Film d’anticipation plus que de science-fiction, l’action des Fils de l’Homme se situe en 2027 en Grande-Bretagne. L’humanité vit des heures sombres… Pour une raison inconnue, les femmes du monde entier sont devenues infertiles, la dernière naissance remonte à 2009 et le pessimisme le plus noir s’est abattu sur toute la planète. Certains y voient une punition divine, d’autres les conséquences néfastes de la pollution et de la sur-exploitation des ressources naturelles. Parallèlement à cette chute de la natalité, les inégalités se sont encore accentuées, et la Grande-Bretagne, dernier pays considéré comme riche, est devenue l’ultime destination des réfugiés du monde entier. Parmi les immigrants on compte autant de français et d’allemands que d’africains, de roumains ou de pakistanais… Le gouvernement britannique est devenu ultra-nationaliste et policier, les réfugiés sont parqués (dans le meilleur des cas) à l’intérieur de camps sordides et sont traités sans le moindre ménagement par des militaires violents. Cependant, parmi les citoyens anglais une résistance s’est formée pour renverser cet ordre répressif, mais cette rébellion opère clandestinement et fait plus figure d’organisation para-militaire et terroriste qu’autre chose…
C’est dans ce contexte difficile que Théo (Clive Owen, remarquable), citoyen anglais sans histoire et blasé, va être contacté par son ancienne épouse Julian (Julianne Moore) qui n’est autre que le leader d’une faction de la rébellion. Elle lui demande de l’aider à faire traverser le pays une jeune femme du prénom de Kee (Claire-Hope Ashitey), réfugiée de son état et… enceinte ! Le but de Julian étant de la faire monter à bord d’un bateau, le Tomorrow, qui appartient à une organisation à la renommée légendaire, « Le Renouveau Planétaire », afin qu’elle puisse rebâtir avec quelques uns un nouveau monde quelque part, ailleurs… Mais les choses ne sont pas aussi simples et nettes qu’il n’y paraît, et Théo va rapidement se retrouver seul à avoir la charge de Kee, sans personne sur qui compter si ce n’est son fidèle ami Jasper (Michael Caine, excellent dans un rôle halluciné et hallucinant), avec pour ainsi dire le monde entier à leurs trousses…
Le film de Alfonso Cuaron se permet de mêler un récit d’anticipation à de la politique-fiction et du road-movie, le tout dans une réalisation proche du documentaire, aux images sales et à l’ambiance aussi lourde qu’ultra-réaliste. À ce titre le film joue sur plusieurs aspects, et s’il ne va jamais vraiment au bout de ses différentes facettes, fonctionne toutefois sur chacun des plans. Quand le film montre ce monde triste et violent, des réfugiés désespérés et des gens sans avenir, on est touché au cœur, et on ne peut s’empêcher de faire le lien avec ce qui existe déjà aujourd’hui, bien que de façon moins généralisée. Quand Cuaron nous plonge dans une traque haletante au milieu d’un véritable champ de bataille opposant les rebelles à l’armée, on est pris dans l’action, les balles volent bas et sifflent à nos oreilles. Quand le film laisse s’exprimer les émotions des personnages qui vont de drame en drame, on souffre avec eux, quand le réalisateur laisse percer quelques touches d’humour au milieu de ce monde si tragique on sourit avec eux… Et tout au long du film on est placé au même niveau que les personnages, en proie aux inquiétudes et aux doutes : à qui faire confiance ? le Tomorrow existe-t-il vraiment ? et sera-t-il au rendez-vous ?…
Après Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban et grâce aux Fils de l’Homme, Alfonso Cuaron assoit sa réputation à Hollywood, en prouvant qu’il sait jouer sur plusieurs tableaux et que ses talents de réalisateur lui permettent de toucher à différents types de récits. Son film fait un habile mélange entre scènes d’action réussies et personnages joliment mis en valeur (le casting haut de gamme tenant toutes ses promesses du reste) dans une intrigue générale prenante et bien menée. Si on peut reprocher au film de ne pas vraiment choisir définitivement son statut (road-movie pur ou film d’anticipation à considérations plus larges), je trouve pour ma part que ces aller-retour d’un genre à l’autre rendent justement le film plus intéressant que s’il ne se contentait d’emprunter une seule voie toute tracée.
Un film très intéressant sur bien des points donc, et qui a pour lui l’avantage de débarquer sans être vraiment attendu, ce qui fait de lui une agréable surprise (et il n’y en a pas eu tant que ça ces dernières années dans le domaine de l’anticipation).