Drôle de film que ce Président, réalisé par Lionel Delplanque, qui avait déjà commis un Promenons-Nous dans les Bois de sinistre mémoire (bien que mû de bonnes intentions) en 2000.
Ici, on navigue quelque part entre le thriller politique, l’essai sur les méandres du pouvoir, et l’itinéraire d’un jeune homme intelligent mais d’origine modeste au sein des hautes sphères de direction d’un pays… le tout saupoudré d’une histoire d’amour conflictuelle, de morale et d’éthique, de programme politique et de relations familiales difficiles.
Bref, on le voit, non seulement ce genre de film n’est pas facile à résumer ni à décrire, mais on sent également que cette envie d’exhaustivité dans le traitement des personnages et des situations dévoile rapidement ses limites. De fait, à trop vouloir aborder de choses, on finit par faire d’une ambition respectable la faiblesse d’un film.
Loin d’être mauvais cependant, Président souffre d’un manque de ligne directrice qui ne permet pas au scénario de dégager une colonne vertébrale sur la base de laquelle il pourrait se construire et se développer solidement. Du coup le film se risque à perdre le spectateur à force de ne pas choisir sur quel pied danser. On ne sait pas exactement par exemple qui est le personnage principal. Le titre et l’affiche laissait penser que Albert Dupontel dans le rôle du Président français serait au centre du film et finalement l’histoire s’attache autant voire plus au parcours du jeune Mathieu (Jérémie Renier) au sein de l’équipe de conseillers présidentiels.
Le film de Lionel Delplanque me fait étrangement penser à Syriana de Steve Gaghan, qui lui aussi aborde un sujet éminemment politique au travers d’une multitude de personnages dont aucun ne se dégage pour prendre le pas sur les autres, qui lui aussi possède une trame et un scénario exigeants si ce n’est compliqués. Mais là où Gaghan parvient à une certaine alchimie qui confère au film une force de narration inattendue, Delplanque peine un peu plus à arriver à ses fins sur Président. Pourtant le film est émaillé de très bonnes scènes et de passages vraiment intéressants, c’est je pense surtout de liant qu’il manque.
À son crédit on notera une galerie de personnages réussis et emblématiques, à commencer par le Président en personne, interprété par un Albert Dupontel étonnant, qui joue ici dans un registre que non seulement on ne lui connaissait pas, mais dans lequel on ne l’imaginait même pas. Le pari était osé tant on a l’habitude de le voir dans des rôles moins « institutionnels » (quoiqu’il avait déjà fourni une très bonne prestation dans un rôle difficile de médecin pour La Maladie de Sachs en 1999) et contre toute attente il parvient à composer un président tout à fait crédible qui pioche à la fois dans le dynamisme médiatique et la nervosité d’un Sarkozy, la force tranquille et les certitudes d’un Mitterrand, et la science des discours d’un Jospin ou d’un Chirac. Le personnage de Dupontel se voit empêtré dans ses contradictions, cherche à concilier convictions politiques, responsabilités, ses intérêts personnels et ceux de la nation, et finit par se rendre compte que même celui qui détient le pouvoir doit parfois composer avec ce qui va à l’encontre de sa morale et de ses envies. Malgré tout, même ici, on ne peut s’empêcher de remarquer, que les personnages qu’interprète Albert Dupontel ont tous en eux une fêlure, plus ou moins importante, qui les distingue toujours des hommes ordinaires.
Est-ce l’acteur qui insuffle cette part de sa personnalité décalée dans ses rôles ou les personnages pour lesquels on le choisit qui ont cette spécificité en eux ?
Jérémie Renier en jeune premier a évidemment moins de charisme qu’un Dupontel, mais tire son épingle du jeu tout en servant une performance juste mais sans réelle saveur. À noter les sympathiques prestations dans des seconds rôles de Claude Rich en ancien ambassadeur et maître à penser du président, de Jacky Berroyer qui tourne en dérision le poste de chargé de com, et de Mélanie Doutey en fille du président.
Le film de Delplanque, s’il manque un peu de personnalité, a pour lui l’avantage d’explorer des directions vers lesquelles le cinéma français ne s’aventure que rarement voire jamais, et est à ce titre très intéressant. Si les réflexions autour de l’exercice du pouvoir en France restent parfois embrouillées ou insuffisamment explorées, elles ont le mérite d’exister et d’être soulevées par le film. Président n’est certes pas le film de l’année, mais vaut toutefois le coup d’œil.