Après le succès des deux premiers opus des aventures sur pellicule des mutants vedettes de la Marvel , le troisième et dernier volet de la trilogie débarque en grandes pompes dans les salles (présentation hors compétition à Cannes et promotion assurée par les stars du film). Bien qu’au départ la version cinématographique des X-Men n’était pas prévue sous la forme de trois films, le succès public aidant, les producteurs Avi Arad et consorts ont succombé à la mode actuelle des trilogies. Et force est de constater que les films se suivent et s’imbriquent correctement, avec suffisamment de cohérence pour former un tout relativement homogène dont chaque partie reste visible indépendamment des autres.
On retrouve donc les X-Men quelques temps après la fin du deuxième volet. Cyclope ne se remet pas du décès de Jean Grey, Tornade et Wolverine ont pris sa suite à la tête du groupe et de l’école pour jeunes surdoués du Professeur Xavier. L’intégration des mutants parmi les humains « normaux » est de plus en plus difficile et le racisme « génétique » se fait plus présent et virulent. Dans ce contexte, l’annonce par l’industriel Warren Worthington II et le docteur Rao, selon lesquels la condition de mutant n’est pas une évolution naturelle de l’homo sapiens mais une maladie, fait l’effet d’une bombe, d’autant qu’est annoncée dans la foulée la découverte d’un vaccin capable de faire redevenir humain n’importe quel mutant.
Au sein même de la communauté mutante, la nouvelle est diversement accueillie. Il y a ceux qui rejettent cette idée, prônant leur droit à la différence, et ceux pour qui ce vaccin apparaît comme une solution à leurs problèmes d’intégration, voire même une véritable libération pour ceux qui connaissent des mutations « handicapantes » ou problématiques.
Magnéto et sa confrérie des mutants ne tardent pas à prendre la tête du mouvement anti-vaccin et voient là une occasion supplémentaire de donner le pouvoir à l’Homo Superior au détriment de l’Homo Sapiens. Les X-Men quant à eux sont partagés : ils ne désirent pas renier leur condition de mutants, mais refusent de laisser Magnéto s’en prendre aux humains. La réapparition surprise d’une Jean Grey mystérieusement ressuscitée et dotée d’une double personnalité répondant au nom de Phénix vient encore ajouter à la confusion ambiante…
Scénaristiquement, X-Men 3 développe la confrontation mutants / humains qui reste la thématique principale du comics depuis toujours. Pour ce faire, les scénaristes reprennent en partie une intrigue récente de la série Astonishing X-Men, l’idée de Josh Whedon selon laquelle on peut « guérir » les mutants grâce au vaccin du docteur Rao.
Succédant à Bryan Singer parti à la concurrence pour mettre en scène le nouveau Superman Returns, c’est Brett Ratner qui dirige ce troisième opus. Le départ de Singer avait été un coup dur pour les fans des deux premiers films, car le réalisateur avait réussi à convaincre aussi bien les amateurs du comic d’origine que les amateurs de cinéma par ses qualités et sa capacité à transposer à l’écran les super-héros considérés comme difficilement adaptables tels que Wolverine ou Diablo par exemple. L’arrivée sur le film de Brett Ratner avait même fait craindre le pire, car en comparaison de Bryan Singer, le réalisateur des deux Rush Hour et de Dragon Rouge faisait bien pâle figure pour ne pas dire plus…
C’est donc avec la crainte que Ratner ne dénature ce que Singer avait réussi à construire que je suis allé voir le film. Et finalement je dois avouer que Brett Ratner s’en sort plutôt pas mal. Bien sûr il n’a pas la vision et la classe naturelle de Bryan Singer, mais il est loin de déshonorer le matériau d’origine. Certes les personnages sont moins développés que dans les précédents épisodes, et l’accent est mis sur les scènes d’action et les affrontements entre mutants. Mais tout bien considéré, Ratner peut se permettre, sans que cela nuise trop au film, d’être moins axé sur la psychologie des personnages puisque ceux-ci ont déjà été présentés et développés précédemment par Singer. Malgré tout, les nouveaux personnages introduits ici en pâtissent quelque peu. Parmi eux, seul le Fauve, alias Hank McCoy, ministre délégué aux affaires mutantes tire bien son épingle du jeu, alors que Kitty Pryde et Colossus (qu’on avait déjà aperçus dans les précédents volets), Angel, Madrox, le Fléau, Callisto (dans des versions plus ou moins éloignées de celles du comic) sont très sommairement présentés et développés.
