La sortie sur les écrans de The Fountain, c’est le grand retour de Darren Aronofsky, réalisateur considéré comme culte par toute une génération depuis qu’il a produit Pi et surtout le très remarqué Requiem For A Dream. Le retour était effectivement attendu, car l’absence date de 2001 tout de même, année de sortie de Requiem For A Dream.
Pour ce nouveau film, Aronofsky a de l’ambition : l’histoire qu’il veut aborder n’est rien de moins que « le combat à travers les âges d’un homme pour sauver la femme qu’il aime ». C’est du moins de cette façon qu’est décrit le film dans son dossier de presse. L’histoire se décline effectivement en trois parties distinctes mais irrémédiablement liées les unes aux autres. Là où réside toute l’ambiguïté du film d’ailleurs, c’est dans la nature de ces liens entre les différentes parties du film, laissée au jugement et à la lecture de chacun.
Présent : Tommy Creo est un scientifique, docteur en génétique qui tente coûte que coûte de trouver un remède pour sauver sa femme Izzy, atteinte d’une tumeur au cerveau incurable. Il sent qu’il approche de la solution lorsqu’il expérimente un remède à base de l’écorce d’une essence d’arbre mystérieuse et rare en provenance d’Amérique du Sud. Izzy pressentant sa fin proche écrit à l’attention de Tommy l’histoire métaphorique d’un chevalier de la cour d’Espagne parti au Nouveau Monde trouver le secret de l’immortalité pour sauver sa reine de la Sainte Inquisition. Et c’est à Tommy qu’elle demande d’écrire le dernier chapitre, le dénouement à son (leur) histoire…
Passé : Tomas est un conquistador espagnol du XVIème siècle qui part à la demande de sa reine Isabel en Amérique à la recherche du secret de l’arbre de vie. En revenant avec ce secret qui n’est autre que la clé de l’immortalité, il sauvera du grand inquisiteur celle qu’il aime et pourra vivre éternellement avec elle.
Futur : Tom est un spationaute du futur, mi-explorateur mi-yogi. Il voyage dans une bulle en compagnie d’un arbre ressemblant étrangement à l’arbre de vie, à travers l’espace en direction de la supernova (une étoile mourante) Shibalba, considérée par la civilisation Maya comme l’endroit où reposent les esprits des morts après leur vie physique, et où tel le Phénix légendaire, la vie renaît de ses cendres sous une nouvelle forme.
Voilà pour la mise en situation. Une précision à toutes fins utiles : malgré le pitch du film, ne vous attendez surtout pas à un film de voyage dans le temps, ni même de héros immortels à la façon Highlander, cela n’a rien à voir, ni sur la forme ni sur le fond.
Évidemment, les rôles de Tommy, Tomas et Tom sont interprétés par Hugh Jackman (émouvant en docteur, impressionnant en conquistador, convaincu mais moins convaincant en yogi), ceux de Izzy et de la reine Isabel sont dévolus à la magnifique Rachel Weisz (toute en douceur, pudeur, fragilité et simplicité).
À partir de là, Aronofsky n’impose quasiment pas sa propre vision mais laisse le spectateur interpréter ce qu’il voit. Vous pouvez rester très terre-à-terre et considérer le présent comme la réalité, le passé et le futur comme des chapitres de l’histoire écrite par Izzy, et par Tommy pour le dernier chapitre. Histoire qui serait une allégorie de ce que le couple a vécu, et de la phase de deuil de Tommy.
Mais vous pouvez également interpréter cela de façon plus ésotérique, comme une réflexion sur la vie, la mort et la vie après la mort. C’est d’ailleurs un peu le chemin que le réalisateur propose en filigrane au spectateur (libre à lui de le suivre ou non) surtout avec la partie concernant Tom l’explorateur du futur. On sent bien par le parti pris de donner à Tom un look de yogi, et par la présence de l’arbre de vie dans la bulle spatiale, que le message finement souligné par Aronofsky flirte avec les concepts de réincarnation, de continuité de la vie par-delà la mort physique, de la survivance de l’esprit au corps. La très belle séquence de Tomas buvant la sève de l’arbre de vie avant d’en devenir lui-même une partie abonde également en ce sens.
Et c’est peut-être là que le film m’a le moins intéressé / touché. Autant j’ai beaucoup apprécié l’histoire d’amour de Tommy et Izzy, le combat acharné du scientifique pour repousser l’inéluctable, autant j’ai aimé la partie se déroulant au XVIème siècle pour sa reconstitution emplie de poésie et d’images symboliques, autant la partie lorgnant plus ouvertement sur une sorte de bouddhisme new-age m’a laissé perplexe. Les images sont belles, mais le message et le point de vue sous-entendus qui y sont liés m’ont laissé froid je l’avoue. D’où une certaine distanciation vis-à-vis du film, un je-ne-sais-quoi qui m’empêche d’y adhérer totalement, de me sentir vraiment emporté par l’histoire, et convaincu par son propos.
Il n’en reste pas moins que les performances d’acteurs sont exceptionnelles (film après film, Hugh Jackman n’en finit plus de démontrer qu’il n’est pas qu’un beau gosse baraqué, Rachel Weisz quant à elle n’a depuis longtemps plus rien à prouver de son talent de comédienne), que la mise en scène bien que lente (lenteur impérative question ambiance) est somptueuse, et que Aronofsky montre qu’il sait produire des images magnifiques, toujours impeccablement au service de son histoire.
Si The Fountain ne m’a pas convaincu sur le fond, il s’agit néanmoins d’un film d’une grande force, qui ne manquera pas de vous interpeller à défaut de vous convaincre et/ou plaire. À vous de voir.