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Avant de lire les notes que je fais sur les films que je vois et les bd que je lis, sachez que dans mes commentaires il m'arrive parfois de dévoiler les histoires et les intrigues. Ceci dit pour les comics, je n'en parle que quelques mois après leur publication, ce qui laisse le temps de les lire avant de lire mes chroniques.
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25 avril 2007 3 25 /04 /avril /2007 07:27

« … Non je ne regrette rien, ni le bien qu’on m’a fait, ni le mal, tout ça m’est bien égal […] c’est payé, balayé, oublié, je me fous du passé. »

C’est bien sûr Édith Piaf qui chantait ça, même les plus hermétiques à la chanson française connaissent je pense.

Non, rien de rien, non je ne regrette rien...
Si je mets cet extrait en introduction, c’est parce qu’on dirait que cette idée s’est généralisée, que le credo « ni remords, ni regrets » (au passage, c’est aussi le titre d’une chanson de l’helvète Stephan Eicher) est devenu le seul valable, la règle imposée.

Je le comprends d’autant moins que ce n’est absolument pas ma vision de la vie.Je ne suis pas encore (trop) vieux, et pourtant à tout juste 32 ans des regrets j’en ai déjà, et certains me poursuivent depuis belle lurette.

La vie de tout un chacun est parsemée de moments-clés, ces instants où l’on se retrouve à une intersection qui impose de faire un choix qui va modeler le reste de son existence. Et qu’on le veuille ou non, on ne fait pas toujours le meilleur choix. On peut se tromper, faire fausse route, c’est humain. Au-delà même des choix qui s’avèrent catastrophiques, il y a aussi ceux qui ne mènent pas forcément à l’échec mais qui restent cependant peu fructueux. Ceux qui amènent à se demander avec une certaine nostalgie mêlée de curiosité ce qui se serait passé si on avait bifurqué dans une autre direction.

Pour ma part j’ai une qualité qui parfois se retourne contre moi. J’ai une très bonne mémoire. Évidemment ça a ses bons côtés : ça m’a bien aidé tout au long de ma scolarité par exemple, et ce n’est pas inutile non plus au Trivial Pursuit !  J’arrive à retenir sans trop d’effort les noms d’obscurs seconds rôles de séries B juste parce qu’ils m’ont plu, je me souviens des péripéties que vivent les personnages de Santa Barbara au cours des 2137 épisodes que compte ce soap qui a bercé ma jeunesse (shame on me, je sais, je sais…), je suis capable de raconter par le menu la majeure partie des dizaines de comics mensuels que j’ingurgite depuis mes 10 ans…

Cela étant dit, je n’ai pas une mémoire encyclopédique non plus, je me suis pas de ces surdoués qui possèdent une mémoire photographique ou de ces hyper-mnésiques qui retiennent jusqu’au moindre détail chaque seconde de leur vie.
Mais tout ce qui me touche, me plaît, m’interpelle de près ou de loin, j’ai des facilités à le retenir. Depuis la plus absurde futilité jusqu’aux moments charnières, les plus importants.
Et quand je dis que cette mémoire peut se retourner par moments contre moi, c’est quand justement je suis incapable d’oublier ce qui devrait l’être pour avancer sereinement. Avoir des tonnes de souvenirs joyeux et revigorants c’est une bénédiction, mais la contre-partie à payer pour moi c’est de ressasser et vivre aussi continuellement avec mes échecs passés, mes peines, mes hontes et mes remords.

Je ne suis ni le pire ni le meilleur des hommes, la question n’est pas là, mais j’ai eu parfois des raisons de m’en vouloir sérieusement. Et si j’arrive à pardonner (vieux reste d’une éducation trop emprunte de judéo-christianisme ?), il n’est qu’une personne qui ne trouve pas d’excuses à mes yeux : moi-même. Du coup, mes biens aimés souvenirs nourrissent aussi mes regrets, c’est inéluctable. J’ai toujours fonctionné ainsi.

