit à présent sans lui, même L’Arme Fatale a connu une seconde vie2 sans lui. Plus discret, se voulant moins clivant, le bonhomme renoue doucement avec son métier, monte tant bien que mal des films ambitieux en tant que réalisateur (le dernier en date, Tu ne tueras point l’a même réconcilié avec la critique), et montre sa trogne dans quelques films choisis, ici et là.

Le poids des années qui pèse...

Car une chose n’a pas changé : ce n’est peut-être plus son regard bleu acier mais souvent une barbe grisonnante et envahissante qu’on voit en premier quand il apparaît à l’écran, mais il n’a rien perdu de son magnétisme animal et de son charisme naturel. La vieillesse et la fatigue qu’on peut lire sur son visage ne font finalement qu’accentuer l’intensité de ce qu’il dégage.

Alors pour moi, quand un nouveau film avec Mel Gibson sort, ça tient toujours un petit peu de l’événement. Même si je suis l’un des derniers à qui ça fait cet effet. M’en fous. J’essaie d’aller le voir au cinéma quand même. Du moins s’il est programmé sur grand écran de par chez moi. C’est donc avec une pointe de déception que j’ai appris que Traîné sur le bitume n’aurait pas les honneurs d’une sortie en salle dans l’hexagone, mais passerait par la case DTV3.

Entre vieux de la vieille pas de cadeaux, ou quand Don envoie Mel sur la touche...

Pourtant le casting a méchamment de la gueule ! Jugez plutôt : outre Mel Gibson on retrouve à ses côtés Vince Vaughn, Michael Jai White, Don Johnson, Udo Kier, Laurie Holden4, Jennifer Carpenter… on a vu pire ! Et puis le film est signé S. Craig Zahler dont le nom ne vous dira peut-être rien, mais dont le premier film, Bone Tomahawk avait bien fait parler de lui et ramassé quelques distinctions ici et là (dont le Grand Prix de Gérardmer 2016, pour ceux à qui ça cause). Pas un manchot derrière la caméra donc.

 

Peu importe, de toute manière l’affaire était entendue pour moi : au cinéma ou en vidéo, je ne pouvais pas passer à côté de ce film-là.

Attention au casting de seconds couteaux qui claque : Michael Jai White vous salue bien !

Je vous dresse rapidement le décor : Deux flics un peu borderline mais pas ripoux sont suspendus par leur hiérarchie après avoir été filmés lors de l’une de leurs arrestations. Le temps que les médias se calment et passent à autre chose. Écœuré par ce manque de soutien, Brett Ridgeman (Mel Gibson) décide de mettre à profit sa suspension pour gagner l’argent dont lui et sa famille ont tant besoin. Rencardé sur un gros coup qui doit se faire prochainement, il va jouer le tout pour le tout et entreprend de braquer des braqueurs. Voler des voleurs, ça n’est pas vraiment du vol il paraît… en tout cas sa morale s’en accommode volontiers. Son coéquipier Anthony Lurasetti (Vince Vaughn) tout d’abord peu enthousiaste à cette idée, décide de tout de même lui prêter main forte. Les deux hommes sont déterminés. Le hic, c’est qu’en face, les criminels eux aussi sont déterminés...

Les méchants n'ont pas prévu de se laisser faire !

Alors j’avoue que durant au moins la première heure du film, j’étais dubitatif. Il y avait du talent à l’écran, pas de problème là-dessus, mais côté mise en scène et scénario, je n’étais pas convaincu. Je trouvais ça trop lent, trop explicatif et pas assez dynamique. J’en étais presque à me demander si la bonne réputation qui précédait le film n’était pas exagérée. Plus les minutes s’écoulaient, plus je craignais fortement une amère déception à l’arrivée…

Pour sa famille, Brett sait ce qu'il lui reste à faire...

Homme de peu de foi que j’ai été. À croire que j’ai été gangrené moi aussi par la mode, par la norme actuelle du cinéma qui veut qu’un film doit avoir impérativement un rythme tendu et saccadé pour plaire, encore plus s’il se range dans la catégorie film de genre. Pourtant je le sais que c’est rien que des conneries tout ça, j’en ai si souvent des démonstrations limpides (allez ne cherchons pas bien loin dans mes dernières chroniques : Once upon a time in… Hollywood ou Hostiles devraient suffire à étayer mes propos). Le doute donc avait commencé à s’installer en moi avant que je ne comprenne, avant que S. Craig Zahler, en réalisateur vicelard et pleinement maître de son sujet, me file un gros coup d’adrénaline alors que je ne m’y attendais pas. Ce que j’avais pris pour un manque de rythme au départ était en fait tout autre chose, de tout à fait voulu et mesuré par le cinéaste. C’était une savante mise en place des enjeux et des personnages. C’était une mise en route volontairement lente avant les coups de buttoir qu’il s’est pris un malin plaisir à nous envoyer comme ça, par saccades, sans prévenir et surtout sans nous ménager le moins du monde. Sans ménager les personnages de son film non plus d’ailleurs.

Brett et Anthony, deux flics à l'ancienne, en décalage permanent avec le monde actuel

Car une fois qu’on a bien pris le temps d’apprendre à connaître chaque personnage, sa vie passée et présente, ses motivations, alors le vrai jeu commence. Un jeu de massacre, où tout peut arriver à tout le monde, y compris … ah bah non, ça serait ballot que j’en dise plus là-dessus. Tout ce que je peux dire c’est qu’à deux ou trois reprises j’étais sur le cul face à ce que je voyais à l’écran. Et quand est arrivée la fin du film (qui dure 2h39, moins le générique ça fait quand même environ 2h30 de métrage mine de rien) je me suis retrouvé tout con, essayant de comprendre ce que je venais de voir, tentant de rapprocher ce film de quelque chose d’approchant que j’aurais pu déjà voir, en vain. On peut dire que ce film m’a déboussolé, ça ne sera pas exagéré.

Déterminé et armé : pas sûr que ça suffise...

Tout d’abord long voire lent, Traîné sur le bitume prend son temps, impose son rythme au spectateur. Mais ne vous y fiez pas, c’est pour mieux vous choper par les baloches. Car quand le film bascule, il devient totalement inattendu, sans pitié, amoral, cruel même à l’endroit de certains personnages. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que de ce point de vue, ce film sort des sentiers battus et trace son propre chemin en suivant un itinéraire tout sauf conventionnel.

 

Et en fin de compte, après avoir craint de finir déçu, j’ai été surpris comme peu souvent j’ai pu l’être ces derniers temps par un film. Évidemment, vous me connaissez un peu maintenant : je ne peux que le conseiller (avec les précautions d’usage : ça ne va pas plaire à tout le monde et accrochez-vous sur la première moitié, et sur la seconde moitié aussi mais pour de toutes autres raisons).

 

1 à quelques rares exceptions près comme Le complexe du castor par exemple

2 ce qui à mes yeux est une trahison doublée d’une ineptie sans nom…

3 Direct To Video

4 franchement méconnaissable dans le film, ce n’est qu’en voyant son nom au générique de fin que je me suis rendu compte que c’était en effet bien elle !

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23 septembre 2019 1 23 /09 /septembre /2019 07:30

« Alors ça, je ne l’avais pas vu venir ! »

C’est en substance ce que je me suis dit quasiment tout du long de ce roman policier.

Et clairement quand on lit un polar, se faire surprendre c’est déjà un gage de qualité.

Je ne parle même pas de la fin, qui m’a laissé sans voix. Mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs, commençons par le commencement : l’intrigue.

 

Cinq fillettes ont disparu. Quand la police retrouve les cinq bras gauches de ces enfants dans cinq petites fosses creusées dans un bois, le doute n’est plus permis, le lien est fait. La mise en scène macabre ne s’arrête cependant pas là. Car un sixième bras est retrouvé. Ce qui implique qu’une sixième victime est concernée. L’équipe de policiers qui travaille en relation directe avec le professeur Goran Gavila, un éminent criminologue, fait appel à une enquêtrice spécialisée dans les enlèvements d’enfants, Mila Vasquez, pour leur prêter main forte. Mila est une solitaire, et s’intégrer à une équipe déjà bien en place ne lui sera pas facile. Mais très vite l’enquête va l’emporter sur tout le reste : il y a tant à comprendre et à découvrir que chacun doit être à son meilleur niveau. D’autant plus que chaque nouvel indice, chaque nouvelle piste, démontre aux policiers qu’ils sont encore loin de la vérité.

 

Bon, comme résumé de départ on a déjà fait mieux. Je serais presque tenté de dire que simplement comme ça, ça ressemble à un thriller classique à tendance un peu gore. Enlèvements d’enfants, morceaux de cadavres découverts, enquête qui s’avère compliquée, équipe de policiers aux talents divers. On imagine la suite : indices, rebondissements, retournement de situation, résolution de l’enquête.

Sauf que non. Enfin oui, mais non quand même.

