Vous allez finir par croire que je ne regarde quasiment plus que des adaptations de BD en guise de films. Vous n’aurez pas tout à fait tort. D’ailleurs, dans ma filmothèque il y a une étagère uniquement consacrée à ça.
Oui, je suis le roi du classement de dvd.
Oui, j’ai un système de classement un peu à part.
Non, je n’ai pas toujours bon goût.
Ceci étant dit, j’ai pioché dans mon étagère le blu-ray (parce que oui, il faut se tenir à la pointe du progrès) de la très récente adaptation du comic éponyme de chez DC, Jonah Hex (pas sorti en salle en France, après un bide fracassant aux USA). Du personnage de papier, je n’avais jamais rien lu avant l’année passée quand Panini, fort à propos, a sorti des recueils consacrés au cow-boy défiguré dans sa collection DC Big Books. Jonah Hex c’est un dur de dur, un chasseur de primes qui se promène en tunique grise des sudistes de la guerre de sécession, une moitié de la face complètement refaite au fer rouge et avec pour meilleurs (et seuls) compagnons ses flingues. Jonah Hex c’est une légende de l’Ouest, le type que personne ne veut rencontrer, le beau gosse dont on voit une partie de la mâchoire à travers ce qui lui reste de joue, un tireur d’exception, un bagarreur qui ne craint rien ni personne, un suicidaire au cuir tanné par le soleil et dur comme la pierre. Un type à la morale fluctuante, qui n’a que deux objectifs dans ce qui lui tient lieu de vie : gagner le fric que peut lui ramener un contrat sur la tête d’un fugitif et qu’on lui fiche la paix. Inutile d’essayer de sympathiser avec lui, de l’attendrir ou de le séduire : Jonah Hex n’est ni sympathique, ni sentimental et n’en a rien à cirer du monde qui l’entoure. On peut dire sans trop risquer de se tromper, que Jonah Hex est juste un fou dangereux qui par chance pour la population du grand Ouest américain a décidé de se faire chasseur de primes plutôt que mercenaire.
Sévèrement secoué, Jonah Hex l’est sans l’ombre d’un doute. À ce titre d’ailleurs il dénote dans le paysage habituel des héros de comics. Impossible de le trouver attachant, impossible de s’y identifier, question sensibilité et humanisme il ferait passer le Punisher pour une fillette pleurnicheuse. Il n’y a objectivement rien pour en faire un héros à proprement parler : ni sa gueule d’amour ni ses motivations et encore moins ses actes. Il est l’incarnation ultime de l’aspect le plus noir du rêve américain : « démerde-toi et fais pas chier ou prends ça dans ta gueule ».
Enfin ça c’est la version comics.
Parce que forcément, pour le passer sur grand écran, le personnage a été très, très, très édulcoré. D’abord on l’excuse dès le départ d’avoir pêté un boulon en lui faisant subir un traumatisme originel : sa famille est brûlée vive par un foutu salopard pendant la guerre de sécession, et lui se retrouve affreusement défiguré par la même occasion (rien à voir avec ses origines dans le comic).
Ensuite, Jonah Hex (Josh Brolin) est présenté comme un dur à cuire et un solitaire, mais pas du tout comme un fou sanguinaire. D’ailleurs il se permet même d’entretenir une liaison (gratos) avec Lilah (Megan Fox) une des plus belles prostituées du coin, ce qui prouve bien que tout meurtri qu’il est le garçon garde un cœur (et se tape une bombasse au passage malgré sa gueule en vrac, vous pouvez donc l’admirer chers spectateurs lambda mâles). Et puis comme tout ça n’est pas assez, et que le film est estampillé « adaptation de comics » j’imagine que les scénaristes ont dû se dire que ce serait bien de lui coller aussi un super-pouvoir. Comme ça en plus ça sera l’occasion de placer de jolis effets spéciaux qui en jettent dans le film, c’est toujours ça de pris pour masquer le scénar à deux balles qu’ils ont pondu à côté. Donc Jonah se retrouve affublé du pouvoir de ressusciter les morts quand il les touche (ce serait pas piqué de Pushing Daisies ça par hasard les gars ?), le temps de leur soutirer quelques informations utiles et de les faire encore un peu jongler (car ils revivent l’espace d’un instant mais brûlent de l’intérieur) avant de les renvoyer en enfer définitivement (on appelle ça une double peine non ? enfin on s’en fout ils l’ont bien mérité de toute façon). Bref, tout ça pour montrer un Jonah Hex mandaté par le président des États-Unis d’Amérique en personne pour retrouver et empêcher de nuire l’ignoble Quentin Turnbull (John Malkovich), un renégat qui ne s’est jamais remis de la défaite des états du Sud et est devenu l’ennemi public numéro un.