Régulièrement, à la classique question « Si vous pouviez recommencer, que changeriez-vous à votre vie ? », j’entends l’invariable réponse « Rien, je referais tout à l’identique, y-compris les erreurs, parce que ce qu’on apprend de nos erreurs forme notre personnalité ».
Et tout le monde s’acharne à répondre ça, comme si répondre autrement serait s’injurier soi-même. Il ne faut surtout pas avouer ses échecs, faire comme si ce n’était pas grave, jouer celui qui surmonte tout parce que sinon cela nous condamne (même si c’est inexact) à l’image de celui qui a « raté sa vie ».

Regrets interdits !!
Parfois j’en viens à me demander si dans la réponse toute faite de ceux qui ne regrettent rien, il n’y a pas une sorte de fuite en avant éperdue, une forme d’auto-persuasion qui tiendrait presque du réflexe de survie. Croient-ils vraiment viscéralement en ce qu’ils disent, ou est-ce une façon de se persuader soi-même en se positionnant comme celui qui assume tout avec le sourire aux lèvres face aux autres ?

Entendons-nous bien : ma vie n’est pas un supplice, ce texte n’est pas un apitoiement sur moi-même, n’allez surtout pas vous imaginer je ne sais quoi. Je sais faire la part des choses et jamais je n’oserais me faire passer pour quelqu’un à plaindre. Comme tout un chacun j’ai connu des bonheurs et des malheurs, et si je devais en tirer un bilan, ce serait mentir que d’affirmer que pour moi la balance de la vie a penché du mauvais côté. Je suis conscient de mes chances, loin de moi l’idée de vouloir jouer les victimes et les pleureuses à deux sous. Mais là n’est pas mon propos.

Ce que je ne comprends pas, c’est cette façon quasi-généralisée de verser dans l’optimisme béat. Quoiqu’il arrive, de toujours positiver, quitte à nier les réalités peu reluisantes, ou à minimiser leur importance. Le positivisme forcené (mais je pourrais dire la même chose du négativisme du reste) me dépasse, me fatigue, m’agace.

Faut-il donc être un optimiste inébranlable toute sa vie, sous peine de basculer dans la catégorie « losers » ? Avouer un échec, avouer un regret et admettre l’importance de nos actes manqués nous met-il forcément sur la touche, loin des bienfaits d’une société qui va toujours de l’avant, où un regard en arrière est considéré comme une faiblesse ?
N’y a-t-il donc pas de place pour l’objectivité ? Être vraiment objectif sur soi-même est certes difficile, mais faut-il pour autant céder à la facilité de ne jamais rien regretter ?
J’ai souvent l’impression que le fait de ne justement « jamais rien regretter » est présenté comme une grande force de caractère, un grand courage. Je le vois pour ma part comme l’exact inverse : pour moi c’est d’admettre qu’on a été mauvais, nul, triste, méprisable qui est une force, pas de le nier ou le passer sous silence. L’angélisme et le défaitisme ne sont que deux faces d’une même pièce, et sont aussi vains et dangereux l’un que l’autre.

Oui, j’ai d’immenses regrets et d’immenses hontes. Et si j’ai honte de certains de mes actes, une chose dont je n’ai aucunement honte, quitte à m’exposer à l’incompréhension de certains, c’est d’avoir des regrets justement.
(et tant pis si cette phrase est compliquée, alambiquée et bourrée de répétitions !)

J’ai commencé ce texte avec un extrait de chanson, je finirai donc de même. Voici donc une phrase qui me poursuit partout où je vais, qui fait certainement parti des valeurs les plus ancrées en moi, et qui illustre parfaitement ma vision de la vie (attention, je sors les grands mots…).
Cette phrase toute bête mais chargée de sens, je la dois comme beaucoup d’autres choses d’ailleurs à un artiste qui compte énormément pour moi, Bernard Lavilliers.
Vous connaissez peut-être déjà, elle est extraite de Nord - Sud, je vous la livre :

« Alors écoute : tout s’arrange toujours. Même mal… »

En quelques mots, tout est dit.
Alors écoute : tout s'arrange toujours. Même mal. 

