Voilà un film à l’origine pas banale.
Il y a quelques années, Quentin Tarantino et Robert Rodriguez s’étaient acoquinés pour produire Grindhouse : l’association de deux longs métrages (Planète Terreur plutôt réussi par Rodriguez et Boulevard de la Mort, certainement le film le plus mollasson de Tarantino). Entre les deux (en France les deux films – assez courts - sont sortis individuellement, alors qu’au départ le concept était d’en faire une seule et même séance), il y avait également de « fausses bandes annonces » sous forme de bons gros délires, dont celle mettant en scène un Danny Trejo survolté dans un rôle tout à sa mesure : Machete. Autant dire que ça découpait sévère.
Pour être parfaitement honnête, de tout le programme Grindhouse, la BA de Machete était certainement ce qu’on pouvait y trouver de plus enthousiasmant et de plus pêchu. Ce qui n’échappa pas à Robert Rodriguez, qui devant l’engouement des spectateurs s’est mis en tête d’en faire un vrai film de cette fausse bande annonce. Et quelques années plus tard, voici donc Machete…
Le dit Machete (Danny Trejo donc, une des gueules les plus burinées et cassées des séries B américaines de ces quinze dernières années) est un agent fédéral du Mexique. Si si, sans déconner. Je sais, ça se devine pas au premier coup d'oeil... Sa réputation est celle d’un incorruptible et surtout d’un flic sans pitié. Il se retrouve souvent seul contre les truands mais aussi les flics ripoux de son entourage. En s’attaquant au parrain local Torrez (Steven Seagal) il va tout perdre, le mafieux le laissant pour mort après avoir tué sa femme. Quelques années plus tard (ne demandez pas comment ni pourquoi, ça fait partie des mystères scénaristiques du film) il se retrouve au Texas, où il est embarqué dans une sombre affaire d’assassinat politique dont la victime n’est autre que le sénateur McLaughlin (Robert De Niro). Le prenant pour le bouc émissaire idéal, les commanditaires de cette arnaque ne savent pas à qui ils ont à faire ! Machete va reprendre du service pour prouver son innocence et faire payer les vrais coupables, naviguant entre les ordures de la pire espèce, depuis le roublard Benz (Jeff Fahey) jusqu’à l’inquiétant garde frontière Stillman (Don Johnson), tout en ayant la police de l’immigration sur le dos en la personne de la belle Sartana (Jessica Alba). Mais Machete a aussi des alliés, dont son propre frère (ça tombe bien, il crèche à côté si j'ose dire) qui est un Padre pas banal (Cheech Marin) et la sexy révolutionnaire Luz (Michelle Rodiguez) une sorte de Che au féminin (qui en plus tient une barraque à frites, le bonheur des yeux et de l'estomac en quelque sorte) …
Bon disons-le simplement, c’est du grand n’importe quoi, du début à la fin. Personnages ultra-caricaturaux, situations rocambolesques, péripéties improbables, motivations nébuleuses, Rodriguez passe en revue tous ses fantasmes de gamin décérébré et les mets en images pour son plus grand plaisir. Alors dans le tas il y a de bonnes choses. Le Padre adepte des armes et du chichon façon barreau de chaise, c’est fendard. Les coups de machette qui découpent bras et têtes dans une belle chorégraphie bourrine, c’est sympatoche. Revoir enfin sur grand écran Steven Seagal alias Saumon Agile dans un rôle de gros, pardon, grand méchant qui s’écoute causer ça fait partie des bonnes surprises du film. Et puis Machete juché sur sa Harley, projeté dans les airs sous l’effet d’une énorme explosion tout en canardant joyeusement ses ennemis de sa grosse pétoire, ou encore Machete dans une piscine avec deux bonnasses (en l’occurrence la fille et la femme de Benz, Lindsay Lohan et Alicia Rachel Marek) totalement nues qui en veulent à sa puissante virilité, sont deux scènes totalement icôniques et cultes dans lesquelles cette vieille trogne de Danny Trejo prend visiblement son pied et qui justifieraient presque à elles seules tout le reste du film.
Mais bon voilà, tout ça manque cruellement d’intérêt et de liant. C’est bien plus que de la série B, on nage en plein Z, en plein nanard, chose qui soit dit en passant est parfaitement recherchée et revendiquée comme telle par le réalisateur et les acteurs. Ce qui est plutôt louable en fait, en tout cas pour moi ça part clairement d’un bon sentiment ! j’ai toujours été un grand sensible à toutes ces zèderies qui mélangent allègrement humour limite et action à gogo (quel bon goût j’ai, n’est-ce pas ?). Sauf que là où ça me dérange pour ce film précisément, c’est qu’on sent que le truc est bourré de thunes, déborde d’effets spéciaux qui coûtent la peau des roubignolles, bref que le film est tout sauf fauché. Or, ce qui fait aussi le charme de ces zèderies sans nom la plupart du temps, c’est qu’on sent que c’est fait avec l’énergie du désespoir, la débrouille du type qui n’a rien d’autre qu’un fumigène et deux pétards pour montrer une explosion nucléaire, l’amour du genre qui fait que le réalisateur préfèrera se sectionner une couille plutôt que de couper une scène pourrave mais à laquelle il croit. Enfin à mes yeux hein.
Et c’est là que ça coince avec Machete. Machete c’est le jouet d’un enfant gâté du cinéma à qui on a dit « lâche-toi, dépense tout et fais nous marrer » et qui du coup se sent contraint à une obligation de résultat. D’où un palpable manque… d’âme, bien que quelques bonnes idées et scènes réussies parviennent ça et là à donner le change. Et ça se sent même avec les stars qui viennent cabotiner, De Niro et Don Johnson en tête : on dirait qu’elles n’attendaient que ça, qu’un réalisateur leur file un truc bien trash où ils pourraient péter un câble en direct et un peu sortir de leur image figée de star intronisée de Hollywood. Sauf que du trash sur commande c’est un peu comme le Canada Dry, ça a le goût, ça a la couleur… mais c’est pas du vrai trash. Tiens ça me fait penser, ça existe encore le Canada Dry ?