Ouvrage récréatif, On ne meurt qu’une fois et c’est pour si longtemps de Patrick Pelloux se lit vite et facilement. Le style est simple, direct, plaisant, précis. L’humour n’est jamais très loin, malgré un thème qui ne prête pas forcément à rire. En effet, le célèbre médecin-urgentiste qui se sera fait connaître comme lanceur d’alerte lors de la fameuse canicule de l’été 2003 (alors qu’en 2019 on en aura eu deux avant même d’atteindre le mois d’août et que l’hiver 2020 s’annonce comme l’un des plus doux qu’on ait connu…), avant de devenir un habitué des plateaux télévisés et un chroniqueur de poids dans les pages de Charlie Hebdo (dont sont tirées les chroniques qui forment les différents chapitres du livre), aborde un sujet intéressant : la mort des grands hommes à travers les âges. Mais avec l’œil non pas de l’historien, mais du médecin.
Que ce soit Jésus, Louis XIV, Marie Curie, Balzac ou Churchill, Patrick Pelloux évoque aussi bien des rois, des écrivains, des artistes, des politiques ou mêmes d’illustres inconnus comme les soldats du débarquement en Normandie par exemple. On a droit aux différents symptômes des maladies dont souffrent ces grands noms de l’histoire, mais aussi aux souffrances expliquées par le menu, qu’ils endurent souvent par la faute de leurs médecins et de leurs traitements parfois totalement à côté de la plaque. Pendant longtemps les saignées et lavements pratiqués à l’excès par les médecins auront eu raison des malades que la maladie n’arrivait pas à tuer. La pratique de la médecine a énormément évolué avec le temps, et s’il est une chose de sûre c’est que vous refermerez ce livre en vous félicitant d’être nés dans la période actuelle !!
Ce qui est plaisant avec ce livre c’est qu’on apprend sans se forcer, on s’instruit sans s’en rendre compte. Oui le ton est léger, oui on est souvent plus dans l’anecdote qu’autre chose, mais aborder l’Histoire par les petites histoires n’est pas forcément une mauvaise approche pour ceux qui se pensent allergiques aux dates et à la frise historique des rois de France.
Et mine de rien on cultive notre culture générale au passage, Patrick Pelloux fait la lumière sur certains personnages célèbres ou certains événements qu’on croit connaître mais dont on n’a en fait qu’une vague idée. Je pense en ce qui me concerne à Molière (c’est d’ailleurs à lui que l’urgentiste a emprunté le titre de son livre) au sujet duquel la légende veut qu’il soit mort sur scène, alors que non pas du tout, il est mort plus tard en soirée bien après la dernière représentation qu’il a donnée. Je pense à la description de la mort du petit père du peuple, Joseph Staline, gisant pendant vingt heures au sol après son AVC, personne n’osant le déranger, aucun médecin ne voulant prendre le risque d’être accusé de l’avoir rendu malade (le fameux procès qui suivit le supposé complot des blouses blanches, initié par le régime stalinien, avait laissé des traces…). Son agonie dura trois jours, une fin teintée de l’ironie du sort… Je pense à la bataille de Waterloo restée célèbre dans la mémoire collective mais dont les détails m’étaient totalement inconnus : 40 000 hommes et 10 000 chevaux y moururent, et dans quelles atroces conditions, pendant qu’en retrait de la bataille, l’empereur Napoléon était le cul sur une bassine, à combattre une violente crise d’hémorroïdes… Je pense au régime de Vichy qui imposa un régime alimentaire famélique aux pensionnaires des Hôpitaux Psychiatriques français (500 calories par jour !!) ce qui entraîna la mort de l’artiste Camille Claudel qui avait été injustement internée par son frère… Je pense aux tortures et à la mise à mort du régicide Ravaillac, deux heures de supplice indicible au terme desquelles des spectateurs partirent avec des lambeaux de son corps en souvenir…
Bref il y en a comme ça un certain nombre, et parfois des cas pas très ragoûtants (des vers de trente centimètres qui sortaient par paquet de la bouche et de l’anus, ça vous parle ? C’est ainsi que Louis XIII a fini le côlon percé par ces charmants parasites…). Patrick Pelloux nous embarque à travers les âges et il nous apprend aussi par exemple que les médecins et les chirurgiens formaient deux corporations qui ne faisaient pas bon ménage, aussi étonnant que ça puisse paraître de nos jours…
Un livre qui se lit très vite donc et qui renferme son lot de petites informations intéressantes. Comme il s’agit d’un recueil de chroniques, il vaut peut-être mieux ne pas tout lire à l’affilée, ne serait-ce que pour éviter les redondances dans les descriptions ou les tournures de phrases qui passent inaperçues dans des papiers qui paraissent hebdomadairement, mais sautent aux yeux dans un recueil. Outre ce léger défaut, inhérent à la forme d’origine du matériau publié, l’ensemble reste d’une lecture vive et agréable.