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Avant de lire les notes que je fais sur les films que je vois et les bd que je lis, sachez que dans mes commentaires il m'arrive parfois de dévoiler les histoires et les intrigues. Ceci dit pour les comics, je n'en parle que quelques mois après leur publication, ce qui laisse le temps de les lire avant de lire mes chroniques.
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17 février 2020 1 17 /02 /février /2020 08:41

Avec La Formule de Dieu j’ai été pris dans un piège inextricable, comme un moucheron dans une toile d’araignée. La toile que tisse roman après roman un certain José Rodrigues Dos Santos. Avec son doctorat en science de la communication il est journaliste, professeur d’université à Lisbonne et présentateur du journal télévisé de 20h sur la première chaîne publique portugaise. Et comme cela ne lui suffit pas, il est également écrivain à ses heures.

Parmi les nombreux sujets auxquels il s’intéresse, l’Histoire et les Sciences tiennent une place privilégiée. C’est pourquoi il puise allègrement dans ces domaines pour nourrir son inspiration d’auteur, et c’est justement cette érudition impressionnante qui fait tout l’intérêt de ses romans et qui les rend passionnants.

 

Aujourd’hui donc, je vais vous parler du premier de ses romans que j’ai pu lire. Et il m’a tant plu que j’ai enchaîné avec gourmandise sur d’autres de ses bouquins (et je n’ai d’ailleurs pas encore éclusé toute ma réserve), aussi est-ce un auteur dont je vous reparlerai à coup sûr à l’une ou l’autre reprises par ici…

 

Mais d’abord le pitch.

1951. David Ben Gourion, Premier Ministre du tout récent état israélien rencontre sur le territoire américain le célèbre physicien Albert Einstein. Son but est de récupérer la formule de la bombe atomique, ce qui assurerait un avantage géopolitique stratégique à son jeune pays. Mais leur discussion dévie sur un autre sujet : l’existence de Dieu…

2011. Tomàs Noronha, professeur d’université et cryptologue est contacté par le gouvernement iranien qui voudrait lui confier le décryptage d’un manuscrit laissé par Albert Einstein, au titre intrigant : Die Gottesformel, la Formule de Dieu. Ce serait la formule d’une arme nucléaire surpuissante… ce qui ne laisse bien entendu pas indifférents les services de la CIA, qui vont bientôt s’ajouter dans l’équation. Pour décrypter le code d’Einstein, Tomàs va devoir plonger dans les secrets de l’atome, et de découverte en découverte, il va comprendre que le mystère qui entoure ce manuscrit est bien plus grand encore que ce à quoi il s’attendait…

 

Voilà, dit comme cela, on pourrait croire à un thriller d’espionnage classique, fait de services secrets, de codes à casser et d’armes nucléaires. Et c’est en partie ça, mais en partie seulement, et je dirais même que ça n’est qu’un tout petit aspect du livre. Car l’intérêt du roman c’est l’enquête que va mener Tomàs, qui concrètement n’a rien d’un James Bond lusitanien. Ses efforts pour comprendre l’énigme laissée par Einstein vont l’amener à se confronter à différentes théories scientifiques, et à se familiariser avec des domaines tels que la relativité, la physique quantique, la théorie des cordes, l’expérience d’Aspect, le chat de Schrödinger ou encore la montre de Paley. Mais plus étonnamment, c’est aussi dans les textes sacrés que Tomàs va trouver quelques éléments, sinon de réponse, au moins de réflexion. Et l’éternelle confrontation entre science et foi va prendre un visage pas aussi tranché que cela au fur et à mesure des recherches du cryptologue…

 