 

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commentaires

S
Pierig >> L'idée d'assumer son passé est intéressante et mérite d'être développée. Si par assumer tu veux dire "voilà objectivement ce que j'ai fait" je te suis, si tu entends le verbe assumer dans un sens plus proche de "voilà ce que j'ai fait et on s'en fout c'est du passé", là je dirais non.<br /> L'argument qui consiste à dire que du négatif peut naître du positif est encore plus intéressant quant à lui. Parce qu'il est parfaitement exact. Mais ça ne suffit pas à mes yeux. En effet, pour commencer ce n'est pas une règle stricte, il faut mettre l'accent sur le "peut" de la phrase (du négatif peut naître du encore plus négatif) mais surtout on peut le retourner contre lui-même : si ce qui s'est mal passé c'était bien passé, qui dit qu'aujourd'hui les répercussions ne seraient pas encore plus positives qu'elles ne l'ont été ? bref, tout cela reste très hypothétique et conceptuel, mais j'aime bien de temps en temps, même si ça ne mène pas forcément quelque part ;o). L'idée c'est qu'il n'y a certainement pas de vérité définitive sur ce sujet.<br /> <br /> Stella >> Merci pour le qualificatif philosophique ! :o) Mais c'est peut-être un peu exagéré... Quant aux remords (proches des regrets tout de même) que tu donnes en exemple, je te comprends. Le tout est d'arriver de temps en temps à penser à autre chose, sinon effectivement c'est éreintant !<br /> <br /> Rico >> Tout le monde sait qu'il ne suce pas que des glaçons le père Bernard hein... ;o) Tu touches du reste du doigt le noeud du problème : toute la question est de trouver le juste équilibre... (ou l'équilibre juste comme dirait ta copine Ségo !).<br /> Chaussée aux moines.<br /> <br /> Mooutche >> Ce que tu dis est tout à fait juste : se servir du passé pour préparer l'avenir est une réponse tout à fait pertinente. Mais il n'empêche que certaines choses resteront immuables une fois passées. Il m'arrive, sans entrer dans les détails, de regretter des paroles que j'ai eues envers des personnes, ou des actes, qui sont dites, faits. On ne peut revenir en arrière et c'est là qu'est le vrai regret. Et ça tu es bien obligé de vivre avec. Je sais que sans exemple concret c'est parfois plus compliqué de bien se faire comprendre, mais comme il ne s'agit pas d'une séance de psychothérapie mais juste d'un article de blog je ne développerai pas d'exemples personnels ;o)<br /> En revanche, ce texte n'avait surtout pas pour vocation de rendre triste qui que ce soit !! Il n'est absolument pas à prendre en ce sens je te l'assure.<br /> <br /> ChrisMic >> "L'erreur serait de penser qu'il est possible de faire toujours le bon choix". Là tu touches toi aussi un point important. Et ma foi, tu es bien plus sage que tu ne le crois.<br /> <br /> Myriam >> la question de l'intérêt (ou du manque d'intérêt) des regrets a peut-être différentes réponses selon les personnes en effet. Pour ma part elle est claire : renier un regret c'est renier une part de soi. Les regrets sont donc une part importante, et incontournable, de ma personnalité (tu remarques que je parle pour moi). Mais pas de méprise : ce n'est certainement pas (j'espère jamais) la part principale de ma personnalité. Ils sont là, c'est tout. Et paradoxalement aux yeux de ceux qui les fuient, moi je les défends. Leur existence est légitime, je le pense très sincèrement. C'est en partie ce que je voulais dire ici : aujourd'hui on dirait qu'avoir des regrets est une tare. Moi je dis, et je répète, persiste et signe, que non. Définitivement non. Pour le pire comme pour le meilleur.<br /> <br /> à tous >> vous m'avez épaté par la pertinence de vos commentaires. Pas un seul n'a relevé que je connais Santa Barbara sur le bout des doigts pour se moquer de moi !!! :o)
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M
Je te comprends bien... Mais j'imagine que ceux qui se disent sans regrets pensent qu'ils ne servent à rien puisque l'histoire ne peut être refaite.<br /> Donc, vivons avec nos regrets, mais ne les laissons pas prendre toute la place...<br />  
