Il est tôt, le soleil se lève sur le cours Mirabeau.
Quelques oiseaux chantent, ils sont encore les maîtres du son avant que les voitures ne se mettent à défiler.
Dans sa tasse le café fume, à côté du croissant qui attend son heure…
Les gens passent. Des hommes, des femmes. Des femmes, des hommes…
Les pages défilent, le roman avance vite. Quelques pauses dans la lecture, pour regarder autour de soi, observer, s’abreuver du monde.
Au loin une démarche, une silhouette qui réveille un souvenir heureux. Celui d’un parfum doux et apaisant, satiné, légèrement fruité, et qui s’évanouit dans l’air comme les traces éthérées d’un beau rêve. Celui qui nous échappe malgré tous nos efforts, comme l’eau qui se dérobe lentement entre les doigts serrés, dynamisante et tellement…
Un souvenir qui en appelle d’autres, lointains ou récents, flous ou diaboliquement précis, mais qui tous font frémir les lèvres et donnent naissance à un sourire.
Un grand-père qui apprend à son petit-fils à jouer aux échecs.
Une mère qui se lève à l’aube pour préparer un repas aux saveurs délicieuses.
Les avant-bras larges d’un père qui, silencieux, passe ses mains sur son visage.
Un petit garçon qui apprend avec application à sa grand-mère ce qu’est un tatou.
Une émotion si forte que deux corps et deux esprits s’électrisent l’un l’autre.
Une femme qui pleure de bonheur, et dont le sourire mêlé de larmes inonde de lumière son visage.
Une passion si forte qu’elle rend invincible.
Un chien qui tremble sous l’émotion intense de revoir son maître.
Un cri déchirant de douleur qui précède le premier souffle d’un nouveau-né.
Un bébé qui s’endort dans les bras de son père.
Un livre qui se referme en laissant l’esprit de son lecteur marqué à vie.
Une chanson dont les paroles retranscrivent et transcendent les pensées et les sentiments.
Un enfant qui sourit et qui irradie d’un bonheur pur et magnifique.
...
Le ciel est bleu, l’air doux, la brise agréable.
L’esprit vagabonde de réalité en pensées furtives. Les yeux papillonnent, la mémoire vacille entre précision et trous béants, brinqueballée à la manière d’une feuille morte prise dans un vent tourbillonnant.
Le temps passe, le soleil poursuit sa courbe en pointillés entre les nuages hauts éparpillés et d’une blancheur éblouissante. Le calme est roi, son intensité fait loi. Le bruit et le mouvement ont beau faire de leur mieux pour lui résister, c’est par pur principe car ils finiront par se soumettre, comme ils se soumettent toujours. La respiration est lente, les gestes sereins, les sens au repos.
La sensation de bien-être se profile … elle approche, caressante, séduisante, apaisante … elle est si proche qu’à peine un souffle la sépare du réel … mais comme l’hirondelle qui virevolte et ne se pose jamais elle reste insaisissable … les larmes séchées par le temps lui interdisent d’approcher plus … le souvenir d’un sourire inaccessible se dresse. Le mur invisible reste à jamais infranchissable.
C’est un beau jour.
Presque. Parfait.