Un terroriste cruel (histoire de le rendre encore plus détestable) qui a développé une nouvelle arme de destruction massive (ça vous rappelle des trucs ? pourtant je confirme qu’on est bien sensé être dans un western. Si, si.). Ah et puis ça tombe bien, il se trouve que c’est lui aussi qui a massacré la famille de Jonah et défiguré le cow-boy. Sans compter qu’il a enlevé Lilah l’infâme salaud ! Bref, Jonah Hex va pouvoir se lâcher, et combiner l’utile à l’agréable, puisqu’il est chargé de sauver le monde libre (comprenez les USA) tout en se vengeant d’un méchant qui le mérite bien.
Bon, mon résumé est certainement un chouïa orienté vers la critique négative, ça n’aura pas échappé à mes lecteurs qui sont fins psychologues. Mais si, mais si, pas de fausse modestie, vous êtes fins, géniaux et intelligents amis lecteurs. Et beaux aussi. Et incroyablement sexy. Non ceci n’est pas du racolage actif, juré. J’admire avec sincérité tous ceux qui me lisent encore !
Bref, qu’est-ce que je disais… ah oui ! vous aurez donc détecté dans mon ton un brin moqueur que je n’ai pas trouvé le film réalisé par Jimmy Hayward (inconnu au bataillon) très satisfaisant (vous avez vu, la langue de bois je sais faire aussi). Au point que je ne sais pas trop quoi dire d’autre à son sujet. De positif j’entends. Parce que je pourrais aussi préciser que dans le genre western on n’a pas grand chose à se mettre sous la dent, c’est plutôt tourné à la façon film d’action donc les amoureux des films de genre qui font la part belle aux garçons vachers n’y trouveront pas leur compte non plus. Je pourrais également pester sur la frilosité qui habite le film, aussi bien sur le plan de la violence (je m’attendais à quelque chose qui décape de la part d’un film mettant en scène Jonah Hex au lieu de quoi on est en plein pop-corn movie) que du sexe (c’est bien la peine de coller Megan Fox dans le rôle de la fille facile si elle reste aussi prude à l’écran), on passera évidemment sous-silence l’aspect subversif qu’aurait pu avoir le film si on avait un minimum respecté l’esprit du personnage.
Ah tiens une remarque au passage, vous y croiserez dans le rôle (court) du fils de Turnbull l’acteur Jeffrey Dean Morgan, qui commence lui aussi à se faire une petite collection d’adaptation de comics à l’écran après Watchmen et The Losers. Bon allez, je vais pas être chien, histoire de dire quelque chose de positif sur le film, les effets spéciaux assurent, c’est très joliment fait pour peu qu’on ne soit pas allergique aux effets numériques, ça va sans dire. Oui je sais ça fait léger, mais je fais ce que je peux hein.
Non bon, en gros ils auraient mieux fait de s’abstenir plutôt que de produire un tel film. Ou au moins l’appeler autrement. Quitte à ne rien garder de la BD Jonah Hex, autant virer le nom aussi, histoire de ne pas ôter l’envie à ceux qui ne le connaissaient pas de le découvrir en comics. Non pas que je sois un fan inconditionnel du comic book, que je trouve pas mal (surtout pour les différents styles graphiques qu’on peut y trouver) sans plus, mais juste par souci d’honnêteté envers le matériau d’origine. Dommage, le potentiel était là pourtant.