J’ai lu de nombreux avis très divergents sur La Formule de Dieu. Certains l’encensent, d’autres le dépeignent comme ennuyeux et mal écrit. Personnellement j’ai plus qu’accroché : j’ai été subjugué par ma lecture. Pas pour l’intrigue qui sert de fil rouge au roman, mais bel et bien pour la plongée dans les sciences, les religions et la philosophie que nous propose J.R. Dos Santos. Alors oui, soyons clairs, ce n’est pas un livre à lire d’un œil distrait entre deux sms ! Il y a des concepts parfois un peu complexes qui sont abordés et expliqués, et qui eux-mêmes servent à l’avancée de la réflexion du héros et qui vont le mener un peu plus loin à chaque fois dans son cheminement intellectuel. Mais deux choses à ce sujet : ces concepts et théories exposés sont passionnants d’une part, et d’autre part c’est fait avec un réel souci d’efficacité et de pédagogie de la part de l’auteur. La lecture demande certes de la concentration du côté du lecteur, mais les explications sont les plus fluides et les plus accessibles possibles de la part de l’auteur, qui démontre au passage un talent remarquable de vulgarisateur.

 

D’ailleurs au-delà de l’étiquette d’« ennuyeux » que certains collent à ce roman (en cause : les passages qui expliquent des notions scientifiques ou philosophiques), j’aimerais aussi réfuter ici une autre image qu’on lui associe souvent, celle d’un livre réservé à une cible « intello » du fait de sa prétendue complexité. Non, pas besoin d’avoir un bac +8 en sciences physiques pour comprendre ce qu’il y est dit, c’est même ce qui fait la force du bouquin. Il suffit d’avoir un esprit curieux et ouvert, de faire preuve d’un minimum de concentration en cours de lecture* et je peux vous assurer que ça se passera très bien entre ce livre et vous ! Si critique il devait y avoir, ce serait plutôt que le rythme du roman est tel qu’on passe ainsi d’une théorie scientifique à l’autre, et qu’en fin de compte la somme d’informations est telle qu’on a du mal à tout se rappeler, quand bien même tout est très bien expliqué. En fait, on a souvent l’envie de reprendre la lecture d’un chapitre passé pour se re-familiariser avec les concepts qu’il développe (ce qui vu de ma fenêtre n’est en rien un point négatif !) mais je n’ai absolument pas considéré ces passages explicatifs comme contraignants, bien au contraire, ce sont eux qui m’ont le plus marqué et le plus intéressé.

 

Parmi toutes les notions qui sont abordées par J.R. Dos Santos, celle qui m’a le plus marqué est la dualité entre déterminisme et hasard. On a tous plus ou moins, sans même forcément y avoir réfléchi en profondeur, un avis sur la question. Pour le résumer grossièrement, il y a ceux qui croient fermement au destin, et ceux qui pensent que la vie est une page blanche qu’il nous appartient de remplir. Souvent on associe instinctivement la foi au déterminisme et la science et l’incrédulité au hasard. En tout cas dans mon esprit, c’était à peu près ce schéma-là qui se dessinait. Et puis voilà-t-y pas que Dos Santos est venu dynamiter tout cela en nous expliquant où en est la recherche sur cette question somme toute épineuse. Son approche du problème par l’intermédiaire de divers domaines scientifiques et philosophiques est vraiment éclairant, bien qu’il ne se permette pas pour autant d’affirmer les choses. Il expose, explique, soupèse les théories et les possibilités (on pourrait même presque parler de probabilités parfois), et surtout il donne une idée de ce que chacune entraîne comme implications. J’ai trouvé cela à la fois totalement passionnant et littéralement vertigineux comme lecture. Ça vous met le cerveau en ébullition et vous pousse à réfléchir différemment, en repoussant vos limites conceptuelles, ça explose les frontières de votre imagination, ça bouscule votre intelligence et vos croyances. Moi, ça m’a enthousiasmé à un point que j’avais rarement ressenti au cours d’une lecture. Parce que justement ça implique le lecteur, ça ne le laisse pas spectateur passif, ça le fait se remettre en question, ça l’interroge au plus profond de son être, et surtout ça l’enrichit d’une manière inouïe. Oui je sais j’y vais fort dans les superlatifs mais c’est vraiment parce que j’ai trouvé cette lecture très instructive et vraiment accessible (et ça à mes yeux c’est un combo gagnant qui mérite d’être souligné !), même pour des néophytes, même pour monsieur Toulemonde.