 

Réduire Le Chuchoteur de Donato Carrisi à un polar de plus, même malin, même bien ficelé, ce serait non seulement lui manquer de respect, mais aussi faire complètement fausse route.

Parce que oui c’est un polar, oui c’est une énigme à résoudre, mais non vous n’avez jamais lu ça nulle part, non vous ne pouvez pas comparer ça à une intrigue policière lambda, et surtout, surtout, Le Chuchoteur est un putain d’ovni !

 

Je ne sais pas ce que j’ai le plus aimé dans ce roman. Les personnages sont d’abord très intéressants. Pas forcément attachant au sens premier du terme, mais presque aussi intrigants pour certains que les mystères qu’ils essaient de mettre à jour. Que ce soit Mila ou Goran, ils traînent avec eux des fêlures et des secrets que le lecteur découvre au fur et à mesure de l’histoire, qui enrichissent leurs personnalités et renforcent la sensation qu’on a tout au long de la lecture, à savoir que rien n’est tel qu’on le croit, que tout n’est qu’apparences et que la vérité se cache derrière bien des voiles plus ou moins opaques…

L’enquête quant à elle est fascinante, car on suit pas à pas les méthodes des enquêteurs, on découvre, on déduit, on se triture les méninges à essayer d’imaginer des solutions, on comprend en même temps qu’eux. Les révélations se succèdent, les rebondissements aussi, le tout avec un beau rythme qui plus est… Pourtant le lecteur a un point de vue légèrement différent de celui des policiers, puisque le récit de l’enquête est régulièrement entrecoupé par de courts intermèdes qui prennent deux formes alternativement, pour l’une celle de rapports d’un agent pénitentiaire au sujet d’un détenu, et l’autre qu’on devine être les pensées d’une jeune fille kidnappée. On a donc connaissance de choses que les enquêteurs ignorent. Et malgré tout, on se sent aussi perdu et démuni qu’eux !

Et puis au chapitre de ce que j’ai beaucoup apprécié également, c’est tout simplement le style : simple, direct, efficace. Pas de temps morts, pas de remplissage. Tout a son importance, et on s’en rend rapidement compte, aussi le lecteur reste en constante implication et sa concentration reste totale pendant tout le roman. Pourtant le bouquin est tout de même plutôt épais, ce n’est pas lu en deux heures, autant vous prévenir de suite. Bref, si on cumule : une histoire très intrigante + des personnages intéressants + une écriture fluide, je crois qu’on peut dire sans risquer de se tromper qu’on est en présence d’un vrai page turner de première classe.

 

Mais là où ce roman est bluffant, c’est quand on parvient à la fin, et qu’enfin on comprend. Moi j’ai été soufflé, même choqué, de comprendre la vérité. Parce que pour reprendre mon introduction : « je ne l’avais pas vue venir celle-là ». Mais surtout, ce qui m’a durablement marqué, presque fasciné si ça n’était pas aussi traumatisant, c’est de savoir que Donato Carrisi, en bon romancier doublé d’un juriste de formation spécialisé en criminologie et sciences du comportement, s’est appuyé sur des cas et des faits réels. Et il m’a ainsi fait découvrir une nouvelle facette du mal à l’état pur, que je ne soupçonnais même pas. Mais qui pourtant, existe bien. Dans la réalité. Pas que dans les livres.

 

Si je vous disais que le final de ce roman m’a glacé le sang, je serais encore loin du compte.

Tant et si bien d’ailleurs, que malgré l’effet bœuf* qu’a eu ce bouquin sur moi quand je l’ai lu, je n’ai pas encore cherché à lire autre chose de cet écrivain italien (Le Chuchoteur est pourtant le premier volet -qui se suffit cependant à lui-même- d’une trilogie qui se concentre sur les enquêtes du personnage de Mila Vasquez). Il m’a fait si grosse impression que je ne vois pas comment il pourrait égaler ou faire mieux avec une autre histoire…

 

Alors simplement, merci à mon ami Patrick de m’avoir mis ce livre entre les mains. Grand moment de lecture !

* et mine de rien, j’ai placé deux fois le mot bœuf dans cet article, sans pour autant qu’on y parle à aucun moment agriculture ni élevage bovin.

 

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19 septembre 2019 4 19 /09 /septembre /2019 07:19

 

« Je pense donc je suis. »

 

René Descartes, mathématicien, physicien et philosophe.

 

 

« Parfois je pense ; et parfois je suis. »*

 

Paul Valéry, écrivain, poète et philosophe.

 

 

 

 

* à ne pas confondre avec :

 

« Parfois je panse, parfois j’essuie. »

 

Chantal, aide-soignante à l’EHPAD des Mimosas.

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16 septembre 2019 1 16 /09 /septembre /2019 07:14

Avec Le Crépuscule d’une idole, j’ai (enfin) lu mon premier livre de Michel Onfray. J’aurai mis le temps ! Je dois dire pour ma défense que ça impressionne un peu de s’attaquer à un auteur pareil. Le bonhomme sort quand même pavé sur pavé sans discontinuer depuis des années. Et certes, les thèmes abordés par lui m’attirent souvent, mais l’épaisseur de ses ouvrages a tendance à dissuader les meilleures volontés (enfin les miennes…). Imaginez, le temps de lire un de ses bouquins je pourrais m’en enfiler deux ou trois de taille plus raisonnable, ce qui m’a fait souvent passer mon tour. Mais pas cette fois. J’avais envie d’en savoir plus, à la fois sur cet auteur tant apprécié d’une part que décrié de l’autre, mais aussi sur celui qui est le sujet de son livre, à savoir Sigmund Freud.

 

Eh bien, j’ai été servi !

 

Sur tous les plans…

D’abord j’ai découvert la plume de Michel Onfray, dont je ne connaissais jusqu’alors que les talents d’orateur. Je l’ai trouvé précis, méticuleux, clair, extrêmement bon pédagogue, direct, carré et obstiné. Onfray ne fait pas dans la demi-mesure. Il a lu, pour ne pas dire disséqué, tout ce que Freud a pu écrire au cours de sa vie. Et je ne parle pas que de ses publications officielles sur la psychanalyse, mais de vraiment tout ce qui a pu un jour ou l’autre sortir du bout de sa plume. Comme ses travaux d’avant sa « découverte » de la psychanalyse, ou sa correspondance privée qui a pu être retrouvée et compilée. Et ça n’est pas tout, la méthodologie d’Onfray prend également en compte l’aspect chronologique : non seulement il va tout lire, mais tout lire dans l’ordre chronologique ! Avec un stylo à la main bien entendu, pour prendre des notes et ne rien oublier. Et croyez-moi, ce type n’oublie jamais rien, c’est une vraie machine en plus d’être un bourreau de travail. Mais cette méthode, qui doit nécessiter une discipline d’enfer, s’avère payante à bien des degrés. Onfray approche ainsi au plus près la personnalité de Freud (à travers ce qu’il laisse transparaître dans ses écrits, mais aussi à travers ce que l’on connaît de sa biographie et de ce que ceux qui l’ont connu en ont dit), et pointe aussi bien les qualités que les défauts du père des psychanalystes. Les contradictions également, et on s’en aperçoit au fur et à mesure de la lecture et de l’analyse fine des textes, qu’il y en a pléthore. Sans parler de ce qu’on pourrait gentiment qualifier d’élucubrations pour ne pas parler de délires purs et simples, car Freud, auto-proclamé docteur des esprits, aurait bien mérité lui-même une petite remise en questions sur ce plan-là… Mais j’y reviendrai un peu plus tard.

 

Ensuite j’ai appris, par l’intermédiaire de ce diable d’Onfray, une somme incroyable de choses sur la personne publique mais aussi privée de Freud. Je crois qu’on a tous en tête une image d’Épinal concernant le personnage : un vieil homme à l’allure austère, petites lunettes rondes sur le nez, découvreur d’un monde quasi-inexploré avant lui (mais sur ce point on se rend compte avec Onfray que c’est loin d’être aussi simple que cela) qu’il nommera l’inconscient, et père de rien moins qu’une discipline entière et nouvelle de la médecine, qu’il nommera psychanalyse et dont il définira lui-même les limites et les règles qui la régissent. L’image dont je parle, inclut le fait que Freud et ce qu’il dit « va de soi » et ne souffre d’aucune remise en questions, que sa parole vaut décret et que dans le domaine de la psychanalyse, il est le maître incontesté et absolu. C’est d’ailleurs quelque chose d’intégré, et j’allais même utiliser le terme d’inconscient pour le qualifier, comme une vérité sans équivoque.

