À force d’articles de ce genre on va finir par croire que je suis de ceux qui se complaisent dans des a priori négatifs sur le monde des hommes et femmes politiques, des raccourcis faciles du genre « tous pourris »…
Pourtant c’est loin d’être le cas, je pense plutôt qu’il est nécessaire de s’occuper de politique (sinon la politique s’occupera de toi dirait l’autre), d’en parler, de confronter des idées, bref d’ouvrir des débats. Ce que je n’aime pas en revanche, ce sont les attitudes purement politiciennes, les basses manœuvres et les discours populistes et démagos qui émaillent l’actualité politique de notre pays.
Serait-ce donc si idéaliste (utopiste ?) de considérer la politique comme l’art de faire vivre ensemble des gens différents au sein d’une même et seule Nation ?
Ce n’est pourtant pas l’image que j’en ai ces derniers temps, à mesure qu’approche l’échéance présidentielle de 2007. Il me paraît évident que pour les principaux candidats, la politique prend une toute autre définition que la mienne, plutôt dans le genre « politique : art de se faire élire ».
Je sais bien que pour réussir à mettre en œuvre ses idées et concrétiser son projet il faut d’abord être élu, accéder au pouvoir. Mais là on assiste à un retournement pervers de la situation, un renversement total : aujourd’hui pour réussir à être élu on modifie et module ses idées.
Les deux exemples les plus parlants sont, et c’est un triste constat, justement les deux personnes qui ont le plus de chances d’être élues en mai 2007, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, ennemis naturels mais tellement proches dans leurs comportements que c’en est à se demander ce qui les sépare.
Je passe rapidement sur le cas Sarko, qui est un exemple vivant depuis deux ans environ de ce qui se fait de mieux en discours démagogue. Le bonhomme n’est d’ailleurs pas dénué de talent, puisqu’il parvient avec des idées populistes, simplistes et tout sauf neuves à faire croire qu’il est l’homme de la « rupture », celui qui n’a plus rien à voir avec ses prédécesseurs, celui qui va tout révolutionner et donner un nouveau visage à la politique.
Mais je voudrais me pencher un peu plus sur son vis-à-vis socialiste, celle qui selon les sondages est la seule à pouvoir l’emporter face au rouleau compresseur Sarko, je veux bien entendu parler de la femme politique du moment, Ségolène Royal. Car cette semaine, elle a fait encore mieux que son concurrent direct dans le domaine de l’opinion à géométrie variable.
Là où le petit Nicolas va prendre la température de l’opinion publique avant de se ranger du côté de l’idée la plus populaire (il a eu d’ailleurs cette phrase superbe et néanmoins révélatrice : « Aller contre moi, c’est aller contre l’opinion publique »), Ségolène le bat (je ne pensais pas cela possible et pourtant…) en se rangeant d’office du côté de l’idée la plus partagée à l’avenir, quelle qu’elle soit.
Lors de son tout récent voyage en Belgique, elle a, au cours d’une conférence de presse, fait un beau discours sur l’importance de l’Europe et la collaboration entre pays de l’espace Schengen. Une journaliste la questionne alors en lui demandant ce qu’elle pense d’une éventuelle intégration à l’Union Européenne de la Turquie. Ségolène, dans ce que j’ai pris pour de la langue de bois classique tout d’abord, élude la question en expliquant que les français seront interrogés dans quelques années sur la question par référendum. La journaliste, pas dupe, insiste en lui demandant quelle est sa position personnelle sur la question. Et là on se rend compte que c’était bien plus que de la langue de bois, puisque Ségolène Royal répond en ces termes : « mais je vous ai déjà répondu : je suis de l’avis des français » !!
Je trouve ça d’autant plus énorme comme déclaration que ça a l’air d’être tout à fait naturel et normal comme réponse à ses yeux.
Je crois que là on atteint vraiment le degré zéro de la politique, comme j’ai pu l’entendre très justement dans les commentaires de certains journalistes politiques sur les ondes de France Inter et Europe 1.
C’est donc ça la nouvelle façon de faire de la politique : surfer sur l’opinion, aller dans le sens du vent, prendre la position la plus populaire. En un mot : caresser l’opinion dans le sens du poil.
Suis-je à ce point dépassé ? j’étais pourtant persuadé que faire de la politique c’est avoir des idées, les défendre auprès de l’opinion, rassembler autour de soi et convaincre les gens, avoir des convictions et s’en faire des valeurs auxquelles on est fidèle. Aujourd’hui Sarko et Ségo c’est le même combat : c’est à celui qui sera du côté des plus nombreux, point barre. Ils observent ce qui se passe, ce qui se dit, et vont dans le sens de ce qui l’emporte sur le reste, sans la moindre hésitation et sans faire le moindre cas d’éventuelles « opinions personnelles ».
Nous avons bien plus que deux populistes tout en haut des sondages d’intentions de votes, nous avons deux girouettes ultra sophistiquées.
Et pourtant il va bien falloir choisir entre ces deux là. Ça promet…