J’insiste sur le fait que l’auteur n’apporte pas de réponse ferme et définitive à certaines questions philosophiques, bien que son livre penche assez nettement pour une hypothèse particulière. Mais il donne des clés pour des approches auxquelles, seul, je n’aurais jamais eu l’accès ni même l’idée de leur existence. Il met la lumière sur des pistes que je ne soupçonnais même pas. Je suis sorti de cette lecture avec une réelle satisfaction, je me suis senti grandi, plus au fait des choses, plus instruit, et paradoxalement plus conscient encore de mon (notre) ignorance face à des choses qui nous dépassent complètement, voire qui sont parfois même hors de portée de notre compréhension, que notre cerveau est incapable à l’heure actuelle de se représenter concrètement. Avec La Formule de Dieu j’ai pu constater à quel point sont vrais les adages « Ce qu’on sait, savoir qu’on le sait ; ce qu’on ne sait pas, savoir qu’on ne le sait pas : c’est savoir véritablement. » selon Confucius et « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien, tandis que les autres croient savoir ce qu’ils ne savent pas. » qu’on attribue à Socrate.

 

Ah, j’allais oublier, mais je crois que c’est très important de le préciser tout de même : en préambule du livre l’auteur nous signale que les théories et concepts mathématiques et physiques dont il parle dans le livre sont tous issus de travaux de recherches réels, effectués par des scientifiques de renom. Juste pour préciser que les bases de sa réflexion ne sont pas des élucubrations ou de la Science-Fiction.

 

En outre, dans son roman, J.R. Dos Santos aborde également des sujets plus personnels, comme le rapport que l’on entretient avec la mort, et plus particulièrement la mort de nos proches. C’est je crois l’ingrédient supplémentaire qui finit de nous impliquer encore un peu plus dans l’histoire. Dos Santos introduit ainsi dans sa narration la relation au père, sujet qui m’est cher. Il le fait avec pudeur mais avec une apparente sincérité. Tomàs, ponte dans sa spécialité et professeur reconnu dans son domaine, a plusieurs conversations avec son père âgé et en fin de vie. Il montre subtilement que parfois les rôles de responsabilités et de protection s’inversent entre parents et enfants, avec le temps qui passe. Et que pourtant le père reste le père, l’enfant reste l’enfant, même dans ces moments-là. Le père de Tomàs étant lui-même un mathématicien respecté, il s’instaure entre eux un dialogue qui sous couvert d’enseignement et de transmission de connaissances scientifiques, laisse également passer beaucoup d’émotion, d’humanité et de philosophie de vie. Peut-être cette idée aussi, qu’on apprend toujours auprès de nos anciens, et que l’héritage d’un père pour son fils peut concerner de nombreux aspects.

 

Évidemment, ce bouquin est un roman. À ce titre il ne cherche à supplanter ni les ouvrages scientifiques, ni les textes sacrés des religions. Mais il propose de les aborder avec pédagogie, et même de les mettre en parallèle à plusieurs reprises. Libre à chacun après cette lecture d’approfondir tous les concepts exposés en allant les étudier à la source dans des ouvrages spécialisés mais peut-être moins accessibles aux profanes. En tout cas, il m’aura permis de m’ouvrir à de nouvelles pistes de réflexion, mais surtout de nourrir ma curiosité insatiable et de m’émerveiller plutôt que de m’angoisser face aux mystères de l’existence.

 

Vous l’aurez bien entendu deviné : je recommande très, très, très vivement la lecture de ce roman**.

* je remarque cependant non sans une certaine tristesse, que la concentration devient une denrée de plus en plus rare ; l’ère des smartphones et de l’immédiateté à tout crin ne doit pas être totalement innocente dans cette affaire…

 

** et quelques-uns de mes proches pourront en témoigner, puisque j’ai fait de ce livre une de mes valeurs sûres quand il s’agit d’offrir un cadeau à mes amis...

 

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