Il m’arrive de vouloir tester des genres qui ne me sont pas familiers, voire qui ne m’attirent pas du tout. Comme ça, juste pour voir. On n’est pas à l’abri d’une bonne surprise dit-on…
Donc quand j’ai vu ce tout petit livre de poche, intitulé C’est fou, une fille… et signé Marie Billetdoux je me suis dit, « tiens, pourquoi pas essayer un livre de filles ? ». Parce que pour moi ça ne faisait aucun doute, j’avais à faire à un ouvrage ciblé pour femmes. Alors je l’ai pris en main, parcouru la quatrième de couverture et mon intuition s’est vue confirmée par ce que j’y ai lu.
L’auteur avait déjà remporté plusieurs prix littéraires sous le pseudonyme de Raphaelle Billetdoux avec Mes nuits sont plus belles que vos jours et Prends garde à la douceur des choses, deux bouquins dont j’avais déjà entendu parler. Une chose est indéniable, elle est sacrément douée pour les titres ! Test ultime : je feuillette le livre et m’arrête au hasard sur une page où le narrateur parle des femmes qu’il a connues et fait des liens entre leurs prénoms et ce qu’il a vécu avec elles. Et là je suis cueilli. Je retrouve mot pour mot des réflexions que je me suis moi-même faites, des jeux de mots dont je pensais être l’unique propriétaire. Légèrement déçu (vexé ?) de ne pas détenir l’exclusivité de ces quelques phrases que je viens de lire de la plume de quelqu’un d’autre, je me dis que je dois en savoir plus. C’est décidé, je vais lire mon premier livre de filles !
Un homme et une femme qui ne se connaissaient pas se rencontrent. Et quasiment dans la foulée ils se retrouvent nus, à faire l’amour avec passion. C’est la première fois et c’est pour toujours, comme une évidence. Marie Billetdoux nous fait entrer dans les pensées de l’homme et de la femme, et c’est assez bluffant parce que là encore, j’ai eu par moments l’impression que l’écrivain étaient venue chercher des mots, des sentiments, des sensations indescriptibles directement dans ma tête. À la limite du plagiat sensoriel.
C’est de relation charnelle dont il s’agit ici, mais il n’y a rien de pornographique. L’auteur ne parle pas de sexe, n’entre pas dans des descriptions physiques et mécaniques des corps. Elle parle de la connexion entre l’acte et la pensée. J’ai sincèrement été impressionné par cette capacité à entrer dans la tête des deux amants, à décortiquer leurs pensées profondes et à décrypter des sensations sur lesquelles on a si souvent du mal à mettre des mots.
Marie Billetdoux ne parle pas que de sexe, et pas vraiment d’amour non plus, elle touche le point de jonction entre les deux, cette chose dévastatrice, aussi puissante que fragile : la passion entre deux êtres. La passion nue, sèche, sans fard. Et ça, elle le fait très bien.
Mais.
Oui, j’en suis moi-même désolé, il y a un mais. Un gros. Voire plusieurs même.
Après la passion, après l’union des corps et des esprits sans entraves autres que celles du désir et de la plénitude, vient la « vraie » découverte de l’autre. De sa personnalité, de son esprit, de son comportement social. Et là tout fout le camp. J’ai eu l’impression d’assister au lynchage pur et simple de l’Homme. L’Homme avec un H, parce que je parle de l’Homme au sens générique, pas spécifiquement du type de l’histoire. De la rencontre et la passion d’un homme et d’une femme on glisse à l’histoire des Hommes et des Femmes. Là où les deux protagonistes étaient égaux dans la passion, on les retrouve l’une dans le rôle de la femme blessée, pure et innocente, et l’autre dans celui du persécuteur, de l’infâme, du manipulateur, du salaud. Ça m’a profondément dérangé, parce qu’après une ôde à la passion, j’ai eu l’impression de tomber sur un plaidoyer sexiste. Alors que dans la passion, l’auteur nous livrait le meilleur des deux êtres, après la passion il est clair que seule la femme est capable du meilleur, le pire reste l’apanage de l’homme. Ça c’est pour le premier gros mais.
Le second mais, c’est dans l’écriture et le style même qu’il réside. Si Marie Billetdoux a su faire passer des sentiments et des pensées intimes avec une fluidité et une crédibilité confondantes, il n’en va pas de même du reste. Les descriptions, les digressions, les envolées poétiques… par moment l’auteur part dans des phrases dont on a du mal à raccrocher les morceaux. Des phrases immensément longues, une ponctuation chargée, et surtout un ordre anarchique des mots qui sont placés de façon certes élégante, mais qui leur ôte toute leur force, parfois même qui leur nuit en floutant leur sens, en les rendant nébuleux, vaporeux, indistincts. Quand une seule phrase forme un paragraphe et se répand sur quasiment toute une page, fusse-t-elle d’un livre de poche, l’effet le plus probable c’est au mieux d’ennuyer, au pire de perdre le lecteur dans les méandres d’une langue trop métaphorique. Enfin quand je dis « le lecteur », je parle de moi hein. Je ne veux pas affirmer ici que ça aura le même effet sur tout le monde.
Toujours est-il que j’ai trouvé ça d’une lourdeur assez paradoxale en comparaison à l’évidence de certains passages très réussis. On passe de la simplicité de sentiments qu’on se prend en pleine poire à des tournures alambiquées qui vous filent mal à la tête rien que pour arriver à comprendre quel adjectif s’accorde avec quel mot, quel verbe s’associe à quel nom…
Et j’avoue que ça a complètement parasité ma lecture.
Bref, pour conclure donc, je dirais que certains passages (surtout au début du bouquin) m’ont laissé vraiment admiratif, mais que l’ensemble ne m’a pas plu.
J’ai cherché un peu sur internet et la plupart des critiques, des professionnels comme du public, sont très positives voire dithyrambiques. Je me rassure donc comme je peux en me disant que l’explication tient dans le fait que je ne suis pas dans le public-cible de Marie Billetdoux. Ou alors c’est juste beaucoup trop sophistiqué pour moi.