Voilà très longtemps que j’avais envie de lire du Pierre Pelot. D’abord parce que le bonhomme a une bibliographie longue comme le bras et qu’il me donnait l’image d’un touche-à-tout intéressant. Et puis bon, c’est un auteur vosgien donc quasiment un voisin quoi. C’est vrai, à force de lorgner sur les stars américaines et les auteurs à succès internationaux, on en oublie parfois que localement les gens aussi ont des trucs à dire.
Donc, quand je suis tombé au gré de mes pérégrinations dans une librairie sur ce roman au titre complètement farfelu (qui m’a piqué d’emblée en plein dans un de mes organes sensibles : la curiosité), à la couverture affublée d’une jeune fille gironde en équilibre plus qu'instable entre féminité et vulgarité et que j’ai vu de qui était signée l’œuvre je me suis dit banco ! L’occasion de découvrir cet auteur venait de s’offrir à moi, inattendue et intrigante, donc irrésistible.
Mais qu’est-ce qui se cache derrière ce titre somme toute déconcertant ? Laissez-moi éclaircir vos lanternes…
L’action se situe en plein cœur des Vosges, dans un petit village au fond d’une vallée. Les Gravier y étaient l’élite des notables locaux, du temps de la gloire de la filature qu’ils possédaient. Mais l’industrie textile a disparu des Vosges, et depuis lors, les anciens patrons se retrouvent à la tête d’un site industriel en ruines, et d’une immense propriété au sein d’un parc avec petit étang et chapelle privée… D’ailleurs le patriarche n’a pas survécu à son usine, et ne subsiste de la famille qu’un trio qui rivalise de bizarreries : Maman Jojo, le fils aîné Babar, qu’on hésite à classer entre génie méconnu et autiste obèse à tendance schizophrène-paranoïaque (le garçon bricole dans son coin un engin qu’il a baptisé Madame Wells, et qui n’est rien moins qu’une machine à voyager dans le temps), et Marie, dit Marie-McDo, jolie fille au caractère de chien et aux mœurs légères. Cette dernière n’hésite pas à monnayer ses charmes pour trois fois rien ou contre quelques sandwichs de fast-food ce qui lui vaut son surnom et la haine sourde de son frère. Mais à sa réputation de fille facile s’ajoute depuis peu une nouvelle rumeur : Marie ferait des miracles. Elle aurait même ressuscité un chat mort… Il n’en faut pas plus pour qu’une bande d’illuminés ésotériques menés par un leader charismatique nommé Manuel Emmanuel en fassent la réincarnation divine de Marie-Madeleine, la sainte prostituée biblique, ce qui commence à faire parler et à attirer de plus en plus de monde dans le petit village vosgien.
À tous ces étrangers vient s’ajouter un homme, Abel, attiré lui aussi par la légende naissante autour de Marie-McDo mais qui ne goûte en rien les concepts religieux d’un Manuel Emmanuel bien parti pour fonder une nouvelle secte à la gloire de la jeune fille. Abel est bien décidé à s’introduire discrètement chez les Gravier, le plus grand mystère entourant ses intentions…
Bon ben c’est plutôt intéressant tout ça non ? D’autant que dans le même récit, Pierre Pelot réussit à entremêler une secte naissante, une prostituée faiseuse de miracles, des extra-terrestres belliqueux, un génie frappadingue, une machine à voyager dans le temps sans oublier l’Ange étrange du titre… ce qui vous l’avouerez pourrait faire beaucoup voire trop si l’auteur n’avait pas la bouteille suffisante pour ficeler son affaire. Et force est d’avouer que Pierre Pelot maîtrise son art de raconteur d’histoire. C’est plutôt bien écrit dans l’ensemble, quelques longueurs s’immiscent toutefois dans les descriptions et les sentiments des personnages. Pourtant chez moi, la mayonnaise n’a pas pris, j’en ai été le premier désolé du reste. Je suis plutôt preneur de tout ce genre de concepts un peu casse-gueule, qui plus est lorsqu’ils sont combinés au sein d’un joyeux foutoir, mais voilà, dans le cas présent il m’a manqué quelque chose, difficile de définir quoi exactement. Le bouquin est pourtant loin d’être mauvais, mais c’est plutôt une somme de petites choses qui ont petit à petit douché mon enthousiasme. L’auteur fait en sorte que toute son histoire se tienne, mais j’ai trouvé la ficelle principale du livre un peu grosse à avaler. Tellement que, la voyant venir de loin, je me disais à moi-même que ce n’était pas possible que ce soit cela, qu’il devait y avoir un piège quelque part. Évidemment je vais soigneusement éviter de dévoiler le nœud de l’intrigue au cas où vous voudriez vous lancer dans la lecture de ce roman, mais sa résolution ne m’a pas convaincu. J’avais comme un goût de « tout ça pour ça ? » à la fin du bouquin. Un peu de déception et de frustration donc. Pourtant la narration et la mise en place sont bonnes, j’ai beaucoup aimé le coup d’accélérateur de la dernière partie et j’ai ainsi découvert que Pelot s’en sort très bien pour décrire des scènes d’action et faire monter la tension chez son lecteur. J’ai trouvé les flashbacks dont le récit est parsemé plutôt bien amenés et très intéressants, bien que par moments j’avais l’impression que l’action présente était du coup trop mise au ralenti et reléguée en second plan. Certains personnages sont réellement très réussis, mes préférés étant sans conteste le leader religieux auto-proclamé Manuel Emmanuel, et le frangin cintré qui bricole sa Madame Wells dans la chapelle.
Mais ces bons côtés n’auront pas suffit à me convaincre, l’histoire ne m’a pas embarqué comme j’aime que ça soit le cas, je suis constamment resté détaché du récit. La faute en particulier à Abel, l’un des principaux personnages et qui représente la clé de l’énigme, avec lequel je n’ai pas accroché un seul instant. Manque d’intérêt, manque de crédibilité et totale absence d’empathie pour le personnage. La faute aussi à une fin qui m’a laissé franchement sur ma faim. L’épilogue quant à lui est à mon sens complètement raté, à côté de la plaque, simpliste, invraisemblable et incohérent.
Bref si je devais résumer mon sentiment en quelques mots, je dirais que les idées de départ étaient franchement bonnes et originales, mais qu’elles ont débouché sur une déception à la hauteur des attentes qu’elles avaient éveillées chez moi. Le récit, plutôt bon au demeurant, aura pourtant manqué du souffle nécessaire pour me passionner sur la longueur. Pour mon entrée en matière au sein de l’œuvre de Pierre Pelot la lecture de L’Ange étrange et Marie-McDo s’est avérée décevante et c’est bien dommage.