Wolverine est un des personnages phares de l’univers Marvel. Il est sans conteste le X-Man préféré des lecteurs, et sa popularité est telle qu’il est omniprésent dans de nombreuses séries.
Principal protagoniste d’une pléthore de mini-séries qui lui sont consacrées, présent dans toutes les séries dédiées aux X-Men, depuis peu membre des Vengeurs … il collectionne les apparitions en guest-star et apparaît sur un nombre impressionnant de couvertures de comics. Bref, bien que moins connu du grand public qu’un Spider-Man, il est incontournable.
C’est donc très paradoxal de se dire qu’en même temps, sa série régulière n’a jamais vraiment déchaîné les passions. Pour ma part je l’ai d’ailleurs toujours trouvée plus anecdotique que les autres séries où il a été mis en scène. Même les grands évènements de sa « carrière » de super-héros ont eu lieu ailleurs que dans sa série, c’est tout de même un comble !
Quand Barry Windsor-Smith nous conte sa mésaventure avec l’organisation Arme X, c’est dans la mini-série du même nom. Quand Magnéto arrache son adamantium au squelette de Logan, c’est dans X-Men #25. Quand nous sont dévoilées les origines du nabot griffu, c’est encore dans une mini-série évènementielle (Origin par Joe Quesada, Paul Jenkins et Andy Kubert).
Inconsciemment, j’ai moi-même en tant que lecteur, toujours considéré la série Wolverine comme une « série B » face à ses aînées telles que Uncanny X-Men, Avengers ou Amazing Spider-Man. Une série souvent plaisante et distrayante, mais où il ne se passait rien de crucial.
Et j’ai l’impression en lisant les commentaires dans les forums, ou en discutant avec d’autres lecteurs de comics, que c’est un peu le sentiment de tout le monde.
Marvel a dû certainement faire le même constat, car il a été décidé de « booster » la série Wolverine en y créant l’événement. Tout d’abord, l’équipe créative a été remaniée, avec l’arrivée du décapant Mark Millar (tout auréolé du succès de ses Ultimates et Authority) au scénario, et de John Romita Jr en personne, transfuge de sa mythique série Amazing Spider-Man, au dessin. Excusez du peu.
De cette collaboration inédite est né le story-arc en six parties Enemy of the State, qui joue la rupture de ton avec ce qui avait été fait depuis des années sur la série. Millar dans son style percutant a décidé de revenir aux bases du personnage de Wolverine.
Qu’est-ce qui a fait que Wolverine sorte ainsi du lot des nouveaux X-Men lancés en 1975 ? Sa bestialité.
Logan est certes un héros, mais avant tout parce que l’humain prend le pas sur l’animal qui est en lui. Plus on remonte dans son historique, plus on se rend compte qu’il était sauvage, incontrôlable. C’est donc sur cet aspect que Millar base son histoire. Que se passerait-il si Wolverine se lâchait, s’il laissait parler la bête sauvage en lui ? D’autant que selon sa propre expression, il est sans conteste « le meilleur dans sa partie » …
On assiste donc au début de l’arc à un piège dans lequel Wolverine va tomber. L’Hydra, et la Main (deux des plus puissantes organisations criminelles de l’univers Marvel) s’associent pour transformer Wolverine en tueur à leur solde. Ils chargent le fantômatique et redoutable Gorgone, maître-ninja, de capturer le griffu et de le leur livrer moribond afin de lui faire subir un lavage de cerveau diabolique. Au-delà même de cela, il est littéralement reprogrammé pour devenir un tueur indomptable. La stratégie des criminels est simple : faire assassiner des super-héros par Wolverine afin de les récupérer pour les transformer à leur tour en tueurs implacables comme la Main l’avait fait à l’époque avec Elektra (tuée par Bullseye dans Daredevil vol.1 #181). En effet, la Main a la capacité de réanimer les corps de personnes mortes depuis peu de temps, pour en faire des quasi-zombies totalement soumis à ses ordres.
En ciblant des sur-hommes, ils tentent de gonfler leurs rangs de tueurs dotés de super-pouvoirs. Ce sera l’occasion de voir Wolverine en solo contre quelques stars du Marvel universe : Elektra, les 4 Fantastiques, Daredevil, ses coéquipiers X-Men… et c’est Captain America qui finira par le neutraliser, juste après qu’il ait tué l’un des X-Men lancé à sa poursuite. C’est sur la capture de Logan par le SHIELD (agence gouvernementale d’espionnage et d’affaires sur-humaines)d’un côté et la récupération d’Elektra par la Main (pour la seconde fois donc) que se finit Enemy of the State.
Comme souvent avec Millar, on ne s’ennuie pas à voir Wolverine semer le chaos alors que les autres héros se démènent pour l’arrêter. Les duels entre Wolverine et les nombreux héros qui interviennent au long des six épisodes sont très intéressants, pleins de punch et bien trouvés. Et il fait quelques victimes de second plan au passage, histoire de donner du poids et de l’authenticité à l’histoire.
Point de vue dessins, John Romita Jr rend une copie parfaite, il met dans ses planches de la puissance, de la fluidité et du spectaculaire, le tout mêlé à sa science bien rôdée de la narration. Il est et reste définitivement l’une des valeurs les plus sûres de l’écurie Marvel.
En résumé, si l’histoire et son déroulement sont assez basiques, les deux auteurs prennent visiblement du plaisir sur cette aventure de Logan, et ça se ressent à la lecture. C’est même plutôt communicatif. Bref, ce story-arc assure le spectacle tout en préparant le terrain à sa suite directe qui occupera les six épisodes suivants du duo Millar/Romita : Agent of the SHIELD.