Et pourtant, en s’attaquant à la montagne de renseignements et de connaissances qu’on a sur Freud, Onfray décrit un personnage finalement assez loin de cette fameuse image parfaite qu’on a souvent de lui. Mieux même, il démonte morceau après morceau, tout ce qui a été monté de toutes pièces autour de Freud, pour en faire une légende vivante en son temps, légende dont l’aura a longtemps perduré du reste. Freud apparaît sous l’analyse contradictoire d’Onfray sous un jour nouveau, et le moins qu’on puisse dire c’est que la légende en prend un coup. La statue à l’effigie de l’idole savante se voit déboulonnée sans la moindre hésitation, méthodiquement, preuve à l’appui de chaque constat que fait Onfray.

 

C’est justement ce qui fait la force de frappe incroyable du philosophe, sa méthode dont je parlais plus haut. Il est tellement scrupuleux du moindre détail (mais pas du genre détail insignifiant ou détourné de son sens premier, Onfray là-dessus ne peut pas être accusé de mauvaise foi ou de tordre la réalité dans le sens qui l’arrange), il a une telle puissance d’analyse qui lui permet de mettre bout à bout des déclarations de Freud parfois complètement contradictoires ou fluctuantes selon le temps et la situation, que ses arguments en sont incontournables et se voient très difficilement contredits. J’ai par ailleurs eu l’occasion de voir un petit film qui reprend une conférence durant laquelle Onfray vient parler de son livre à une assemblée qui ne lui est pas totalement acquise et pour cause, de nombreux psychanalystes (et affiliés) sont dans la salle et le prennent à partie, l’accusant de noircir (et certains l’accusent même d’exagérer voire d’inventer des choses) volontairement le portrait de Freud. Et c’est assez édifiant de constater qui perd ses nerfs et qui garde son calme dans l’assemblée… comme de constater que les arguments des défenseurs de Freud ne tiennent pas la route longtemps, du moins dès lors qu’on les met en parallèle avec ce que Freud lui-même a pu dire, faire et écrire au cours de sa vie, et qui est dûment daté et avéré. Devant les arguments et les faits énoncés par Onfray, les contre-arguments volent rapidement en éclats, et très vite la frustration laisse place à l’énervement puis à l’emportement de ceux qui se voient mis en défaut par le philosophe. Quand on sait qu’il s’agit de personnes qui œuvrent dans la psychanalyse et tout ce qui gravite autour de ce domaine, les voir perdre leur calme et vaciller aussi fortement et rapidement dans la colère (et donc dans la perte de contrôle de leurs esprits…) a quelque chose d’à la fois surprenant mais aussi de profondément révélateur…

 

Alors certes, on peut concéder à ceux qui prennent la défense de Freud que Michel Onfray n’y va pas avec le dos de la cuillère, et qu’on sent que ce dernier enfonce le père Freud sans prendre de gants, maniant aussi bien la logique que l’ironie voire le sarcasme bien senti.

 

Mais si reproche on peut entendre, il s’agit ici d’un reproche sur la forme, et encore, valable seulement sur certains passages, de loin pas sur l’ensemble du livre. Onfray est virulent, mais force est de reconnaître que les choses qu’il révèle et met au grand jour ne méritent guère de clémence. Le portrait qu’il fait de Freud est en ce sens sans détour : clairement il le décrit comme un personnage très arriviste et avide de pouvoir et de reconnaissance. Ce qu’il veut par-dessus tout c’est d’être reconnu et admiré. Ce qu’il a d’ailleurs beaucoup de mal à obtenir au début de sa carrière scientifique, du moins avant de se diriger vers l’étude de l’esprit puis de créer sa propre discipline avec la psychanalyse. Onfray démontre l’égocentrisme, la vanité et l’aspect irrationnel de Freud. Je dis bien « démontre » et pas « dénonce », la différence réside dans le fait que tout ce que le créateur de l’université populaire de Caen avance il l’étaie par des faits, des références, des écrits et des choses vérifiables par tout un chacun. Et je dis bien aussi « irrationnel » même si ce terme est peut-être le dernier qu’on imaginerait pour décrire Freud, tant on en a l’image d’un scientifique et d’un docteur dans le sens le plus strict du terme. Pourtant, une fois encore, Onfray ne se limite pas à donner son avis, loin de là, il énumère presque à l’envi des exemples confondants qui démontrent toute l’irrationalité de certaines affirmations de Freud. Son rapport avec la sexualité, avec sa propre mère et sa fille, mais aussi avec ses thèmes de prédilections que sont les croyances ancestrales et la mythologie par exemple, et qu’il n’a aucune vergogne à plaquer sur l’ensemble des hommes et des femmes pour rédiger ses règles d’interprétation des rêves : tout cela peut se vérifier exemples à l’appui, et s’avère rien moins qu’édifiant. Penser que d’obscures liens avec une mythologie ancienne, ou que des jeux de traductions insensés avec des langues mortes comme le grec ancien peuvent permettre non seulement de comprendre des rêves mais en plus de bâtir des règles universelles pour les interpréter tient plus du délire qu’autre chose. Et n’a plus grand-chose à voir avec l’esprit scientifique dont il se targue pourtant avec force. D’ailleurs sa tendance (très lourde) à établir des règles universelles à partir d’un seul exemple est à elle seule déjà bien suffisante à se convaincre que la méthode de Freud n’est pas très scientifique…

 

Quant aux obsessions dont le bon Sigmund accuse ses patients de souffrir, on se rend compte par l’analyse et la lecture objective des exemples qu’il donne lui-même, que bien souvent il ne s’agit ni plus ni moins que d’un transfert de ses propres obsessions et névroses sur ses patients. On passera sur le cynisme absolu de Freud pour tout ce qui concerne ses honoraires et le prix de ses diagnostics. Il explique d’ailleurs sans sourciller, si ma mémoire est bonne, que même s’il lui arrive parfois de ne pas écouter ce que ses patients lui racontent, voire même si parfois il pique un petit roupillon pendant une séance un peu ennuyeuse, cela continue à leur être bénéfique, et que même somnolent il participe à la guérison du patient (à ce niveau-là de foutage de gueule, j’aurais plutôt envie d’écrire client et même pigeon que patient, mais bon…) et que non ça n’est pas donné à tout le monde de parvenir à cela, et que donc non bien entendu que non, ça n’est pas du charlatanisme, c’est juste que ça se joue à un niveau supérieur tel que nous ne pouvons pas le comprendre, nous autres pauvres ignares et incultes dans le domaine que nous sommes… Mais lui sait, heureusement. Et ça, ça vaut cher, donc il nous faut le payer en conséquence pour bénéficier d’une telle expertise…

 

Alors oui, évidemment, on comprend mieux quand on le lit, pourquoi Onfray n’y va pas de main morte pour dénoncer ce qui lui paraît indéfendable dans la personnalité de Freud, et par extension dans ce qu’il a laissé pour héritage dans la discipline qu’il a créée de toutes pièces, la psychanalyse. Mais en le lisant bien, on comprend également que le philosophe ne rejette pas tout en bloc, et qu’il ne dit pas comme on l’a accusé de le prétendre que la psychanalyse ne sert à rien et à personne d’autre qu’aux psychanalystes eux-mêmes. C’est là un faux procès qu’on lui a fait, et qui à mon avis a été surtout mis en avant pour éviter de répondre sur le fond aux faits qu’il énonce, ainsi qu’à la logique et au bon sens qu’il utilise pour dénoncer tout ce qui ne lui plaît pas et lui semble inexact dans la légende qui entoure ce personnage haut en couleurs qu’est Sigmund Freud.

 

En tout cas, bien que dense et chargée en informations, j’ai trouvé cette lecture passionnante et très éclairante sur un personnage historique dont j’ai réalisé que je ne connaissais à la base pas grand-chose d’autres qu’un condensé d’idées reçues, assez fausses qui plus est. Et j’ai également pu constater à quel point Michel Onfray ne perd rien de sa force d’explication et de démonstration à l’écrit. Moi qui le trouvais déjà passionnant à écouter, de par son pouvoir de pédagogie, de précision et de vulgarisation (sans pour autant tomber dans la simplification à l’extrême), j’ai retrouvé toutes ces qualités que j’aime tant à travers sa plume. Et je sais d’ores-et-déjà que je lirai d’autres bouquins de lui. Me reste juste à trouver le temps (et le courage) de m’y mettre ! (mais une fois lancé c’est tout bon!)

 

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12 septembre 2019 4 12 /09 /septembre /2019 14:41

Je ne suis pas un fan inconditionnel de Quentin Tarantino, mais c’est un réalisateur que j’apprécie, et que je classe très largement au-dessus de la moyenne. Je n’ai pas vu tous ses films au cinéma, certains comme Boulevard de la Mort ou Inglourious Basterds m’ont paru légers voire anecdotiques, d’autres comme Kill Bill, Jackie Brown et bien évidemment Pulp Fiction m’apparaissent comme des références ultimes dans leur genre.

