Il y a peu de temps, je vous parlais d'un roman qui m'a très fortement marqué : La Formule de Dieu de José Rodrigues Dos Santos. Je l'avais dévoré et trouvé passionnant parce qu'il m'avait ouvert l'esprit à des concepts pas toujours évidents au premier abord, parce qu'il m'avait beaucoup fait réfléchir une fois sa lecture terminée (il s'agit souvent là d'un très bon indice quant à la qualité de ce que vous venez de lire) et parce qu'il m'a aidé à voir certaines choses d'un œil nouveau. C'est déjà pas mal vous avouerez !
Aussi, emporté par l'enthousiasme procuré par la lecture de ce livre, je me suis directement jeté sur le second ouvrage de l'auteur qu'on m'avait tout autant conseillé, L'Ultime Secret du Christ, et je m'en vais vous en dire quelques mots ici.
Tout d'abord, je dois le dire, j'avais certes un a priori très positif envers l'auteur, mais j'avais également un gros doute sur ce second roman, à cause de son titre. L'Ultime Secret du Christ, pour moi c'était très connoté Da Vinci Code. Et à mes yeux ça n'est pas forcément très élogieux que de dire cela... Je ne suis pourtant pas le mieux placé pour en juger, n'ayant pas lu le livre de Dan Brown. Mais j'ai tant lu de critiques acerbes à son sujet, faites par des gens dans le jugement desquels j'ai plutôt confiance, et j'ai par ailleurs gardé en mémoire le si triste souvenir de l'adaptation au cinéma de la suite du Da Vinci Code, Anges et Démons, dont j'avais trouvé l'histoire pour le moins affligeante, que je ne pouvais m'abstraire de cet a priori négatif sur l’œuvre de Dan Brown.
Bref, j'avais très peur d'un bouquin dans la même mouvance, capitalisant sur un secret caché d'un évangile quelconque et qui surferait sur un thème qui a été très à la mode dans les fictions des années 2000.
Homme de peu de foi que j'ai été !
Je vous plante rapidement le décor du roman. Une éminente paléographe* est retrouvée égorgée à Rome, en pleine Bibliothèque vaticane ! Elle y étudiait l'un des plus anciens et précieux exemplaires de la Bible, le Codex Vaticanus. Au côté de son corps sans vie, un message mystérieux a été laissé. Tomás Noronha, historien et cryptologue portugais de renom, est le dernier à avoir vu la victime vivante. Convoqué par l'inspectrice Valentina Ferro, le héros de La Formule de Dieu va rapidement être associé à l'enquête policière. Ses connaissances des Saintes Écritures seront d'une grande aide pour décrypter le message laissé par le tueur. D'autant que l'enquête va prendre une tournure inattendue avec deux autres meurtres analogues en Irlande et en Bulgarie... Pour élucider le mystère, l'inspectrice et l'historien vont devoir se plonger dans l'analyse des textes bibliques et progresser de révélation en révélation jusqu'à en arriver en Israël, sur les traces de l'un des personnages les plus emblématiques de la culture occidentale : le Christ.
Alors deux choses :
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Oui ceci est un roman, et il raconte une histoire, en l'occurrence la résolution d'un meurtre.
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Tout comme dans La Formule de Dieu, L'Ultime Secret du Christ est préfacée d'une simple phrase, mais qui change tout à la lecture qu'on fera du livre : « Toutes les données historiques et scientifiques ici présentées sont vraies ».
L'auteur J.R. Dos Santos va réutiliser la méthode de narration qu'il a déjà bien développée dans La Formule de Dieu**, à savoir un mixe entre une enquête que mènent les personnages principaux et des informations et faits historiques et scientifiques présentés par l'auteur comme le moteur de la réflexion des enquêteurs. Certains pourront trouver le procédé trop artificiel et y verront une faiblesse du roman. Personnellement cela ne m'a aucunement gêné, ni ici ni dans le roman précédent, car je l'avoue ce n'est pas l'enquête à proprement parler qui m'a le plus passionné, c'est très clairement la partie historique et scientifique du propos qui m'aura le plus accroché. J'ai porté plus d'intérêt à tous les passages explicatifs et aux démonstrations théoriques qu'à l'avancée de l'action proprement dite. Je ne dis pas pour autant que l'enquête en elle-même n'est pas intéressante, mais elle passe nettement en arrière plan pour moi. Celles et ceux qui chercheront donc avant tout un thriller haletant et bourré d'action seront certainement déçus de ce qu'ils liront. Autant le dire pour éviter tout malentendu : la partie vulgarisation de connaissances l'emporte largement sur l'aspect thriller.
Donc, sorti de la pure enquête policière, ce roman m'a surtout impressionné et passionné par la somme d'informations historiques et scientifiques qu'il expose. J'ai toujours été assez intéressé et curieux de tout ce qui touche aux religions et aux croyances. J'ai grandi dans une société aux racines judéo-chrétiennes dominantes, qu'on soit du reste croyant ou non. Et pour ma part j'ai été baigné dans la culture chrétienne depuis tout petit jusqu'à ce que mon esprit critique et ma réflexion propre m'aient permis de m'en détacher suffisamment pour privilégier la science, l'histoire et la philosophie (cela étant dit, La Formule de Dieu, comme de nombreux autres ouvrages et travaux, montre qu'une séparation nette et exclusive de ces thèmes est souvent illusoire et aussi dogmatique que peut l'être la religion : la pensée doit s'autoriser à aborder tous ces sujets pour faire progresser la réflexion sur soi et sur le monde).