Question rythme, on sent que Ratner veut jouer avant tout la carte de l’action, et on a droit à plusieurs scènes qui permettent de voir les personnages user et abuser de leurs super-pouvoirs, ce qui je l’avoue m’a réjoui. C’est bien fait, pas génial mais efficace (sauf à mon avis la scène d’introduction des X-Men dans la salle des dangers qui est très décevante : on espérait une scène d’anthologie où l’on verrait à la fois la fameuse salle d’entraînement des mutants et un mythique robot Sentinelle, et à l’arrivée on se retrouve avec quelques éclairs, quelques explosions et une pauvre tête de robot en ferraille pas bien impressionnante, bref, avec trois fois rien…).
On peut aussi déplorer quelques raccourcis gênants et/ou illogiques : la scène où Magnéto disparaît de la maison des Grey par on ne sait quel tour de passe-passe avec tous ses acolytes et Phénix, ou encore la nuit qui tombe sur Alcatraz plus vite qu’il ne faut pour le dire !
Au chapitre des déceptions, j’ajouterais également la sous-utilisation du personnage de Malicia (c’était déjà le cas dans le précédent film), le manque de charisme de Colossus (même quand il balance Wolverine comme un obus dans la bataille), l’utilité très anecdotique de Angel dans l’intrigue et surtout la disparition de l’effectif des X-Men du pourtant très réussi Diablo, qui m’avait vraiment enchanté dans le second épisode.
Du côté positif, je retiendrais avant tout un bestiaire élargi de mutants, même si certains sont des versions très librement revisitées de leurs équivalents papier. L’intrigue autour du Phénix est elle aussi assez éloignée de celle du comic, mais reste à mon avis cohérente et plutôt bien menée (et je trouve Famke Jansen en Phénix visuellement très réussie). Les effets spéciaux restent de bonne facture, et je ne peux réprimer un plaisir un peu enfantin à chaque fois que je vois les personnages utiliser leurs pouvoirs si extraordinaires, qui avaient tant marqué mon esprit de jeune lecteur des X-Men à l’époque où je les lisais religieusement dans Spécial Strange… Cela reste évidemment une réaction très personnelle et éminemment subjective j’en suis conscient, mais rien que pour ça, voir les X-Men sur grand écran est à chaque fois très excitant pour moi.
Le dernier point positif que je veux évoquer ici (mais j’ai cru comprendre qu’il n’est pas considéré comme tel par tous les amateurs des X-Men), c’est la liberté prise par les scénaristes en ce qui concerne la destinée de certains personnages. En effet, il semble acquis aujourd’hui qu’il n’y aura pas de quatrième film dédié aux X-Men (par contre un film consacré à Wolverine avec quelques guest-stars mutantes est d’ores et déjà sur les tablettes des producteurs), et de ce fait certains personnages principaux sont sans vergogne sacrifiés et connaissent des fins tragiques (je vous laisse découvrir lesquels). Non seulement ça rajoute un côté sombre à l’histoire, mais à mes yeux cela permet de gagner en crédibilité (des gugusses qui se battent à longueur de film à coup de super-pouvoirs terrifiants et qui s’en sortent toujours tous sans le moindre problème, ça lasse à force et surtout ça manque d’intérêt). Je trouve que cette liberté scénaristique par rapport au comic d’origine est ici bienvenue, et sert parfaitement l’intérêt du film, même si cela insupporte les allergiques aux adaptations qui ne sont pas d’une fidélité parfaite.
Pour conclure, je dirais que X-Men 3 n’est pas le film de l’année. Je pense même qu’il est inférieur au deux premiers films de la trilogie mutante. Cependant il est et reste un film spectaculaire et divertissant, qui reprend à son compte les meilleurs moments du comic d’origine tout en les adaptant intelligemment sur l’écran. Je sais que je suis certainement plus indulgent à son égard que je ne le serais avec d’autres, tout simplement parce que les X-Men sont des monuments inébranlables de ma jeunesse. Mais bon, ce n’est pas grave, j’assume :o).