 

Alors quand a été annoncé Once upon a time in… Hollywood, c’est d’un œil intéressé mais sans aucune impatience que je me suis penché dessus. Le thème en lui-même, tel qu’il était décrit avant sa sortie, ne m’emballait pas du tout. Ce que j’en avais retenu, c’est que Tarantino voulait retracer les événements qui avaient conduit à l’assassinat de Sharon Tate en 1969, et qu’il voulait se faire un petit kiff de reconstitution de l’aube des années 1970. Rien d’autre. Aussi quand le film a commencé à faire le buzz, je me suis dit qu’il devait y avoir quelque chose d’autre, de plus, qui lui donnait cette aura particulière, qui déchaînait les passions.

La belle Sharon Tate, astre autour duquel va tourner cette drôle d'histoire...

J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’un quelconque rapprochement entre l’affaire Sharon Tate et l’affaire Polanski qui devait faire les gorges chaudes de ces fichus réseaux sociaux. Mettez le nom de Roman Polanski sur un site n’importe où sur la toile, osez parler d’un de ses films sans même émettre le moindre commentaire sur la personnalité du réalisateur, et vous verrez la shitstorm qui va s’abattre sur vous comme la vérole sur le bas clergé espagnol. Et puis sont arrivées les accusations de racisme et de misogynie (à propos de Quentin Tarantino, really?) qui ont fini de me donner l’envie de me faire ma propre idée.

 

J’ai eu, je le précise, la chance de voir le film sans m’être fait spoiler la fin avant. C’est je crois très important, et même crucial pour pouvoir se faire un avis le plus libre possible. Si on ôte au film le pouvoir de vous surprendre, on lui confisque d’entrée une de ses meilleures armes.

Quentin raciste et misogyne ?

Car ce que je retiens avant tout de ce film, avant même son casting cinq étoiles et ses scènes déjà cultes, c’est la surprise que j’ai ressentie à sa première vision. À plusieurs niveaux. D’abord parce que tout le long de Once upon a time in… Hollywood, je me demandais où Tarantino voulait en venir. Si je ne m’étais pas fait spoiler le film, j’avais cependant lu deux-trois petites choses à son sujet, et l’une d’entre elles avait retenu mon attention : j’avais lu quelque part que c’était son film qui avait le plus de parenté avec Jackie Brown. Alors qu’en fait, en dehors de la scène du début à l’aéroport, moi je n’ai pas trop vu le rapport avec Jackie Brown. Dans ce dernier, bien qu’il s’agisse d’un film choral ou plusieurs arcs narratifs se croisent, il y a bel et bien une intrigue posée dès le départ, avec un développement (à la Tarantino certes, mais tout de même) et une conclusion qui vient mener à terme les différentes lignes narratives du film. Dans Once upon a time..., il n’en est rien ! Les personnages vaquent à leurs existences, parfois on a même des petits flashbacks qui nous éclairent sur leur présent, mais ce qui se passe à l’écran ne suit pas une quelconque suite logique, dramaturgique ou de causalité. Ce sont des successions de scénettes, sans forcément grand rapport entre elles, si ce n’est les personnages eux-mêmes.

Cliff et Rick en mode beaux gosses

Il y a deux axes principaux, l’un qui suit la vie pleine de couleurs, de gaieté et d’insouciance de Sharon Tate (Margot Robbie, solaire), l’autre qui nous trimballe dans l’existence de Rick Dalton (Leonardo Di Caprio, absolument fabuleux), star en passe de devenir un has-been avant l’heure et de Cliff Booth (Brad Pitt, la coolitude ultime faite homme), sa doublure-cascade attitrée, qui lui fait d’ailleurs plus office de nounou qu’autre chose. Et en dehors du fait que ces personnages soient voisins de villas, on ne comprend pas du tout le rapport entre eux, ni ce que viennent foutre ce comédien en sursis et ce cascadeur blacklisté dans l’affaire Sharon Tate. Première surprise donc du film : son contenu, loin de ce que je pensais voir en me fiant uniquement au résumé du film.

Y a pas plus cool que Cliff !

Seconde surprise : c’est long, on n’arrive pas à trouver le fil rouge d’une quelconque intrigue sous-jacente, et pourtant on ne s’ennuie pas une seconde ! Alors sur ce point je vais faire une petite digression, parce qu’ici je fais ce que je veux déjà, et puis parce qu’on m’a chauffé les oreilles à ce sujet et que parfois j’en ai marre d’entendre des inepties énoncées avec autorité par des gens dont la culture cinématographique culmine avec Bridget Jones et La Reine des Neiges. On m’a donc soutenu texto que Once upon a time... c’est « long et chiant pour un film d’action ». Je dis halte-là ! Caution : Bullshit Zone ! Les films de Tarantino ne sont pas, n’ont jamais été, et à moins qu’il n’en décide autrement à l’avenir, ne seront jamais des films d’action !! Tarantino est un amoureux des films de genre, auxquels il rend d’ailleurs régulièrement hommage, un amoureux des films de guerre, de western, de blaxploitation, des films de sabre, des films de gangsters, d’arts martiaux, ça oui, mille fois oui. Et il ne rechigne pas à coller dans ses films quelques scènes bien enlevées qui ne feraient pas tâche dans des films dits d’action, ça aussi, mille fois oui. Mais il ne fait pas de film d’action !!! Aller voir un Tarantino pour voir un film d’action, c’est juste se fourrer le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate, comme dirait le Capitaine Haddock.

On ne dit pas n'importe quoi sur Tarantino devant le capitaine !

Car Tarantino, plus encore qu’un amoureux des films de genre, est je crois avant tout un amoureux de ses acteurs et actrices, pour lesquels il cherche toujours des challenges à relever, des situations impossibles à jouer, des dialogues jamais entendus nulle part et complètement décalés à déclamer et à rendre crédibles. Tarantino ce qui le fait bander c’est de faire parler pendant des plombes des tueurs à gage du Royal Cheese1, de faire débattre entre eux des mafieux au sujet d’une chanson de Madonna, de faire déblatérer un riche esclavagiste à propos de la morphologie de la boîte crânienne des noirs, de mettre un speech sur Superman dans la bouche d’un maître du Kung-Fu. Il aime le décalage, il aime surprendre. Il aime le jeu d’acteur, il aime quand ça cause à n’en plus finir, il aime aborder les sujets les plus anecdotiques avec le plus grand sérieux, il aime quand la science s’étale pour énoncer le futile.

C’est ça le cinéma de Tarantino bordel ! On aime ou on n’aime pas, on a même parfaitement le droit de détester. Mais on n’a pas le droit de dire que le cinéma de Tarantino c’est du cinéma d’action, pour ensuite le débiner comme de la merde. Dans ces cas on dit juste « je ne crois pas avoir tout compris et j’ai trouvé ça long et ennuyeux à mourir ». Mais on ne vient pas justifier son mauvais goût par des arguments qui ne prouvent rien d’autre que sa propre inculture cinématographique. Merde.

 

Désolé je m’emporte. J’arrête là ma digression et je reviens à ce que j’étais en train de vous dire à propos des surprises que recèle Once upon a time… avant d’être ainsi interrompu par moi-même.

Bruce aussi ça le gonfle !

Je disais donc que c’est long mais que ce n’est pas grave puisqu’on ne s’ennuie pour autant pas une seconde. Et ça c’est en grande partie grâce à un ingrédient essentiel qui assure à ce film une telle qualité : le talent de ses comédiens.

Pour les trois rôles principaux que sont Sharon Tate, Rick Dalton et Cliff Booth, chacun dans des styles très différents, on a droit à un véritable étalage de talent pur de la part de leurs interprètes. Margot Robbie joue l’insouciance avec un charme qui n’appartient qu’à elle, Brad Pitt est l’incarnation même de la virilité dans son expression la plus cool, mais c’est surtout Leonardo Di Caprio qui prouve, une fois de plus, l’étendue de son talent d’acteur. Ce type sait tout faire, tout jouer. Et le moins qu’on puisse dire c’est que Tarantino lui en fait voir de toutes les couleurs, et que parmi tous ses collègues c’est de loin celui qui a eu le plus de taff si on le mesure au nombre de situations et de sentiments différents qu’il a eu à exprimer dans ce film. Et pourtant aux yeux du spectateur ce n’est pas du tout son personnage qui est le plus naturellement enclin à éveiller la sympathie, à ce niveau le personnage du cascadeur qui apprend l’humilité à Bruce Lee2 l’emporte haut la main. Mais Di Caprio force l’admiration, c’est indéniable. Déjà sa performance à contre-emploi dans Django Unchained m’avait impressionné, mais dans Once upon a time… il est juste impérial. Il y a vraiment tout dans son jeu. C’est simple : même quand il lui faut jouer la démesure, il reste toujours absolument juste. Je crois que Tarantino l’a compris d’ailleurs, et qu’il se sert de lui comme jamais il ne s’est servi d’aucun autre acteur, tentant de le pousser dans des retranchements que Di Caprio ne rechigne jamais à dépasser.

Leo, no limit.

