Un nouveau film de David Fincher est toujours un petit événement en soi. L’auteur prodige du fameux Se7en, l’homme qui a réussi à rendre Michael Douglas intéressant dans le très efficace The Game, et qui a donné à Edward Norton et Brad Pitt leur heure de gloire avec l’excellent et controversé Fight Club avait pourtant commis un léger faux-pas lors de son dernier métrage, Panic Room avec Jodie Foster et Forrest Whitacker. Non pas que le film fut mauvais, mais il était sans conteste très en-deçà de ces longs métrages précédents. Tout au plus Fincher y avait-il montré sa dextérité caméra à la main, son amour des images léchées, des plans impressionnants et des mouvements de caméra fun et esthétisants, mais il manquait au film une véritable implication de son réalisateur, au-delà de la pure démonstration technique.
Autant dire que son nouveau film était attendu au tournant. Fincher allait-il redresser la barre ou sombrer dans la facilité et le tape à l’oeil ?
L’attente générée par Zodiac était d’autant plus fiévreuse que le réalisateur revenait au genre qui a fait sa renommée aux yeux du grand public avec Se7en : le film de tueur en série.
Mais cette fois David Fincher s’est attaqué à un personnage réel, le tristement célèbre tueur du Zodiac qui a sévit en Californie dans la région de San Francisco entre 1966 et 1978, et dont l’identité reste aujourd’hui encore mystérieuse. Pour ce faire, Fincher a abordé l’histoire sous trois angles d’approche différents, à travers trois personnages principaux qui ont eu un grand rôle dans l’affaire.
C’est Robert Graysmith (interprété par Jake Gyllenhaal qui continue de collectionner des rôles à la fois intéressants et diversifiés), dessinateur employé au San Francisco Chronicle, le journal dont le tueur se sert pour faire passer ses messages au public et à la police, qui fait office de personnage central. C’est d’ailleurs sur les deux livres qu’a écrit Graysmith au sujet de cette affaire que Fincher s’est principalement appuyé pour écrire le scripte de son film. Graysmith, passionné dès le début par l’affaire, entre autre pour l’aspect graphique du mystère des messages codés envoyés par le tueur, va mener des années durant une enquête parallèle à celle des autorités et explorer et éclaircir des pistes intéressantes.
Autre protagoniste central, l’inspecteur David Toschi (interprété par un Mark Ruffalo très en vogue en ce moment) est le policier en charge de l’affaire pendant plusieurs années avant de se faire dépasser par les événements et de jeter l’éponge, brisé. Passionné lui aussi, il croit à plusieurs reprises tenir des pistes solides mais se casse les dents à chaque fois sur des incohérences troublantes.
Enfin il y a Paul Avery (interprété par le décidément incontournable et excellent Robert Downey Jr), journaliste vedette du San Francisco Chronicle, spécialisé dans les affaires criminelles et qui va lui aussi buter contre le mystère du Zodiac et y laisser en partie sa santé…
Que dire du film ?
Eh bien tout d’abord qu’il est dense. Il dure plus de 2h30 et est un condensé d’informations, un suivi minutieux d’une enquête sans fin, et fait la part belle aux protagonistes et à leurs états d’âmes. À l’opposé de Panic Room, on ne pourra pas reprocher à Fincher un manque d’implication dans le film, c’est même par l’excès inverse qu’il pêche serais-je tenté de dire. En effet, l’affaire est si complexe, et l’unité de temps si diluée (on prête au Zodiac entre 37 et 200 meurtres en 12 ans, l’enquête quant à elle se poursuivra encore bien plus longtemps après les faits) que dans son souci d’exhaustivité et de précision le réalisateur englue quelque peu son film dans les méandres de l’affaire. Malgré quelques effets réussis (les meurtres, ou encore la vue aérienne d’un véhicule circulant dans les rues de San Francisco), la maestria de Fincher ne suffit pas à garder le spectateur dans un état d’implication suffisant pour ne pas trouver le film à un moment ou un autre long.
Les acteurs non plus ne sont pas en cause d’ailleurs. Ils paraissent visiblement très impliqués dans leurs rôles respectifs, et chacun d’entre eux s’en sort parfaitement par des interprétations impeccables.
Un autre point décevant réside dans le fait que l’affaire reste et restera non-élucidée. Inévitablement on ressort du film avec une petite déception (entendons-nous bien, il s’agit de faits réels et historiques, il est évident que Fincher n’allait pas nous proposer une conclusion sous forme de résolution de l’énigme), et on ne peut s’empêcher de penser à quelque chose comme « tout ça pour ça » en constatant qu’une enquête aussi dense se termine sur autant d’inconnues. David Fincher aura probablement voulu parer à ce sentiment en appuyant un peu plus la thèse sous-jacente de Graysmith sur l’identité du tueur, mais tout cela reste au conditionnel et ne verra certainement aucune réponse définitive depuis la mort du suspect principal.
Alors cela étant, faut-il conseiller la vision de Zodiac ?
Étant donné que j’écris ceci bien après la sortie en salles du film, je pense que le film mérite d’être vu en location au gré d’une soirée dvd. Car je dois bien avouer, malgré tout le bien que je pense et du réalisateur et des acteurs, que le film est intéressant sans être passionnant, et qu’il ne donne pas forcément l’envie d’être vu plus d’une fois. Il est très intéressant d’un point de vue purement factuel, pour l’exposé précis des faits et le suivi minutieux de l’enquête. Mais l’histoire reste touffue et complexe, et donne cette impression d’inachevé dont je parlais plus haut.
Et pour ce qui concerne la réalisation, là où Fincher avait été accusé d’en faire trop sur Panic Room et de privilégier la forme sur le fond, ici c’est exactement l’inverse qui se produit. Zodiac est certainement le film de David Fincher pour lequel il s’efface le plus derrière la caméra et où sa « patte » se fait le moins sentir. Si le thème le nécessitait peut-être, pour ma part j’ai quelques regrets de n’avoir pas retrouvé un peu plus au cours du métrage le talent si spécial du réalisateur fascinant qu’il est.
À vous donc, de voir ce que Zodiac vous inspirera.