Ce qui m’a tout de suite attiré dans ce livre, c’est le thème qu’il aborde : les enfants de Cléopâtre. Si la Reine d’Égypte est restée dans l’histoire et la mémoire collective, mémoire régulièrement alimentée par des films, livres, BD ou séries la mettant en scène, il n’en est pas de même de sa descendance. Elle a pourtant eu quatre enfants. L’aîné, Ptolémée-César dit Césarion, est le fruit de son union avec Jules César du temps de sa splendeur. Après la mort de l’empereur romain, celui qui a été l’un des plus fidèles généraux de César, Marc Antoine, va prendre sa suite en régnant sur l’Orient, qui lui est dévolu dans le cadre du Triumvirat. Cléopâtre et l’Imperator d’Orient entament alors une longue liaison dont naîtront trois enfants : les jumeaux Alexandre Hélios et Cléopâtre Séléné d’abord, puis Ptolémée Philadelphe.
C’est le destin de ces quatre enfants et tout particulièrement celui de Séléné qui sera la seule de la fratrie à survivre à l’affrontement qui va opposer son père Marc Antoine à Octave pour le pouvoir complet sur Rome et ses provinces, que nous conte Françoise Chandernagor dans Les enfants d’Alexandrie.
Ce qu’il faut savoir avant toute chose, c’est qu’il s’agit ici du premier tome d’une trilogie dont le personnage central est Séléné. Dans cette première partie donc, l’auteure évoque l’enfance de cette fratrie au sein des palais royaux d’Alexandrie, entourés des esclaves, eunuques, nourrices et pédagogues dévolus à leur éducation. Ces enfants sont des enfants rois, et en pleine Antiquité cela veut dire que malgré leur âge ils sont déjà souverains de différentes contrées, promis à des mariages arrangés avec d’autres familles royales de l’époque et soumis à de nombreuses contraintes et protocoles à suivre du fait de leur rang. Françoise Chandernagor dresse le portrait de ces enfants qui n’en sont pas vraiment, et nous plonge dans une époque, avec ses croyances et ses coutumes, qui n’a que très peu de choses en commun avec la nôtre. Ce premier tome se termine alors que Séléné n’a que dix ans, se concluant en même temps que sa vie égyptienne. Octave ayant triomphé contre les troupes de Marc Antoine, alors que ce dernier ainsi que Cléopâtre se sont donné la mort, Séléné va être ramenée, telle un trophée de guerre, par Octave à Rome où elle terminera son enfance (dans le second tome donc).
Françoise Chandernagor nous fait suivre aussi bien le quotidien des enfants que la vie de leurs illustres parents, si bien que dans ce premier tome de la trilogie, il n’y a pas réellement de personnage central, Séléné n’étant pas plus mise en avant du récit que les autres enfants ou leurs parents.
Ce qui est très intéressant c’est le mélange entre l’érudition du livre d’histoire et le romanesque de la vie des Ptolémée. Ce livre, qui est un roman, oscille sans cesse entre les deux. Son auteure le confesse d’ailleurs en postface, si son œuvre est extrêmement documentée et qu’elle a mis beaucoup de soin à respecter la réalité historique (du moins ce que l’on en connaît), il reste de très larges « zones blanches » qu’il lui a fallu combler, et c’est là qu’interviennent ses talents de romancière. Elle explique et défend ses choix et les libertés qu’elle a été obligée de prendre pour palier le manque de connaissances historiques dans certains domaines et pour quelques situations. Le roman et l’histoire se côtoient donc, mais de très belle et passionnante manière, pour offrir une version des faits à la fois plausible et réaliste mais aussi humaine et accessible.
Moins grand spectacle mais certainement bien plus proche de la réalité historique que ce qu’on a pu voir par exemple dans la sublime série Rome de HBO il y a quelques années (honteusement stoppée à sa seconde saison alors qu’elle promettait tant de belles choses encore à venir…), c’est pourtant bien avec en tête les visages des comédiens de la série que j’ai lu toute la partie concernant la relation entre Cléopâtre et Marc Antoine (Lyndsey Marshall et le génial James Purefoy respectivement dans ces rôles).
Sans avoir été complètement emballé par le texte de Chandernagor, ce fut pour moi une très agréable lecture, intéressante et instructive pour qui s’intéresse à cette période de l’Antiquité. Qui appelle à n’en pas douter à se plonger dans le second tome de la trilogie de La Reine oubliée.