Quand je vois ce que Tarantino lui fait faire en tant qu’acteur, je ne suis pas loin de penser que parmi la brochette de comédiens qui se bousculent toujours au portillon dès qu’il s’agit de tourner avec lui, Di Caprio est son préféré, et de loin. J’ai toujours cru que c’est Samuel Lee Jackson qui avait ce privilège. Dans ses chouchous il y a eu la divine Uma Thurman évidemment. L’inénarrable Harvey Keitel, le charismatique Michael Madsen bien sûr ont des places de choix dans le Tarantinoverse. Plus nostalgiquement l’ex-égérie black des années 1970 Pam Grier. Plus récemment le génial Christoph Waltz et le temps d’une inoubliable résurrection artistique John Travolta. Mais je suis prêt à parier que celui qui fait le plus bander Quentin, c’est Di Caprio.

 

Tout ça pour dire, une des grosses claques qu’on se prend en pleine tronche avec ce film, c’est la performance de Leonardo Di Caprio. Indiscutablement.

Best of the Best !

Et puis j’en viens à la dernière surprise, de taille celle-ci, qui vient conclure le film et lui donner tout son sens, expliquer sa lenteur comme son apparent manque de liant. Sa fin. Quand arrive la conclusion du film, la fin inéluctable, la scène tant attendue et jouée d’avance dont tout le monde connaît l’issue tragique, à ce moment précis tout dérape et on comprend, incrédule, l’idée qui était derrière la tête de ce fichu Tarantino pendant tout le film, on comprend pourquoi on trouvait le film bizarre et insaisissable, pourquoi on ne voyait pas où il voulait exactement en venir, où était la cohérence du truc. La fin explique tout. Qu’on s’est fait balader. Et personnellement, j’ai trouvé ça génial comme idée.

Sharon Tate en 1969, un présent et un avenir lumineux...

Alors Once upon a time in… Hollywood n’est peut-être pas le meilleur film de l’année, ni le meilleur film de Quentin Tarantino à mon humble avis, mais c’est un putain de chouette film. Il m’a amusé, interloqué, surpris, fait marrer, bluffé, mis la banane. Mieux : il m’a donné envie de revoir ses films précédents. Mieux encore : il m’a filé la nostalgie de la période qu’il décrit et donné envie de revoir des vieux films de l’époque des années 1970, des Clint Eastwood, des Charles Bronson, des Steve McQueen. Il a éveillé en moi des vieux souvenirs de gamin, quand je regardais à la télé Josh Randall arrêter les méchants avec son fusil à crosse et canon sciés dans Au nom de la loi3.

Josh Randall : « Au nom de la loi, je vous arrête ! »

On peut aimer ou détester Quentin Tarantino, c’est un fait. On peut lui reprocher un tas de choses (la lenteur de certains de ses films, ses personnages trop bavards entre autres, une tendance à flirter parfois de trop près avec la vulgarité), on peut ne pas aimer ses tics visuels et ses obsessions (quelqu’un a parlé de pieds nus de gonzesses ici ?), on peut être gêné aux entournures par son ton parfois provocant et son plaisir pervers à aller sciemment là où ça gratte bien fort, mais on ne peut pas ôter à Tarantino qu’il est un réalisateur hors-norme, un sale gosse du cinéma qui fait exactement ce qui lui chante et tant qu’à faire ce qui va emmerder le plus grand nombre de bien-pensants possible. C’est en tout cas très exactement pour cela que moi, je l’aime son cinéma.

L'affiche du film

1 ou du Quarter Pounder with Cheese si vous préférez !

2 scène ô combien délirante, provocatrice, drôle et jouissive !

3 je n’ai pas cherché à en savoir plus sur les intentions et les références de Tarantino, mais pour moi la série fictionnelle dans laquelle joue Rick Dalton au début du film était à l’évidence un hommage direct à Au nom de la loi.

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9 septembre 2019 1 09 /09 /septembre /2019 07:07

Avec Snuff, on touche à l’évidence. Quoi de plus évident qu’un bouquin qui relate le plus grand gang-bang du monde, écrit par Chuck Palahniuk ? L’écrivain sulfureux, que dis-je, la rock-star de la littérature qui situe son histoire dans le milieu du porno, c’est du cousu main faut bien l’avouer.

Mais ce livre s’appelle Snuff, pas Porn ! Ce qui veut dire qu’il va aussi y être question de mort, et même de mort en direct, filmée par des caméras…

 

La situation de départ est on ne peut plus légère : Cassie Wright, actrice de porno en fin de carrière, décide de faire ses adieux au métier et de finir en beauté. Sur un record du monde, et pas des plus simples à battre : elle veut être celle qui explosera le record de partenaires dans ce qui sera le plus grand gang-bang1 du monde. Elle prévoit donc de se donner à 600 hommes (avec un temps imparti d’une minute par groupe de 3 zozos2 ça fait déjà du taff mine de rien) en une nuit, devant les caméras qui immortaliseront la performance. Et là paf ! Direct dans le Guinness Book des Records. Annabel Chong et Jasmin St Claire n’auront plus qu’à aller se rhabiller, ces petites joueuses3.

Au cours de son roman, Chuck Palahniuk nous invite donc à faire connaissance de quatre personnages, trois des hommes volontaires pour participer au record et Sheila, la régisseuse, l’assistante de production du show et aussi un peu la nounou des 600 gugusses qui attendent patiemment leur tour d’honorer la belle. Ils ont chacun un numéro stabiloté sur le biceps, et on fera donc plus ample connaissance avec les n° 72, 137 et 600. Le numéro 600, celui qui mettra le coup de bite final au record, c’est rien moins que Branch Bacardi, une star vieillissante du porno qui ne se résout pas à raccrocher l’autobronzant et le tube de vaseline. Le numéro 137 est un ancien acteur de télévision, dont la carrière est partie à vau l’eau quand son homosexualité refoulée a été exposée au grand jour dans une vidéo peu équivoque. Mais il est bien déterminé à montrer qu’il n’est pas ce qu’on croit, et pour bien prouver sa virilité se bourre de viagra en attendant son tour. Quant au numéro 72, c’est une jeune homme encore puceau, qui voue un culte à Cassie Wright, s’est entraîné avec grand sérieux sur la poupée gonflable à son effigie avant de venir, et à même pensé à lui apporter un bouquet de fleurs pour ce grand soir qui va enfin marquer leur rencontre.

 

Voilà pour le point de départ. Dit comme ça, ça balance entre le trash et le pas très passionnant. Bien entendu c’est sans compter sur le talent de Palahniuk qui va nous réserver quelques surprises, révélations et même tenez-vous bien, une petite dose de suspense ! Car en apprenant à connaître ces quelques personnages un peu déglingués, on va également vite comprendre qu’ils ne sont pas uniquement ce qu’ils paraissent être. On va même commencer à percevoir quelques liens insoupçonnés entre eux.

Et je vous rappelle aussi que quelqu’un va mourir… Meurtre ? Accident ? Suicide ? Héhéhé, ne comptez bien entendu pas sur moi pour vous le révéler ici...

 

Alors que les choses soient claires, aussi bien pour ceux qui chercheraient spécifiquement cela que pour ceux que ça pourrait retenir de lire Snuff, on est bel et bien dans le milieu du porno, mais ce récit n’est pas pornographique. Inutile d’y rechercher des scènes de sexe explicite façon gros plan sur le gland avant l’éjac faciale. Palahniuk décentre l’action non pas sur la scène des ébats de la star un peu défraîchie et multi-pénétrée, mais dans les coulisses de l’événement. Sur ce qui se passe en backstage, dans la « salle d’attente » ou se massent les candidats donneurs d’orgasmes. Alors certes, le langage est cru, et on parle ouvertement de sexualité dans tout ce qu’elle peut avoir de cash et parfois d’extrême, mais ça n’est pas que ça.

 

Avant tout, Palahniuk s’est fait plaisir dans les dialogues, domaine dans lequel il excelle. Et en ce faisant plaisir, évidemment, il fait plaisir au lecteur aussi. C’est au travers de ces dialogues ciselés, que l’auteur dessine petit à petit des personnages plus complexes qu’on ne pourrait le croire. Ce faisant d’ailleurs, j’irais même jusqu’à dire que l’écrivain se permet d’humaniser le milieu du porno et sort de l’image d’Épinal qu’on peut s’en faire. Ce sont avant tout à des hommes et des femmes qu’on a à faire, pas à des machines qui auraient pour seule fonction de copuler. Mais quand même, on est dans du Palahniuk, donc ne vous attendez surtout pas à du tout propre tout net, nulle trace d’angélisme dans ce récit. Au contraire, ce qui ressort le plus des portraits que dépeint le grand Chuck, c’est la détresse émotionnelle et sentimentale dans laquelle nagent ses héros, et le moins qu’on puisse dire d’eux c’est qu’ils se tirent un peu la bourre dans la course au plus pathétique…

 

Et comme c’est du Palahniuk, au pathétique s’ajoute l’humour. Car c’est rythmé, léger et plutôt drôle à lire sur la forme, même si sur le fond ce qui est en jeu n’est pas forcément très gai.