Et c'est justement en regard de ma propre éducation, de ma culture et de tout ce que j'ai vécu et appris au cours de ma vie, que le propos de ce livre m'a le plus touché. Oser poser des questions là où on nous a appris qu'il fallait croire sans s'en poser, mettre en doute des paroles qu'on nous a toujours présentées comme vraies et définitives, s'appuyer sur des faits, des connaissances, des preuves, plutôt que sur des textes dits saints qui excluent le moindre droit au doute, voici ce que fait ce livre. Il prend la Bible, et l'étudie. Pas au sens liturgique du terme, mais au sens scientifique et historique. L'auteur décortique les Écritures Saintes et pointe tout ce qui ne résiste pas à l'analyse un peu plus poussée que la seule acceptation des textes tels quels. Il remet dans un contexte historique, il confronte les incohérences entre elles, il rappelle les faits avérés et met en lumière tous ceux qui autorisent à énoncer tout haut un doute légitime. Bref, il déconstruit la religion. Ce qui personnellement, m'intéresse au plus haut point. Il ne s'agit pas d'ailleurs de « casser du curé pour casser du curé », mais simplement de prendre du recul, et de s'extirper des histoires pour essayer d'entrer dans l'Histoire.
A ce propos, je crois important de signaler qu'il ne faut pas tomber dans l'excès inverse : dans son roman, J.R. Dos Santos propose un autre point de vue que le dogme de l’Église, et il le fait en explicitant des hypothèses différentes. Il expose une théorie, et c'est utile de le préciser, il n'impose pas une vérité. Les faits qu'il énonce, les conclusions qu'il tire, les théories qu'il explique sont un autre point de vue. Selon l'avis de chacun, vous les verrez comme convaincantes ou non, vous déciderez de leur légitimité ou de leur vraisemblance : il y a dans ce livre des théories exposées qui m'auront plus convaincu que d'autres que j'ai trouvées plus fantaisistes ou moins scientifiquement probantes. Et c'est ce qui est encore plus passionnant dans ce livre : s'il vous apprend une chose, c'est le doute. Et que le doute, loin d'être une mauvaise chose, s'avère excellent dès lors qu'il nous pousse à chercher à en savoir plus, dès lors qu'il nous pousse vers les seules valeurs qui vaillent : l'instruction, la culture, l'histoire, la soif de connaissance, le désir d'apprendre. Disons-le encore autrement : quand il cultive la curiosité intellectuelle, le doute est infiniment bénéfique.
Quand vous lirez le nombre d'erreurs, d'omissions ou d'incohérences qu'on a pu chiffrer au cœur même de la Bible, vous en tomberez sur le cul. Quand vous apprendrez l'origine probable du concept de « Vierge Marie » vous hésiterez entre rire ou pleurer. Quand vous aurez devant les yeux l'évaluation mathématique du pourcentage de chances qu'on ait trouvé un faux tombeau du Christ, vous serez sciés sur place. Quand vous comprendrez quand, comment et aussi pourquoi on a décidé de retenir tel ou tel texte « saint » plutôt que d'autres pour fixer une bonne fois pour toutes un canon officiel de la Bible, vous regarderez d'un autre œil le concept de vérité tel qu'elle est présentée par l’Église (et par extension dès lors qu'on parle d'autorités religieuses).
Il me semble toutefois important de dire que ce livre participe moins à une entreprise de destruction de la foi qu'à la déconstruction des fonctionnements interne d'une religion, et qu'on apprend beaucoup de choses, quand bien même on ne serait pas convaincu par tout ce que tente de démontrer l'auteur.
Accéder à un nouveau point de vue sur quelque chose qu'on connaît depuis toujours, ça peut être parfois déstabilisant, mais j'ai trouvé cela surtout passionnant. Ne vous départez jamais de votre capacité d'analyse, gardez votre sens critique, qu'il aille dans le sens des théories présentées par le livre ou dans un sens contraire, tant qu'on essaie de faire passer la pensée et la logique avant l'aveuglement volontaire, vous en ressortirez forcément grandis et plus éclairés. Et si au concept de vérité souvent mis en avant et défendu par les religions, on s'autorise à privilégier celui de réalité, on se permet de voir le monde sous un prisme un peu différent, et on en ressort là encore gagnant. C'est ce que vous invite à faire J.R. Dos Santos par l'intermédiaire de L'Ultime Secret du Christ.
Je vous incite très fortement à le lire et à vous faire votre propre idée. En ce qui me concerne j'ai énormément appris à sa lecture, y-compris sur des choses que je croyais déjà connaître, et ce roman m'aura certainement autant marqué que La Formule de Dieu. Gros coup de cœur.
* une paléographe ? C'est une scientifique qui étudie les écritures anciennes.
** à ce sujet les romans de J.R. Dos Santos mettent en scène le même personnage, le professeur Tomás Noronha, mais l'ordre de parution française des romans n'a pas tenu compte de l'ordre original, si bien que La Formule de Dieu, premier roman de l'auteur paru en France est en fait le second roman des aventures de Tomás, alors que L'Ultime Secret du Christ, deuxième roman de Dos Santos paru en France est en réalité le cinquième opus des pérégrinations du héros lusitanien.