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C
Houla... Tant de chose à dire, tant de chose à faire et si peu de temps... Mon petit Stéphane... Je peux t'app... non... bon alors Stéph : moi qui suis bien plus vieux que toi, (pas forcement plus sage), voilà ce que je peux te dire : Tu sembles avoir des regrets de n'avoir pas fait ce qu'il fallait au moment où il le fallait... Mais, pas de remords ? d'avoir fait des choses que tu n'aurais pas du faire ? C'est donc que tes actes "manqués" ne le sont déjà pas tant que cela... L'erreur serait de penser qu'il est possible de faire toujours le bon choix... Mais l'erreur est humaine et avoir le choix... heu c'est bien. Mais je ne voudrais pas habituer les lecteurs à mes réflexions philosophiques et comme le dis si bien Shower : On peut se tromper ! Et c'est avec sa trompe que l'on mange...
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M
C'est vrai que les erreurs de parcours te construisent et font de toi ce que tu es. Après, de là à dire qu'on ne regrette rien, c'est autre chose. Un peu comme tu l'écris je ne sais pas vraiment si une personne qui affirme n'avoir aucun regret est completement sincère (si oui, elle a beaucoup de chance). Je pense que c'est humain de se demander si on a fait le bon choix à tel moment. C'est une sorte de curiosité qui pousse (parfois jusqu'à la "torture" mentale) à tout remettre en question... Et si ?... <br /> Pour autant, je me dis que parfois c'est "agréable" de pouvoir "oublier", de profiter simplement du présent... C'est dur, mais c'est également très dur de se retrouver en "spectateur" de sa vie et de se demander continuellement ou et avec qui on pourrait être si on avait fait les choses autrement...<br /> Maintenant, c'est aussi une part "d'honneteté" envers moi-même que de reconnaitre qu'il y a des choses que j'aurais aimé différentes, le tout est d'arriver à s'en servir pour progresser et à en faire une force plutôt qu'une faiblesse. Même si c'est loin d'être évident.<br /> Voilà, ce texte me rend un peu triste.
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R
En même temps, comme le montre la photo, Lavilliers il avait déjà deux trois ballons de rouge dans le groin quand il a pondu ça... Naaan, j'déconne.<br /> Moi je suis comme toi, je n'hésite pas à prendre conscience des regrets que j'ai dans la vie. Ca ne sert à rien de les nier. Pour autant, je ne crois pas que les gens qui disent ne rien regretter se voilent systématiquement la face. Une partie d'entre eux a simplement une vie intérieure moins riche, ce ne sont pas des gens en questionnement comme tu peux l'être. C'est bien que tu soies ainsi, à condition que tu ne te pourrisses pas la vie outre mesure.. Comme dirait l'autre (Stéphan Eicher, encore lui), le présent c'est déjà le passé, alors vivons dans le futur.<br /> Amen.
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S
Voici un article quasi philosophique qui mérite réflexion ! En ce qui me concerne, ce qui me vient à l'esprit, comme ça, tout de suite, c'est que j'ai plus de remords que de regrets. Je suis du genre à m'auto-torturer l'esprit au sujet de tout ce que j'ai mal fait et des conséquences néfastes que cela pourrait avoir. C'est épuisant. Allez zou, je vais de ce pas m'acheter un nouveau cerveau ;)
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P
Oui, je te comprends. Je réagis un peu de la même manière que toi. Je pense que c'est moins grave un positivisme exacerbé qu'un négativisme poussé. Il faut positiver pour avancer dans la vie. Un élément de réponse réside sans doute dans le fait qu'on ne peut changer le passé (on peut donc regreter des choses mais on peut rien y faire donc autant rester positif). C'est aussi une manière d'assumer son passé. Enfin, il y a des événements positifs qui découlent d'éléments plus négatifs. Changer ces derniers risquent bien de modifier des choses plus positives qui ont une incidence importante encore aujourd'hui. Bref, c'est pas simple. Alors moi je répondrai que je ne changerai rien à mon passé même si certains passages sont peu reluisant.
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