« Des Jaunes, des Blacks, des latinos. Un mec en chaise roulante. De quoi satisfaire toutes les niches du marché. […] Certains n’ont jamais rien enfilé d’autre que leur poing et ne connaissent Cassie que par les vidéos. Pour eux, c’est de l’ordre de la fidélité. Du nuptial. Pour ces mecs-là, avec leurs petits cadeaux, c’est un peu comme une lune de miel. Ils vont pouvoir consommer. »

 

Cet humour trash, on le retrouve pleinement grâce à une traduction au poil de Claro (qui excusez du peu, est aussi celui qui vient tout récemment de signer la traduction du dernier pavé de Alan Moore, Jerusalem). L’énumération de quelques titres de films de boules inventés pour l’occasion est savoureuse et permet de se marrer de manière certes un peu lourdingue mais on s’en fout parce que ça fait du bien par les temps qui courent. Et puis mine de rien, certains jeux de mots et références sont quand même bien trouvés4, et plus finauds qu’il n’y paraît. Je rends hommage donc au talent de Claro !

 

Toutefois, pour être parfaitement honnête, moi qui ai vu plusieurs fois le film Fight Club sans jamais avoir ouvert une seule fois le roman d’origine (shame on me !!), je vais tout de même me permettre de comparer Snuff avec l’œuvre qui demeure la plus connue de Palahniuk. Je sais, ça ne se fait pas et je suis mal placé, mais tant pis, je le fais quand même. Il est assez évident qu’avec Snuff, on ne navigue pas dans les mêmes eaux que Fight Club. C’est beaucoup plus léger, et bien moins ambitieux, je crois que c’est indéniable. L’intrigue peut paraître bien plus mince et les personnages bien moins développés. Mais ne vous y trompez pas pour autant, l’intrigue s’avère plus maligne que prévu, et les personnages recèlent malgré tout quelques surprises. Il y a entre autre un twist sur la fin, que personnellement je n’avais pas vu venir et que j’ai donc trouvé tout à fait réussi. Pas renversant comme a pu l’être la découverte de la véritable identité de Tyler Durden, mais suffisamment bien fichu pour surprendre. Je pense que Snuff, s’il ne paye pas de mine comme ça à première vue, en a plus sous le capot qu’on peut le croire.

 

Alors si le langage avec 0 % d’édulcorant ne vous fait pas peur, si parler de cul, de bites et de DP5 ouvertement ne vous met pas plus mal à l’aise que ça7, que vous aimez le style direct et un peu provocateur de Palahniuk et que vous avez deux ou trois heures devant vous, ce livre est fait pour vous. Maintenant soyons objectifs, Snuff n’est pas non plus un incontournable du genre, juste une agréable lecture, décomplexée et sans grandes ambitions littéraires.

Je le déconseille cependant aux électeurs ou simples sympathisants de Christine Boutin. Ne risquez pas l’AVC pour si peu, ce serait ballot.

1 un big-gang-bang en quelque sorte. L’Origine du Monde, l’origine de l’univers, tout ça tout ça...

2 ou zizis, comme vous préférez.

3 je vous laisse le soin de faire vos propres recherches si vous souhaitez approfondir plus avant ces références hautement cul-turelles.

4 Moby Nique, Ma Suceuse bien-aimée, Quatre garçons dans le cul, Tant qu’il y aura des zobs, etc...

5 double-péné6

6 non, rien à voir avec les pâtes.

7 bref si vous n’êtes pas coincé du luc !

 

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2 août 2019 5 02 /08 /août /2019 22:46

Bon, on ne va pas se mentir : Sting c’est un monument vivant de la musique Pop-Rock. On n’est pas obligé d’aimer certes, mais on ne peut pas nier l’importance du bonhomme dans son domaine. Moi ça tombe bien, parce qu’en plus je suis fan de sa musique. Depuis la toute première fois que j’avais pu le voir sur scène (c’était en 2012 et j’en avais déjà parlé ici), j’ai eu plusieurs fois l’occasion de le revoir, et pas plus tard qu’il y a deux étés, déjà à la Foire aux Vins de Colmar. Mais qu’importe, quand Sting passe pas très loin de chez soi, ce serait dommage de ne pas aller l’applaudir.

 

Donc ce jeudi 1er août, sorti du boulot j’ai filé récupérer ma petite sœur, et direction l’arène en plein air de Colmar. J’avais eu un peu peur que le concert soit annulé, Sting n’avait en effet pas pu assurer plusieurs de ses concerts au cours du mois de juillet, il a eu un problème de gorge, une infection. D’ailleurs lors de la première chanson du concert, car une fois n’est pas coutume il a entamé la soirée par Roxanne, classique parmi les classiques qu’il réserve habituellement pour la fin ou au moins la seconde partie de ses concerts, quand les spectateurs sont déjà bien « chauds », dès la première chanson disais-je donc, je me suis dit que peut-être il ne s’était pas encore totalement remis vocalement. Car il nous l’a faite en quasi-acoustique, guitare à la main assis seul, en tête-à-tête avec le public, sur un ton très doux, calme, intime. En fait, dès la seconde chanson, Message in a Bottle, j’ai compris mon erreur d’appréciation*. Sting, s’il a été malade il y a peu, n’en a rien laissé paraître, bien au contraire : envolé le mal de gorge, il a donné de la voix et de quelle manière !!

Sting en jaune ...

Autre satisfaction, qui plus est quelque peu inattendue celle-ci : pour une fois à la Foire aux Vins, la qualité sonore ne laisse pas trop à désirer. La qualité du son est un des soucis récurrents de ce festival d’été, depuis bien longtemps. Mais pas lors de ce concert, force est de le reconnaître. C’est simple : je n’ai pas eu besoin de mettre mes bouchons d’oreilles ! C’est de plus en plus rare en concert, et ça ne m’était presque jamais arrivé à la Foire aux Vins. Entendons-nous bien, la qualité n’était pas démentielle non plus, mais c’était très acceptable, et c’est suffisamment rare pour le noter,

 

Au bout de quatre titres, il avait déjà joué quatre tubes planétaires. Parce que oui, cette tournée avait tout d’une tournée best-of : elle suit la sortie de son dernier album studio, intitulé My Songs, et qui reprend justement dans des versions réactualisées, toutes ses plus grandes chansons.

Et ce fut bien le cas, Sting a enchaîné les tubes, pour le plus grand bonheur des spectateurs qui ont répondu présent (la salle était sold-out, 10 000 fans avaient fait le déplacement) et ont eux aussi bien donné de la voix, reprenant en chœur les refrains avec le chanteur.

... et Sting en bleu !

Tout y est passé, du plus ancien avec les morceaux phares de Police (So Lonely ou encore Walking on the Moon par exemple), jusqu’au plus récent avec la chanson co-écrite avec le jamaïcain Shaggy du précédent album, en passant par les ultra-classiques du répertoire solo de Sting, tels que Russians, Fields of Gold, If I Ever Lose My Faith in You, Fragile ou Englisman in New-York entre autres…

Et puis mon titre préféré entre tous, qu’il place à chaque concert pour mon plus grand plaisir, Every Breath You Take qui date quand même de 1983 et est un des plus gros succès du groupe Police.

 

Sting a chanté 1h30 environ, ce qui peut paraître court (surtout si on compare à d’autres marathoniens de la scène tels que Bruce Springsteen), mais son concert a été juste énorme. Malgré ses bientôt 68 ans, Sting continue à mettre le feu sur scène, et prouve concert après concert, année après année, à quel point son talent est immense, et sa personnalité hors du commun. Car parmi toutes ses qualités, évidemment musicales mais aussi humaines, il a ce truc en plus et qui fait toute la différence : la classe.

 

Sting c’est la grande classe, tout simplement.

 

PS : encore et toujours un grand merci à ma petite sœur pour ses photos !

 

* pour avoir eu le bonheur de le voir déjà 5 ou 6 fois à présent, j’aurais dû savoir qu’à chaque tournée Sting aime à réarranger, réorchestrer, réinterpréter ses chansons, et c’est particulièrement vrai pour Roxanne que je ne l’ai jamais vu chanter deux fois de la même manière sur scène (depuis la version classique, jusqu’à celle très jazzy de son concert All This Time, en passant par des versions plus rock, par l’arrangement spécial orchestre symphonique ou même carrément la version aux couleurs reggae, Roxanne a connu bien des tonalités différentes sur ses accords).

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24 juillet 2019 3 24 /07 /juillet /2019 12:50

Et un bouquin sur les zombies de plus, un !

Oui mais pas n’importe lequel. Celui-ci a un auteur français pour commencer, et pas n’importe qui : Pit Agarmen. Qui ça ? Ah oui pardon, prenez Pit Agarmen, secouez-le bien, mélangez un poil et démoulez, vous obtiendrez son vrai nom d’auteur : Martin Page. Tiens c’est intéressant ça, un écrivain de littérature blanche qui se lance dans une histoire de zombies ? Je demande à voir…

 

Et j’ai vu. Enfin lu. Oui c’est important de préciser, car on pourrait se contenter de le voir aussi, étant donné qu’il en existe une adaptation au cinéma sortie en 2018 et qui, me semble-t-il, a connu un petit succès d’estime auprès des amateurs du genre (perso je ne l’ai pas encore vu ce film).

 

Donc j’ai lu. Et c’est pas mal du tout.

 

On suit dans ce roman Antoine Verney, un jeune auteur de romans à l’eau de rose, assez asocial comme garçon, qui a toujours été à la marge de la société. Au cours d’une soirée bobo parisienne, Antoine décide de cuver son vin à l’écart de la fête qui bat son plein dans un appartement de Pigalle. Quand il se réveille le lendemain tout a changé. Les zombies ont envahi le quartier, la ville, le monde. Antoine va se terrer dans cet appartement et apprendre à survivre avec les moyens du bord. Finalement, pour un solitaire dans l’âme comme lui, le défi paraît presque enthousiasmant ! Le tout, c’est de tenir sur la durée…

 

Bon, je fais volontairement court pour le résumé, car le roman lui-même est court d’une part, et que par ailleurs le canevas de départ est finalement assez classique. Comme souvent dans les histoires de zombies, ce qui compte ce ne sont pas les zombies, mais la survie de ceux qui restent vivants. C’est justement l’approche de ce nouveau quotidien, les contraintes que cette nouvelle vie va imposer au héros mais aussi une certaine forme de liberté que la situation va lui apporter, qui sont intéressants à suivre. L’écriture est directe, sans fioritures, incisive. Les chapitres sont courts et la lecture s’en trouve rapide. On sent d’ailleurs, même sans connaître l’identité réelle de l’auteur (comme c’était mon cas à la lecture) qu’on a à faire à un récit et un style qui ne suivent pas les règles, situés quelque part à mi-chemin entre littérature de genre et littérature blanche. Je dois dire que ce n’était pas désagréable du tout à lire, et changeait plaisamment de ce qu’on a l’habitude de lire (ou voir) quand il s’agit d’une histoire de zombies.

 

Pour ce qui est de la situation, on ne peut pas s’empêcher de penser à Robert Neville, le héros de Je suis une légende, le roman culte de Richard Matheson. Ajoutez-y une pincée de Robinson Crusoé teinté du héros de Seul au monde (le film avec Tom Hanks), et évidemment pour l’ambiance un arrière goût de 28 jours plus tard ou de manière plus lointaine The Walking Dead, remettez par-dessus tout ça une bonne dose de jugeote et de réflexion sur soi-même et sur le monde, et vous obtiendrez donc La nuit a dévoré le monde. On a fait pire comme références.

 

Si le ton n’est pas aussi noir et désespéré que dans La Route par exemple, le héros (qui finalement est loin d’être un héros dans le sens « être exceptionnel » du terme) a quand même à faire à quelques pensées bien sombres et pessimistes au cours du récit. Et on sentira également derrière tout ça, au-delà de la pure introspection du personnage, quelques pics et réflexions à connotations écologiques poindre le bout de leurs idées (Martin Page est un auteur engagé écologiquement, végane et animaliste entre autres).

 

Pour résumer, je dirais que ce roman qui se lit très vite (car il est court mais aussi parce qu’il est écrit avec talent et donne envie page après page de découvrir la suite) devrait parvenir à plaire aux deux types de lecteurs : ceux qui apprécient les histoires de zombies comme ceux qui n’en raffolent pas ! Ce qui n’est pas une mince réussite à mon sens. Sans être un livre inoubliable, il permettra à chacun de passer un très bon moment de lecture, je recommande donc !

 

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17 juillet 2019 3 17 /07 /juillet /2019 13:35

C’était mercredi 10 juillet que le Kenny Wayne Shepherd Band posait ses guitares au Kaufleuten, haut-lieu culturel de la ville de Zürich… et ça va de soi, quand j’ai appris leur venue il y a quelques mois je n’ai pas hésité une seconde à prendre des billets !

 

À ce moment-là je ne m’étais pas encore totalement remis de leur album Lay It On Down sorti en 2017 et que je me passais régulièrement en boucle depuis. D’ailleurs je l’avais tellement adoré que j’ai commencé à en distribuer à quelques proches en guise de cadeau. Mais comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, le nouvel album, The Traveler, était programmé pour le 31 mai, ce qui me laissait grosso-modo un petit mois pour me le fournir et l’écouter avant le concert. Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’après l’excellent Lay It On Down, Kenny Wayne Shepherd enfonce le clou avec ce nouveau LP tout aussi réussi en entraînant que le précédent. Pas besoin de l’écouter longtemps avant que les morceaux vous restent en tête et que vous vous mettiez à en siffloter l’une ou l’autre mélodie sans vous en rendre compte à tout moment de la journée… C’était de bonne augure pour le concert à venir… Et effectivement, en live quel pied !

Lay It On Down et The Traveler, les deux derniers albums de Kenny Wayne Shepherd Band

Alors pour ceux qui ne connaissent pas, le Kenny Wayne Shepherd Band a ceci de particulier que le groupe porte le nom du leader qui est le guitariste, et non le chanteur. Alors cela dit, Kenny Wayne Shepherd chante aussi quelques morceaux et est en seconde voix sur la plupart des autres titres, mais le lead singer est Noah Hunt, à qui il arrive aussi de gratter un peu la guitare. Bon pour les différencier en revanche ce n’est pas compliqué : le brun c’est Noah, le blond c’est Kenny !

Pour ce qui est du style alors là c’est très simple : on est en plein Blues / Rock. Avec une très grosse tendance à mettre la gratte électrique en avant. En fait en concert, il n’y a pas un seul morceau sans son solo de guitare ! Et faut dire que ce serait dommage de s’en priver tant Kenny Wayne Shepherd est un petit génie de la guitare. Si mélodiquement il s’apparente plus à un Eric Clapton, il n’hésite pas à reprendre du Hendrix tout en se l’appropriant et en l’adaptant à son style propre, ce qui n’est déjà pas une mince affaire. D’ailleurs il a même sa propre ligne de guitares chez Fender, c’est tout dire.

Kenny Wayne Shepherd et sa guitare, seuls au monde...

Selon les morceaux donc, on se retrouve parfois dans une ambiance très Blues (comme avec cette reprise de Neil Young sur le dernier album), presque rétro même, comme on peut parfois basculer dans le Rock pur et dur à grands renforts de farouches riffs de guitare. Pour illustrer la dualité, Kenny Wayne Shepherd cite volontiers parmi ses plus grosses influences aussi bien Stevie Ray Vaughan que Slash ! Bref, on a avec lui un parfait mix entre mélodie et puissance, entre précision et énergie.

 

C’est ce qu’il n’a cessé de démontrer durant tout le concert de Zürich, enchaînant les morceaux avec un sacré rythme, mettant le feu à la salle sans lui laisser le moindre répit entre les chansons. Noah et Kenny se sont partagé le temps de chant de manière presque égale, mais il faut bien dire que sur scène Kenny a ce petit plus de charisme et de présence, grâce à ses prouesses à la guitare entre autre. Noah a pour lui une voix plus puissante et un sacré enthousiasme qui font qu’il parvient malgré tout à exister, et de bien belle manière, face à son génial duettiste. D’ailleurs n’oublions pas que leur plus grand succès, Blue on Black, sorti en 1997 (déjà !!) est chanté par Noah qui lui insuffle une belle énergie.

Kenny Wayne Shepherd et Noah Hunt se complètent sur scène

J’ai vraiment adoré ce concert qui m’a permis de découvrir sur scène le groupe, et je ne saurais assez remercier nos amis suisses-allemands de proposer régulièrement et pas trop loin de chez moi des concerts de musiciens de ce type, et qui font venir sur le vieux continent des groupes de la scène Blues / Rock américaine dont on n’entend que trop peu parler en France à moins de faire le déplacement à Paris de temps en temps…

Si je devais cependant émettre un bémol, j’en aurais deux en fait ! Le premier c’est le volume sonore. J’ai rarement vu plus fort que ce concert, bouchons d’oreilles rigoureusement indispensables. Le second c’est le timing. La précision suisse + un show parfaitement rôdé à l’américaine : début du concert à 20h00 pile, fin du concert à 21h30 pétantes, rappels compris. Il était bien précisé que le concert durerait 1h30, mais je ne pensais pas que c’était à ce point précis !! Le concert était top et la prestation musicale géniale, rien à redire là-dessus, mais franchement on en aurait bien repris une tranche pour la route avant de partir. Bon, faut s’y résoudre, tout le monde n’a pas la résistance d’un Bruce Springsteen sur scène.

 

On est là, parmi les bras levés un peu cachés par Kenny !

Mais peu importe, une chose est sûre, c’est que maintenant que j’ai goûté au Kenny Wayne Shepherd Band en live, j’y retournerai sans hésiter à la moindre occasion !

 

Si vous aimez le Blues, le Rock, la guitare électrique et la bonne zique : essayez, vous m’en direz des nouvelles.

L'affiche du concert

PS : comme d’hab, merci à ma petite sœur pour les photos ;-) (sauf celle depuis la scène, piquée directement sur la page facebook de Kenny Wayne Shepherd...)

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8 juillet 2019 1 08 /07 /juillet /2019 07:07

Attention classique.

L’auteur, Michael Moorcock, est un grand nom de la littérature de genre du XXème siècle. Il est surtout et très largement connu pour sa série de romans mettant en scène Elric, un de ses personnages cultes. Sauf que c’est de la fantasy pure et dure, genre qui ne m’a jamais attiré, et que je n’ai donc pas lu. Mais Moorcock n’a pas fait que ça, loin s’en faut, et il s’est aussi laissé aller à écrire de la SF et du Fantastique sans grand gars balèze qui manie l’épée comme un cure-dent.

 

Il y a donc de cela trop d’années pour que je me le remémore sans me mettre à pleurer à chaudes larmes sur tout ce temps qui a filé à la vitesse de la lumière depuis lors, j’avais lu Voici l’homme de Michael Moorcock, mais dans sa version courte, dans le format nouvelle. C’était dans un compilation de textes de SF dont le thème commun était le voyage à travers le temps. Thème classique mais que j’adore. Ce qui me fascine au-delà de tout, c’est de voir comment les auteurs jouent avec le principe de paradoxe temporel quasiment inévitable dans ce type de récit (un peu moins systématique quand il s’agit de voyage vers le futur, comme dans la fameuse Machine à explorer le temps de H.G. Wells ou encore Le Voyageur imprudent de René Barjavel). Cherry on the cake, le voyage temporel dont il est question ici, va voir comme destination le Moyen-Orient du début de notre ère, au moment où un certain Jésus va se faire tristement connaître en finissant sur une croix devenue le symbole d’une des plus influentes sectes religions des 2000 dernières années… S’il est bien une période et un sujet qui m’intéressent tout particulièrement ce sont ceux-ci, et une histoire qui mette en parallèle les récits religieux et les croyances avec les réalités historiques ne pouvait que m’attirer encore plus.

Combo gagnant donc, du moins pour le fond, avec Voici l’homme, dont je vais quand même vous parler un peu de l’histoire avant de vous dire tout le bien que j’en ai pensé et pourquoi vous devez le lire (ou le relire) si ce n’est déjà fait…

 

Londres, années 60. Karl Glogauer a une vie compliquée. Entendez par là pas très passionnante, et assez triste, pour ne pas dire misérable. D’origine juive, élevé en milieu chrétien, nanti d’une mère tyrannique qui lui aura laissé de belles séquelles, il est du genre paumé dépressif, sentimentalement à la ramasse, sexuellement névrosé et se cherchant entre relations hétéro insipides et homosexualité refoulée. Passionné par Jung mais psychiatre raté, il n’est pas croyant mais est fasciné par le symbole de la croix. Quand l’occasion lui est présentée de servir de cobaye pour une expérience de voyage dans le temps par un inventeur génial et fou de ses connaissances, Karl accepte et choisit sa destination : la Galilée en l’an 28 de notre ère. L’objectif de Karl est de rechercher Jésus et d’assister à sa crucifixion, histoire de savoir une bonne fois pour toutes si ce qui est raconté dans la Bible est vrai ou non. Contre toute attente, le voyage dans le temps va fonctionner, à ceci près que son chronoscape vient se crasher en plein désert palestinien et est définitivement hors d’usage. Karl n’a pas les connaissances scientifiques nécessaires à sa remise en état… Le héros va aller de surprise en surprise, puisqu’il va rencontrer celui qu’il ne tardera pas à identifier comme Jean le Baptiste, chef de la secte des esséniens qui cherchent à soustraire le pays du joug des Romains. Mais quand il lui pose la question au sujet de Jésus le Nazaréen, la réponse de Jean le Baptiste est inattendue : « c’est qui ? » lui répond-il en substance ! La quête de Karl s’annonce plus compliquée qu’il ne l’avait imaginée...

 

J’ai commencé ce papier en qualifiant ce récit de classique, ce qu’il est assurément je pense. Aussi y a-t-il de fortes chances que vous ayez déjà lu ou entendu parler de cette histoire, y compris de son développement et de sa fin. Et bien qu’il soit plus aisé de parler de Voici l’homme et de sa grande richesse thématique en en dévoilant la conclusion, je vais tout de même essayer de ne pas tout raconter ici, pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas et voudraient se lancer dans la lecture du roman.

 

Bien que le roman de Moorcock soit par certains aspects ostensiblement ancré dans les années 60 (la remise en cause de l’ordre religieux, les prémisses de la libération sexuelle, le culte autour de Jung) il n’en reste pas moins terriblement moderne à mes yeux sur bien des points.

Par son écriture directe et cash (pour ne pas dire brutale), par le coup de poker qui consiste à mettre en scène en personnage principal un héros qui n’en est pas un du tout, et qu’on aurait plutôt tendance naturellement à ne pas aimer tant il sort du cadre et qu’il semble faible et pitoyable, et par l’audace qui habite l’auteur quand il décide de revisiter et de donner une autre version d’une période charnière de l’Histoire, celle qui va voir la naissance du Christianisme. À sa sortie, ce roman écrit en 1968 a choqué. Il a été ouvertement qualifié de blasphémateur. Évidemment, pour moi qui considère le droit de blasphémer comme un des plus importants garants de la liberté d’expression et de conscience, c’est une motivation supplémentaire à lire ce livre et à le faire connaître plus qu’il ne l’est déjà. Il a choqué car il a donné une autre version des personnages du Nouveau Testament. Même si on n’a pas été très assidu au catéchisme, on a tous en tête les grandes lignes de ce que racontent les Évangiles, la personnalité et la vie de Jésus sont pour ainsi dire présentes telles des images d’Épinal dans la conscience populaire.

 

Or Michael Moorcock va un peu bousculer tout ça. Pardon, dynamiter tout ça. Et ce faisant, il touche directement au sacré, à ce qu’on ne remet pas en cause parce que ce serait mal, parce qu’on nous a toujours dit que ça s’est passé comme ça et qu’on n’a même pas cherché à y réfléchir et à remettre quoi que ce soit en question. La définition même du blasphème : la remise en question du dogme.

Karl Glogauer va, au cours de son aventure, rencontrer plusieurs personnages bibliques, mais ils ne seront pas tous fidèles à l’image classique qu’on a d’eux. Sans vouloir trop en dévoiler, mais pour vous donner une idée plus précise de la relecture proposée par Moorcock, sachez par exemple que Karl va rencontrer Marie*. Mais que la Marie qu’il croise sera plutôt du genre Marie-couche-toi-là que Vierge Marie…

De la même façon, l’écrivain aborde le sujet des miracles (qui parsèment l’existence du Christ) et en donner une interprétation toute personnelle, à base de science et de psychologie, vus avec l’œil d’un homme du XXème siècle. Encore des remises en cause, encore du blasphème…

 

Mais attention cependant, si ce roman est certes provocateur à l’endroit des bigots les plus recroquevillés sur les textes sacrés, s’il foisonne d’humour (parfois noir) dans son approche des personnages bibliques, il n’en reste pas moins un formidable fourmillement d’idées, et possède une vraie profondeur aussi bien sur le plan historique et philosophique que dans la psychologie des personnages et la mise en abyme de l’individu face à l’Histoire. D’ailleurs le seul point de ce récit qui se révèle être de la SF à l’état pur reste le concept de départ, celui du voyage dans le temps. Une fois celui-ci effectué, on est dans un tout autre genre et si je devais le qualifier je parlerais plutôt de sciences humaines que de Science-Fiction.

 

Voici l’homme, ou Ecce Homo pour citer Ponce Pilate** dans le texte (sacré, ça va sans dire), est de ces livres qui font aimer la littérature de genre, qui font réfléchir en se divertissant, qui sous couvert d’humour et de provocation se veulent avant tout malins et plus profonds qu’ils n’en ont l’air.

 

Et comme si le texte ne suffisait pas, la couverture de l’édition L’Atalante qui reprend la toile de Salvatore Dali, Corpus hypercubus, devrait finir de vous convaincre de vous y plonger.

* me reviennent de façon subliminale ces quelques mots, à dire avec la voix de Pierre Bellemare : « Joseph j’ai du retard, je crois bien que tu m’as bombé la galette »…

** « fils de … fils de pute ! » De manière toute aussi subliminale que précédemment.

 

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